Émilie Gamelin

Émilie Gamelin née Émilie Tavernier ( Montréal, - Montréal, )[1], est une religieuse canadienne, fondatrice des sœurs de la Providence de Montréal et reconnue bienheureuse par l'Église catholique. Elle fut la première fondatrice canadienne-française d’une communauté religieuse au Québec (Bas-Canada) après la Conquête[1].

Pour les articles homonymes, voir Gamelin (homonymie).

Émilie Gamelin
Bienheureuse
Naissance 19 février 1800
Montréal
Décès 23 septembre 1851 
Montréal
Nom de naissance Émilie Tavernier
Nationalité Bas-Canada
Province du Canada
Ordre religieux Fondatrice des sœurs de la Providence de Montréal
Béatification 7 octobre 2001
par Jean-Paul II
Fête 23 septembre

Biographie

Milieu familial et enfance

Marie-Émilie-Eugène Tavernier, fille de d’Antoine Tavernier, voiturier, et de Marie-Josephte Maurice[1], naît à Montréal en 1800[2]. Elle est la 15e d’une famille de 15 enfants mais 9 de ses frères et sœurs sont déjà décédés à sa naissance. Déjà enfant, elle manifeste une grande vivacité d'esprit et une grande sensibilité[3]. C'est grâce à sa mère qu'elle s'ouvre à la souffrance des plus nécessiteux qui viennent frapper à la porte de la maison familiale[3]. Marie-Josephte Tavernier meurt en 1804. Un homme seul n'étant pas en mesure de s'occuper d'une si jeune enfant, elle est confiée, au décès de sa mère, et selon le souhait de celle-ci[4], à sa tante paternelle, madame Marie-Anne Tavernier, et à son mari Joseph Perrault, qui ont quatre enfants[1]. Ce dernier meurt le , mais il laisse à sa veuve un héritage qui lui permet de vivre dans l'aisance[4].

Éducation

Durant ses premières années, madame Perrault se charge de l'éducation de sa nièce. Elle étudie ensuite au pensionnat des Sœurs de la Congrégation Notre-Dame de 1810 à 1815. L'historienne Denise Robillard souligne qu'elle y « reçoit une instruction au-dessus de la moyenne pour l'époque »[5]. Au pensionnat, on entend former de «bonnes chrétiennes et des ménagères accomplies »[5]. Émilie y apprend les bases de l'écriture et de la lecture. Elle reçoit également une formation religieuse (catéchisme et histoire sainte) et est initiée à la couture et à la broderie[5]. C'est dans cet établissement qu'elle prépare sa première communion, qui aura lieu le à l'église Notre-Dame[5]. Le suivant, elle reçoit sa confirmation. C'est l'évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis, qui préside la cérémonie[5].

Jeunesse et mariage

Émilie Gamelin à 22 ans.

Émilie a 14 ans lorsque son père meurt. Elle continue à habiter chez sa tante mais c'est son frère François qui obtient sa tutelle. Le , Louise, l'épouse de celui-ci, décède. À dix-huit ans, Émilie s'installe chez son frère pour l'aider, et accueille avec compassion les pauvres qui s’y présentent, dans une pièce de la maison qu'elle a aménagée en salle à manger et qu'elle désigne comme « la table du roi »[3]. Lorsque son frère se remarie, elle retourne habiter chez sa tante, mais la santé de celle-ci ne lui permettant plus de prendre soin d'Émilie, elle la confie à sa fille aînée, Agathe Perrault née en 1787. Émilie et elle deviennent très proches. À l’été 1819, Marie-Anne envoie Émilie à Québec pour aider bénévolement une autre cousine qui a plusieurs jeunes enfants[3]. Elle revient à Montréal au printemps 1822 pour assister aux funérailles de sa tante Marie-Anne[3].

En 1823, elle épouse Jean-Baptiste Gamelin, de vingt-sept ans son aîné, un homme d'affaires spécialisé dans le commerce des pommes qui partage la même foi et les mêmes valeurs de compassion pour les défavorisés[3]. Après le mariage, qui a lieu le , le couple s'installe dans la maison de Jean-Baptiste, dans le faubourg Saint-Antoine, où ce dernier habite avec un jeune homme déficient mental appelé Dodais qui lui a sauvé la vie lors d'une agression qui a eu lieu bien avant leur mariage[3]. Émilie vit en harmonie avec cet homme qui l'associe à ses affaires et à ses oeuvres de charité. Elle peut laisser s'épanouir ses talents d'organisatrice. Un premier enfant naît en [3]. Jean-Baptiste meurt quatre années plus tard, laissant Émilie veuve. Après le décès de son époux, elle continua, à la demande expresse de celui-ci, à prendre soin de Dodais[3]. De son union, elle a eu 3 enfants qui sont tous décédés en bas âge. Le dernier meurt à l’été 1828[3].

