Alma Deutscher
Alma Elizabeth Deutscher, née en à Basingstoke près d'Oxford, est une compositrice, pianiste et violoniste britannique.
Nom de naissance | Alma Elizabeth Deutscher |
---|---|
Naissance |
Basingstoke, Royaume-Uni |
Activité principale | Compositrice |
Style | Classique et romantique |
Activités annexes | Pianiste, violoniste |
Années d'activité | Depuis 2011 |
Ascendants | Guy Deutscher |
Site internet | www.almadeutscher.com |
Elle compose sa première œuvre, une sonate pour piano, à six ans. À sept ans, elle crée un court opéra, The Sweeper of Dreams. À neuf ans, elle écrit un concerto pour violon qui est créé en 2015. À l'âge de dix ans, elle réalise son premier opéra complet, Cinderella (Cendrillon), dont la première européenne a lieu à Vienne le sous le patronage du chef d'orchestre Zubin Mehta[1],[2]. Un an plus tard, le DVD de sa première américaine avec l'Opéra San Jose[3] est mis en vente par Sony Classical. À douze ans, Alma Deutscher donne en concert son premier concerto pour piano. En , elle fait ses premiers pas sur la scène du Carnegie Hall[4].
Biographie
Alma Deutscher est la fille de Janie Deutscher (née Steen), professeure de littérature, et du linguiste Guy Deutscher[5]. Tous deux sont musiciens amateurs.
Alma commence à jouer du piano à l'âge de deux ans et du violon à trois. À quatre ans, elle compose et improvise au piano, et à cinq ans, elle commence à écrire ses compositions. Elle compose un opéra à sept ans, un concerto pour violon à neuf et un deuxième opéra à dix[6]. D'après son père, elle peut nommer des notes sur un piano dès l'âge de deux ans. « Pour ses deux ans, je lui avais acheté un petit violon, comme jouet. Elle était très contente et a essayé de jouer dessus des jours entiers, donc nous avons décidé de lui trouver un professeur. En moins d'un an, elle jouait des sonates d'Haendel. »[7] En 2017, dans une interview pour le Financial Times, Alma Deutscher déclare : « Je me souviens d'écouter une berceuse de Richard Strauss quand j'avais trois ans ; je l'adorais. J'aimais en particulier son harmonie ; je l'appelle depuis l'harmonie de Strauss. Une fois le morceau terminé, j'ai demandé à mes parents : « Comment la musique peut-elle être si belle ? » »[8]
Révélation
L'exposition médiatique initiale d'Alma Deutscher peut être attribuée à l'écrivain et comédien Stephen Fry. Guy Deutscher et Fry se connaissent par un intérêt commun pour la linguistique. La chaîne YouTube d'Alma Deutscher est créée à l'origine pour l'usage privé de ses parents, mais Fry, découvrant ses vidéos familiales, en publie une sur Twitter le en titrant « Tout simplement époustouflant : Alma Deutscher jouant ses propres compositions. Un nouveau Mozart ? »[9] Des équipes de télévision prennent contact avec la famille dès le lendemain. En , le musicien israélien Kutiman publie sur YouTube un mashup montrant un ostinato de quatre secondes fait d'un montage des premières vidéos d'Alma. La vidéo devient virale.
Guy Deutscher, évoquant ses inquiétudes concernant la couverture médiatique d'Alma, explique que la famille n'a pas été préparée à une exposition aussi intense et que pour sa femme et lui, leur tâche la plus importante est de la protéger et de s'assurer qu'elle ait une enfance heureuse.
The Sweeper of Dreams (2012)
Le premier opéra terminé de Deutscher est un court ouvrage fondé sur l'histoire de Neil Gaiman « The Sweeper of Dreams » (Le balayeur de rêves), dont le texte est adapté d'un livret d'Elizabeth Adlington[10]. Il est présenté à un concours de l'Opéra National Anglais, mais la composition n'atteint pas la finale[11],[12],[13]. Certaines parties de la partition sont venues à Alma dans un rêve. La première représentation de The Sweeper of Dreams a lieu en 2013 en Israël.
Dans l'histoire, le balayeur de rêves est licencié après avoir trop bu. Une jeune fille de seize ans nommée Alex T. Strumm se présente pour le poste ; les recruteurs se moquent d'elle, surpris de constater qu'elle n'est pas un homme. Alex s'emploie à prouver son aptitude avant d'être finalement embauchée.
