Vivisection

La vivisection est une dissection opérée sur un animal vertébré[1] vivant, à titre d'expérience scientifique, en particulier dans le but d'établir ou de démontrer certains faits en physiologie ou en pathologie. D'une manière générale, elle désigne toute opération chirurgicale invasive à titre expérimental[réf. nécessaire][2].

Vivisection de grenouille.

Définition

Le terme de vivisection est apparu vers 1820 dans les dictionnaires. Les définitions étaient lapidaires, par exemple : vivisectio, de « vivus, vivant, et de secare, couper ; l'action d'ouvrir ou de disséquer des animaux vivants[3] », ou bien : « de vivus, vivant, et de sectio, section, dissection... action d'ouvrir ou de disséquer des animaux vivants dans un but expérimental quelconque[4]. » Les définitions sont devenues plus étoffées par la suite et en 1865, Nysten, Littré et Robin la définissaient comme les « expériences faites sur les animaux vivants... [les] opérations faites dans les écoles sur des vertébrés en vie... [les] inoculations... [les] expérimentations... les expertises médico-légales... [et les] essais faits sur les animaux ». Suivait une longue justification de la chose, due aux protestations[5]. Définitions et justifications se sont amenuisées par la suite.

Il convient de différencier « vivisection » et « dissection ». La vivisection étant une dissection sur le vif, cela implique que la dissection ne s'effectue que sur le mort, le cadavre. Mais cette particularité n'apparaît pas dans les définitions de la dissection. Il faut ici différencier la théorie (les définitions) de la pratique (les usages). Dans la pratique, la dissection concerne bien le cadavre et à partir du moment où elle concerne le vivant, elle devient vivisection. Tous les auteurs traitant de ces deux pratiques emploient ces mots dans ces sens-là[6].

Il ouvre aussi sur celui de la variété des pratiques expérimentales, dont la définition de 1865 tenait déjà compte. Le point précédent permet de différencier la vivisection d'une opération chirurgicale. Cette dernière a pour but de soigner, c'est un acte médical. La vivisection n'a pas pour but de soigner mais de connaître, de tester. C'est un acte scientifique qui implique le plus souvent la mort de l'animal, son sacrifice, soit pendant l'expérience, soit après, pour son autopsie. Ce sacrifice est l'autre raison des protestations. On peut aussi différencier la vivisection de l'expérimentation animale par une différence d'échelle. La vivisection, au XIXe siècle, était une pratique artisanale. L'expérimentation animale est une pratique industrielle.

Expérimentation animale

La vivisection, au moins en ce qui concerne les pays d'Europe de l'Ouest et du Nord, doit être différenciée historiquement de l'expérimentation animale. La vivisection s'est développée dans le cours du XIXe siècle comme l'atteste l'usage du mot. L'expérimentation animale n'a commencé qu'à la fin du XIXe siècle, l'expression apparaissant à cette époque dans les textes scientifiques.

La vivisection, dans son sens restreint de méthode, perdure certes dans l'expérimentation animale actuelle. Mais dans son sens large, comme synonyme de discipline scientifique – en l'occurrence la physiologie expérimentale – d'expérimentation sur le vivant, voire de paradigme scientifique, elle est spécifique au XIXe siècle. Elle s'est transformée en expérimentation animale à la fin de ce siècle du fait de la bactériologie et certaines différences entre les deux sont importantes. La pratique artisanale, pour la vivisection, est centrée sur les techniques de la chirurgie, sur l'usage des animaux domestiques (chiens, lapins, chevaux) et sur les animaux non domestiques (grenouilles). La pratique industrielle, pour l'expérimentation animale, s'accompage de l'accroissement exponentiel du nombre d'expériences effectuées par année et du nombre d'animaux utilisés, du nombre de laboratoires et de scientifiques impliqués. Cette pratique est plus centrée sur les techniques de l'infirmerie, notamment les injections, sur l'usage des rongeurs et des pratiques sociologiquement marquée par la féminisation du personnel[7].

La vivisection animale est l'un des aspects de l'expérimentation animale, plusieurs réglementations nationales et internationales obligent à placer sous anesthésie les animaux vivisectionnés.[8] La question est de savoir si ces réglementations sont appliquées dans les laboratoires[9].

Vivisection humaine

La vivisection a été pratiquée sur des êtres humains. Cependant, la vivisection humaine a eu une histoire mouvementée. Hérophile, « père de l'anatomie » et fondateur de la première faculté de médecine à Alexandrie, a été accusé par le chef religieux Tertullien d'avoir pratiqué la vivisection sur au moins 600 prisonniers[10].

