Botulisme

Le botulisme (dérivé savamment  en 1879  du radical latin botulus, « boudin », d'après les premiers aliments mis en cause) est une maladie paralytique rare mais grave, le plus souvent d'origine alimentaire, touchant les humains et les animaux. Elle est due à une neurotoxine bactérienne, la toxine botulique (anciennement appelée toxine botulinique) ou botuline, produite par plusieurs bactéries anaérobies du genre Clostridium, la plus connue étant Clostridium botulinum.

Pour les articles homonymes, voir Botulisme (homonymie).
Botulisme
Un adolescent de 14 ans atteint de botulisme. L'image de gauche montre une ophtalmoplégie bilatérale totale avec ptosis et celle de droite des pupilles fixes. Cet enfant était pleinement conscient.
Spécialité Infectiologie (en)
CISP-2 D70
CIM-10 A05.1
CIM-9 005.1,040.41,040.42
DiseasesDB 2811
MedlinePlus 000598
eMedicine 213311
eMedicine article/213311 
MeSH D001906

Mise en garde médicale

Clostridium botulinum

La toxine botulique est la plus puissante de toutes les toxines connues dans la nature, mais elle est aussi fragile, ne résistant pas à la chaleur, ni à une exposition prolongée à l'oxygène. L'intoxication se produit généralement par des aliments mal conservés (salaisons, conserves... le plus souvent familiales) à la suite de défaut technique ou de manque d'hygiène lors de la fabrication. En pratique, elle ne survient presque jamais avec des produits frais.

Chez l'être humain, il existe trois variétés de botulisme : le botulisme alimentaire (toxi-infection alimentaire due à la toxine présente dans l'aliment), le botulisme par blessure, dû à la toxine produite dans une blessure infectée par Clostridium botulinum ; et le botulisme infantile, provoqué par la consommation de spores de bactéries, qui se développent ensuite dans les intestins où elles libèrent la toxine.

Non traitées, toutes les formes de botulisme peuvent être mortelles. La suspicion de botulisme constitue une alerte de santé publique, déclenchant une enquête épidémiologique à la recherche de l'aliment causal, et de son origine familiale ou industrielle.

La maladie n'est pas contagieuse, et ne procure pas d'immunité.

Historique

Période clinique et familiale

La maladie existe probablement depuis que l'homme conserve ses aliments (séchage, fumage, salage...)[1], mais au regard médical, elle ne se distingue qu'à la fin du XVIIIe siècle.

Au début du XIXe siècle, les autorités médicales du duché de Wurtemberg sont alertées par une augmentation du nombre de cas d'empoisonnement fatal par ingestion de nourriture avariée. La cause identifiée est une diminution des précautions d'hygiène dans la préparation des charcuteries et salaisons fermières à la campagne en raison de la pauvreté générale provoquée dans la population par les guerres napoléoniennes. En 1802, le gouvernement de Stuttgart émet une mise en garde publique sur « la consommation dangereuse de boudin noir fumé », l'agent toxique supposé étant l'acide prussique[2].

Ce n'est que vingt ans plus tard, en 1822 que le poète et médecin Justinus Kerner , alors médecin de district, rend des rapports officiels où il conclut en identifiant correctement l'origine de ce nouveau poison qu'il pense être un acide gras. Il donne dès cette époque une description détaillée des symptômes du botulisme et a l'intuition des applications thérapeutiques potentielles de ce poison. En 1870, le médecin allemand Müller renomme la « maladie de Kerner » en botulisme (du latin botulus, évoquant le boyau animal utilisé en charcuterie et au-delà tout boyau farci, dont le boudin).

Une maladie similaire est aussi décrite en Russie, au XIXe siècle, sous le terme « ichthiosismus », liée à l'ingestion de poissons fumés ou marinés[3].

Période bactériologique et industrielle

En 1895, à la suite d'un dramatique foyer de botulisme apparu lors d'une fête d'un bourg belge[3] (Ellezelles[4]), la bactérie responsable est identifiée en laboratoire par le microbiologiste belge Émile van Ermengem. Il s'agit d'un bacille anaérobie, sporulé et producteur de toxines, qu'il nomme « Bacillus botuliniques » [5].

