Coup d'État de 1954 au Guatemala

Le coup d'État au Guatemala en 1954 est le résultat d'une série d'opérations organisées par la CIA en lien avec la United Fruit Company, en réaction aux réformes agraires du gouvernement du président Jacobo Árbenz Guzmán qui affectaient directement les intérêts de la multinationale américaine – dont Allen Dulles (directeur de la CIA de 1953 à 1961) était actionnaire. Dans le contexte d'un maccarthysme virulent, l’administration Eisenhower craignait l’instauration d’une tête de pont soviétique dans sa zone d'influence sud-américaine conformément à la doctrine Monroe visant à garantir l'absence d'influence étrangère et notamment européenne sur la zone américaine.

L'opération PBSUCCESS de la CIA qui commence en 1953 et prend fin en 1954 avait pour objectif d’armer et former une « Liberation Army » de circonstance d’environ 400 combattants, sous les commandes d’un officier de l’armée guatémaltèque exilé de l’époque, le colonel Carlos Castillo Armas. La CIA prévoyait d'engager le « mouvement révolutionnaire » conjointement avec une campagne diplomatique, économique et de propagande.

Histoire

Causes

Le 8 octobre 1951, l’ambassadeur des États-Unis au Guatemala, John Peurifoy, pensait que le gouvernement représentait une menace pour la sécurité nationale des États-Unis, vu qu’il soupçonnait Arbenz d’avoir un lien avec l’URSS et de vouloir implanter le communisme au Guatemala, mais ce n’était pas le cas. En 1954, Jacobo Arbenz Guzmán avait effectivement voulu donner aux plus pauvres du pays 90 000 hectares de parcelles de terre non cultivée, achetées à la United Fruit Company au prix de $, prix que la compagnie avait déclarée. Dans les négociations avec le gouvernement d'Arbenz, la compagnie affirme que les terres valent 75 $, mais Arbenz reste ferme en plus d'instaurer une taxe d’importation sur les produits[1]. La compagnie ayant des membres de son comité exécutif qui siègent au Congrès, très vite, Arbenz est déclaré comme étant "contre les intérêts américains".

Prémices

L'UFCO voulait cultiver la banane au Guatemala. Voyant qu’elle allait se faire expulser du pays, la multinationale américaine demanda l’aide de la CIA et commença un coup d’État. La CIA fournit des armes à l'UFCO afin qu’elle les remette par la suite aux rebelles de Carlos Castillo Armas. Les troupes d’Armas étaient constituées d’exilés guatémaltèques, de mercenaires d’Amérique latine et de soldats américains.

L’ambassadeur, Peurifoy, ne cessa d’infliger une pression sur le président guatémaltèque pour le faire démissionner. Le Honduras et le Salvador accusèrent le Guatemala de vouloir les envahir, mais Arbenz était plutôt occupé à se procurer des armes pour se défendre des attaques ennemies. Il a tenté de s’en procurer en Europe de l’Ouest, puis en Europe de l’Est. Le , le secrétaire d’État John Foster Dulles annonçait qu’un bateau suédois venant de la Pologne, transportant 2 000 tonnes d’armes et munitions, avait accosté à Puerto Barrios deux jours plus tôt[1]. Dwight David Eisenhower, le président américain à cette époque, ordonna la fouille de tout vaisseau étranger jugé suspect. De plus, Eisenhower mit en place l’opération Hardrock Backer un blocus naval dans lequel chaque bateau ou sous-marin était inspecté et arraisonné[1]. Même si ce blocus naval était jugé illégal à l’égard du droit international, personne ne s’y est opposé. Pour mettre davantage de pression sur Arbenz, le Nicaragua rompait ses relations diplomatiques avec le Guatemala le .

Les États-Unis financent une campagne médiatique très hostile au gouvernement[2].

