Dictionnaire

Un dictionnaire /dik.sjɔ.nɛʁ/[1]  est un ouvrage de référence contenant un ensemble des mots d’une langue ou d’un domaine d’activité généralement présentés par ordre alphabétique et fournissant pour chacun une définition, une explication ou une correspondance (synonyme, antonyme, cooccurrence, traduction, étymologie).

Pour les articles homonymes, voir Dictionnaire (homonymie).

Dictionnaire en latin constitué de plusieurs volumes, œuvre d'Egidio Forcellini (1771).

Le présent article concerne les dictionnaires unilingues qui décrivent ou normalisent une langue. Ceux-ci sont à distinguer d'autres types d'ouvrages de référence : les encyclopédies ou dictionnaire de choses ; les dictionnaires de traduction bilingues ; les dictionnaires des synonymes ; les dictionnaires thématiques spécialisés (dictionnaire du droit, du commerce, dictionnaire de géographie, dictionnaire humoristique[2], etc.).

Étymologie

Le substantif masculin[3],[4],[5] dictionnaire est un emprunt[3],[4] au latin médiéval dictionarium[3],[4],[5], dérivé du latin dictio. D'abord écrit avec un seul n, il est dérivé du latin dictio : « action de dire, propos, mode d'expression ».

Sa première utilisation[6] remonte à Jean de Garlande dont le Dictionarius cum commento paraît en 1220.

Dictionnaire est attesté au XVIe siècle[3] : d'après le Trésor de la langue française informatisé[4], sa plus ancienne occurrence connue se trouve dans le Jardin de plaisance et fleur de rhétorique.

Contenu des dictionnaires

Le dictionnaire d'italien Petrocchi.

Les auteurs d'un dictionnaire doivent déterminer au départ les catégories de mots à retenir, en fonction des limites imposées par l'éditeur et du public visé. Il faut décider de la place à faire aux néologismes, aux termes rares ou archaïques, au vocabulaire scientifique et technique, aux mots d'un emploi purement régional, au vocabulaire d'origine étrangère, aux mots grossiers et au vocabulaire populaire et argotique[7].

Une entrée, aussi appelée vedette, ou mot vedette, comprend normalement : (a) la lexie, ou plus petite unité porteuse de signification, ses dérivés affixaux et ses composés (pomme, pommier, pomme de terre) ; (b) les morphèmes grammaticaux, c’est-à-dire les mots vides qui indiquent les rapports entre les mots pleins, porteurs de signification ou sémantèmes ; (c) la prononciation ; (d) les marques d'usage ; (e) des exemples.

Les renseignements linguistiques sont de trois ordres :

Définition

Un dictionnaire doit d'abord donner la définition du mot. Cette opération, bien plus complexe qu'elle n'en a l'air, est « sans conteste l'élément de l'article du dictionnaire qui est le plus difficile à réaliser »[8]. Elle occupe les logiciens depuis des siècles et est également étudiée par la linguistique, la sémiotique et la psycho-sociologie. Selon la méthode fondée par Aristote, définir consiste à découvrir les attributs essentiels, en identifiant les différences et en remontant, par paliers successifs, à la catégorie supérieure. Ainsi, on définirait l’acception principale du mot chien comme un animal de la classe des mammifères, ordre des carnivores et famille des canidés. En procédant ainsi, il faut évidemment veiller à ne pas empiéter sur le sens d'autres mots. En théorie, selon cette méthode, les divers objets du monde pourraient s'emboîter dans un arbre binaire, mais cela n'est valide que pour les objets mathématiques, le langage humain comportant un espace de « jeu » essentiel à la compréhension[8].

Dans la pratique, les définitions incorporent aussi des propriétés non essentielles, mais qui aident le lecteur à identifier ce dont il est question. Ainsi, une définition de chien va inclure que l’animal peut servir comme chien de garde, de chasse, de trait, etc. Ces notations sont de nature encyclopédique, tout comme le fait qu'il aime ronger un os. De nombreux dictionnaires intègrent ces données encyclopédiques au moyen d'exemples.

Il est rare qu'une seule définition épuise tous les sens d'un mot. Le plus souvent, un mot va avoir plusieurs acceptions, c'est-à-dire plusieurs significations, phénomène que l'on désigne par le terme de polysémie. Dans certains cas, un mot peut même désigner deux réalités opposées, comme le mot « hôte » qui peut signifier, selon le contexte, la personne qui accueille ou celle qui est accueillie[9]. Souvent, la différence de sens provient d'un emploi figuré plutôt que littéral ou des déplacements de sens d'un domaine d'activité à un autre. Ainsi, le sens du mot « fuite » varie selon qu'il est utilisé en droit, en peinture, en aéronautique, en économie, en plomberie ou en politique[10]. Un dictionnaire doit non seulement identifier les divers sens du mot, mais encore les classer d'une façon aussi cohérente et significative que possible. Il peut également comporter un répertoire indexé pour en faciliter l'utilisation.

