Camp du Drap d'Or

Le camp du Drap d'Or est le nom donné à la rencontre diplomatique qui se déroula entre le roi François Ier et Henri VIII d'Angleterre du 7 au , dans un lieu situé dans le Nord de la France, à Balinghem près de Calais, entre Ardres, appartenant à la France, et Guînes, anglaise à l'époque.

Bas-relief de l'hôtel de Bourgtheroulde à Rouen.

Contexte

François Ier roi de France depuis 1515, auréolé de la victoire de Marignan obtenue la même année, a postulé à la couronne impériale (titre d'empereur des romains) en 1519. Son échec et l'élection de Charles Ier d'Espagne (Charles Quint) le poussent à rechercher des alliances en prévision de l'affrontement inévitable avec le nouvel empereur, les ambitions de deux personnages ne pouvant que s'opposer. Une alliance avec l'Angleterre ou au moins un traité de non agression semblait donc une bonne solution.

Henri VIII, roi d'Angleterre depuis 1509, ne s'oppose pas à cette perspective afin de consolider la paix avec la France (mariage de Louis XII avec sa sœur Marie Tudor en 1514, traité de Londres de 1518). Toutefois il gardait une certaine inclination à se rapprocher de Charles Quint qu'il avait rencontré peu de temps auparavant[1] : il est l'époux de Catherine d'Aragon, tante de Charles Quint, et la politique prudente de son principal conseiller Thomas Wolsey vise à maintenir un équilibre entre grandes puissances. Henri VIII est donc prêt à rencontrer François Ier mais reste à convaincre de choisir l'alliance avec la France, plutôt que le rapprochement avec l'Empire. D'autant que l'Angleterre pouvait le cas échéant, en cas de conflit avec la France étendre ses possessions en France, à partir de sa tête de pont le Calaisis, mais n'avait aucun point de départ pour gagner des territoires éventuels dans les possessions de Charles Quint[1].

La rencontre de 1520 vient conclure deux ans de négociations : elle a été retardée du fait des prétentions de François Ier à la couronne impériale. Elle a lieu à proximité de Calais, possession anglaise, entre Ardres et Guînes, l'emplacement exact n'étant pas connu, toutes les installations réalisées en vue de cet entretien ayant été démontées après celle ci[2]. Wolsey fut chargé de choisir le lieu, la date et le déroulement de l'évènement. Tout fut codifié, les deux rois voulant apparaître sur un pied d'égalité. Les interlocuteurs de Wolsey du côté français furent Galiot de Genouillac et Gilles de la Pommeraie[3].

Il s'agissait a priori de la première rencontre entre les deux hommes[4]. François Ier est âgé de 25 ans et Henri VIII de 28 ans. Ils sont tous les deux des princes de la Renaissance, jeunes, brillants, cultivés[5]. Charles Quint est âgé de 20 ans.

La rencontre

Son nom, Camp du Drap d'or, lui fut donné à cause du faste que les deux cours rivales y déployèrent à l'envi, les tentes étant recouvertes d'étoffes brodées au fil d'or[6]. Le coût de l'opération fut faramineux, surtout en comparaison des résultats obtenus[2]. Les divertissements, joutes, danses, feux d'artifice et banquets tinrent une place essentielle, Thomas Wolsey y avait veillé. Il fallut tout amener sur place, les artisans et artistes mobilisés durent travailler d'arrache pied[2]. L'organisation mobilisa les villages et villes voisines : Ardres, Marquise, notamment pour l'acheminement et le stockage des mets et viandes[2].

Tapisserie de c. 1520 : combat de lutte lors de la rencontre du Camp du Drap d'Or.

Chaque roi avait invité environ trois mille personnes : l'entourage des rois et reines, nobles, officiers, toute assemblée qu'il fallut loger sous des tentes[2].

Robert de La Marck, détaille la rencontre des deux souverains comme une suite d'accolades et de politesses, laissant paraître mille arrière-pensées[7].

François Ier obtint par un traité la confirmation du mariage du Dauphin de France (âgé de trois ans) avec Marie Tudor (âgée de 4 ans). Cependant l'entrevue fut finalement un échec pour le roi de France. Celui-ci ne parvint pas à l'alliance souhaitée, notamment en raison d'une démonstration de puissance et de richesse trop importante de sa part. On peut ainsi citer l'anecdote d'un combat à main nue amical, qui vit François Ier gagner facilement et Henri VIII frustré, lors de cette entrevue.

Le récit de Martin du Bellay sur la description du camp parle d'« un logis de bois où y avait quatre corps de maison qu'il [le roi d'Angleterre] avait fait charpenter en Angleterre, et amener par mer toute faite, et estoit couverte de toile peinte en forme de pierre de taille, puis tendue par dedans des plus riches tapisseries qui se peuvent trouver ; et estoit le dessein pris sur la maison des marchands à Calais »[8].