Aux États-Unis, les premiers cas reconnus de botulisme surviennent en 1899[3]. En 1904, une mauvaise stérilisation des conserves est mise en évidence à l'occasion de l'intoxication de 32 personnes (21 malades et 11 morts) par Landman qui isole une souche de Bacillus botulinus s'étant développée dans des haricots blancs en conserve. Des cas analogues répétés se produisent aux États-Unis, liés aux débuts de la commercialisation des conserves alimentaires.

À partir des années 1920, des études scientifiques intensives, sponsorisées par l'industrie alimentaire américaine (la National Canners Association[6]), sont menées sur le botulisme et le conditionnement industriel des conserves. Ces études sont à l'origine de pratiques et procédures, permettant un conditionnement sûr, toujours en vigueur dans l'industrie agro-alimentaire[3].

En 1923, Bergey classe « Bacillus botulinus » dans le genre Clostridium en le renommant Clostridium botulinum. De 1910 à 1970, 7 différents types de toxines (A à G) sont isolées. En 2014, un huitième type H est identifié.

Types

Pour la bactériologie et la toxine botulique, voir :

Article détaillé : clostridium botulinum.
Article détaillé : toxine botulique.

Il existe plusieurs types de toxines, qui n'ont pas de protection croisée entre elles (une antitoxine qui en neutralise une, ne neutralise pas les autres).

La maladie humaine est due aux types A, B, E, et rarement F.

La maladie animale est surtout due aux types C, D, E, rarement A, F et G.

  • Botulisme de type A (sérotype pathogène pour l'Homme et rarement certains animaux), le plus grave pour l'Homme, est lié aux conserves de légumes et produits laitiers, dominant aux États-Unis.
  • Botulisme de type B (sérotype pathogène pour l'Homme), moins grave, lié aux conserves de viande et charcuteries, dominant en France et en Europe centrale.
  • Botulisme de type C (sérotype pathogène pour certains animaux dont les bovins et oiseaux), plutôt dans le Grand Ouest en France depuis les années 1980.
  • Botulisme de type D (sérotype pathogène pour certains animaux, dont le chien)
  • Botulisme de type E (sérotype pathogène pour l'Homme et pour certains animaux, identifié en 1935), avec une augmentation préoccupante en France en élevage avicole depuis 1997[7], normalement lié aux poissons et fruits de mer.
  • Botulisme de type F (rare, sérotype pathogène pour l'Homme et certains animaux).
  • Botulisme de type G (très rare, sérotype pathogène pour certains animaux).

Le mécanisme d'action est une inhibition de la libération d'Acétylcholine au niveau des jonctions neuromusculaires, ce qui bloque la transmission entre nerf et muscle et conduit à une paralysie motrice et respiratoire.

Épidémiologie

Botulisme humain

Au cours du XXe siècle

Dans le monde, la maladie est rare et sporadique, mais quand elle survient, son taux de mortalité peut être élevé. Il était le plus fort aux États-Unis dans les années 1890-1920 lors des premières conserves industrielles (60 à 70 %). Il a chuté en deux temps : à la fin des années 1920, avec l'amélioration des procédures industrielles, et au début des années 1950, avec les soins intensifs et la réanimation respiratoire (ventilation assistée)[8].

Les principaux aliments responsables de botulisme varient selon les habitudes culturelles alimentaires. En Pologne, Allemagne et France, les viandes conservées (fermières, artisanales ou familiales) sont majoritairement en cause (le jambon en France, les saucisses en Allemagne) avec prédominance du type B, alors qu'en Russie et au Japon, ce sont les poissons fumés ou marinés, avec prédominance du type E. Aux États-Unis, ce sont les conserves de légumes (haricots, maïs, champignons...), avec prédominance du type A[3].

Épidémiologie actuelle

En France

C'est une maladie assez rare en France (45 cas identifiés sur la période 2007-2009[9]) ; son incidence annuelle est de l'ordre de 0,5 cas par million d'habitants. Il s'agit de cas sporadiques, le plus souvent d'origine alimentaire : salaisons, charcuteries et conserves de fabrication familiale, plus rarement fermières, artisanales ou industrielles ou par inoculation chez le toxicomane. Le risque de botulisme humain acquis à partir de sources avicole ou bovine est faible dans ce pays, mais des foyers récents dans d'autres pays comportant un nombre significatif de malades (plusieurs dizaines) ont montré un taux de létalité de plus de 5 % qui incite à la prudence[7].

