1930 en dadaïsme et surréalisme
Pour l'année, voir 1930.
Éphémérides
Janvier
- Lettre d'Antonin Artaud au docteur Édouard Toulouse : « Les angoisses que j'éprouve sont dévorantes. […] Je suis de plus en plus hanté par l'idée du suicide, d'autant plus terrible que c'est pour moi la seule issue LOGIQUE. Si je n'en suis pas à la mort, moralement je suis la mort. »
Sur le modèle du pamphlet Un cadavre, écrit en 1924 en réaction aux funérailles nationales organisées à l'occasion de la mort d'Anatole France, des dissidents et exclus du groupe surréaliste publient un ensemble de textes écrits contre André Breton[1],[2] :- Jacques Baron, Un bon débarras
- Georges Bataille, Le Lion châtré
- Jacques-André Boiffard, Questions de personnes
- Alejo Carpentier, Témoignage
- Robert Desnos, Thomas l'imposteur
- Michel Leiris, Le Bouquet sans fleurs
- Georges Limbour, Lettres
- Max Morise, La Marseillaise
- Jacques Prévert, Mort d'un Monsieur
- Georges Ribemont-Dessaignes, Papologie d'André Breton
- Raymond Queneau, Dédé
- Roger Vitrac, Moralement puer.
André Masson et Artaud, malgré son exclusion, refusent de s'associer au pamphlet.
Février
- Rencontre Artaud / Benjamin Fondane.
Breton et Char tentent de saccager un bar de nuit du quartier Montparnasse qui s'est baptisé Maldoror[3]. Dans la bagarre Char reçoit un coup de couteau à la cuisse. Le patron de ce bar délivrait des cartes de « vampire permanent », à Desnos notamment.- Yves Tanguy et sa femme Jeannette partent en Afrique du Nord. À son retour, il s'installe rue du Moulin Vert (Paris, 13e arrdt.) où il a pour voisins Victor Brauner et Alberto Giacometti[4].
Mars
- 1er mars
Robert Desnos- The Night of loveless nights, nouvelle version avec trois illustrations de Georges Malkine
- Troisième manifeste du surréalisme[2]
- Camille Goemans organise une exposition entièrement consacrée aux collages.
- Louis Aragon organise l'exposition La Peinture au défi dont il écrit la préface du catalogue[5].
- Roger Vitrac quitte le Théâtre Alfred Jarry.
Après une nouvelle rupture avec Suzanne Muzard, Breton quitte Paris pour Avignon. Il y est rejoint par Char et Éluard. Sur la route d'Avignon aux Névons (Vaucluse), la propriété familiale de Char, ils composent Ralentir travaux sur le principe du cadavre exquis[6].
Avril
René Char, Tombeau des secrets, avec un collage d'André Breton et Paul Éluard[7].
André Breton, René Char et Paul Éluard, Ralentir travaux[8].
Mai
Robert Desnos, Corps et biens.- Paul Éluard rencontre Nusch, modèle de Man Ray et Picasso[9].
Juin
André Breton, Second manifeste du surréalisme, frontispice de Salvador Dalí[10].
Juillet
- Parution du premier numéro de la revue Surréalisme Au Service De La Révolution (SASDLR) en remplacement de La Révolution surréaliste[2]. Le titre de la revue est d'Aragon.
- Salvador Dalí
- Maxime Alexandre, Aragon, Luis Buñuel, Char, René Crevel, Salvador Dalí, Max Ernst, Malkine, Benjamin Péret, Georges Sadoul, Tanguy, Pierre Unik, Albert Valentin signent un prière d'insérer écrit par Éluard et André Thirion au Second manifeste du surréalisme : « Le Second manifeste donne toute sécurité pour apprécier ce qui est mort et ce qui est plus que jamais vivant dans le surréalisme[13]. Subordonnant aux fins merveilleuses de la subversion, rejetant sans appel, au moyen de l'asepsie morale la plus stricte, les spécialistes du faux témoignage, André Breton fait dans ce livre, la somme des droits et des devoirs de l'esprit. »[14]
Septembre
- 1er septembre
André Breton et Paul Éluard commencent L'Immaculée conception[10]. - Aragon et Sadoul partent à Kharkov (URSS), pour assister à la 2e Conférence internationale des Écrivains révolutionnaires[9].
