Éventail
L'éventail est un objet utilisé pour induire un courant d'air dans le but de se rafraîchir ou d’attiser les braises d’un foyer.
Pour les articles homonymes, voir Éventail (homonymie).
Les savoir-faire des éventaillistes *
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Éventail de type plié, époque Louis XIV | ||
Domaine | Savoir-faire | |
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Lieu d'inventaire | Paris | |
Sous sa forme universelle, il est un écran rigide avec un manche. Le plus souvent, en France, l'éventail renvoie à un accessoire de mode de la forme d’un demi-disque dont la feuille est faite de matériaux légers (tissu, cuir, papier, etc.) plissés et montés sur des brins qui pivotent autour d'un axe (appelé « rivure »), permettant ainsi à l’objet de se fermer pour diminuer son encombrement et être transporté aisément.
L'usage des éventails est attesté dès l'Antiquité. Ils ont été et sont encore utilisés non seulement pour s'éventer, mais aussi comme vecteurs de messages, objets publicitaires ou de propagande politique, accessoires de mode, de danse ou de théâtre, etc.
Un autre dispositif portatif qui permet de se préserver de la chaleur uniquement rayonnée par le Soleil est l'ombrelle.
Divers types d'éventails
- l'écran fixe ou écran à main, avec manche et feuille en carton ou en vannerie de forme de drapeau (en Italie au XVe siècle et encore actuellement dans le monde arabe) ;
- l'éventail formé d'un manche réunissant des plumes ou feuilles de végétaux (tel un modèle trouvé dans la tombe de Toutânkhamon) ;
- l'éventail utilisé dès le Haut Moyen Âge et conservé sous forme de flabellum liturgique par l'église chrétienne ;
- l'éventail brisé, où des lames d'ivoire, nacre, bois ou autre matériau dur s'ouvrent autour d'un axe (rivure), réunies près de l'autre extrémité par un fil ou un ruban ;
- l'éventail de plumes montées sur des brins réunis par un fil, ou, dans la même veine, l'éventail palmettes, dit « Jenny Lind », où des « palmettes » en carton ou en tissu remplacent les plumes ;
- l'éventail plié, où les « brins » de matériau dur (avec aux extrémités des « panaches » protecteurs plus importants) servent de support à une feuille en papier, peaux de diverses natures, dentelle ou tissu (plus tardivement) ; les éventails pliés sont les plus répandus ; comme les éventails brisés, ils trouvent leur origine en Chine.
Fabrication
La fabrication d'éventails fait appel à des dizaines de corps de métier et d'artisans : peintres brodeurs, sculpteurs, graveurs, ennoblisseurs, plisseurs, etc. L'éventailliste peut d'ailleurs être en France reconnu comme maître d'art, et certaines maisons y ont reçu le label « Entreprise du patrimoine vivant », marque du Ministère de l'Économie, des Finances et de l’Industrie, mis en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence.
En France, le savoir faire des éventaillistes est inscrit à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel français depuis 2020.
Histoire
En Chine, les premiers écrits sur les éventails datent de la dynastie Jin (265-420). Les premiers éventails, appelés fanzi (扇子, ) étaient rigides et en plumes. Le caractère chinois désignant l'éventail est composé du caractère de la demi-porte (户) et du caractère des plumes (羽)[1],[2]. Au IIe siècle déjà, le bambou était utilisé pour la fabrication de la monture. Parmi les matériaux traditionnels des bambous en Chine, on trouve du bambou, de l'ébène, de l'ivoire, des écailles de tortue, de la soie, du papier, des feuilles d'or, des plumes, différents métaux et du tournesol.
Il existe en Chine deux formes, l'une rigide dont la partie contenant le papier est entre le rond et le carré et un plié, la forme la plus répandue de nos jours. Il existe une version brisée dont les brins sont parfois faits en bois de santal. Ce dernier à le double avantage d'être parfumé, et, lorsqu'il est laissé dans les placards la nuit, de chasser certains insectes nuisibles.
Les cinq types d'éventails chinois sont :
- Zhensi (真丝扇, ), en soie véritable.
- Tanxiang (檀香扇, ), en bois de santal.
- Huohua (火画扇, ), datant de la dynastie Qing, faits de verre peint.
- Zhusi (竹丝扇, ), appelé plus couramment (龚扇, ), de forme ronde, fait de fil de bambou finement tissé, lui donnant l'aspect transparent des ailes des cigales.
- Lingjuan (绫绢扇, ), éventail pliable, utilisant une mousseline faite de soie légère.
En Égypte antique, le pharaon était protégé des mouches par un éventail confectionné en plumes ou en feuille monté sur une hampe et porté par un courtisan, de nos jours appelé flabellifère, à partir du nom latin de l'éventail (''flabellum''). Dans les tombes de pharaon sont retrouvés ces flabella qui dit-on, redonnaient le souffle au défunt[3].
En Grèce antique, l'éventail, connu sous le nom de rhipis dès le Ve siècle av. J.-C., était un simple écran à manche, ordinairement en forme de feuille d'arum ou de palmier. Les Étrusques et les Romaines empruntèrent cet accessoire de mode aux femmes grecques[4].