Deutscher exprime volontiers sa préférence pour les contes où les jeunes filles surmontent l'adversité ; dans The Sweeper of Dreams, l'héroïne « commet deux crimes terribles : le premier d'être un enfant, le second d'être une femme, mais malgré cela, elle parvient à triompher à la fin »[14].
Cinderella (2013-2016)
Le deuxième opéra d'Alma Deutscher est une œuvre plus longue inspirée du conte de fées Cendrillon. Dans un entretien pour le journal allemand Die Zeit, elle affirme avoir commencé à travailler sur l'opéra en 2013. Terminé deux ans plus tard, il est créé en . Deutscher finit d'écrire l'ouverture « quelques jours seulement avant la représentation »[15].
Deutscher explique que sa version de l'histoire diffère considérablement du conte de fées traditionnel, principalement parce qu'il a pour sujet la musique. Il se déroule dans un opéra dirigé par la mafia du mal ; les personnages bien connus des deux sœurs sont représentés comme des divas sans talent. Bien que Cendrillon soit une compositrice talentueuse, elle n'est pas autorisée à jouer son œuvre[16]. Un jour, Cendrillon découvre un poème d'amour captivant, sans savoir qu'il a été écrit par le prince. Inspirée par le poème, elle le met en musique. Sa mélodie lui est ensuite volée par ses belles-sœurs et chantée lors d'un concours de chant au cours du bal ; finalement, Cendrillon chante sa mélodie au prince, ne sachant pas qu'il est l'auteur du poème. De même, le prince ignore que Cendrillon a composé cette musique enchanteresse. Après que Cendrillon s'enfuit du bal à minuit, le prince part à sa recherche en chantant la mélodie composée par Cendrillon. À la fin, le couple est uni : « ils se retrouvent comme les paroles retrouvent la mélodie ». Deutscher explique : « Je ne voulais pas que Cendrillon soit seulement jolie, je voulais qu'elle ait son propre esprit et sa propre détermination, qu'elle soit un peu comme moi. C'est aussi pourquoi j'ai décidé qu'elle serait compositrice. »
En 2016, Deutscher reprend, développe et orchestre totalement Cinderella[17]. L'opéra est créé en décembre, à Vienne, sous le patronage du chef d'orchestre Zubin Mehta. La première est reçue avec une ovation et un accueil jubilatoire dans la presse autrichienne et internationale[18].
Le journal viennois Der Standard décrit Cinderella comme « un opéra étonnamment bon et qui étincelle d'idées originales... Cinderella se place entre le classique viennois et le romantisme précoce, cependant émergent des inspirations remarquables qui prennent en compte la construction psychologique des personnages, où une personne avec beaucoup d'empathie se plonge dans ses personnages et sait également construire des scènes, les maintenir en tension et mettre en musique des atmosphères denses. Cela démontre un talent autant pour l'humour que la mélancolie. »[19]
Le journal de l'Opéra d'État de Vienne, Der Neue Merker, écrit que « les modèles musicaux d'Alma Deutscher proviennent du classique viennois et du XIXe siècle. Ce qui est vraiment étonnant, c'est que la compositrice saisisse des humeurs très différentes de l'âme. Triste ballade de Cendrillon qui revient sans cesse dans le leitmotiv, désespoir du prince-poète inconsolable qui ne s'intéresse nullement aux affaires de l'État, malheur du trio des dames : tout est exprimé dans la musique. La musique est vraiment inspirée — et aussi l'instrumentation —, comme si l'artiste savait toujours exactement ce qu'elle voulait faire : il n'y a rien d'arbitraire ou laissé au hasard. »[20]
Le Daily Telegraph écrit : « Cinderella prouve que Deutscher a un talent extraordinaire. Prodige est un terme galvaudé, mais la maturité de sa composition suggère que pour une fois, ce n'est pas une hyperbole. L'énergie pour composer un opéra de deux heures et son orchestration complète est stupéfiante, le résultat final est une opéra exceptionnel, vivant et cohérent. »[21]
Concerts
Deutscher joue en tant que soliste avec l'Orchestre Philharmonique d'Israël, l'Oviedo Filarmonia, l'Orchestre symphonique de Jérusalem, l'Orchestre national de l'Opéra Gallois et l'Orchestre Philharmonique Royal[22].