Œuvres charitables

Particulièrement éprouvée par la mort de son mari et de ses trois enfants, sa foi profonde l'aide à surmonter ces épreuves[3]. Sur le conseil de Jean-Jacques Lartigue et de Jean-Baptiste Bréguier dit Saint-Pierre, son directeur spirituel, qui l’invite à prier la Vierge des Douleurs, elle s'intéresse aux œuvres caritatives[1]. Son mari l'ayant pourvu, à son décès, d'une certaine sécurité financière, elle peut œuvrer à son gré au secours des démunis, qu'elle réconforte lors de visites à domicile ou héberge chez elle[3].

À partir de la fin des années 1820, Émilie s'active au sein de plusieurs organisations caritatives. Elle est membre d'un groupe de 50 femmes qui, le [6], fondent, à l’initiative d'Angélique Blondeau-Cotté (1755-1835), l'association des Dames de la charité, dans le but « d’ouvrir une maison de charité où l’on offrirait aux miséreux des soupes, des vêtements et d’autres objets »[3]. La même année, elle commence à participer aux activités de la Confrérie du bien public, qui aide les chômeurs à trouver du travail[1]. En 1828, elle devient membre de Confrérie de la Sainte-Famille[1].

Le sort des jeunes prostituées la préoccupe également. Avec les Dames de la Charité, elle participe à la fondation d'un asile pour les « filles repenties »[3] Cette oeuvre, soutenue par Mgr Lartigue, réussit à subsister financièrement grâce à l'influence d'Émilie, qui se dévoue afin de lever des fonds. Elle fut l'une des organisatrices, en , du premier bazar, réunissant catholiques et protestants, ayant pour but de recueillir de l'argent pour les oeuvres de charité de la ville[3].

Mais, pour elle, le soutien qu'on accorde aux femmes âgées, malades ou infirmes, est encore insuffisant. Elle en accueille quelques-unes chez elle, mais elle cherche bientôt une maison plus grande pour ses protégées. Le nouveau curé de la paroisse Notre-Dame, Claude Fay, met à sa disposition le bas d’une maison du faubourg Saint-Laurent où elle peut inaugurer, le , un premier refuge qui peut accommoder une dizaine de personnes. Le refuge étant vite devenu trop petit pour ses besoins, elle loue un nouvel édifice l'année suivante. En 1841, il deviendra l'Asile de Montréal pour les femmes âgées et infirmes, dont elle assume la direction[3].

Lors des épidémies cholériques de 1832 et 1834, elle n'hésite pas à venir visiter les malades et réconforter les familles. Une maison se trouvant près du nouvel évêché de Montréal lui est offerte par Antoine-Olivier Berthelet. La « Maison de la Providence » sera appelée communément la « Maison jaune ».

Maison-mère et chapelle des Sœurs de la Providence, vers 1890

Auprès des Patriotes emprisonnés

Après la fermeture de l’asile des Filles repenties, les Dames de charité forment une société pour visiter les prisonnières. Émilie y jouera un rôle de premier plan[3].

Surviennent alors les événements de 1837-1838. Déjà sensible au sort des prisonniers et prisonnières de la ville, elle obtient l'autorisation de rendre visite aux patriotes incarcérés à la prison Au Pied du Courant. Elle les console, leur lit des écrits à caractère spirituel, leur apporte « de la soupe et autres soulagemens »[3] Elle introduit clandestinement dans la prison le courrier adressé à ces prisonniers ainsi que diverses marchandises, et même des enfants des prisonniers en les faisant passer pour ses assistants, et prie avec eux malgré le fait qu'ils sont à la fois excommuniés et pour la plupart anticléricaux[7]. Denis-Benjamin Viger évoque, dans ses mémoires, le rôle joué par Émilie auprès des prisonniers : « Ceux qui se trouvaient dans la pénurie ne devaient les moyens d’adoucir l’amertume de leurs privations qu’à des secours obtenus des citoyens, surtout par les soins de Dames de Montréal dont la conduite est au dessus de tout éloge, en particulier Mmes veuves Gamelin et Gauvin, qui recueillaient ces produits de la charité, qu’elles venaient distribuer plusieurs fois par semaine, aux habitans de ce séjour de douleur. »[3] Ces visites s'échelonnèrent de 1837 à 1839; en plus de soutenir les prisonniers politiques et condamnés des insurrections de 1837-1838, elle fait ce qu'elle peut consoler les veuves des condamnés à mort[3].