Présence d'exemples

Les exemples sont apparus en français avec le dictionnaire de Richelet, en 1680 (voir ci-dessous). Ils ont une triple utilité :

  1. Ils éclairent le sens d'un mot par son emploi en contexte : « Citons le cas de chien défini ainsi : « Animal domestique, dont il existe de nombreuses races, qui garde la maison ou les troupeaux et qui aide l'homme à chasser. » La définition évoque les principales activités que nous pourrions appeler « professionnelles » du chien, mais elle ne signale pas deux aspects fondamentaux, familiers aux enfants : le chien aboie, le chien mord. Dans un dictionnaire de plus grand format, nous aurions pu ajouter des phrases du type suivant : le chien dort dans sa niche ; le chien grogne en rongeant un os ; le chien fait le beau pour avoir un sucre, etc. Grâce à de tels exemples, non seulement la définition du chien est précisée, mais on présente au lecteur plusieurs situations à la fois concrètes […] et linguistiques […] où apparaît l'animal »[11].
  2. Les exemples mettent en évidence les rapports syntaxiques d'un mot avec d'autres, comme le choix de la préposition acceptée par un verbe (aider quelqu'un à, dans, pour), la place de certains adjectifs, etc.
  3. Les exemples attirent l'attention sur les cas où le mot fait partie d'une locution, d'un cliché : une discussion animée, un soleil radieux, perdre la face, etc.[12].

Données étymologiques

L'étymologie est apparue dans les dictionnaires français avec Origines de la langue française (1650), de Ménage, qui « découvrit seul, et de manière intuitive, l'origine d'un grand nombre de mots français »[13]. Les bases d'une étymologie scientifique ont été posées par le philologue allemand Friedrich Christian Diez (1794-1876). Le domaine est maintenant couvert par l'ouvrage monumental de Walther von Wartburg (1888-1971), grâce auquel « nous disposons d'informations indiscutables, dans presque tous les cas, sur l'étymologie des mots français »[14].

L'histoire du mot est souvent plus instructive que l'étymologie, car elle permet de voir l'évolution des significations au fil des siècles, mais ces données sont souvent très fragmentaires dans les dictionnaires courants.

La datation est également une donnée intéressante, qui indique la date à laquelle un mot a été employé en français pour la première fois dans un texte.

Prononciation

Des indications sur la prononciation des mots sont devenues courantes avec le Dictionnaire de la langue française (1863) de Littré[15]. Divers procédés de transcription phonétique ont été utilisés, avec plus ou moins de bonheur, par divers dictionnaires. En 1967, le Petit Robert a adopté l'A.P.I. ou alphabet phonétique international, qui, en plus d'être standardisé à travers les dictionnaires de différentes langues, présente trois avantages :

  1. chaque son est noté par un seul signe, toujours identique ;
  2. chaque signe n'a qu'une seule valeur phonétique ;
  3. les signes représentent ce qui est réellement prononcé[16].

La prononciation n'est pas homogène, mais varie selon les régions et les groupes sociaux. Des mots comme sculpteur [skyltœ:ʀ] et oignon [ɔɳɔ] possèdent des lettres que les locuteurs cultivés ne prononcent pas, mais le cas de dompteur est moins clair, les deux formes étant en usage : [dɔ̃tœ:ʀ] et [dɔ̃ptœʁ]. L'auteur d'un dictionnaire doit donc déterminer la forme recommandée en se basant sur la prononciation la plus acceptée, qui n'est pas nécessairement la plus répandue. Ces questions complexes, qui touchent à la norme dans ce qu'elle a de plus intime et de moins conscient, ont justifié la rédaction d'ouvrages spécialisés, tel le Dictionnaire de la prononciation française dans sa norme actuelle (1964) de Léon Warnant.

Lemmatisation

Il ne serait pas efficace, pour un dictionnaire de langue, de retenir toutes les formes fléchies des mots, car cela amènerait un fort taux de répétition. Si certains mots ont une forme unique, tels les adverbes, beaucoup d'autres, en effet, existent sous diverses formes, selon qu'ils sont au singulier ou au pluriel, au masculin ou au féminin, ou s'ils sont des verbes aux formes conjuguées. Pour résoudre ce problème, on recourt à une opération de lemmatisation, qui consiste à regrouper les formes occurrentes d’un mot sous une même adresse lexicale. Si cette opération peut paraître à première vue assez simple, elle se trouve rapidement compliquée par les variations orthographiques survenues au fil du temps, voire par la présence, au sein d’une langue évoluée, de divers homographies. On peut s’en faire une idée en consultant un dictionnaire historique de langue ou un dictionnaire étymologique.

Classement alphabétique ou idéologique ?

Le classement alphabétique, qui nous paraît aujourd'hui normal et caractéristique des dictionnaires, n'a pas toujours été considéré comme la solution idéale. Le Dictionnaire de l'Académie française de 1694 avait plutôt adopté un classement par famille de mots : malaise est classé sous l'article aise, aîné sous naître, ennemi et inimitié sous amour, etc. Abandonné par la majorité des dictionnaires, un système similaire a cependant encore été retenu par von Wartburg pour son grand dictionnaire étymologique. Une solution mitoyenne est celle du Lexis des éditions Larousse (1979), qui limite les familles aux termes les plus proches, l'objectif, parfaitement défendable au plan pédagogique, étant de faire découvrir à un usager les mots apparentés à celui qu'il consulte. Ce genre de préoccupation devient sans objet avec les dictionnaires électroniques.

Ordre des lemmes

Le tri alphabétique, qui apparaît comme une évidence pour un utilisateur francophone contemporain, n'est pas universel.

  • Il est réservé aux écritures alphabétiques ou logographiques.
  • Les langues alphabétiques n'utilisent pas toutes le même alphabet (alphabet latin, grec, cyrillique...) ; dans un même alphabet, l'ordre des lettres peut varier selon la langue (exemple pour l'estonien, la séquence r s š z ž t).
  • Pour les écritures idéographiques, comme celle du chinois, le classement est plus difficile et sujet à controverse (certains signes ayant différentes lectures : consulter le Dictionnaire de sinogrammes). Dans certains cas, le classement est encore plus difficile, car il n'existe pas de classification évidente ; c'est le cas des dictionnaires d'hiéroglyphes égyptiens ou mayas, ou des dictionnaires logographiques : leur unification est particulièrement difficile et s’appuie sur différentes études réalisées par des chercheurs différents, à différentes époques, avec des méthodes d’analyse très différentes et avec une connaissance souvent incomplète ou inexistante du système morphémique.