Elle dit qu'elle progresse en exécutant de la musique, particulièrement devant un public[23]. Ses parents limitent son exposition publique en choisissant les opportunités qu'ils considèrent comme les plus agréables et utiles pour elle. Elle joue dans des émissions de télévision dont la NBC[Quand ?] et The Ellen DeGeneres Show[Quand ?]. Elle donne des récitals et des représentations publiques dans plusieurs pays dont la Suisse, l'Italie, le Japon, l'Espagne, l'Uruguay, Israël[24], l'Angleterre[25] et l'Allemagne[26].
Certaines de ses représentations publiques sont soutenues financièrement par l'entrepreneur londonien David Giampaolo[27]. En , il est annoncé qu'Alma Deutscher signe un contrat avec l'agence d'artistes de London Classical Music, Askonas Holt[28].
En 2014, Deutscher fait une apparition dans Intermezzo avec Arik, le programme israélien de télévision éducative présenté par le pianiste, chef d'orchestre et professeur de piano Arie Vardi[29]. Deutscher improvise au piano autour de notes musicales qui lui sont présentées au hasard. Conversant en anglais et en hébreu, Vardi demande à Deutscher si elle improvise en utilisant « la tête ou les doigts » ; Deutscher explique qu'elle improvise des mélodies et des harmonies dans sa tête, parfois involontairement, comme lorsqu'elle converse avec d'autres personnes. Vardi demande également si Deutscher se sent libre de briser les règles classiques. Elle répond qu'elle reste dans leur cadre, faisant référence aux compositeurs du style galant et leur adhésion à la forme musicale établie. L'émission demande traditionnellement à ses invités de jouer un morceau d'un compositeur de leur choix ; Deutscher opte pour le compositeur allemand Eduard Marxsen, qui était le professeur de Johannes Brahms, et dont Vardi dit qu'il n'a « jamais entendu parler ». Deutscher explique qu'elle regrette que Marxsen comme compositeur soit oublié depuis longtemps. Après avoir écouté Deutscher jouer une sonate de Domenico Scarlatti, Vardi commente qu'elle joue la musique de Scarlatti comme si elle l'avait écrite elle-même.
Éducation et vie de famille
Alma Deutscher a vécu avec ses parents à Dorking dans le comté de Surrey au Royaume-Uni. Elle vit actuellement[Quand ?] à Vienne, en Autriche.
Deutscher est entièrement éduquée à domicile. Elle est inscrite à l'école à l'âge de cinq ans et assiste à une journée d'orientation, mais déclare vite se sentir ennuyée, bouleversée, et livrée à elle-même sans guide[30]. Lorsqu'on lui demande si elle aimerait aller à l'école à l'avenir, elle répond : « Je ne veux jamais aller à l'école. Je dois sortir et prendre l'air et lire. »[31]
Deutscher compose, pratique et écoute de la musique jusqu'à cinq heures par jour. Elle assiste à diverses activités et sorties avec d'autres familles qui éduquent aussi leurs enfants à la maison. Sa sœur cadette, Helen, et la plupart de ses amis sont également éduqués à la maison. Ses parents pensent que la créativité d'Alma est innée, mais qu'elle nécessite une éducation. Cette croyance, combinée avec les longues journées scolaires en Angleterre les a conduits à cette éducation hors de l'école[30],[32]. Son père a exprimé la réticence d'Alma à apprendre la musique par la méthode traditionnelle d'examens et d'apprentissage mécanique. Au lieu de cela, son éducation musicale est fondée sur la composition et l'improvisation, comme décrit par l'analyse de Robert Gjerdingen des méthodes d'enseignement de la musique aux enfants dans l'Italie du XVIIIe siècle, décrit dans son livre Musique dans le style galant[32],[33].
Deutscher reçoit des cours de piano et de violon à l'école Yehudi Menuhin de Surrey. Elle reçoit également des leçons d'improvisation de Tobias Cramm, un musicien basé en Suisse, via Skype, en utilisant la méthode pédagogique italienne du XVIIIe siècle Partimenti (it)[34], une forme de guide linéaire pour l'improvisation d'une pièce de clavier.
D'après son père, elle n'a pas de professeur de composition régulier, mais « il y a des experts de bon cœur qui l'aident sporadiquement et il y a beaucoup d'auto-apprentissage ».
En 2010, Guy Deutscher confie que la créativité musicale d'Alma est une partie centrale de son imagination.
