Béatification
La béatification est la déclaration, par décret pontifical, qu'une personne de foi chrétienne a pratiqué les vertus naturelles et chrétiennes de façon exemplaire, ou même héroïque. De plus, la reconnaissance d'un miracle obtenu par son intercession suppose que la personne est au paradis.
Ne doit pas être confondu avec Canonisation.
La publication de ce décret est suivie d'une célébration solennelle de béatification. La vénération publique de celui ou celle qui est alors appelé bienheureux ou bienheureuse est par la suite autorisée localement. Il faut attendre la canonisation pour que le culte soit étendu à toute l'Église.
Il existe un nombre indéterminé de bienheureux et bienheureuses par acclamation populaire et près de 3000 bienheureux et bienheureuses officiels, à ne pas confondre avec les milliers de saints et saintes.
Historique
Aux premiers temps de l'Église, il n'y avait pas de bienheureux, seuls les martyrs étaient vénérés comme saints dès le IIIe siècle, ainsi que les confesseurs de la foi. La procédure de béatification s'élabora progressivement au Moyen Âge par strates : était déclaré bienheureux une personne qui jouissait de la « vision béatifique » (la contemplation face à face de l'essence même de Dieu) et était dans la gloire du Ciel[1]. Le bienheureux, élu par acclamation populaire (la vox populi) bénéficiait uniquement d'un culte local. Alors que la procédure de canonisation fut prise en main à partir du XIIe siècle par la papauté à Rome, celle de béatification se poursuivit à l’échelle locale jusqu'au XIIIe siècle avant de se fixer au concile de Trente qui réservait au pape le droit de dire qui pouvait être vénéré[2].
Aujourd'hui, la béatification est souvent la première étape, nécessaire mais non suffisante, vers la sainteté. La Congrégation pour les causes des saints exige une enquête ainsi qu'un miracle. Seule exception à la loi ecclésiastique, il n'est pas exigé de miracle pour la béatification d'un martyr[3].
Au sein de l’Église catholique
Procédure
Une béatification n'aboutit qu'après une longue procédure (ou procès) préparatoire, mise en route par l'évêque du lieu où est décédé le candidat, et soutenue par une dévotion populaire, avec appel de témoins — favorables ou contraires — et examen des écrits. Le tout doit être confirmé par un miracle obtenu par l'intercession céleste de la personne concernée.
Selon l'article 9a des Normes pour la cause des saints (Novæ leges pro causis sanctorum), promulguées le , les évêques doivent attendre cinq ans après la mort de la personne concernée avant d'introduire sa cause, afin que l'émotion n'entre pas en ligne de compte.
La Congrégation pour les causes des saints a promulgué en 2007 la version actuelle des règles à suivre pour l'enquête diocésaine[4].
L'enquête diocésaine qui a recueilli tous les témoignages et compilé la documentation dure en moyenne de un à cinq ans. L'évêque nomme une commission canonique (historiens, théologiens, vaticanistes) qui fait une étude critique de ses écrits et les condense dans un document transmis à Rome à la Congrégation pour les causes des saints, qui mène l'instruction finale. Si la Congrégation accepte le dossier, elle nomme un rapporteur chargé de faire une synthèse (appelée la « Positio ») de toute la documentation (biographie, vertus, miracle). Un collège de cardinaux et d'évêques étudie alors la positio et se prononce sur l'héroïcité des vertus. Le « décret d'héroïcité des vertus » fait du serviteur de Dieu un vénérable et le décret de miracle en fait un bienheureux. Ce procès à Rome dure en moyenne une douzaine d'années. La décision finale, qui dure en moyenne de un à trois ans, revient au pape à qui on a transmis le dossier et le décret de miracle : le souverain pontife tranche et ordonne la béatification[5].
La plupart des théologiens ne considèrent pas la béatification comme une déclaration infaillible de la part du pape, contrairement à la canonisation.
Promulgation
La déclaration de béatification se fait lors d'une cérémonie eucharistique solennelle, après la lecture du texte d'Évangile. Aucun rite liturgique particulier n'y est attaché.
Le pape Jean-Paul II a, lors de son pontificat, modifié considérablement la pratique de la béatification. Jusqu'en , il a béatifié 1 340 personnes, soit plus que l'ensemble des béatifications effectuées par ses prédécesseurs depuis le pape Sixte V, qui établit une procédure de béatification similaire à celle en pratique aujourd'hui. En outre, Jean-Paul II a introduit lui-même une cause en canonisation, ce qui permet d'écarter la réserve des cinq ans : mère Teresa fut en effet béatifiée (en 2003) seulement six ans après sa mort (1997). La béatification de Jean-Paul II a également été prononcée le dimanche par son successeur Benoît XVI six ans après sa mort.
But et intention
Béatification et canonisation ont pour but, de la part de l'Église catholique, de proposer au peuple chrétien des exemples de vies éminemment chrétiennes.