Aspect normatif ou descriptif

Les dictionnaires de langue peuvent se classer en deux catégories, selon qu'ils sont de type descriptif ou normatif, ce dernier cas étant le plus fréquent. Un dictionnaire descriptif s'attache autant que possible à décrire une langue telle qu'elle est écrite et parlée dans toute sa diversité ; un dictionnaire normatif tente au contraire d'établir la norme et d'orienter l'usage, en utilisant des expressions comme « à éviter » ou « locution vicieuse » :

« La plupart des dictionnaires français ont un caractère normatif : leur but véritable n'est pas de présenter un tableau fidèle et authentique du français à une certaine époque, mais de constituer un recueil de mots acceptés, fixés, l'omission d'un mot étant, dans la pensée de beaucoup de lexicographes, une condamnation implicite. L'ostracisme se manifeste dans tous les domaines : mots techniques, étrangers, populaires, etc. Cet état d'esprit est flagrant dans le Dictionnaire de l'Académie, mais il est aussi celui de Littré[17]. »

Standardisation des dictionnaires

L'Organisation internationale de normalisation travaille afin de définir un cadre commun normalisé pour l'élaboration des lexiques du traitement automatique des langues.

Histoire du dictionnaire

L'Antiquité n'a pas eu de dictionnaire de langue au sens propre, mais elle a mis au point des listes de mots organisées en fonction de la première syllabe. Progressivement sont apparus des protodictionnaires ou formes intermédiaires du dictionnaire tel que nous le connaissons depuis la fin du XVIIe siècle. Les dictionnaires bilingues sont également apparus à une date très ancienne, mais il n'est pas évident qu'ils aient précédé les protodictionnaires[18].

Sumer

Les premières listes de mots apparaissent à Sumer, vers la fin du IVe millénaire av. J.-C. Elles sont utilisées à des fins pédagogiques, afin de former des scribes, profession très valorisée[19]. On a ainsi trouvé une série de 42 tablettes comportant 14 000 noms classés en fonction de leur premier élément.

Après l'arrivée des Akkadiens, des lexiques bilingues sumérien-akkadien se multiplient. On a aussi trouvé un ensemble de 24 tablettes datant des environs de l'an 2000 av. J.-C., comportant environ 10 000 entrées où sont mis en correspondance mots sumériens et akkadiens et qui ressemble à une sorte d'encyclopédie du monde de la culture et de la nature, organisée thématiquement[20].

Égypte

On a également trouvé en Égypte ancienne des listes de mots organisées de façon thématique, telles l’Onomastique du Ramesseum, rédigé vers 1750 av. J.-C., et l’Onomastique d'Aménopé, rédigé vers -1100. Ce proto-dictionnaire (lointain ancêtre du dictionnaire) avait pour vocation « non pas d'apprendre à écrire aux enfants, mais de proposer un programme d'instruction de l'humanité fondé sur l'organisation du monde »[21].

En matière de dictionnaires bilingues, on n'a retrouvé que des fragments d'un dictionnaire akkado-égyptien rédigé vers 1400 av. J.-C. Il faut attendre la période alexandrine (de -323 à -30) pour voir se répandre les glossaires thématiques grecs-coptes[22]. En 580 de notre ère, le Glossaire de Dioscore semble avoir remanié une onomastique grecque ancienne[23].

Divers recueils de gloses ou de scholies (commentaires linguistiques sur des textes), désignés sous le nom de scala, paraissent durant cette période et dans les siècles qui suivent, servant d'étapes intermédiaires dans la mise au point du dictionnaire.

Antiquité grecque

Le courant sophiste porté sur l'art de convaincre, développe le besoin de préciser le sens des mots et l’utilisation d'un vocabulaire précis et adapté.

On trouve des recueils de gloses destinés aux élèves, enseignants et au public lettré ; ce sont de petits lexiques attachés aux œuvres de grands écrivains fournissant des explications sur les mots rares ou difficiles. Au Ve siècle av. J.-C., Protagoras d’Abdère compile une liste des mots rares chez Homère. D'autres glossaires sont dus à Démocrite, Timée de Locres, Philémon d'Athènes (361-262), Philétas de Cos, Zénodote (320-240). Callimaque de Cyrène (310-240) a laissé une œuvre considérable, comportant notamment des glossaires thématiques. Ératosthène (276-194) se définit comme un philologue et développe cette discipline selon des principes rigoureux. Aristophane de Byzance (257-180) est un savant astronome et mathématicien qui s'intéresse aussi à la comédie et à la critique des textes ; un de ses ouvrages s'intitulait Peri Lexeon (Sur les mots), un autre était un dictionnaire des noms propres donnés à des courtisanes dans la comédie[24]. Aristarque de Samothrace (220-143) rédige un lexique homérique. Cratès de Mallos rédige des glossaires. À l'ère chrétienne, on note les noms d'Apollonios le Sophiste, de Pamphile d'Alexandrie, d'Héliodore, et d'Aelius Herodianus qui jouent un rôle important dans l’évolution du dictionnaire par leurs études lexicographiques.

Antiquité romaine

Les Romains ont montré un intérêt très vif pour la langue. On connaît de cette période différents ouvrages de description de la langue ressemblant de près ou de loin à des dictionnaires.