Juin 1954

Le , les forces de Castillo Armas, qui comptaient quatre-cents hommes, entraient sur le territoire du Guatemala. Leur plan était d’attaquer des cibles près des frontières pour faire croire à une offensive majeure, mais l’échec du plan a été rapidement constaté. Les troupes prenaient trop de temps à se déplacer, donc l’armée gouvernementale n’avait pas de difficulté à mettre leur plan en déroute. Pendant ce temps, Castillo Armas attendait un soulèvement populaire qui était censé le soutenir, mais il n’a finalement pas eu lieu[1]. Le même jour, lors de la réunion populaire qui avait pour but d’appuyer Arbenz, un avion de la CIA a lâché des tracts au-dessus du stade menaçant le bombardement de sites précis si le président Arbenz ne démissionnait pas, des messages semblables ayant été diffusés à la radio.

Le , le lieutenant-colonel Carlos Castillo Armas lance son offensive au Guatemala à la tête de 400 rebelles, aidé par des mercenaires entraînés au Honduras et au Nicaragua par la CIA, et « soutenus par des avions de combat américains pilotés par des Américains »[3]. Les rebelles sont supposés éviter l'armée pour que celle-ci ne réplique pas ; une propagande radiophonique s'efforce de retourner la population. L'échec est rapide : les rebelles, lourdement équipés, mettent plusieurs jours à atteindre leurs objectifs. Constitués de troupes indisciplinées et de faible valeur, ils sont facilement mis en déroute quand ils rencontrent une résistance.

Démission et conséquences

Cependant, le président craint que la déroute des rebelles débouche sur une invasion directe des États-Unis et ordonne à l'armée de laisser les rebelles avancer. La peur d'une intervention américaine conduit une garnison à se rendre aux forces rebelles décimées. Le président décide de démissionner le .

Les jours suivants, plusieurs juntes se succèdent jusqu'à ce qu'Armas prenne la tête du pays. Il se montrera gravement incompétent pour diriger le pays. L’entrée au pouvoir d’Armas a comme conséquences d’annuler la réforme agraire et d'interrompre l’expropriation de l’United Fruit Company, qui récupère l'ensemble de ses terres. Castillo Armas interdit la formation de syndicats, et prive les trois quarts des Guatémaltèques de leur droit électoral en excluant les analphabètes du vote[1]. L'action américaine est vivement critiquée dans la presse étrangère. La CIA envoie une équipe au Guatemala pour établir l'affiliation du régime du Guatemala à l'Union soviétique. Malgré des recherches profondes, aucun lien ne peut être établi.

Commentaire

Noam Chomsky commentait ainsi l'intervention américaine dans une conférence prononcée en 1985 :

« […] nous nous sommes arrangés pour interrompre, en 1954, une expérience démocratique. Il s'agissait pourtant d'un régime réformiste, capitaliste et démocratique, du type new deal, que notre intervention a permis d'éliminer, laissant à sa place un véritable enfer sur terre, probablement le régime de la période contemporaine le plus proche de l'Allemagne nazie[4]. »

Références

  1. Dumais et Languirand 2011.
  2. Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d'Etats modernes et autres tentatives de destabilisation, Don Quichotte, , p. 628.
  3. Zinn 2002, p. 498.
  4. Chomsky 2002, p. 44.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Articles
  • Étienne Dasso, « Aux origines du coup d’État de 1954 au Guatemala : le rôle de la United Fruit Company dans la préparation du soulèvement contre Jacobo Arbenz », L'Ordinaire des Amériques [En ligne], 210 | 2008, mis en ligne le 01 novembre 2015, consulté le 30 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/orda/2667 ; DOI : https://doi.org/10.4000/orda.2667
Ouvrages
  • William Blum, Les Guerres scélérates : les interventions de l'armée américaine et de la CIA depuis 1945, Lyon, Éditions Parangon, , 448 p. (ISBN 978-2-84190-116-6)
  • Noam Chomsky, De la guerre comme politique étrangère des États-Unis, Agone, coll. « Contre-Feux »,
  • Claude Julien, L'Empire américain, Paris, Éditions Grasset, (ISBN 978-2-7158-0484-5)
  • John Prados, Les Guerres secrètes de la CIA : La démocratie clandestine, Paris, Éditions du Toucan, , 842 p. (ISBN 978-2-8100-0115-6)
  • Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Agone,

Images, filmographie

Liens externes

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