En 2011, le taux d’incidence du botulisme est descendu à 0,27 cas par million d’habitants. Ce taux est en dessous du taux d’incidence moyenne observé pour la période 1991-2009 qui est de 0,42 cas par million d’habitants et par an[10].

Dans la période 2013-2016, on compte de 11 à 22 cas annuels (18 en moyenne), soit 69 cas répartis en 39 foyers, un peu plus souvent dans le centre de la France. 75 % des patients ont été hospitalisés, le plus souvent en réanimation. Deux décès sont survenus (femmes âgées de 73 et 85 ans)[11].

La forme la plus fréquente (85 % des cas) est le botulisme alimentaire. Le botulisme type B est le plus souvent lié à des produits de charcuteries : jambon artisanal ou familial, cru ou mal cuit (23 cas), charcuteries industrielles d'origine Pologne (1 cas) et Portugal (4 cas). Le botulisme type A est plus rare, d'origine plus variée : lié à des conserves familiales de légumes, comme les asperges (deux foyers), à un pâté de faisan (un foyer)[11].

Les deux premiers foyers de botulisme type F à apparaitre en France, dus à Clostridium baratti, ont été détectés. L'origine du premier n'a pas été retrouvée ; dans le second il s'agissait d'une viande hachée de bœuf industrielle utilisée dans un restaurant pour une sauce bolognaise préparée à l'avance (trois cas survenus dans la même tranche horaire)[11].

Six cas de botulisme infantile ont été identifiés dans la même période, d'origine probablement environnementale : pas d'aliments à risques retrouvé, mais contamination possible d'aliments par une infime quantité de poussières (travaux en chantier près du domicile du nourrisson)[11].

En Europe

C'est une maladie rare en Europe avec environ 200 cas par an (0,3 cas par million d'habitants). Le plus grand nombre de cas est signalé en Europe centrale (surtout Pologne et Lituanie). Le botulisme d'inoculation des usagers de drogues intraveineuses est devenu le botulisme le plus fréquent dans des pays comme le Royaume-Uni ou l'Irlande. Le botulisme infantile est très rare en Europe, quand il survient, il touche surtout les enfants de moins de six mois[12].

Aux États-Unis

Sur la période 2011-2015, on compte en moyenne 162 cas de botulisme par an : moins de 20 % relèvent du botulisme alimentaire, plus de 71 % du botulisme infantile, et le reste du botulisme par blessure ou d'origine inconnue. Les épidémies de botulisme alimentaire touchant deux personnes ou plus sont habituellement dues à la consommation de conserves, mal stérilisées, faites à la maison. Il n'y a pas eu de cas par bioterrorisme ; on note un cas de botulisme iatrogénique (par toxine thérapeutique non homologuée)[13]

Le nombre de cas de botulisme alimentaire et infantile a peu varié depuis les années 2000, mais le botulisme par blessure a augmenté en raison de l'utilisation de l'héroïne brune (black tar), surtout en Californie.

Botulisme animal

Chez les bovins

En France, dans la période 1945-1970, des cas de botulisme type C ont été rapportés chez les bovins et des équins, le plus souvent à la suite de présence de cadavres de petits rongeurs dans les fourrages[14].

Des cas de botulisme type D ont été diagnostiqués en Bretagne, Normandie et Pays de Loire, dans les années 1979-1983, liés à la proximité d'élevage industriel de volailles. Les volailles domestiques sont résistantes au botulisme D mais elles constituent un réservoir pour les bactéries type D qui se retrouvent dans les lisiers. La transmission des volailles aux bovins se fait par les fumiers épandus sur les pâtures, par les eaux de ruissellement (dissémination des spores), ou par le vent à partir des lisiers desséchés et pulvérulents. A cette époque, la contamination principale a été celle des farines de viandes (de volaille) servant à l'alimentation des bovins[14].

Il peut exister une répartition saisonnière du botulisme bovin, survenant de préférence lors de mois d'été et d'automne, chauds et secs ; la température optimum de croissance des clostridium C et D étant relativement élevée (30 - 40° C)[14].

Chez les oiseaux

La ville de Bruxelles donne des conseils pour prévenir la survenue du botulisme chez les canards.