  • Varron, en plus d'un important ouvrage encyclopédique, a rédigé un traité intitulé De lingua latina (Sur la langue latine), qui fournit l'étymologie de nombreux mots.
  • Le De Verborum significatione (Du sens des mots) de Verrius Flaccus au Ier siècle av. J.-C. était une sorte de grand dictionnaire en vingt livres, compilation de gloses antérieures. L'auteur s'intéressait surtout aux mots rares trouvés dans les textes littéraires, aux nuances dans l'emploi des mots et à l'étymologie, ainsi qu'aux proverbes et locutions usuelles. Organisé selon un ordre alphabétique, cet ouvrage sera abondamment utilisé durant de nombreux siècles, notamment par Isidore de Séville.

Le début de l'ère chrétienne est marqué par le fort développement des gloses des auteurs latins et de la jurisprudence. La tendance est renforcée par l'apparition du codex qui favorise l'étude des textes. Ces recueils de grande dimension continuent donc de mêler les mots et les choses, les noms propres et les extraits. Parmi les gloses les plus célèbres :

  • L’Onomasticon de Julius Pollux (IIe siècle) est la plus importante somme lexicale de l'époque. Les mots y sont classés par sujets, l'ouvrage propose des synonymes. Cet ouvrage comporte de nombreuses citations littéraires ainsi que des données encyclopédiques sur la religion, le droit, l'anatomie, les sciences et les techniques, le commerce, la cuisine, les jeux, etc.
  • Nonius Marcellus compose un lexique encyclopédique en vingt livres.
  • L'évêque syrien Philoxène de Mabboug rédige vers 480 un glossaire bilingue latin-grec.
  • Fulgence rédige au début du VIe siècle une Expositio sermonum antiquorum[25] dans laquelle il explique d'anciens mots latins.

Malgré les lacunes et erreurs, ces ouvrages restent essentiels pour la lexicographie et la lexicologie latine.

Monde arabe

Khalil ibn Ahmad (718-791) rédige le premier dictionnaire de la langue arabe, le Kitab al-Ayn (Le livre source). À la suite de celui-ci, une douzaine de dictionnaires arabes sont rédigés jusqu'au XVe siècle. Ces ouvrages sont particulièrement intéressants pour leurs importantes rubriques de citations, qui renvoient à des grammaires, des textes religieux, des ouvrages poétiques, ou encore des proverbes[26].

Chine

Le chinois s'est formé très tôt et son écriture a peu évolué. Le premier dictionnaire connu, le Er ya date probablement du IIIe siècle avant l'ère commune. Le premier dictionnaire largement répandu, le Shuowen Jiezi a été publié au début du IIe siècle. 9353 idéogrammes, dont 1163 à doubles significations, avaient leur prononciation et étaient réunis dans l’ancêtre du Shingi, ouvrage en 44 volumes. Voir Dictionnaire de sinogrammes.

Inde

Le Amarakosha fut le premier lexique sanskrit, rédigé par Amarasimha, probablement au IVe siècle à la cour des empereurs Gupta.

Moyen Âge

  • Isidore de Séville (560-636) rédige vers la fin de sa vie les Etymologiae, énorme compilation du savoir antique en vingt livres, comprenant notamment un livre consacré aux étymologies. L'étymologie est une dimension essentielle de la réflexion linguistique ancienne, car on supposait que celle-ci permettait de remonter à la véritable nature du mot.
  • L'évêque goth Ansileube rédige vers 680-690 « le plus grand des répertoires médiévaux latins », le Liber Glossarum où sont rangées par ordre alphabétique quelque 50 000 gloses[27]. D'autres glossaires importants sont le Glossaire de Reichenau (VIIIe siècle), un lexique latin-roman comptant près de 5 000 paires de lemmes et gloses[28]. Le Glossaire de Cassel (IXe siècle), beaucoup moins important, réunit 265 mots romans pour lesquels il fournit des équivalents en langue germanique.
  • La Souda est une encyclopédie en grec attribuée à Souda, réalisée à Byzance au Xe siècle. Elle contient 30 000 entrées rangées selon la façon dont les lettres grecques étaient alors prononcées.
  • Papias, dit le Vocabulista, qui aurait vécu en Lombardie au XIe siècle, « provoque une révolution dans la dictionnairique latine médiévale en introduisant de nouveaux paramètres dans la mécanique de rédaction des dictionnaires »[29]. Il recourt à la dérivation, ajoute des données grammaticales, indique des synonymes et perfectionne le classement alphabétique, tout en expliquant longuement sa méthode en introduction. Cet ouvrage sera connu sous de nombreux titres, tels Alphabetum Papie, Breviarium Papiae, Elementarium doctrinae rudimentum, etc.
  • Jean de Garlande rédige le Dictionarius (1220), recueil de mots latins classés par sujets à l'intention des écoliers[30]. C'est le plus ancien emploi connu du mot « dictionarius », ancêtre direct de notre « dictionnaire ».
  • Jean de Gênes, aussi connu sous le nom de Giovanni Balbi rédige vers la fin du XIIIe siècle le Catholicon (dont le sens littéral est Somme ou Totalité), vaste compilation qui emprunte aux ouvrages de Papias et d'Isidore de Séville, et dont la quatrième partie est un dictionnaire latin alphabétique. Cet ouvrage introduit les renvois à l'intérieur d'un même ouvrage. Il en existe près de deux cents manuscrits, signe de son succès.

Renaissance

Réédition de 1558 du Dictionnaire d'Ambroise Calepin, d'abord paru en 1502.

On ne trouve toujours pas à la Renaissance de dictionnaire au sens où nous l'entendons aujourd'hui, car ils ne sont pas monolingues.