Méthode de composition
Les compositions d'Alma Deutscher lui viennent « inattendues et totalement formées »[35]. Comme elle le confie au Daily Mail : « la musique vient à moi quand je me détends, quand je m'assieds sur un siège ou quand je me couche. J'aime beaucoup penser aux fées, aux princesses et aux belles robes. » Invitée au Google Zeitgeist, elle explique : « quand j'essaie d'obtenir une mélodie, elle ne vient jamais à moi. Elle arrive habituellement soit quand je me repose, soit quand je suis assise au piano et que j'improvise, soit quand je saute avec ma corde à sauter, ou même quand j'essaie de faire autre chose, quand quelqu'un me parle ou quand j'essaie de faire quelque chose. Quand je suis d'humeur à improviser », explique-t-elle dans une interview pour le Daily Telegraph en [36].
Deutscher décrit sa corde à sauter comme « magique » et lui accorde un statut d'élément clé dans son processus de composition : elle explique que la plupart des mélodies qu'elle compose lui viennent à l'esprit justement lorsqu'elle la fait onduler. Des mélodies lui viennent également dans ses rêves, mêlées à d'autres morceaux classiques tels que la Sonate du Diable de Tartini. En décrivant une telle composition de rêve, Alma déclare : « je me suis réveillée et je ne voulais pas perdre les mélodies. Alors, j'ai pris mon carnet et j'ai écrit sans bruit, ce qui m'a pris environ trois heures. Mes parents ne comprenaient pas pourquoi j'étais si fatiguée le matin et que je ne voulais pas me lever ». Elle dort avec un magnétophone près de son lit[37]. Des sections de son premier opéra, The Sweeper of Dreams, lui seraient venues pleinement formées dans un rêve[38]. Elle s'inspire aussi d'un pays imaginaire qu'elle appelle Transylvanie : « Je me suis imaginé un pays avec sa propre langue. Il y a de bons compositeurs là-bas, nommés Antonin Yellowsink, Ashy, Shell et Flara ».
Deutscher explique que son style musical, apparemment simple, masque les tâches plus difficiles qu'implique la création de compositions plus longues et complexes, où la recherche de la mélodie initiale n'est que la première partie d'un processus beaucoup plus long. Dans une interview accordée au Google Zeitgeist, elle explique : « beaucoup de gens pensent que le moment le plus difficile en composition est de trouver les idées, mais en fait cela vient spontanément. Le plus difficile est de composer à partir de cette idée, de la développer, de la combiner avec d'autres motifs d'une manière cohérente. Parce qu'il est très facile de mettre bout à bout tout un tas d'idées qui n'ont pas de sens ensemble. C'est développer, combiner, agrémenter et polir les idées qui prend des lustres ! »[39]
En outre, son père considère dans une interview pour le journal israélien Haaretz que l'inspiration d'Alma est favorisée par sa connaissance approfondie de l'harmonie. Il cite l'exemple d'un passage d'une sonate de Haydn qu'elle jouait à l'époque, déclarant que la plupart des auditeurs auraient trouvé la pièce belle, mais mystérieuse ; pour Alma, la même pièce est un « livre ouvert » de progressions harmoniques familières.
Style
Le style musical de Deutscher se caractérise par un retour aux harmonies classique et romantique et un refus des dissonances de la musique classique contemporaine.
« Je sais déjà que le monde est complexe et qu'il peut être très laid. Mais [...] si le monde est si laid, à quoi sert-il de le rendre encore plus laid avec de la musique laide ? […] Si vous voulez entendre à quel point le monde est laid, vous n'avez pas besoin d'assister à mes concerts, vous n'avez qu'à allumer la télévision et regarder les informations ! »[40]
Œuvre
Musique pour piano
- Sonate pour piano en mi bémol majeur (2011)
Musique de chambre
- Andante pour violon et piano (2011)
- Rondino pour violon, alto et piano en mi bémol majeur (2012)
- Quatuor à cordes en la majeur (2012)
- Sonate pour alto et piano en ut mineur (2013)
- Rondo pour quatuor à cordes en sol majeur (2013)
- Sonate pour violon et piano en ut mineur (2013)
- Trio pour violon, alto et piano (2014)
Opéras
- The Sweeper of Dreams (2012)
- Cinderella (2013-2016, révisé en 2020)
Musique vocale
- The Night Before Christmas, paroles de C. Moore (2013)
Suite aux attentats de Paris en novembre 2015, Alma Deutscher enregistre un impromptu pour piano dédié au peuple français, Impromptu for Paris, d'après la chanson pacifiste Göttingen de Barbara sur la réconciliation franco-allemande après la Seconde Guerre mondiale.