Le botulisme aviaire, de type C, est endémique, au nord de l'hémisphère Nord (Canada, Japon, Europe occidentale), chez les oiseaux sauvages, en particulier aquatiques, surtout en saison chaude et sèche. En Grande-Bretagne, pendant l’été exceptionnellement chaud et sec de 1976, les niveaux des fleuves sont tombés si bas en quelques endroits que des cygnes ont été atteints de botulisme en s’alimentant dans des couches anaérobies, qu’ils n’atteignent pas généralement.

L'année 1995, avec un été chaud et prolongé, a été particulièrement meurtrière en France, en Allemagne et les pays anglo-saxons. Des dizaines de milliers de cadavres d'oiseaux ont été retrouvés près des points d'eau (étangs, lacs, marais...). Ce phénomène se retrouve tous les ans, mais d'importance variable selon les conditions climatiques[14].

En février 1996, en France, pour la première fois, un épisode inhabituel de botulisme type E est survenu sur la façade littorale du Pas-de-Calais essentiellement, en baie de Canche et au nord de celle-ci. Les pertes ont été estimées à plus de 5 000 à 10 000, voire 16 000 oiseaux laridés (mouettes rieuses Chroicocephalus industries). La cause probable serait l'alimentation de ces oiseaux sur une décharge locale de déchets de poissonneries[15]. Les Clostridum type E se développent à basse température (à partir de 3° C pour la croissance et de 7° C pour la production de toxines)[14].

Dans les élevages industriels (poulet, dinde, canard, faisan), le botulisme type C, (plus rarement D), peut se déclarer dans des effectifs de 10 000 à 50 000 sujets, avec des mortalité de 10 à 70 % de l'effectif. La source la plus probable est l'alimentation par farine de viande. Depuis 1998, un botulisme type E est détecté dans des élevages industriels de poulets[14].

Chez les chiens

Il s'agit généralement de chiens en zone rurale, où sévit du botulisme aviaire. Le chien se contamine en consommant des cadavres de volailles[14].

Formes cliniques

Les symptômes classiques du botulisme surviennent le plus souvent entre 12 et 36 heures après l'ingestion de la toxine botulinique, mais ils peuvent parfois s'observer précocement dès la 6e heure ou tardivement après dix jours. La durée d'incubation et la gravité des symptômes dépendent du type et de la quantité de toxine absorbée par l'organisme, ainsi que du mode de contamination. Le type A donne les formes les plus graves et les plus rapides, alors que le type B est plus progressif.

Botulisme alimentaire

Les formes alimentaires sont les plus fréquentes. Elles sont dues à la présence de la toxine, déjà préformée, dans les aliments. La maladie se présente comme une gastro-entérite, non fébrile, mais avec des troubles neurologiques visuels caractéristiques, qui peuvent apparaître en premier.

En sus des troubles digestifs (coliques, diarrhées ou constipation, vomissements), apparait une paralysie de nerfs crâniens (en particulier oculaires) avec une sécheresse de la bouche (paralysie sécrétoire des glandes salivaires), des difficultés à avaler, une élocution incompréhensible, une vision double et trouble (paralysie oculaire et de l'accomodation), avec chute des paupières.

Dans un second temps, survient une paralysie descendante avec une faiblesse musculaire généralisée, bilatérale et symétrique, sans troubles de la sensibilité. Elle peut s'aggraver jusqu'à la paralysie des muscles des membres et du tronc, avec iléus paralytique et rétention d'urine. La paralysie respiratoire peut conduire au décès. Dans tous les cas, c’est la toxine botulique qui provoque la maladie, et non la bactérie C. botulinum elle-même.

Botulisme infantile

Les premiers cas sont publiés aux États-Unis (Californie) en 1976[3].

Appelé aussi botulisme par colonisation, il s'agit de l'ingestion de spores de C. Botulinum largement répandues dans l'environnement, normalement détruites par l'acidité gastrique ou dont le développement est empêché par la flore intestinale (microbiote). Chez le nourrisson ou l'adulte avec facteurs prédisposants (chirurgie intestinale, maladie de l'intestin, antibiothérapie)[9], l'acidité gastrique et le microbiote sont insuffisants. Les spores germent et colonisent l'intestin, produisant ainsi la toxine botulique in situ dans un second temps.