  • En 1464, Jehan Lagadeuc publie le Catholicon breton, premier dictionnaire trilingue du monde (breton-français-latin), le premier dictionnaire breton et premier dictionnaire français.
  • Le 15 juin 1487, Louis Cruse alias Garbin achève à Genève l'impression d'un vocabulaire latin-français[31].
  • En 1502 est publié le Dictionarium latinum par Ambrogio Calepino. D'abord conçu comme dictionnaire unilingue du latin, cet ouvrage sera développé par son auteur en un Dictionnaire polyglotte (hébreu, grec, latin et italien) d'une érudition prodigieuse et qui sera maintes fois réédité[32].
  • Le grand imprimeur et érudit Robert Estienne s'inspirera du « Calepin » pour créer son Dictionarium seu Linguae latinae thesaurus (1531), où le latin est partiellement traduit. En 1539, Estienne publie le Dictionnaire français-Latin, autrement dit les Mots français avec les manières d'user d'iceux, tournés en latin. Ouvrage qui donnera « une impulsion certaine aux études de vocabulaire »[33]. Son Dictionnaire sera réédité jusqu'au Thrésor de la Langue Francoise de Jean Nicot, qui servira de base majeure au premier Dictionnaire de l'Académie, en 1694. C'est le premier ouvrage à porter le nom de "Dictionnaire", et à utiliser le français comme langue d'entrée.

Invention du dictionnaire monolingue définitionnel

1612 Vocabolario dell'Accademia della Crusca

Le premier dictionnaire européen entièrement consacré à une langue vivante et proposant pour chaque entrée une définition est le Tesoro de la lengua castellana o española de Covarrubias paru en 1611[34]. La langue italienne est la première à se donner un dictionnaire monolingue rédigé par une académie linguistique : le Vocabolario dell' Accademia della Crusca, dont la première édition paraît à Florence en 1612. En français, il faudra attendre Richelet pour que paraisse le premier dictionnaire monolingue de langue française (1680). La langue anglaise, bien que pourvue de divers dictionnaires, devra attendre 1755 pour se voir dotée d'un dictionnaire exhaustif de la langue anglaise avec le Dictionary of the English Language.

Dictionnaires de la langue française

XVIIe siècle

La langue française se fixe sous l'influence de plusieurs théoriciens qui travaillent à son épuration et à sa modernisation: François de Malherbe, Vaugelas, Ménage et Dominique Bouhours,

  • Jean Nicot rédige un très important Thresor de la langue françoyse tant ancienne que moderne qui sera publié en 1606, après la mort de l'auteur. Cet ouvrage offre des explications sur le sens des mots, l'orthographe, le genre, l'étymologie et recueille de nombreuses expressions[33]. Mais ce n'est pas encore un dictionnaire au sens contemporain du terme selon Georges Matoré, car Nicot fournit les équivalents latins, même si ce n'est que dans une proportion réduite. Par la suite, le mot Thrésor qui désignait les dictionnaires de français, voit son usage abandonné.
  • En 1650, Ménage fait paraître Origines de la langue française, qui sera réédité sous le titre Dictionnaire étymologique de la langue françoise en 1694. Cet ouvrage sera augmenté par divers contributeurs et réédité en 1750[35].
  • En 1680 paraît le Dictionnaire de César-Pierre Richelet. Cet ouvrage est publié à Genève, car l'Académie française avait obtenu le 28 juin 1674 un privilège de vingt ans sur ce genre d'ouvrage et elle refusa de le laisser paraître en France[36] ; les mille cinq cents exemplaires exportés en France et entreposés à Villejuif y furent saisis et en grande partie détruits[37]. Richelet introduit des exemples dans son dictionnaire, « mais très clairsemés, mais répandus sans règle, au hasard de la rencontre »[38]. Ce livre sera augmenté par la suite et connaîtra plusieurs éditions jusqu'en 1759[39].
  • En 1690 est publié à Rotterdam, posthume, le Dictionnaire Universel écrit par Antoine Furetière. Cet ouvrage, qualifié de meilleur ouvrage lexicographique du XVIIe siècle[40], marque une étape extrêmement importante dans l'histoire des dictionnaires en raison de sa richesse et de son ouverture aux termes techniques et scientifiques.
  • En 1694 paraît la première édition du Dictionnaire de l'Académie française, commencé en 1638. Cet ouvrage s'est attiré de nombreuses critiques en raison de son exclusion (a) des mots archaïques et familiers, (b) des néologismes, (c) des termes de métiers, d'arts et de sciences, (d) des termes « qui blessent la pudeur ». En outre, les définitions sont souvent peu exactes et les diverses acceptions d'un mot ne sont pas toujours indiquées. Enfin, au lieu d'aligner les mots en ordre alphabétique, ce dictionnaire les regroupe par racines ou familles de mots, de sorte que l'on ne pourra trouver les mots « indû », « endetter », « redevance » et « débiteur » que sous l'entrée « devoir »[36].
  • Thomas Corneille est mandaté par l'Académie pour produire un supplément à son dictionnaire. Le Dictionnaire des Arts et des Sciences|Dictionnaire des Arts et des Sciences, en deux volumes (Paris, 1694) veut faire concurrence au Furetière, qu'il critique copieusement dans sa préface. Cet ouvrage est réédité à Amsterdam en 1696 sous le titre Le Grand Dictionnaire des Arts et des Sciences en quatre volumes. En 1732, le neveu de l'auteur, Bernard Le Bouyer de Fontenelle en publiera une nouvelle version augmentée : Le Dictionnaire universel des arts et des sciences[41]. Cet important ouvrage servira à Diderot pour son Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.