Musique symphonique
- Concerto pour violon en sol mineur (2014)
- Dance of the Solent Mermaids pour orchestre symphonique (2014)
- Concerto pour piano en mi bémol majeur (2017)
Discographie
- 2013 : The Music of Alma Deutscher, Flara Records
- 2013 : Two Songs from Cinderella, Flara Records
- 2019 : From My Book of Melodies, Sony Classical (OCLC 1124929793)
Réception critique
Le personnage
Une grande partie de la critique initiale aux compositions et aux récitals de Deutscher se centre sur son statut d'enfant prodige. En commentant la perception publique des enfants prodiges et de leur production musicale, Deutscher déclare : « Je veux que ma musique soit prise au sérieux... Et parfois, c'est un peu difficile pour les gens de me prendre au sérieux, parce que je suis une petite fille. »
Des réponses plus récentes se concentrent sur les compositions et les interprétations de Deutscher. Selon le journal The Guardian, le chef d'orchestre Simon Rattle déclare qu'il se trouve « absolument bouleversé par elle »[41]. Selon le Daily Telegraph, le pianiste et chef d'orchestre Daniel Barenboim dit d'elle : « Tout ce qui ne peut pas être appris, elle l'a déjà. » Dans une interview accordée au journal autrichien Der Standard en , le chef d'orchestre Zubin Mehta qualifie Deutscher de « génie »[42]. Dans une interview à la télévision autrichienne, il la qualifie de « l'un des plus grands talents d'aujourd'hui »[43].
Le compositeur Jörg Widmann parle d'un « phénomène extraordinaire » et dit qu'il n'avait jamais rencontré un talent comme le sien[44].
Le pianiste et pédagogue Arie Vardi décrit sa première rencontre avec Deutscher de la manière suivante : « Les gens avaient dit qu'elle était un prodige, mais en général je suis un peu sceptique sur ce terme, sceptique à la fois à propos de ceux qui accordent ce titre et ceux sur lesquels il est accordé. Bien que j'aie eu des réserves, à partir du moment où j'ai rencontré cette jeune fille dans le couloir et qu'elle m'a dit bonjour, il était impossible de ne pas l'aimer. J'ai le sentiment qu'avec Alma la merveille ne sera pas perdue, parce qu'elle a un vaste horizon devant elle. »
La violoniste allemande Anne-Sophie Mutter qualifie d'« absolument extraordinaire » ce que Deutscher « réussit à obtenir au violon, au piano et dans ses compositions. Sa sensibilité musicale et son pouvoir d'expression déjà à cet âge soulignent son talent exceptionnel. »[45]
Le compositeur et musicologue Ron Weidberg déclare à propos des mélodies de Deutscher : « Le talent le plus important d'Alma est la connexion parfaite entre son monde intérieur et les mélodies qu'elle crée, qui sont si belles parce qu'elles proviennent directement de ce monde intérieur. Qui dès le premier instant sont immédiatement imprimées dans notre mémoire et qui se retrouvent ainsi en possession de tous ceux qui les écoutent. Alma est l'un de ces compositeurs et c'est pourquoi nous sommes confiants que les mélodies qu'elle écrit maintenant resteront. »[46]
L'œuvre
Au-delà de la célébration de l'enfant prodige à coups de superlatifs, quelques critiques se sont attachés à juger les œuvres d'Alma Deutscher pour ce qu'elles sont, sans prendre en compte le jeune âge de la compositrice.
Pour son premier concert aux États-Unis, Alma Deutscher joue son concerto pour violon avec l'orchestre Symphony Silicon Valley à San José début . À cette occasion, le critique David Bartman estime que l'œuvre, qui reprend le langage des classiques du XIXe siècle, est plaisante et mélodique, avec des motifs rythmiques fluides. L'orchestration est jugée légère et équilibrée avec le violon soliste. Il considère que les thèmes sont élaborés mais qu'ils ne sont guère développés, à l'exception d'un fugato solide. Le premier mouvement aux tons sombres évoque en général la Symphonie écossaise de Mendelssohn, alors que le deuxième mouvement, lent, et le final enjoué sonnent plus français. Reconnaissant que bien d'autres œuvres du XIXe siècle dans ce registre figurent toujours dans le répertoire, il suppose cependant que seul le statut d'enfant prodige de son auteur explique que ce concerto « assez fade et anodin » soit joué aujourd'hui. Mais il rappelle que ni Mendelssohn ni Mozart n'avaient atteint leur pleine maturité au même âge et juge donc qu'il faudra voir dans quelques années comment l'écriture de Deutscher aura évolué[47].