Vénération et prières sont proposées ou autorisées, localement s'il s'agit d'une béatification (ou même universellement — dans certains cas — s'il en est décidé ainsi). Le culte se traduit par l'attribution d'un jour de commémoration au calendrier liturgique, autant que possible celui de la mort terrestre (ou « naissance au Ciel », selon l'expression classique du martyrologe) de l'intéressé.
Pour les catholiques, ce culte de dulie n'est pas à confondre avec la commémoration des défunts. Ce n'est pas non plus un culte des morts. Les bienheureux et les saints participent à la Vie éternelle. Dans la foi, une communion spirituelle et mystique s'établit avec eux ; c'est la communion des saints. Cette croyance fait partie du credo chrétien. Voir aussi le Code de droit canonique de 1983, canons 1186-1187 et suivants.
En principe[6], un bienheureux ne peut pas être choisi comme patron titulaire pour la dédicace d'une église, ce « privilège » étant réservé aux saints dûment canonisés.
Quelques bienheureux
- Les Martyrs du Japon furent béatifiés le 7 juillet 1867 par Pie IX.
- Jacques-Désiré Laval, spiritain, est bienheureux. Son tombeau se trouve à l'île Maurice.
- Les prêtres massacrés au couvent des Carmes et en l'église Saint-Paul-Saint-Louis le , lors des massacres de Septembre, ont été déclarés bienheureux par l'Église catholique. Le est une fête dans le calendrier liturgique. Cette fête n'apparaît pas dans les agendas ordinaires.
- Le sont béatifiés à Rome 191 martyrs de la Révolution française, dont les prêtres massacrés le au séminaire Saint-Firmin (ou des Bons-Enfants ou de la Mission ou des Lazaristes), alors transformé en prison (voir Bienheureux Martyrs de Septembre). Martin Loublier, prêtre de Condé-sur-Sarthe, emprisonné à Saint-Firmin, fait partie de ces 191 martyrs qui ont été béatifiés le par le pape Pie XI.
- 498 martyrs de la persécution religieuse en Espagne ont été béatifiés le à Rome[7].
- Antonio Rosmini (1797-1855), prêtre et fondateur d'une congrégation : ses écrits ont été mis à l'index en 1849 ; cette censure est levée peu avant sa mort intervenue en 1855 ; 40 de ses thèses ont été condamnées par Léon XIII en 1887. Sa redécouverte fut progressive au XXe siècle, et il a été béatifié en 2007.
- Et encore (en ordre alphabétique) : Anne-Marie Taigi, mère de famille qui eut une quantité exceptionnelle de visions ; Bartolo Longo sataniste converti ; César de Bus ; l'empereur Charles Ier d'Autriche (1887-1922 ; le procès de béatification de son épouse l'impératrice Zita est en cours) ; Charles de Foucauld ; le comte et cardinal Clemens August von Galen, évêque de Münster qui s'est distingué par son opposition à Hitler ; Frédéric Ozanam, fondateur de la société de Saint-Vincent-de-Paul ; le cardinal Alfredo Ildefonso Schuster, archevêque de Milan.
Notes et références
- Christian Trottmann, La vision béatifique, des disputes scolastiques à sa définition par Benoît XII, École française de Rome, , p. 3-7.
- Yves Poutet, La sainteté d'après le droit canon et les normes en usage pour les causes de béatification du Concile de Trente à nos jours, Histoire et Sainteté, Presses de l'Université, 1982, p. 53-64.
- Henri Schwery, Saints et sainteté. Les saints parmi nous, Éditions Saint-Augustin, , p. 87-88.
- Congrégation des causes des saints.
- Michel Dubost et Stanislas Lalanne, Théo. Les saints, Fleurus, , p. 10-15.
- Sauf indult du Saint-Siège : cf. commentaires du canon 1218.
- Béatification de 498 martyrs de la persécution religieuse en Espagne.
Voir aussi
Articles connexes
- Culte de Dulie (à ne pas confondre avec le culte de latrie réservé à Dieu seul)
- Martyr
- Martyrologe
- Canonisation
- Serviteur de Dieu
- Vénérable (catholicisme)
- In odium fidei
- Liste des béatifications par Pie XII
- Liste des béatifications par Jean XXIII
- Liste des béatifications par Paul VI
- Liste des béatifications par Jean-Paul II
- Liste des béatifications par Benoît XVI
- Liste des béatifications par François (pape)
- Liste de béatifiés (en)
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Site officiel de la Congr. pour les Causes des saints.
- Communication de la Congr. pour les Causes des saints du (la béatification, qui reste un acte pontifical, a lieu dans le diocèse concerné).
- Instruction Sanctorum Mater de la Congr. pour les Causes des saints du pour le déroulement des enquêtes diocésaines.
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