XVIIIe siècle

Au siècle des Lumières, la réflexion sur le langage se complexifie. Si les tendances puristes amorcées au siècle précédent s'exacerbent, notamment chez Voltaire, un courant important tend à régler la langue non plus sur l'usage de la Cour, mais sur celui des écrivains classiques[42]. Les néologismes sont assez facilement acceptés. Les dictionnaires gagnent en prestige dès le milieu du siècle et leur nombre s'accroît considérablement. Le classement alphabétique est devenu tellement populaire que Voltaire y a recours pour son Dictionnaire philosophique. Le prestige des dictionnaires s'accroît.

  • Henri Basnage de Beauval reprend le Dictionnaire universel de Furetière dont il donne une édition considérablement augmentée en 1701[43]. Son ouvrage est considéré comme l’« édition protestante du Furetière » car il en a retranché « tous les termes injurieux dont Mr l'Abbé Furetiere s’étoit servi » pour qualifier la religion protestante et a évité son « zêle fulminant & insultant ». L’influence de Basnage sur le dictionnaire sera durable car il a réorienté l’approche épistémologique du Furetière en adoptant une démarche descriptive plutôt que normative. Il est aussi le premier auteur de dictionnaire encyclopédique à faire appel à un spécialiste pour rédiger des articles sur un sujet spécialisé, en l'occurrence la physique[44]. Ce Dictionnaire universel connaîtra diverses rééditions avant d’être lui-même repris et augmenté par Jean-Baptiste Brutel de la Rivière en 1727 (La Haye).
  • Le Dictionnaire de Trévoux, qui dans sa première édition de 1704 en trois volumes était largement démarqué du Dictionnaire Universel de Furetière, s'enrichira considérablement au cours des éditions subséquentes, jusqu'à atteindre 8 volumes en 1771. Il se distingue par un vocabulaire technique et scientifique abondant et par de nombreux termes populaires et archaïques[45].
  • Jean-François Féraud (1725-1807) publie le Dictionaire critique de la langue française (1787-1788) en trois volumes. Cet ouvrage accueille de nombreux termes nouveaux, issus des métiers, de la langue populaire ou des néologismes d'écrivains[46]. Il innove en indiquant jusqu'à deux numérotations pour signifier le passage d'une acception d'un mot à la suivante. Il indique également la prononciation entre crochets et des synonymes aux mots.
  • L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772) s'intéresse davantage aux objets, aux techniques et aux idées plutôt qu'à la langue et au vocabulaire en tant que tel. Diderot reconnaîtra cette lacune, même si son article sur le dictionnaire identifie les rubriques que devrait contenir un dictionnaire : signification des mots, usage, prononciation, orthographe, étymologie, registres d'emploi[47]. En même temps, Diderot revendique le droit pour chacun de s'exprimer dans un « idiome individuel ».
  • Plusieurs dictionnaires se spécialisent dans les termes populaires : le Dictionnaire comique, satirique, critique, burlesque, libre et proverbial de Ph. Leroux ; le Dictionnaire des proverbes français, et des façons de parler comiques, burlesques et familières, de Panckoucke (1749) ; le Dictionnaire argot français de Grandval. D'autres recueillent pour s'en moquer les néologismes utilisés par les écrivains, tel le Dictionnaire néologique de Pantalon Phoebus (1725).

En Angleterre, Samuel Johnson publie A dictionary of the English Language (1755), premier grand dictionnaire de l'anglais. Avec ses 43 500 entrées appuyées par 118 000 citations balisant l'évolution des sens et des emplois, cet ouvrage remarquable sera sans rival durant plus d'un siècle et fera l'envie de Voltaire, qui souhaitait voir un jour paraître un dictionnaire du français construit sur ce modèle[48].

XIXe siècle

Au cours de ce siècle que Pierre Larousse a qualifié de « siècle des dictionnaires »[49], de nombreux dictionnaires au lexique étendu et faisant une large place aux mots scientifiques voient le jour.