À la suite de la représentation, fin , de la version complète de Cinderella à l'Opéra de San José en Californie, Ilana Walder-Biesanz loue les qualités mélodiques de l'œuvre et observe que Deutscher sait varier la musique selon les personnages et les ambiances. Les belles-sœurs ont droit à des duos et des arias charmants, frivoles et pleins de trilles et d'ornements. De même, la belle-mère chante un air court et palpitant (« I must get rid of her ») qui évoque l'air « Der Hölle Rache » de La Flûte enchantée de Mozart. Cet opéra, dont la représentation dure trois heures, comprend de quoi produire deux heures d'excellente musique. Les mélodies de Deutscher sont jugées simples, accrocheuses et parfois obsédantes. La partition semble faire un usage trop généreux de la répétition, alors que les thèmes ne sont pas toujours assez développés. L'opéra comporte de longs passages parlés, en anglais, écrits par Deutscher, comme dans un Singspiel. La critique conclut que si des coupes et un meilleur livret seraient bénéfiques à Cinderella, cette œuvre est une preuve remarquable du talent de composition de Deutscher et que, si ce n'est pas encore son chef-d'œuvre, il ne fait aucun doute qu'elle en produira un[48].
Son concerto pour piano fait l'objet d'une critique de Claude Fernandez, amateur français des œuvres méconnues du répertoire, notamment pianistiques. Pour lui, la longue ouverture orchestrale du premier mouvement, qu'il trouve magnifique, est caractéristique du style du début du XIXe siècle. Le dernier mouvement est plus proche de la musique galante de la fin du XVIIIe siècle et peut évoquer Mozart. Si Deutscher affirme un réel sens du lyrisme, il y apparaît cependant atténué. La compositrice est jugée excellente dans les effets symphoniques, utilisant les alternances de registres instrumentaux. Son sens de l'harmonie paraît également très subtil. En revanche, ses capacités de composition sur le plan pianistique restent relativement limitées : en effet, elle ne se risque guère à des effets de bravoure. Il en résulte un style timide qui possède son charme, mais se trouve parfois lancinant et handicapant pour un troisième mouvement de concerto. Selon Fernandez, la richesse thématique des deux premiers mouvements est certaine, mais ces mouvements gagneraient à être décantés[49].
Comparaison avec Mozart
Alma Deutscher est comparée à Wolfgang Amadeus Mozart à plusieurs reprises, bien qu'elle rejette la comparaison, déclarant que « si je dois écrire à nouveau tout ce que Mozart a écrit, ce serait ennuyeux. Je veux être la première Alma, pas le deuxième Mozart. » À propos de cette comparaison, son père a déclaré qu'« il n'y a qu'un seul Mozart dans l'histoire » et qu'il ne veut pas que sa fille « se sente accablée d'être comparée à d'autres compositeurs »[50].
Interrogée sur ses idoles musicales, Alma Deutscher a cité Mozart, Schubert et Tchaïkovsky.
Références
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- Ilana Walder-Biesanz. « Deutscher’s Cinderella Is a Melodious Surprise ». San Francisco Classical Voice, 19 décembre 2017.
- Claude Fernandez. « Deutscher Alma (2005-) - Note critique ». Critique musicale, décembre 2018.
- (en) « Music prodigy, 7, next Mozart? », sur Nnbcnews.com, NBC News (consulté le )
Liens externes
- Ressources relatives à la musique :
- (en) MusicBrainz
- (en) Songfacts
- (en) Site officiel
- Chaîne YouTube officielle
- Article du Daily Telegraph sur Alma Deutscher (juin 2016)
- Interview d'Alma Deutscher pour ITV
- (en) [vidéo] Google Zeitgeist, Writing my First Opera at Ten: Music Prodigy Alma Deutscher sur YouTube, (consulté le )
- Interview pour l'Israel Educational Television (5 janvier 2014)
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