Octobre
- Dans une Lettre ouverte à André Breton sur les rapports du surréalisme et du Le Grand Jeu, René Daumal répond à la tentative de Breton de réconciliation : « Pour une fois, vous avez devant vous des hommes qui, se tenant à l'écart de vous, vous critiquant même souvent avec sévérité, ne vont pas pour cela vous insulter à tort et à travers (Aucun des membres du groupe n'a participé au pamphlet contre Breton). Prenez garde, André Breton, de figurer plus tard dans les manuels d'histoire littéraire, alors que si nous briguions quelque honneur, ce serait d'être inscrits pour la postérité dans l'histoire des cataclysmes. »[15],[16]
- Benjamin Péret, Vie de l'assassin Foch, poème. Un critique du quotidien La Liberté réclame qu'on fusille son auteur[17].
Paul Éluard, À toute épreuve[17].- En réponse à une enquête sur les rapports du travail intellectuel et du capital publiée par la revue L'Esprit français du , André Breton répond par un article La Médecine mentale devant le surréalisme qui reprend les attaques portées dans Nadja contre les abus de pouvoir des psychiatres[2].
Novembre
Avant leur départ d'URSS, on fait signer à Aragon et Sadoul, une résolution qui définit le surréalisme comme une « réaction des jeunes générations d'intellectuels provoquée par les contradictions du capitalisme dans la troisième phase de son développement »[17]. Ils reconnaissent, en outre « ne pas avoir provoqué le contrôle de leur activité littéraire par le parti, ne pas avoir milité de façon constante dans les organisations de base, avoir attaqué Henri Barbusse, avoir laissé imprimer des critiques de la presse du parti dans les revues surréalistes. » Ils s'engagent enfin à répudier le freudisme et combattre le trotskisme révolutionnaire[18].
André Breton et Paul Éluard, L'Immaculée conception, avec une vignette et une gravure par Salvador Dalí[2].
Breton et Thirion rédigent les statuts d'une Association des artistes et écrivains révolutionnaires qu'ils proposent aux instances dirigeantes du Parti communiste français[19].
Première projection du film L'Âge d'or de Luis Buñuel et Salvador Dalí, avec Max Ernst dans le rôle du chef des bandits, la voix du récitant est celle de Paul Éluard[20]. La projection au Studio 28, rue Montmartre à Paris (9e arrdt), est annoncée comme une manifestation surréaliste avec accrochage d'œuvres de Dalí, Ernst, Joan Miró, Man Ray et Yves Tanguy dans l'entrée et les couloirs du cinéma. Dans le programme vendu à cette occasion figurent, outre le scénario résumé du film, des textes de présentations de Louis Aragon, André Breton, René Crevel, Dalí, Éluard, André Thirion et Tristan Tzara. À l'initiative du préfet de police Jean Chiappe, la censure exige la coupe des scènes « anti-religieuses »[21],[22],[17].
Décembre
La Ligue des patriotes et la Ligue anti-juive saccagent le Studio 28. Ils maculent l'écran et lacèrent les tableaux exposés dans l'entrée dont trois Tanguy, Fraude dans un jardin, Mottes de terre et L'Orage[23].
Après une virulente campagne de presse, le préfet Chiappe fait saisir L'Âge d'or[24].
Salvador Dalí, La Femme visible, écrit[25].
Invention de l'« activité paranoïaque-critique » : processus par lequel Dalí interprète une photo, un dessin, en démonte les diverses couches superposées en s'abandonnant à une sorte de délire, qu'il théorise ensuite en « méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l'objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes »[26].- Gala et Éluard se séparent[17].
Cette année-là
- Salvador Dalí découvre des tableaux de Clovis Trouille exposés au Salon des Artistes Révolutionnaires. Il présente le peintre au surréalistes[27].
- Le peintre et sculpteur roumain Jacques Hérold arrive à Paris. Il rencontre Tanguy qui le présente aux surréalistes.
- Publication en Roumanie de la revue Alge créée par Gherasim Luca[28].
