Dragée
La dragée est une confiserie généralement constituée d'un noyau dur enrobé de sucre. Les dragées sont traditionnellement offertes à l'occasion de baptêmes, de mariages ou de communions et présentées dans de petits récipients appelés bonbonnières ou drageoirs.
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On lançait jadis des dragées de petite taille durant certaines fêtes, ce qui fait qu'en français le nom des boulettes de plâtre puis des petits morceaux de papier qui leur ont succédé signifie « dragées » en italien : confetti[1].
Histoire
Les origines de la dragée sont diverses :
En grec ancien, le mot τράγημα / trágêma (tragemata en latin) signifie « friandise », et désigne un mets servi à la fin du repas, en guise de dessert. On en trouve aussi des traces à l'époque romaine (vers ), puisque Julius Dragatus, confiseur de la famille des Fabius, l'aurait inventée pour le baptême du fils d'un patricien romain, en laissant accidentellement tomber une amande dans une jarre de miel[2],[3]. Cette hypothèse est douteuse car le baptême chrétien n'existait pas encore à cette époque. Peut-être s'agissait-il de mikvé, mais l'existence d'un patricien juif en paraît peu probable.
La dragée aurait également pour ancêtre une friandise appelée diagragum, fabriquée au Moyen Âge à partir de la sève d'un arbre d'Anatolie.
En France, elle est créée en 1220 par un apothicaire (les seuls autorisés à faire commerce du sucre) de la cité de Verdun[4], qui cherche un moyen de faciliter la conservation et le transport des amandes qu'il utilise. Il a alors l'idée de les enrober de sucre et de miel durcis à la cuisson, faisant de Verdun un important centre de fabrication et le symbole de la ville. Le sucre de canne, rapporté du Moyen-Orient par les croisés, est bientôt favorisé à la place du miel dans la confection des dragées en raison de l'apparence lisse obtenue ainsi[5].
La dragée devient vite une friandise, « une épice de bouche », recherchée notamment pour ses prétendues vertus curatives : bonne pour rafraîchir l'haleine et pour la digestion, elle est surtout réputée pour combattre la stérilité selon la théorie des humeurs[6], d'où sa présence sur les tables françaises à chaque événement familial : mariages, baptêmes, communions, etc. À Verdun, la recette d'origine consiste à enrober de sucre des graines d'anis vert. Elles sont recommandées aux femmes enceintes pour les aider à bien mener leur grossesse à terme.
De Verdun, la dragée se fait connaître en Hollande, à Constantinople et en Russie. Les dragées sont offertes aux magistrats et aux membres de la famille royale. En 1574, Henri III en reçoit à l'occasion de son sacre, ainsi qu'Henri IV, lors de son passage à Verdun en 1603.
Elle est appréciée à la cour de Louis XIV et fait partie des épices de chambre, disposées dans des vases d'or et d'argent appelés drageoirs. C'est la famille de Médicis qui l'introduit dans les grandes cours d'Europe où elle se présente sous la forme d'une praline et peut prendre la forme de graines ou de fruits enrobés de petites confitures sèches au XVIIIe siècle.
En 1750, un confiseur parisien, Pecquet, invente une dragée lisse en faisant cuire du sirop de sucre autour d'une amande dans des bassines qu'il fait tourner toute une journée. Ce dragiste, créateur de la dragée moderne, devient le fournisseur officiel de la Cour au point que Paris détrône la capitale des dragées, Verdun. En 1777, une ordonnance royale retire le privilège du commerce du sucre aux apothicaires pour le remettre aux confiseurs. Le procédé de fabrication est modernisé vers 1840 par Moulefarine qui invente l'ancêtre de la turbine à dragée qui est créée à la fin du XIXe siècle par les confiseurs Peysson, Jacquin et Delaborde. L'ère industrielle sonne la fin des dragistes artisans[6].
On lance encore des dragées au-dessus des mariés à leur sortie de l'église afin de leur porter chance. L'amertume de l'amande alliée à la douceur du sucre symbolise les joies et les peines de la vie. On en offre également aux invités d'un mariage ou d'un baptême. La tradition veut que pour un mariage 5 dragées soient offertes pour 5 vœux : fécondité, félicité, prospérité, santé et longévité[7]. Le nombre impair symbolise également l'indivisibilité de l'union des mariés[8].
Fabrication
Les ingrédients principaux sont des fruits secs, du sucre et de l'eau[9]. Pour la fabrication des dragées, de nombreuses opérations sont réalisées successivement (manipulées 10 fois)[10],[11].
- Les amandes sont triées selon leur taille et leur forme. Elles proviennent généralement de Sicile ou d'Espagne, et sont décoquées à proximité du site de récolte ou en usine après transport.
- L'étuvage des amandes triées se fait dans un local ventilé à 70 °C avec une hygrométrie d'environ 30 %.
- Le gommage des amandes a pour but de recouvrir les amandes d'un film et d'empêcher l'huile de migrer vers l'extérieur. Les amandes sont placées dans des turbines inclinées en rotation, et sont enveloppées à chaud de gomme arabique (acacia), de gomme-laque de blé ou des deux. Un repos de 24 heures est ensuite nécessaire pour que le gommage sèche.