Fondation des Sœurs de la Providence

Émilie attrape la fièvre typhoïde en 1838 et se trouve à l’article de la mort avant de finalement en guérir. Mgr Ignace Bourget, nommé évêque de Montréal en 1840, désire faire immigrer de France des Filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul pour diriger l'œuvre de Madame Gamelin. L'Asile de la Providence sera construit grâce au dévouement de Mgr Bourget et de Madame Gamelin, qui quêtent pour en défrayer les coûts. Il ouvrira ses portes en .

Face à la nouvelle que les Sœurs de France ne viendront finalement pas à Montréal[8], Mgr Bourget et Jean-Charles Prince décident de fonder une nouvelle congrégation religieuse canadienne, la première fondée à Montréal, par des montréalais d'origine. Le , 7 novices entrent chez les Filles de la Charité Servantes des Pauvres, communément appelées Sœurs de la Providence. Mme Gamelin sent en elle le désir de se donner tout entière. À la demande de Mgr Bourget, elle visitera Elizabeth Ann Bayley Seton, aux États-Unis, pour obtenir des renseignements sur la manière de gouverner une communauté. Revenue avec une copie de la règle de saint Vincent de Paul, elle est admise au noviciat le , fait profession avec les six premières recrues, le , et est élue supérieure le .

Développement de l’œuvre

Dans les années 1840 jusqu'en 1851, son institut mettra sur place de nombreuses œuvres de charité, dont l'hospice Saint-Joseph pour les prêtres âgés et infirmes (1844), une école régulière (1845) et une école pour sourdes et muettes (1851) à la Longue-Pointe (prémisse pour l'Institution des Sourdes-Muettes de Montréal[9]), une maison à La Prairie (1846), un couvent à Sainte-Élisabeth (1849) près de L'Industrie ainsi qu'un bureau de placement pour jeunes filles et un centre de soins pour les malades mentaux pour lequel elle reçoit le soutien du gouverneur ou du premier ministre Louis-Hippolyte La Fontaine[10]. Elle est une intervenante précieuse en 1847 lors de l'épidémie de typhus (Hospice Saint-Jérôme Émilien/Hôpital Saint-Patrice) et en 1849 lors de l'épidémie de choléra (Hôpital Saint-Camille).

Dernières années

En 1850, une école fut fondée à Sorel. En cette même année, Mère Gamelin va visiter les hôpitaux pour malades mentaux aux États-Unis dans le but d’ouvrir un établissement semblable à Montréal; ce qui n’arrivera pas de son vivant. Affaiblie par son œuvre caritative exceptionnelle, elle est emportée le par l'épidémie de choléra qui sévit à nouveau cette année-là à Montréal.

Héritage

Affiche historique à la place Émilie-Gamelin.

Son institut, qui comptait à sa mort cinquante-et-une sœurs et dix-neuf novices et prenait soin de près d’un millier de personnes, a définitivement ouvert la porte aux instituts caritatifs fondés par la suite.

Le Centre international des Sœurs de la Providence situé à Montréal abrite, entre autres, le Centre Émilie-Gamelin et le Musée des Sœurs de la Providence. Celui-ci comporte deux salles d’exposition permanentes (Salle Émilie, Salle Providence) et une salle d’exposition thématique. Il est accessible en semaine, de 9h à 16h30. Les visites sont gratuites[11].

Les Sœurs de la Providence servent encore les plus démunis dans sept pays (Canada, États-Unis, Chili, Salvador, Haïti, Philippines et Égypte).

Hommages

  • Montréal honore depuis quelques années son nom, le square Berri ayant été rebaptisé la place Émilie-Gamelin (1995). Elle est située entre les rues Berri et Saint-Hubert et fait face à la rue Sainte-Catherine, occupant l'ancien emplacement de l'Asile de la Providence (détruit en 1963). Déjà à un endroit très central de Montréal et voisin de l'UQAM, la place Émilie-Gamelin est devenue célèbre en 2012 en tant que point de départ d'une grande partie des très nombreuses manifestations du Printemps érable.
  • Une statue à son effigie, sculptée par l’artiste Raoul Hunter, orne la sortie de la rue Sainte-Catherine au métro Berri-UQAM depuis l'an 2000.
  • Selon la Commission de toponymie du Québec, il existe trois rues au Québec qui portent son nom (à Rivière-du-Loup, à La Prarie et à Joliette). A La Prairie, une école et un parc public rappellent sa mémoire[12].