Le botulisme infantile est aux États-Unis la forme la plus répandue de la maladie. L'enfant présente une faiblesse générale[16], avec perte de la tenue de la tête, difficulté à s’alimenter et constipation, d'où le nom de « floppy baby » (bébé flasque).

L'origine de la contamination des nourrissons est le plus souvent attribuée à l'ingestion de produits sucrés, tels que le miel[17], le sirop de maïs. En effet les spores de C. Botulinum peuvent persister dans le miel. C'est la raison pour laquelle il est recommandé de ne jamais donner aux bébés ni miel, ni aucun autre produit sucré quel qu’il soit jusqu’au sevrage, en tous cas jamais avant l'âge d'1 an de l'enfant[18].

Botulisme d'inoculation

Les premiers cas sont publiés aux États-Unis en 1973[1].

Il s'agit de botulisme par blessure, analogue à la transmission du tétanos. Le plus souvent, il s'agit d'usagers de drogues injectables, comme l'héroïne de mauvaise qualité. Dans ce dernier cas, les symptômes apparaissent dès six heures après l'injection et perdurent jusqu'à deux semaines. Ils peuvent être une vision dédoublée, des paupières lourdes, des confusions de langage ou d'élocution, des difficultés à avaler, une faiblesse bilatérale des bras, puis une paralysie flasque accompagnée de détresse respiratoire[19].

La toxine ne peut pas traverser une peau saine et intacte, mais elle peut provoquer des troubles par les muqueuses (conjonctives par exemple)[14].

Botulisme d'inhalation

C'est une forme exceptionnelle, qui ne survient pas de façon naturelle chez l'Homme. Les seuls cas connus concernent trois chercheurs vétérinaires dans un laboratoire allemand, en 1962, exposés accidentellement à un aérosol de toxine botulique[20],[8]. La toxine inhalée passe dans le sang, et provoque les mêmes troubles neurologiques que la forme alimentaire, mais avec une incubation très courte, environ 6 heures [21]. La maladie a été reproduite expérimentalement chez des primates, en 1993, pour tester l'utilisation d'antitoxines[20]. L'utilisation bioterroriste de ce type de botulisme est discutée.

Diagnostic

Le diagnostic est le plus souvent clinique, basé sur l'examen, l'histoire et les circonstances, et l'entourage du patient. Le botulisme se distingue des autres déficits moteurs aigus par l'importance de l'atteinte des nerfs oculaires par rapport à une faiblesse musculaire généralisée d'abord modérée[20]. Il y a absence de fièvre et absence de troubles de la conscience[21]. La survenue d'au moins deux cas groupés de paralysie descendante évoque fortement un botulisme[9].

Le botulisme est confirmé par la présence de la toxine botulique dans le sérum ou les selles du patient, dont l'injection à la souris reproduira les signes de la maladie. La bactérie peut également être isolée dans les selles des patients atteints de botulisme alimentaire ou infantile, ou par un prélèvement de la plaie infectée lors d'un botulisme par blessure.

La bactérie et la toxine peuvent être recherchées dans des aliments suspects d'être à l'origine de la contamination.

Une électroneuromyographie (ENMG) peut être utile au diagnostic en montrant un bloc de la jonction neuromusculaire de type pré-synaptique (défaut de libération de l'acétylcholine dans la synapse)[22]. De nouvelles méthodes de diagnostic sont en cours de développement comme la PCR[21].

D'autres affections neurologiques avec déficits moteurs comme le syndrome de Guillain-Barré, les accidents vasculaires cérébraux et la myasthénie peuvent ressembler au botulisme, en étant plus fréquentes que lui. Le botulisme peut donc faire partie du diagnostic différentiel de ces affections (recherche de toxine botulique dans le sérum du patient)[9].

Traitement

La surveillance et le traitement des patients suspects de botulisme se fait en milieu hospitalier. La surveillance est cardiaque et respiratoire[23].

Le traitement spécifique par sérothérapie précoce (antitoxines d'origine équine) n'est pas disponible en France[23]. Il l'est aux États-Unis mais son utilisation reste difficile, avec des risques allergiques importants[20].

Le traitement est symptomatique. La paralysie respiratoire en cas de botulisme grave nécessite une ventilation mécanique (« respiration artificielle ») en milieu de soins intensifs, parfois de plusieurs semaines. La guérison est lente, en général les signes oculaires disparaissent en dernier, après des semaines ou des mois. Une fatigue au long cours peut persister[1].