- Le grossissage consiste à recouvrir ces amandes gommées d'une fine couche de sucre vanillé. On utilise un sirop de sucre de concentration relativement élevée. Ce sirop est versé manuellement (à la louche) sur les amandes dans la turbine en mouvement. L'évaporation de l'eau est facilitée par une ventilation air chaud / air froid, pendant qu'un serpentin alimenté de vapeur complète le séchage. Le grossissage nécessite de 30 à 60 charges, suivant l'épaisseur recherchée.
- La mise en couleur se fait à l'aide d'un sirop de sucre moins concentré et des colorants alimentaires autorisés.
- Le lissage est l'étape finale destinée à donner aux dragées leur aspect de porcelaine et une surface parfaitement lisse avec des sirops de sucre aux concentrations décroissantes.
Variétés
Aux XXe et XXIe siècles, on propose également des dragées de même apparence fourrées de chocolat et non d'amande. L'enrobage de sucre peut être blanc, rose, bleu clair, turquoise, etc. Elles sont parfois associées à des petites perles de sucre argent ou or. En Italie, une couleur spécifique est attribuée pour la célébration des anniversaires de mariage[12],[13].
- Blanc pour le mariage, première communion, communion solennelle.
- Bleu ou rose pour le baptême.
- Vert pour les fiançailles.
- Rouge pour les diplômes ou l’anniversaire.
- Rose pour les noces de coton (1er anniversaire).
- Fuchsia pour les noces de soie (5e anniversaire).
- Jaune pour noces d’étain (10e anniversaire).
- Beige pour noces de porcelaine (15e anniversaire).
- Jaune or pour noces de cristal (20e anniversaire).
- Argent pour noces d’argent (25e anniversaire).
- Bleu océan pour noces de perle (30e anniversaire).
- Bleu pour noces de saphir (35e anniversaire).
- Vert pour noces d’émeraude (40e anniversaire).
- Rouge pour noces de rubis (45e anniversaire).
- Or pour noces d'or (50e anniversaire).
- Ivoire pour noces d'ivoire (55e anniversaire).
- Blanc pour noce de diamant (60e anniversaire).
Dragées d'Espagne
Casinos, dans la province de Valence, est le centre producteur plus important de dragées en Espagne, en disposant d'une élaboration traditionnelle. S'y célèbre chaque dernier week-end de novembre la Foire de Dulce Artesano, Peladillas et Turrones de Casinos, de grande popularité à un niveau autonome par la qualité de ses produits[14].
La typologie des peladillas de Casinos est variée, de l'élaboration des peladillas traditionnelles d'amande et du sucre à celles des types distincts de chocolats[15].
Dragées dans la littérature
- Dans Le Tournoi de Chauvency (1285), Jacques Bretel signale qu'on apporte en fin de soirée des dragées aux invités des festivités ;
- dans Les Rois maudits de Maurice Druon (1956), Mahaut d'Artois empoisonne Louis X le Hutin avec une dragée empoisonnée placée parmi les confiseries de son épouse, la reine Clémence de Hongrie[16] ;
- Bertie Crochue, sorcier de l'univers de Harry Potter, est spécialisé dans la fabrication de dragées magiques;
- Les Dragées de sa Majesté (2011) Gribouille Bouille alias Julie Royer, petit roman pour enfant de 6 ans et plus.
Dragées au cinéma
- Dans La Cabine des amoureux (1977), Ugo Tognazzi offre une dragée à deux prostituées (27' 24") ;
Notes et références
- « confetti - Traduction en français - exemples italien | Reverso Context », sur context.reverso.net (consulté le )
- Véronique Dumas, « Les dragées », Historia, , p. 106 (ISSN 0750-0475)
- « L'histoire des dragées à travers les âges - Dragées-Marjole », sur www.marjole.com (consulté le )
- La dragée de Verdun
- « Jolie histoire : le symbole et l'origine des dragées », sur Joli baptême, (consulté le )
- Gilles Pudlowski et Maurice Rougemont, Les trésors gourmands de la France, Renaissance Du Livre, (lire en ligne), p. 85
- « Histoire de la dragée – LEY MAKWELA » (consulté le )
- « Origine de la dragée : histoire et symbole – Dragées Reynaud », sur www.dragees-reynaud.com (consulté le )
- Procédé de fabrication traditionnelle selon la société Dragées Braquier.
- « Histoire de la dragée - Girard Chocolatier », sur www.dragees-girard.com (consulté le )
- « Fabrication d'une dragée », sur Cadeau et Chocolat (consulté le )
- « La dragée », sur www.lesucre.com (consulté le )
- Thomas, « Différentes variétés de dragées mariage », sur Le Futur Marié, (consulté le )
- « Patrimoine culturel immatériel - Fiche », sur www.patrimoinevivantdelafrance.fr (consulté le )
- « Les couleurs des dragées », sur vente de dragées et bonbons (consulté le )
- Les Rois Maudits, Tome III ; Les Poisons de la Couronne par Maurice Druon
Articles connexes
Voir aussi
- Alimentation et gastronomie