Seconde Guerre mondiale

Pendant la Seconde Guerre mondiale, lors de l'expansionnisme du Japon Showa, le général japonais Shiro Ishii implanta en Extrême-Orient un réseau d'unités de recherche bactériologique dont l'une des activités principales fut la vivisection de plusieurs milliers d'humains.

En 2006, le médecin militaire de 84 ans Akira Makino a reconnu avoir procédé entre décembre 1944 et février 1945 à des amputations et des vivisections sur des prisonniers philippins et notamment des enfants alors qu'il était en poste à Mindanao.

« Je n'ai pu refuser d'obéir aux ordres et j'ai fait quelque chose de cruel. » a confessé le vétéran de l'unité 33 de la marine impériale. « J'aurais été exécuté si j'avais refusé d'obéir aux ordres. C'était la règle à l'époque. Nous ne devons pas refaire ces horreurs. J'ai la responsabilité de révéler la vérité sur la guerre. »

Selon Makino, les vivisections pouvaient durer entre 10 minutes et 3 heures. Les membres étaient d'abord coupés, puis les organes étaient retirés un à un. Les opérations étaient menées tous les trois jours et ont cessé lors du débarquement des soldats américains[11].

[source détournée]

En 2007, Ken Yuasa, médecin ayant pratiqué de 1942 à 1945 des vivisections dans un hôpital militaire du Shanxi, affirmait qu'au moins mille Japonais, incluant des médecins, ont participé à des vivisections en Chine[12]. Le docteur Fukujiro Ishiyama a fait de même au sein de l'Unité 731 et à l'Hôpital universitaire impérial Kyūshū[13].

Code de Nuremberg

La profession médicale a adopté le Code de Nuremberg comme une déontologie internationale, qui n'interdit pas toutefois la vivisection sur des êtres humains. Ces derniers peuvent ainsi accepter de se prêter à des expériences agressives susceptibles d'exiger, par exemple, un prélèvement d'échantillons de tissu (des biopsies), ou d'autres procédures qui exigent le volontariat. Ces procédures doivent être approuvées d'un point de vue moral et effectuées d'une façon qui réduise au minimum la douleur et les risques à long terme pour la santé du patient. Malgré cela, le terme est généralement senti comme péjoratif : on ne s'en servirait jamais quand il s'agit de sauver la vie d'un patient. L'utilisation de ce terme quand il s'agit d'êtres humains implique toujours une absence de consentement.

Critique

Affiche de propagande en faveur de la vivisection, 1911, bibliothèque du Congrès

L'opposition à la vivisection n'est pas récente ; déjà, Voltaire s'insurgea contre de telles pratiques (l'expérimentation sur des animaux se généralisant avec le dogme de l'« animal-machine » de Descartes, ainsi que dans les séminaires jansénistes [14]) :

« Des barbares saisissent ce chien, qui l'emporte prodigieusement sur l'homme en amitié ; ils le clouent sur une table, et ils le dissèquent vivant pour te montrer les veines mézaraïques. Tu découvres dans lui tous les mêmes organes de sentiment qui sont dans toi. Réponds-moi, machiniste ; la nature a-t-elle arrangé tous les ressorts du sentiment dans cet animal afin qu'il ne sente pas ? A-t-il des nerfs pour être impassible ? Ne suppose point cette impertinente contradiction dans la nature[15]. »

La critique de la vivisection se place bien souvent dans le cadre plus général de celle de l'expérimentation animale. Son utilité scientifique, et sa justifiabilité éthique sont le sujet de controverses. Beaucoup de mouvements animalistes placent l'abolition de cette expérimentation parmi leurs objectifs principaux. Parmi les antivivisectionnistes, les uns soutiennent que l'expérimentation sur les animaux est scientifiquement inefficace et qu'il est possible de la remplacer par d'autres méthodes ; les autres (par exemple ceux qui veulent promouvoir le bien-être animal) jugent que l'expérimentation animale doit être condamnée sur le plan de la morale et de l'éthique, sans qu'on ait à savoir si elle est utile ou non pour le progrès médical et scientifique[16].

Au sujet de l'utilité de la vivisection, la position de la communauté scientifique est le plus souvent à l'opposé. Du fait des limites de la modélisation du vivant, de nombreux biologistes et médecins estiment que le recours à l'animal est parfois irremplaçable, par exemple lorsqu'il s'agit d'étudier simultanément les impacts nerveux, hormonaux et humoraux d'une pathologie sur l'organisme. Cependant, les recherches ne se limitent pas aux pathologies susvisées. Elles s'étendent aux cosmétiques, aux recherches spatiale, militaire... De même, certains soulignent que « plus l’intérêt économique est grand plus les moyens vous sont accordés. À savoir que la recherche en cosmétologie est la plus consommatrice d’animaux. »[17]

Des associations mettent en doute l'utilité de toutes les expérimentations animales et la fiabilité de leurs résultats[18],[19],[20]. Le cas du thalidomide est souvent cité en exemple. Ce produit était un médicament vendu durant les années 1950 et 1960 comme hypnogène et chez les femmes enceintes comme antiémétique pour combattre les nausées matinales et d'autres symptômes. Il fut expérimenté sur une seule espèce animale, qui dans ce cas précis avait une réaction éloignée de celle de l'Homme[21]. En 1961, les épidémiologues ont noté que ce produit induisait un effet tératogène sur le développement fœtal.