Au Japon, la tradition chinoise est reprise. Il y a donc également deux sortes d'éventails, le sensu (扇子) ou simplement ôgi (扇) qui se plie et l’uchiwa (団扇) en bambou de forme ronde et qui ne se plie pas. L'inventeur du sensu au VIIe siècle se serait inspiré des ailes des chauve-souris[5].
En Europe
Le flabellum, éventail cérémoniel, réapparaît en Europe au IVe siècle pour un usage liturgique : les flabella, chasse-mouches constitués de fines membranes, de peau plissée (tel le flabellum de Tournus daté des années 850[6]), de plumes du paon, de drap fin, ou plus rudimentairement en crins de cheval[7].
Les éventails à manche auraient été (pour un usage profane) réintroduits en Europe par les Croisés au XIIIe siècle. Les éventails « pliés » qui se ferment sur eux-mêmes et peuvent se déplier en demi-cercle sont importés en Europe au milieu du XVIe siècle par les commerçants portugais revenus du Japon. Introduit en France sous sa forme moderne par Catherine de Médicis, objet favori d'Élisabeth Ire d'Angleterre, il connut un important développement en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles. Produit essentiellement en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Italie et plus rarement dans l'espace germanique, ce fut d'abord un objet aristocratique et artistique, reprenant les sujets (mythologiques et bibliques surtout) de tableaux connus, tant sur les feuilles que sur les montures d'ivoire, de nacre ou d'écaille.
L’éventail devint un allié des relations amoureuses et grâce à son langage muet, les amants déchiffraient le message que leurs dames leur envoyaient. À la fin du siècle, des manuels ont été publiés pour enseigner aux femmes le langage de l’éventail. Charles Francis Bodini publia en 1797 l’ouvrage Le Télégraphe de Cupidon, dans lequel il établit un véritable alphabet. Mais, malgré tout cet essor, au début du siècle, il n’existait pas encore de modèle établi sur le commerce et la fabrication des éventails.
Les sujets devinrent souvent moins recherchés avec les bergerades (éventails à feuille rehaussée de scènes de bergers galants) de la fin du XVIIIe siècle, la qualité moindre minorant le prix et facilitant la diffusion de l'objet dans la classe moyenne. Il devint même populaire grâce aux techniques d'impression (et parfois même vecteur de propagande politique avant et pendant la Révolution). C'est à cette période qu'il disparut presque en France, pour ne réapparaître qu'avec plus de vigueur après 1830, connaissant un second âge d'or pendant le Second Empire et atteignant sa taille maximale vers 1890.
Certains marchands d'éventails (notamment la maison Duvelleroy) ont inventé au XIXe siècle un pseudo « langage de l'éventail » très élaboré et codifié. Il s'agissait d'un outil marketing et aucune trace de ce prétendu langage ne peut être trouvée au XVIIIe siècle. Toutefois les scènes figurant sur les éventails participent à la communication sociale, de même que la gestuelle de son maniement, en particulier à la Cour[8].
Cet objet est quelque peu tombé en désuétude pendant l'entre-deux-guerres, hormis en tant qu'objet publicitaire (parfois d'excellente qualité) et hormis aussi dans quelques pays comme l'Espagne, où la fabrication s'était établie moins d'un siècle plus tôt.
Il continue d'accompagner quelques personnages iconoclastes. Moyen élégant et écologique de faire face au réchauffement climatique, il connait cependant au début du XXIe siècle un regain de faveur, et divers créateurs réapparaissent notamment en France.
En Asie
En Orient, même s'il fut aussi fabriqué au goût européen dès le XVIIe siècle, il est resté un élément essentiel de l'art de vivre et de la culture. Les plus grands peintres chinois ou japonais l'ont utilisé comme support pour leurs œuvres. Objet indissociable des rites traditionnels de la Chine et du Japon, l'éventail est un accessoire fondamental dans le théâtre japonais nô ou kabuki, dans l'art narratif rakugo, dans la danse traditionnelle[9], de même que dans certains arts martiaux. Les premiers exemplaires connus ont la forme d'un écran rigide, fait de plumes et de soie et l’utilisation de la peinture apparaît au Ve siècle apr. J.-C.
À la même époque l'écran naît au Japon où, comme en Chine, il était utilisé pendant les cérémonies jusqu'au XIIe siècle. L'éventail plié fait son apparition pendant la période Heian (794-1185). Son usage était strictement limité à la cour et était utilisé soit par les hommes soit par les femmes, sa fonction principale n’était pas exclusivement de se rafraîchir, mais il servait aussi pour différents buts, par exemple il était très utilisé pendant des spectacles de danse traditionnelle. Au Xe siècle on considère l’éventail officiellement répandu dans toutes les régions chinoises et il prenait également des formes et styles différents dans les différentes parties géographiques. Depuis le moment où en Chine la peinture commence à décorer très souvent ces accessoires (pendant le Ve siècle) elle va devenir une influence importante pour les éventails japonais, notamment dans les peintures de paysage dont on utilisait une esthétique fondée sur la mimesis.