- De retour à Bruxelles, René Magritte expose ses œuvres à la Salle Giso. Paul Nougé écrit la préface du catalogue : « Ce mince rectangle de toile, qui donc soupçonne qu'il enferme peut-être de quoi modifier à jamais le sens de la justice, de l'amour, le sens, l'allure et la tension d'une existence humaine ? […] Quoi qu'il en advienne, il est bon dès maintenant d'attirer l'attention sur ce fait : certaines peintures atteignent en virulence, et par des voies qui leur sont propres, les plus ardentes provocations à la révolte […] Il conviendrait, et l'on y viendra, que leurs auteurs fussent traqués et châtiés aussi haineusement que le sont de nos jours, aux points sensibles de notre société, les agitateurs communistes. »[29]
- Le poète Shuzo Takiguchi traduit en japonais Le Surréalisme et la peinture d'André Breton.
Œuvres
- Jean Arp
- Tête couverte de trois objets désagréables : une mouche, une mandoline et une paire de moustaches, bronze[30]
- André Breton
- Second manifeste du surréalisme, frontispice de Salvador Dalí : « ... le surréalisme ne tendit à rien tant qu'à provoquer, au point de vue intellectuel et moral, une crise de conscience de l'espèce la plus générale et la plus grave et [...] l'obtention ou la non-obtention de ce résultat peut seule décider de sa réussite ou de son échec historique[31]. »
- André Breton et Paul Éluard
- L'Immaculée conception, avec une vignette et une gravure par Salvador Dalí : « Si je puis successivement faire parler par ma propre bouche l'être le plus riche et l'être le plus pauvre du monde, l'aveugle et l'halluciné, l'être le plus craintif et l'être le plus menaçant, comment admettrai-je que cette voix qui est en définitive seulement la mienne, me vienne de lieux où il me faut, avec le commun des mortels, désespérer d'avoir accès ? »
- André Breton, René Char et Paul Éluard
- Ralentir travaux : « On entrait par une porte dérobée / il y avait un cœur sur un tableau noir (Char) / Et un baguette de coudrier sur la table / On aurait entendu un pas de loup (Breton) / L'amour le premier enseignait / aux amants à bien se tenir (Éluard). »
- Luis Buñuel et Salvador Dalí
- L'Âge d'or, film. Dalí : « Mon idée générale en écrivant avec Buñuel le scénario de L'Âge d'or a été de présenter la ligne droite et pure de conduite d'un être qui poursuit l'amour à travers les ignobles idéaux humanitaires, patriotiques et autres misérables mécanismes de la réalité. »
- Claude Cahun
- Aveux non avenus, essai autobiographique[32]
- René Char
- Tombeau des secrets, avec un collage d'André Breton et Paul Éluard
- Salvador Dalí
- L'Âne pourri, écrit
- La Femme visible, écrit : « J'espère faire comprendre que j'attache en amour un prix particulier à tout ce qui est nommé communément perversion et vice. »
- Guillaume Tell, huile et collage sur toile[33]
- Lion, cheval, dormeuses invisibles, dessin
- Simulacre de la nuit, huile sur toile
- Robert Desnos
- Corps et biens : « Le jour le jour prochain où la voix passera sur la ville / Une mouette fantomatique m'a dit qu'elle m'aimait autant que je l'aime / Que ce grand silence terrible était mon amour / Que le vent qui portait la voix était la grande révolte du monde / Et que la voix me serait favorable. »
- The Night of loveless nights, nouvelle version avec trois illustrations de Georges Malkine
- Troisième manifeste du surréalisme
- Youki 1930 poésie
- Paul Éluard
- À toute épreuve
- Max Ernst
- Rêve d'une petite fille qui voulut entrer au Carmel, huile sur toile
- Valentine Hugo
- La Barque de l’amour s’est brisée contre la vie courante, huile sur toile
- René Magritte
- La Clef des songes
- Les Perfections célestes, série de quatre huiles sur toile
- Portrait d'E. L. T. Mesens, huiles sur toile[34]
- Paul Nougé
- Cils coupés, épreuve gélatino-argentique[35]
- Benjamin Péret
- Vie de l'assassin Foch, poème
- Picasso
- Composition au gant, tableau-relief[36]
- Tête de femme, assemblage de fer, tôle, ressort et passoire
- Man Ray
- Larmes de verre, photographie[37]
- Yves Tanguy
- Légendes ni figures[38]
- Palais promontoire[39]
- La Tour de l'Ouest, invention des coulées, technique rapidement abandonnée : « Je m'aperçus que si je projetais mon tableau tout de suite au crayon sur la toile, je n'avais plus de surprise en le peignant, et la surprise est ce qui me cause le plus de plaisir en peinture. »
- Clovis Trouille
- Remembrance, huile sur toile[40]
Notes et références
- Adam Biro (dir.) et René Passeron (dir.), Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, Genève et Paris, Office du livre et Presses universitaires de France, , p.416.