  • Le Dictionnaire universel de la langue françoise[50] de Boiste, dont la première édition avait paru en 1800, sera considérablement enrichi au cours des éditions subséquentes. Sous l'influence de Nodier, il prendra le nom de Pan-lexique en 1829 et sera encore augmenté en 1857. Cet ouvrage contient des renseignements sur la grammaire, l'orthographe, les synonymes, la rhétorique, la ponctuation, la versification, l'histoire, la géographie, la morale, etc. En revanche, les définitions sont médiocres, les étymologies souvent fausses et le système d'abréviation peu clair[45].
  • Divers dictionnaires apparaissent sous la plume de Laveaux (1820 et 1828), de Nodier (1823), de Landais (1834), de François Noël en collaboration avec L.-J. Carpentier (1839) et de Bescherelle (1856), ce dernier étant considéré, par Matoré, comme « riche et médiocre »[51], ce qui est excessif si l'on tient compte du niveau de ses concurrents contemporains.
  • Les ouvrages de Maurice Lachâtre (1814-1900) se caractérisent par un engagement politique nettement marqué en faveur de la démocratie[52]. Du Dictionnaire universel (1856) au Dictionnaire La Chatre (1907), il aura publié cinq dictionnaires dont deux condamnés par la justice de Napoléon III[53].
  • Un des ouvrages majeurs de ce siècle est le Dictionnaire de la langue française (1863-1872) rédigé par Émile Littré. En raison de l'extraordinaire richesse de ses exemples, choisis pour illustrer et élargir la classification des sens, cet ouvrage est considéré comme « un des monuments les plus remarquables élevés en l'honneur d'une langue vivante[54] », il est encore disponible aujourd'hui, sous format imprimé et électronique.
  • Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, en 17 volumes (1866-1876), est surtout apprécié pour sa dimension encyclopédique. Toutefois, la partie lexicologique se signale par son ouverture à la production littéraire de son époque.
  • Le Dictionnaire des dictionnaires : lettres, sciences, arts, encyclopédie universelle (sept volumes, 1884-1892), rédigé sous la direction de monseigneur Paul Guérin , protonotaire apostolique et camérier du pape, et sous la responsabilité de Frédéric Loliée. Il offre une description linguistique particulièrement soignée, car placée sous la responsabilité de Godefroy. Il présente une description du vocabulaire de qualité et accorde une place importante au moyen français. Il entrouvre la description de la langue à des termes régionaux[55] tout en étant conçu comme une entreprise éditoriale au service de la foi catholique.
  • Le Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe siècle à nos jours[56], précédé d'un traité de la formation de la langue, a été rédigé par Adolphe Hatzfeld, Antoine Thomas et Arsène Darmesteter (deux volumes, 1895-1900). Si les exemples sont souvent empruntés à Littré, l'étymologie y est plus riche et plus précise. Mais c'est surtout par le classement des sens que cet ouvrage est le plus remarquable, même s'il a vieilli sous bien des aspects[57].
  • Godefroy (1826-1896) a consacré trente ans de sa vie à son Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle[58], dont les dix volumes sont parus entre 1880 et 1902. En dépit de quelques problèmes de méthodologie, cet ouvrage est remarquable par la richesse de la documentation réunie. Godefroy ne s'est pas limité aux ouvrages imprimés, mais « a lu quantité de textes inédits : manuscrits, pièces d'archives, lexiques spéciaux, etc. »[57]. Il a également dépouillé des chartes latines, à la recherche « des mots français qui pouvaient s'y trouver »[59]. Cet ouvrage marque un progrès important par rapport aux dictionnaires d'ancien français qui l'avaient précédé depuis le XVIIe siècle :
    • le Trésor de recherches et antiquitez gauloises et françoises de Pierre Borel (1655) ;
    • le très important Glossarium mediae et infimae latinitatis de Du Cange (1678) qui a connu de nombreuses rééditions et augmentations ;
    • le Dictionnaire historique de l’ancien langage françois de La Curne de Sainte-Palaye ;
    • le Dictionnaire de vieux langage françois de Lacombe (1765-1767) ;
    • le Glossaire de la langue romane de Roquefort (1808).

Dans les autres langues européennes aussi paraissent d'importants dictionnaires, tels le Deutsches Wörterbuch des Frères Grimm en allemand, le Dizionario della lingua italiana de Niccolò Tommaseo en italien, le monumental Oxford English Dictionary qui avec son demi-million d'entrées et ses nombreuses citations établit un nouveau standard en matière de dictionnaire, An American Dictionary of the English Language par Noah Webster en anglais américain, le Woordenboek der Nederlandsche Taal en néerlandais.

XXe siècle

  • La maison Larousse publie chaque année une édition révisée du Petit Larousse. Même si les définitions sont soignées, cet ouvrage en un volume sacrifie les données étymologiques et les exemples d'emploi au profit de la dimension encyclopédique et des illustrations.
  • Paul Robert lance un vaste projet de dictionnaire qui paraît d'abord sous le titre de Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (1950-1964), considéré comme « le premier grand dictionnaire de langue du XXe siècle ». Il deviendra le Grand Robert de la langue française en 1964. Celui-ci fera l'objet d'une version condensée en un volume de 50 000 entrées qui deviendra rapidement populaire et sera constamment réédité : Le Petit Robert - Dictionnaire de la langue française sous la direction de Paul Robert, Alain Rey, Josette Rey-Debove, et Henri Cottez (1967). Avec ses étymologies données pour tous les mots et ses nombreuses citations, cet ouvrage est vite comparé au Littré. La parution, à peu d'années d'intervalle, de ces deux dictionnaires a pour effet de « changer en profondeur l’histoire des dictionnaires de langue »[60]. Une nouvelle édition du Grand Robert de la langue française paraît en 1985, comptant 80 000 entrées et 250 000 citations (la dernière édition papier connue de 1992 comptait environ 100 000 entrées et 325 000 citations).
  • La maison Larousse, qui s'était spécialisée dans les dictionnaires encyclopédiques, réagit en publiant à son tour un grand dictionnaire de langue : Le Grand Larousse de la langue française en six volumes (1971-1978) sous la direction de Louis Guilbert, René Lagane et Georges Niobey. Cet ouvrage innove en donnant systématiquement pour chaque entrée l'étymologie du mot, la datation des sens et une section de synonymes et antonymes. Si la nomenclature est relativement limitée avec ses 74 000 entrées, les articles sont très fouillés et répertorient plus de 300 000 sens[61]. Quelque 170 articles de nature encyclopédique sur la grammaire et la linguistique du français contribuent à en faire un grand dictionnaire de langue. Une version compacte en un volume paraîtra sous le titre Larousse de la langue française. Lexis (1975) sous la direction de Jean Dubois ; comptant 76 000 entrées, cet ouvrage est présenté dans la préface comme « le plus riche de tous les dictionnaires de la langue française en un seul volume ».
  • L'ATILF met à profit les techniques informatiques pour réaliser le Trésor de la langue française informatisé (TLFI), qui est imprimé en 16 volumes (1971-1994) et rendu disponible sur CD-ROM. Ce dictionnaire couvre les XIXe et XXe siècles. Il offre pour chaque mot de nombreux exemples d'emploi, ainsi que les rubriques classiques : prononciation, étymologie, synonymie, antonymie, proxémie et concordances. Il compte 54 280 articles.
  • Le XXe siècle se caractérise par le développement des dictionnaires scolaires, dont le succès conduit plusieurs éditeurs à se positionner sur ce marché qui tend à se segmenter (souvent quatre dictionnaires pour l'école maternelle et le primaire). L'enseignement du vocabulaire bénéficie des innovations de Josette Rey-Debove, qui signe le Robert méthodique (1982) et sa nouvelle version le Robert brio (2004), tous deux chez Robert.