Cause Émilie Tavernier-Gamelin

Des recherches historiques ont été entreprises en 1960 afin de préparer le dossier pour la possible béatification et canonisation d’Émilie Tavernier-Gamelin. Le , la cause d'Émilie Gamelin est officiellement introduite dans l'Archidiocèse de Montréal. Elle est donc proclamée Servante de Dieu, la première des quatre étapes sur le chemin de la sainteté de l’Église catholique[13].

En 1983, la Commission historique terminait l’étude de la documentation colligée. Un tribunal diocésain entendait les témoins et soumettait à Rome les documents exprimant le grand désir que soit reconnue la sainteté de vie de la Servante de Dieu. En 1989, un volumineux ensemble de preuves sur la renommée de sainteté, la vie et les vertus d'Émilie, qui s'est vouée à la cause des pauvres et des démunis, est présenté à la Congrégation pour les Causes des Saints à Rome. Ce dossier se nomme Positio. Des historiens et des théologiens de Rome se sont alors penchés sur le dossier en demandant au pape Jean-Paul II de reconnaître les vertus héroïques d'Émilie Tavernier-Gamelin. Le Saint Père a proclamé son héroïcité le . C’est la deuxième étape vers la sainteté[13].

En 1983, Yannick Fréchette, un jeune garçon de 13 ans, obtient rémission complète de sa leucémie grâce à l’intercession de Mère Gamelin. Après une enquête diocésaine, le dossier médical est soumis en 1997 à l'étude des médecins de Rome qui, en 1999, émettent un jugement positif unanime sur ce cas jugé inexplicable par la science médicale. Le , le pape Jean-Paul II reconnaît la vertu et l'intercession d'Émilie Tavernier-Gamelin, de même que l'authenticité du miracle. Il la présente au peuple chrétien en tant que bienheureuse, le , à la Place Saint-Pierre, et permet un culte public dans les régions qui lui sont associées. C’est la troisième et dernière étape avant la canonisation[13].

Notes et références

  1. Marguerite Jean, « TAVERNIER, ÉMILIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 avril 2014.
  2. Encyclopédie de l'Agora
  3. Denise Robillard, « Émilie Gamelin (1800-1851) », sur fondationlionelgroulx.org,
  4. Denise Robillard, Émilie Tavernier-Gamelin, Laval, Éditions du Méridien, , p. 41
  5. Denise Robillard, Émilie Tavernier-Gamelin, Laval, Éditions du Méridien, , p. 45
  6. « Chronologie de Montréal - Dames de la Charité », sur Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal, Faculté des sciences humaines, UQAM (consulté le )
  7. « Mère Émilie Gamelin », sur crc-canada.net (consulté le ).
  8. Cyber Génération, « Historique 1845 - 1860 | Les Soeurs de la Providence », sur www.providenceintl.org (consulté le )
  9. à préciser : c'était écrit "du gouverneur Louis-Hippolyte La Fontaine" mais il était premier ministre du Canada-Est, il n'a jamais été gouverneur
  10. « Musée des Sœurs de la Providence Museum », sur www.facebook.com (consulté le )
  11. « Commission de toponymie du Québec - Résultats de recherche pour Émilie Gamelin » (consulté le )
  12. « Centre Émilie-Gamelin - Les Sœurs de la Providence », sur www.providenceintl.org (consulté le )

Bibliographie

  • Denise Robillard, « Émilie Gamelin (1800-1851) », sur fondationlionelgroulx.org,
  • Denise Robillard, Émilie Tavernier-Gamelin, Montréal, Éditions du Méridien, , 330 p. (ISBN 2920417428)
  • Marguerite Jean, « Tavernier, Émilie (Gamelin) », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, (lire en ligne)
  • André-Marie Cimichella, Mère Gamelin : la grande dame de Montréal, fondatrice des Sœurs de la Providence, Montréal, Éditions Jésus-Marie, , 77 p.
  • Maurice-Hudon Beaulieu, Mère Gamelin, Montréal, s.n., , 31 p.
  • Mère Gamelin, Montréal, L’œuvre des tracts, , 16 p. (lire en ligne)
  • Biographies de la mère Gamelin et de ses six compagnes fondatrices de l'Institut des filles de la Charité servantes des pauvres dites Sœurs de la Providence de Montréal, Montréal, Providence maison-mère, , 185 p. (lire en ligne)
  • Rose-de-Lima Tessier, Vie de Mère Gamelin, fondatrice et première supérieure des Sœurs de la charité de la Providence, Montréal, E. Sénécal, , 314 p. (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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