En cas de botulisme par blessure, la plaie responsable est traitée chirurgicalement pour faire disparaître la source des bactéries toxinogènes.

En France, un cas suspect ou confirmé de botulisme doit être signalé sans délai à l’Agence régionale de santé (ARS), qui déclenche une enquête épidémiologique : recherche de cas dans l'entourage, analyses alimentaires, enquêtes vétérinaires, traçabilité des produits. Des données inhabituelles, évoquant un acte malveillant ou bioterroriste, peuvent déclencher le plan Biotox[24].

Aux États-Unis, la létalité du botulisme alimentaire (mortalité des sujets atteints) a diminué de 25 % (1950-1959) à 6 % (1990-1996), avec réduction similaire pour chaque type de toxine[20]. Dans la période 1975-2009, celle du botulisme infantile a été de 1 %, de 5 % pour le botulisme par blessure et de 22 % pour les autres causes ou causes inconnues[13].

En France, la létalité a été de 1 % (1991-2000), liée à la prépondérance du botulisme type B, moins grave[24]. Ainsi, la létalité en France n'a jamais dépassé 6 % depuis les années 1950[24].

Prévention

Hygiène alimentaire

Le botulisme alimentaire peut être évité par le respect des règles d'hygiène de préparation des aliments à conserver, et des consignes de stérilisation, surtout pour les conserves familiales préparées à la maison, qui sont les causes les plus fréquentes. Les procédés de conservations (température, concentration saline, pH) doivent être scrupuleusement respectés.

Les salaisons demandent une concentration en sel et un temps de salage suffisant ; les aliments à mettre en conserve, susceptibles d'être souillés par de la terre, doivent être nettoyés soigneusement et stérilisés suffisamment longtemps[9] : les toxines botuliques sont thermolabiles, inactivées à partir de 85° pendant 5 minutes[20], et détruites par ébullition pendant 10 minutes. En revanche, les spores sont très résistantes, nécessitant d'autres moyens et des températures supérieures (fabrication industrielle de conserves)[8].

Les conserves, ou les emballages type Tetrapack, peuvent révéler la présence de C. botulinum (ou d'autres bactéries) par un bombement extérieur caractéristique qui résulte d’une pression exercée à l’intérieur par les gaz produits par les bactéries, avec un risque de projections lors de l'ouverture [14] ; le mieux est de jeter purement et simplement de telles conserves.

Les gaz produits par des C. botulinum en croissance sont d'odeurs désagréables (odeur de beurre rance), mais la toxine pure en solution est incolore, inodore, et autant qu'on puisse le savoir, sans goût[20].

Vaccination

En 2018, il existe un vaccin expérimental aux États-Unis, contre 5 types de toxine botulique, à la disposition de personnes exposées à haut risque durant une période limitée (personnel militaire et de laboratoire). Il n'est pas disponible pour le grand public, à cause de son coût, du nombre d'injections nécessaires, et de sa courte durée de protection[13].

Dispositions légales

En France et en Belgique, cette maladie est sur la liste des maladies infectieuses à déclaration obligatoire.

En France, le Centre National de Référence des bactéries anaérobies et du botulisme a été créé en 1972. Il participe à la surveillance du botulisme humain en signalant les cas confirmés biologiquement à l'Institut National de Veille Sanitaire[9].

En France, depuis 1986, la déclaration du botulisme a été individualisée par rapport aux autres toxi-infections alimentaires collectives (où il faut au moins 2 cas pour la déclaration). Depuis 1986, un seul cas isolé de botulisme doit être déclaré aux autorités sanitaires qui déclenchent alors une enquête[9] .

En France le botulisme et la toxine botulique font partie des pathologies infectieuses et toxiques soumises depuis 2001 à une surveillance renforcée dans le cadre du plan Biotox[23].

En Europe, le botulisme est surveillé par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (surveillance de santé publique, données épidémiologiques) et, sur requête, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (avis d'expertise).

Utilisations de la toxine botulique

Article détaillé : Toxine botulique.

En utilisation massive, la toxine botulique pourrait servir d'arme biologique. A l'inverse, à très faibles concentrations, elle est utilisée comme un moyen thérapeutique.

