Cimetière de Djoulfa

Le cimetière de Djoulfa ou Djougha (en arménien : Ջուղայի գերեզման, en azéri : Cuğa nekropolu) était un cimetière arménien situé à l'ouest de la ville de Djoulfa en République du Nakhitchevan en Azerbaïdjan, sur la frontière avec l'Iran. Ce cimetière abritait la plus grande collection de khatchkars (stèles funéraires) de l'Arménie historique (environ 10 000 au début du XXe siècle, encore 3 000 peu avant sa destruction). Beaucoup de ces khatchkars, en tuf rouge, hauts et étroits, dataient de la fin du XVIe au début du XVIIe siècle et étaient le produit d'une école spécifique.

Le cimetière fut entièrement détruit par l'Azerbaïdjan de 1998 à 2005, et depuis, ce pays nie officiellement non seulement sa destruction[1] mais même qu'il ait jamais existé[2].

Situation

L'ancien cimetière se situait non loin à l'ouest de Djoulfa[3], chef-lieu du raion de Djoulfa en Azerbaïdjan, dans la république autonome du Nakhitchevan (ancienne région historique arménienne du Vaspourakan selon le géographe arménien du VIIe siècle Anania de Shirak[4]), sur la frontière avec l'Iran[5]. Le cimetière couvrait une superficie de 1 600 m2 et s'étendait jusqu'à l'Araxe, sur trois collines[3]. Un camp militaire en occupe aujourd'hui l'emplacement[6].

Cimetière de khatchkars

Ce cimetière était le plus grand cimetière de khatchkars (stèles funéraires) de l'Arménie historique[7]: il en comptait environ 10 000 au début du XXe siècle et encore 3 000 la veille de sa destruction[8]. Beaucoup de ces khatchkars, en tuf rouge, hauts et étroits, dataient de la fin du XVIe au début du XVIIe siècle et étaient le produit d'une école spécifique[9]. Le plus ancien remontait cependant à 1160[10], et d'autres de la fin du XVe siècle[11]. Les plus récents ont été réalisés au XVIIIe siècle[12], date à laquelle les derniers Arméniens de Djoulfa furent déportés à La Nouvelle-Djolfa d'Ispahan par les Séfévides[13],[14].

Destruction

La destruction du cimetière commence durant la période soviétique lorsque l'État, officiellement athée, considérait la religion comme l'« opium du peuple »[17] : le nombre de khatchkars diminue ainsi de deux-tiers, seuls les plus représentatifs de cet art funéraire étant conservés et regroupés (certains rejoignent le musée d'Etchmiadzin). La destruction de ce qui restait par les autorités azerbaïdjanaise débute en 1998 par 800 khatchkars, mais elle est arrêtée à la suite de protestations de l'UNESCO[18]. C'est en 2002 et 2005 qu'intervient la phase finale : le cimetière est entièrement rasé[7] en « une opération de destruction planifiée par le gouvernement d'Azerbaïdjan », filmée et photographiée depuis la frontière iranienne[19]. Cette destruction s'inscrit dans une politique nationaliste d'effacement des traces de la présence historique arménienne au Nakhitchevan[20],[21].

Notes et références

  1. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev qualifie l'accusation de mensonge et de provocation : (en) IWPR staff, « Azerbaijan: Famous Medieval Cemetery Vanishes », sur http://iwpr.net/, (consulté le ).
  2. Selon Hasan Zeynalov, alors représentant permanent du Nakhitchevan à Bakou, « les Arméniens n'ont jamais vécu au Nakhitchevan, une terre azerbaïdjanaise depuis les temps immémoriaux, et c'est pourquoi il n'y a ni cimetières ni monuments arméniens, et il n'y en a jamais eu » - cf.: Sarah Pickman, (en) « Tragedy on the Araxes » [archive], sur Archaelogy du 30 juin 2006 (http://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.archaeology.org%2Fonline%2Ffeatures%2Fdjulfa%2Findex.html consulté le 18 juin 2012).
  3. (en) « The History and Art of the Djulfa Cemetery », sur Djulfa Virtual Memorial and Museum (consulté le ).
  4. (en) Robert H. Hewsen, Armenia: A historical Atlas, The University of Chicago Press, Chicago et Londres, 2001 (ISBN 0-226-33228-4), p. 103.
  5. (en) Jurgis Baltrušaitis et Dickran Kouymjian, « Julfa on the Arax and its funerary monuments », dans Dickran Kouymjian (dir.) Armenian Studies — Études arméniennes in memoriam Haïg Berbérian, Calouste Gilbenkian Foundation, Lisbonne, 1986, p. 9-10 [lire en ligne (page consultée le 18 juin 2012)].
  6. Il y a 5 ans : la destruction du cimetière arménien de Djoulfa
  7. Jannic Durand, Ioanna Rapti et Dorota Giovannoni (dir.), Armenia sacra — Mémoire chrétienne des Arméniens (IVe – XVIIIe siècle), Somogy / Musée du Louvre, Paris, 2007 (ISBN 978-2-7572-0066-7), p. 160.
  8. Jannic Durand, Ioanna Rapti et Dorota Giovannoni (dir.), op. cit., p. 314.
  9. Patrick Donabédian et Jean-Michel Thierry, Les arts arméniens, Éditions Mazenod, Paris, 1987 (ISBN 2-85088-017-5), p. 313.
  10. Jannic Durand, Ioanna Rapti et Dorota Giovannoni (dir.), op. cit., p. 371.
  11. Jannic Durand, Ioanna Rapti et Dorota Giovannoni (dir.), op. cit., p. 370.
  12. (hy+ru+en) Levon Azarian, Խաչքարեր / Хачкары / Armenian Khatchkars, Editions Erebuni, Erevan, 1978 (ASIN B000TD1OSK), p. 31.
  13. (en) A. Shapur Shahbazi, Erich Kettenhofen et John R. Perry, « Deportations », Encyclopædia Iranica, vol. VIII, no 3, , p. 297-312 (lire en ligne)
  14. (en) Vazken S. Ghougassian, « Julfa i. Safavid Period », Encyclopædia Iranica, vol. XV, , p. 217-231 (lire en ligne)
  15. Patrick Donabédian et Jean-Michel Thierry, op. cit., p. 434.
  16. (hy+ru+en) Levon Azarian, op. cit., no 196.
  17. (en) Mark Kirby, Sociology in Perspective, Heinemann, (ISBN 978-0-435-33160-3, lire en ligne)
  18. (en) « ICOMOS World Report 2002-2003 on monuments and sites in danger Azerbaijan ») », sur ICOMOS (consulté le ).
  19. Gabriella Uluhogian, Boghos Levon Zekiyan, Vartan Karapetian (dir.), Arménie : Impressions d'une civilisation, Skira, Milan, 2011 (ISBN 978-88-572-1245-6), p. 75.
  20. (en) Sarah Pickman, « Tragedy on the Araxes », sur Archaelogy, (consulté le ).
  21. Jean-Christophe Buisson, « Le nouveau martyre des Arméniens », Le Figaro, , p. 2 (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (hy+ru+en) Levon Azarian, Խաչքարեր / Хачкары / Armenian Khatchkars, Éditions Erebuni, Erevan, 1978 (ASIN B000TD1OSK).
  • (en) Jurgis Baltrušaitis et Dickran Kouymjian, « Julfa on the Arax and its funerary monuments », dans Dickran Kouymjian (dir.) Armenian Studies — Études arméniennes in memoriam Haïg Berbérian, Calouste Gilbenkian Foundation, Lisbonne, 1986, p. 9-53 [lire en ligne (page consultée le 18 juin 2012)].

Liens externes

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