Dans la plupart des pays occidentaux la vivisection fait l'objet de réglementations législatives qui imposent, par exemple, l'usage de l'anesthésie dans tous ces cas où cela ne nuit pas à l'efficacité de l'expérimentation[réf. nécessaire][22]

Annexes

Bibliographie

  • Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, L'Éthique animale, PUF, 2011
  • Peter Singer, La libération animale, Éditions Payot & Rivages, 2012
  • Melvin Josse, Militantisme, Politique et droits des animaux, Éditions Droits des Animaux, 2013
  • Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux, Allary Éditions, 2014
  • Catherine Hélayel, Yes Vegan ! Un choix de vie, L'âge d'homme, 2014
  • Florence Burgat, La cause des animaux - Pour un destin commun, Buchet Chastel, 2015

Notes et références

  1. selon l'article 2 de la Directive 86/609/CEE de l'Union européenne les animaux soumis à la convention sur l'expérimentation animale sont les vertébrés
  2. « Vivisection »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur Trésor de la langue française informatisé (consulté le )
  3. « Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, des sciences accessoires et de l'art vétérinaire de P. H. Nysten »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ), nouvelle édition due à Bricheteau, Henry et Briand. Bruxelles, 1834.
  4. « Dictionnaire de médecine, Volume 21, par Nicolas-Philibert Adelon »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ), Paris, 1828.
  5.  Vivisection », in Pierre Hubert NYSTEN, Emile LITTRE, Charles ROBIN, Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, des sciences accessoires et de l’art vétérinaire, J.-B. Baillière et fils, Paris, 1865, p. 1650-1651.
  6. (en) Roger French, Dissection and Vivisection in the European Renaissance, Aldershot, Brookfield, Ashgate, 1999.
  7. Jean-Yves Bory, La douleur des bêtes : La polémique sur la vivisection au XIXe siècle en France, Presses universitaires de Rennes,
  8. (en) « DIRECTIVE DU CONSEIL (86/609/CEE) du 24 novembre 1986 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d'autres fins scientifiques », Journal officiel des Communautés européennes, vol. L 358, , p. 0001 - 0028 (lire en ligne)
  9. (en) « Directive 2003/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2003 modifiant la directive 86/609/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d'autres fins scientifiques (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) », Journal officiel des Communautés européennes, vol. L 230, , p. 0032-0033 (lire en ligne)
  10. [html] INSA-Lyon, « Hérophile », Les sciences dans la grèce antique, Institut National des Sciences Appliquées de Lyon (consulté le )
  11. BBC NEWS | Asia-Pacific | Japanese doctor admits POW abuse
  12. http://search.japantimes.co.jp/cgi-bin/nn20071024w1.html, "J'étais apeuré lors de ma première vivisection ; mais la seconde fois, c'était beaucoup plus facile. À la troisième reprise, j'étais prêt à la faire de bon cœur."
  13. [html] « Rate the Human Medical Experiments - Manhattan Project Connection »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Human Medical Experiments, Political Friendster (consulté le )
  14. Plaidoyer pour les animaux, Matthieu Ricard, éditions Allary, (ISBN 9782370730282)
  15. Voltaire, Dictionnaire philosophique, articles "Bêtes", dans Œuvres complètes, Arvensa Editions. Kindle, 74852-74861.
  16. [html] Les Amis de Giuénady, « Traduction d'un message reçu de la British Anti-Vivisection Association », Bulletin n°46, Stop abus animal, (consulté le )
  17. [html] Calvino B., « Problème de l’expérimentation animale et de la vulgarisation. », Cours du 17 novembre par le conférencier Moudden Noamane, Institut national de la Santé et de la Recherche médicale, (consulté le )
  18. http://www.international-campaigns.org/ic/actualites/andre_menache.htm
  19. http://www.stopvivisection.info/article.php3?id_article=34
  20. http://www.proanima.fr/notre-argumentation-scientifique/notre-argumentation-scientifique.php
  21. « Les animaux dans la recherche médicale - Questions & Réponses » [PDF], Brochure n°3, Groupe interprofessionnel de réflexion et de Communication sur la Recherche (GIRCOR) (consulté le )
  22. Animal testing regulations

Articles connexes

Liens externes

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