Successivement la Chine et le Japon vont être influencés par le modèle Coréen d'écran à double feuille et à brins multiples. Pendant les XVe et XVIe siècles au Japon on fabrique des éventails à monture de fer utilisés comme objet de guerre pour « transmettre des signaux »[10] pendant la bataille. Son usage se répand dans tous les autres classes sociales japonaises pendant la période Edo (1615-1868). Pendant le XVIIe siècle, la Chine exportait des éventails ou leurs simples supports pour les vendre aux Européens, en adaptant les types et les motifs décoratifs selon leur demande. Le grand commerce d’éventails dans le monde européen va provoquer un abaissement de qualité, surtout au Japon à partir du XIXe siècle. Pendant le siècle suivant l’usage de cet objet fascinant disparaît de la vie quotidienne de la plupart des Occidentaux, tandis qu’il restera en Orient un objet traditionnel.
Comme arme
L'éventail est aussi utilisé comme arme dans certains arts martiaux chinois. Il est ainsi présent dans le taiji shan (太极扇), art martial lié au tai-chi-chuan (ce dernier étant pratiqué à main nue), ou dans la danse traditionnelle chinoise.
Pendant le Moyen Âge au Japon, le chef de guerre (le shogun) portait un gunsen (littéralement « éventail de guerre ») : ce type d'éventail avait une monture forgée en acier et servait à la fois de signe de ralliement et de direction des troupes (brandi ouvert), et à la fois de garde et de protection (une fois fermé) lors d'un combat au sabre. Le tessen, de forme plus européenne, était plutôt réservé aux femmes.
Notes et références
- « 扇 », dictionnaire étymologique chinois zhongwen.com
- « Histoire des éventails chinois »,
- Irena Pomorska, Les Flabellifères à la droite du roi en Égypte ancienne, Éditions scientifiques de Pologne, , p. 72
- Robert Flacelière, La Grèce au siècle de Périclès, Hachette Livre, , p. 199
- Edmond de Goncourt, Utamaro, Parkstone International, , p. 67
- (it) Danielle Gaborit-Chopin, Flabellum di Tournus, Museo nazionale del Bargello, , 67 p.
- Henri de Villiers, « Le Flabellum de Saint-Philibert de Tournus – flabelli et ripidia d’Orient & d’Occident », 17 juillet 2012
- Le langage des éventails. http://eventail-duvelleroy.fr/fr/content/19-le-langage-des-eventails
- Les éventails traditionnels d’Edo, nippon.com, le 15 mai 2014
- « éventail », sur www.universalis-edu.com (consulté le )
Annexes
Bibliographie
- M. Volet, Éventails européens, Vesenaz, 1994.
- P. Payen-Appenzeller, Éventails, Parangon, Paris, 2001.
- Georgina Letourmy, La feuille d'éventail, expression de l'art et de la société urbaine, Paris, 1670-1790, Thèse de Doctorat en Histoire de l'Art, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 2006.
- Il ventaglio e i suoi segreti (L'Éventail et ses secrets), Anna Checcoli, Tassinari, 2009.
- Ventagli cinesi giapponesi ed oriental (Éventails chinois, japonais et orientaux), Anna Checcoli, Tassinari, 2009.
- D. Crépin, T. Depaulis, et G. Letourmy, Tabletiers et éventaillistes à Paris au XVIIIe siècle, avant la Révolution, Le Vieux-Papier, 2011.
- Georgina Letourmy-Bordier, J. de Los Llanos, Le Siècle d'or de l'éventail. Du Roi-Soleil à Marie-Antoinette, Paris, éd. Faton, 2013.
- P. H. Biger, Introduction à l’éventail européen aux XVIIe et XVIIIe siècles, Seventeenth-Century French Studies, vol. 36, no , 1, , p. 81-89. researchgate.net
- Georgina Letourmy-Bordier, « Un vent de folie ou les éventails de Willette », dans Adolphe Willette, 1857-1926, Lienart, 2014 (consulter en ligne).
- Georgina Letourmy-Bordier et Sylvain Le Guen (dir.), L'Éventail, matières d'excellence, La nature sublimée par les mains de l'artisan, Méru, éd. Musée de la Nacre, 2015.
- P. H. Biger, Sens et sujets de l'éventail européen de Louis XIV à Louis-Philippe, thèse d'histoire de l'art s.d. Guillaume Glorieux, Université Rennes 2, 2015. (https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01220297)
- European Fans in the 17th and 18th Centuries: Images, Accessories, and Instruments of Gesture, M. Volmert & D. Bucher, ed., De Gruyter, 2019 (ouvrage collectif, chapitres en anglais, français et allemand)
Articles connexes
- Musée de l'Éventail
- Ventilateur
- Duvelleroy
- Ernest Kees
- Panka
- Buchaechum (danse coréenne des éventails)
- Écran à main
- Musée de la Nacre et de la Tabletterie
Liens externes
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