Les journalistes Robert Harris et Jeremy Paxman affirment l'existence d'au moins un cas de botulisme provoqué par l'utilisation d'une arme antipersonnelle contaminée volontairement par la toxine botulique (celle-ci étant mêlée à la couche de colle enduisant une grenade), lors de l'assassinat du dignitaire nazi Reinhard Heydrich en 1942[25]. Cette hypothèse, reprise notamment par le biologiste Patrick Berche[26], est jugée invraisemblable et non étayée par les sources par les historiens spécialistes[27].

Il est avisé très tôt que la puissance de la toxine botulique pouvait être exploitée comme un avantage, lorsqu'une paralysie musculaire locale s'avère utile ou souhaitable. Déjà Kerner au XIXe siècle avait entrevu le potentiel d'utilisation de la toxine à des fins thérapeutiques, allant jusqu'à en expérimenter les effets sur lui-même. La toxine botulique est souvent efficace dans le traitement des maladies neurologiques comportant une trop grande activité musculaire (contractions et mouvements anormaux, crampes, spasticité, dystonie). La toxine botulique est aussi employée en cosmétique, par exemple pour réduire les rides faciales ou la transpiration excessive.

Un surdosage accidentel de toxine thérapeutique, ou l'utilisation de produit non homologué (de trop forte concentration), peuvent être à l'origine de botulisme iatrogénique[8].

Notes et références

  1. M. Sebald, « le botulisme », Le Concours Médical, , p. 6669
    l'auteur se réfère à L. Smith, « Botulism : The organism, its toxins, the disease », Springfield, 1977, Charles C.Thomas (ed.).
  2. Erbguth FJ, Naumann M. « Historical aspects of botulinum toxin. Justinus Kerner (1786-1862) and the "sausage poison" ». Neurology 1999; 53: 1850-1853.
  3. (en) W. H. Barker, Botulism, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-33286-9), p. 623-625
    dans The Cambridge World History of Human Disease, K.F. Kiple (ed.).
  4. (en) « Botulism,Background », sur emergency.cdc.gov
  5. Van Ermengem EP. Über einen neuen anaeroben Bacillus und seine Beziehung zum Botulismus. Z Hyg Infektionskrankh 1897 ; 26 : 1-56
  6. La National Canners Association (des industriels de la conserve) a été fondée en 1907, elle devient la National Food Processors Association en 1978, et la Food Products Association en 2005. Depuis 2007, elle est fusionnée avec la Grocery Manufacturers Association (des industriels et commerciaux des boissons et produits alimentaires), dont le siège est à Washington, DC.
  7. Le Botulisme d'origine aviaire et bovine, AFSSA, France ; Paris ; octobre 2002 ; 82 pages (PDF, 1 377 Ko)
  8. (en) J. Sobel, « Botulism », Clinical Infectious Diseases, , p. 1167-1173
  9. Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 22 février 2011
  10. Caractéristiques épidémiologiques du botulisme humain en 2011 Institut de veille sanitaire (InVS),
  11. « Le botulisme humain en France, 2013-2016 », sur invs.santepubliquefrance.fr (consulté le 9 février 2018)
  12. (en) « Factsheet for the general public », sur ecdc.europa.eu (consulté le 16 octobre 2016)
  13. « Botulism », sur ncbi.nlm.nih.gov (consulté le 10 février 2018)
  14. J.P. Carlier, « Le botulisme en France à la fin du deuxième millénaire », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, no 09, , p. 38
  15. Gourreau JM. et al. « Étude d'un épisode de botulisme de type E chez des mouettes rieuses (Larus ridibundus) et des goélands argentés (Larus argentatus) en baie de Canche (Pas-de-Calais)» Gibier faune sauvage 1998, vol. 15, HS2 (541 p.) (8 ref.), p. 357-363 ISSN 0761-9243 Fiche INIST/CNRS Congrès de l'Union internationale des biologistes du gibier (UIBG) no 23, Lyon, FRANCE (1er septembre 1997) Congress of the International Union of Game Biologists (IUGB) no 23, Lyon, FRANCE (1er septembre 1997)
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Voir aussi

Cinéma

  • 1956 : Si tous les gars du monde

Bibliographie

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Articles connexes

Lien externe


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