- Marguerite Bonnet, André Breton, Œuvres complètes : Chronologie, t. 1, Paris, éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », , p.LVI.
- Dans le quotidien Le Soir du 17 février, Roger Vitrac s'est vanté d'en avoir eu l'idée. Henri Béhar, André Breton le grand indésirable, Paris, Fayard, , p.252.
- Agnès Angliviel de la Beaumelle, Yves Tanguy, Paris, Centre Pompidou, , p. 195.
- Marcelle Dumas & Lucien Scheler, Chronologie de Paul Éluard, in Poésies complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1968, p. LXVI et Didier Ottinger (sous la direction de), Dictionnaire de l'objet surréaliste, Gallimard & Centre Pompidou, Paris, 2013, p. 246.
- Bonnet, op. cit., p. LVI.
- Anne Reinbold, Chronologie de René Char, dans Œuvres complètes, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, Paris, 1983.
- André Breton, Œuvres complètes, tome 1, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1988, p. 763.
- Dumas & Scheler, op. cit., p. LXVI.
- Bonnet 1988, p. LXII.
- Paris, Musée national d'art moderne, Centre Pompidou.
- Cité dans Artpress 2 no 13, mai 2009, p. 54.
- Pastichant le titre d'un ouvrage de Benedetto Croce sur la pensée de Hegel « Ce qui est mort, ce qui est vivant de la pensée de Hegel ».
- Breton, op. cit., p. 1627.
- Biro et Passeron 1982, p. 117.
- Bonnet 1988, p. IX.
- Dumas & Scheler, op. cit, p. LXVI.
- Jean-Paul Clébert, Dictionnaire du Surréalisme, Éditions du Seuil & A.T.P., Chamalières, 1996, p. 53.
- Bonnet 1988, p. LVII.
- Le découpage complet du film a été publié par L'Avant-Scène no 27-28, 1963.
- Biro et Passeron 1982, p. 12.
- Clébert, op. cit., p. 14 et
- Angliviel de la Beaumelle 1982, p. 80 et 195.
- Ce n'est qu'une copie qui est saisie. Le négatif original était conservé chez Marie-Laure et Charles de Noailles, producteurs du film. L'interdiction de projection ne sera levée qu'en 1981. Biro et Passeron 1982, p. 12.
- Cité dans Beaux Arts magazine no 279, septembre 2007, p. 38.
- Citation dans Béhar 2005, p. 267.
- Artension, no 35, mai 2007, p. 16.
- Clébert, op. cit., p. 21.
- Xavier Canonne, Le Surréalisme en Belgique. 1924-2000, Paris, Actes Sud, , p.27.
- José Pierre, L'Univers surréaliste, Somogy, Paris, 1983, p. 186.
- Breton, op. cit., p. 781.
- Cité dans Ottinger, op. cit., p. 34.
- 113 × 87 cm. Paris, Musée national d'art moderne. Reproduction dans André Breton, Le Surréalisme et la Peinture, Gallimard, 1928-1965, p. 75.
- Reproduction dans Canonne 2007, p. 20.
- Musée de la Littérature, Bruxelles. Reproduction dans L'Œil no 617, octobre 2009, p. 92.
- 27 × 35 cm. Paris, Musée Picasso. Reproduction dans Beaux Arts magazine no 90, mai 1991, p. 59.
- Reproduction dans Beaux Arts magazine no 134, mai 1995, p. 45.
- Reproduction dans Angliviel de la Beaumelle 1982, p. 51.
- Reproduction dans Breton, [LSELP], op. cit., p. 67.
- 86 × 70 cm. Collection particulière. Reproduction dans Artension, no 35, mai 2007, p. 17.
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