Robert de La Marck, pour sa part, parle de « la magnificence de leurs accoustremens puisque leurs serviteurs en avoient en si grande superfluité, qu'on nomma ladite assemblée le camp de Drap d'Or ». Il décrit également « un pavillon ayant soixante pieds en quarté le dessus de drap d'or frizé, et le dedans doublé de veloux bleu, tout semé de fleurs de lis de broderie d'or de Chypre, et quatre autres pavillons aux quatre coings, de pareille despense et estoit le cordage de fil d'or de Chypre et de soye bleue turquine, chose fort riche[9] ».

L'entrevue du camp du Drap d'Or est représentée sur les bas-reliefs en pierre de l'hôtel de Bourgtheroulde à Rouen, qui datent du XVIe siècle.

Huile sur toile de 1545.
La peinture ayant été réalisée vingt ans après les faits, les habits des personnages sont anachroniques.

Suites de la rencontre

Elles furent bien minces : il y eut le projet de mariage évoqué ci-dessus mais il ne se réalisa pas. Des discussions diplomatiques eurent lieu sur des sujets déjà souvent abordés à propos de leurs relations et de leurs possibilités d'action commune[1] mais rien de bien concret n'en ressortit.

François Ier déjà endetté lors de son essai d'être élu empereur creuse un peu plus la dette de la France[5].

La rencontre donna lieu à de nombreuses démonstrations d'affection mais les antagonismes demeurèrent. Moins d'un mois plus tard, le 14 juillet 1520, Henri VIII rencontra Charles Quint, à l'instigation du cardinal Wolsey, à Gravelines. Il semble que Charles Quint s'était concilié l'appui du cardinal Wolsey en lui faisant miroiter son soutien pour l'accession au Pontificat. L'entrevue se conclut par un traité d'amitié qui se transforma en 1521 en véritable alliance contre la France[2].

La ville d'Ardres fut une des principales bénéficiaires de la rencontre : le bois utilisé fut récupéré pour fortifier la ville en prévision d'un futur affrontement avec Charles Quint. De même d'autres éléments en bois vinrent renforcer les moyens de l'artillerie française[2].

Dès 1521 commence le conflit entre les trois puissances, France contre Empire et Angleterre. Une armée anglaise quitte Calais en 1522 et la première ville française assiégée fut Ardres[4]. Ces affrontements vont conduire à la bataille de Pavie en 1525 où François Ier sera fait prisonnier[5].

Une stèle commémore la rencontre à Balinghem, au bord de la RD 231 (route de Marquise)[10], aux Longs Tours[11].

Voir aussi

Bibliographie

  • Charles Giry-Deloison, 1520. Le Camp du drap d'or. La rencontre d'Henri VIII et de François Ier, Paris, Somogy, 2012, 92 p., ill.
  • Robert J. Knecht, « The field of cloth of gold », dans Roger Mettam et Charles Giry-Deloison (dir.), François Ier et Henri VIII : deux princes de la Renaissance (1515-1547), Lille, Publications de l'Institut de recherches historiques du Septentrion, coll. « Histoire et littérature du Septentrion (IRHiS) » (no 13), , 207 p. (ISBN 978-2-90563-727-7, lire en ligne), p. 37-51.
  • Aurélie Massie, « Les artisans du Camp du Drap d'Or (1520) : culture matérielle et représentation du pouvoir », dans Encyclo. Revue de l'école doctorale ED 382, 2, 2013, p. 55-79, [lire en ligne] sur le site HAL-SHS (Hyper Article en Ligne - Sciences de l'Homme et de la Société).
  • Jacky Lorette, Le Camp du Drap d’Or. Juin 1520, Paris, Dacres éditions, 2021, 414 p., ill. (ISBN 979-10-92247-99-2)

Articles connexes

Source partielle

Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Camp du Drap d'Or » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, (lire sur Wikisource).

Notes et références

  1. « François Ier et Henri VIII au camp du Drap d'Or : les dessous d'une « opération de com' » », sur lefigaro.fr (consulté le ).
  2. Aurélie Massie citée dans la bibliographie introduction.
  3. Charles Terrasse, François Ier : le roi et le règne, B. Grasset, , p. 228.
  4. « L'entrevue du Camp du Drap d'Or », sur normag.fr (consulté le ).
  5. « 7 juin 1520 Le Camp du Drap d'Or », sur herodote.net.
  6. « L'entrevue du Camp du Drap d'Or », sur normag.fr/patrimoine.
  7. Victor Battaggion, Complètement ridicules, Paris, Éditions First, , 11 p., p. 41-52
  8. Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l'histoire de France, tome XVII, p. 86 .
  9. Nouvelle collection des mémoires pour servir à l'histoire de France, volume 1, Histoire des choses mémorables advenues du règne de Louis XII et François Ier, en France, Italie, Allemagne et les Pays-Bas, depuis l'an 1499 jusques en l'an 1521, mise par escript par Robert de La Marck, publié par MM. Michaud,... et Poujoulat.
  10. Coordonnées de la stèle du camp du Drap-d'Or : 50° 51′ 09″ N, 1° 55′ 22″ E .
  11. « François Ier et le Camp du Drap d'Or ».
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