Les dictionnaires spécialisés se multiplient :

  • Dictionnaire des parlers alsaciens par Ernst Martin, publié de 1899 à 1907, avec les variantes cantonales de prononciation.
  • Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW) par Walther von Wartburg et al. en 29 volumes (1922-2002). Ouvrage monumental. Principal dictionnaire étymologique de référence pour les langues gallo-romanes. Les formes sont groupées par familles.
  • Dictionnaire étymologique de la langue française par Oscar Bloch et Walther von Wartburg (1932-1968).
  • Nouveau dictionnaire étymologique et historique par Albert Dauzat, Jean Dubois et Henri Mitterand (1964), refonte du Dictionnaire étymologique de Dauzat (1938).
  • Altfranzösisches Wörterbuch de A. Tobler et E. Lommatsch, dont le premier volume est paru en 1925 et le huitième en 1971 (couvrant les lettres Q-R). À la différence du dictionnaire de Godefroy, celui-ci se limite au vocabulaire attesté dans les œuvres imprimées du XIe siècle au XIVe siècle[59].
  • Dictionnaire de l'ancien français jusqu'au milieu du XIVe siècle de Greimas (1969). Cet ouvrage a été critiqué notamment pour son système de renvois, l'insuffisance de ses sources documentaires et étymologiques[62].
  • Dictionnaire étymologique de l'ancien français (DEA), par Kurt Baldinger, Jean-Denis Gendron et Georges Straka (1971-2009).
  • Dictionnaire de la langue française du XVIe siècle, par Edmond Huguet en sept volumes (1925-1967), dont on a critiqué l'étroitesse du corpus et la conception périmée de la lexicographie[63].
  • Etymologisches Wörterbuch der französischen Sprache par Ernst Gamillscheg (1926-1929 ; 1997).
  • Dictionnaire des difficultés de la langue française d'Adolphe Thomas.
  • Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques (1949) et Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne de Joseph Hanse (1983).
  • Nouveau dictionnaire analogique de la langue française, par Georges Niobey et al. (1979).
  • Dictionnaire Historique de la langue française, par Alain Rey (1992).

À la suite de la réforme de l'orthographe, celle-ci est prise en compte dans le Dictionnaire de l'Académie française, 9e édition (en cours, depuis 1992).

XXIe siècle

Avec le développement du web, les dictionnaires se mettent en ligne et les innovations sur papier se font plus rares. Les ressources informatiques sont d'une utilité évidente, notamment car elles sont mises à jour bien plus régulièrement et sont moins encombrantes. Elles tendent donc à affaiblir le marché du dictionnaire papier année après année[64].

On peut noter les ressources suivantes :

  • Le Centre national de ressources textuelles et lexicales offre en ligne le Trésor de la langue française informatisé (TLFI)[65]. Le même site donne aussi accès au Dictionnaire du Moyen Français (1330 - 1500), au Du Cange, au Dictionnaire Électronique de Chrétien de Troyes, au Dictionarium latinogallicum de Robert Estienne (1552), au Thresor de la langue françoyse (1606) de Jean Nicot, à la Base de données lexicographiques panfrancophone et à quatre éditions du dictionnaire de l'Académie Française.
  • Le Wiktionnaire francophone, lancé en 2004 (2002 pour l’anglophone), reproduit dans le champ lexicographique un modèle collaboratif analogue à celui de Wikipédia. Il est actuellement la plus grande base de données lexicale accessible au public avec plus de 330 000 lemmes de français pour 1 200 000 de flexions, et presque autant d'entrées venant de 4 000 autres langues.
  • Le Québec a mis en ligne Le Grand Dictionnaire terminologique, fort utile pour les vocabulaires spécialisés et les termes d'apparition récente, mais dont l'information demeure peu détaillée.
  • Le dictionnaire encyclopédique multilingue BabelNet, créé grâce à l'intégration automatique de dictionnaires, comme WordNet et Wiktionnaire, et encyclopédies, comme Wikipedia.

Par ailleurs, certaines années ont conduit à la mise à jour des dictionnaires papier pour considérer la nouvelle orthographe[66] :

  • Dictionnaire CEC Jeunesse (depuis 2011) ;
  • Dictionnaire de didactique du français : langue étrangère et seconde (CLE international, 2003) ;
  • Dictionnaire des difficultés du français (De Boeck, 2012) ;
  • Dictionnaire d’orthographe et de difficultés du français (Le Robert, depuis 2010) ;
  • Dictionnaire du français usuel (De Boeck, depuis 2002) ;
  • Dictionnaire Hachette (depuis 2002) ;
  • Dictionnaire Hachette Collège (depuis 2008) ;
  • Dictionnaire Hachette encyclopédique de poche (depuis 2007) ;
  • Dictionnaire Hachette junior (depuis 2010) ;
  • Dictionnaire Hachette junior de poche (depuis 2010) ;
  • Dictionnaire Hachette scolaire (depuis 2002) ;
  • Dictionnaire Larousse junior (depuis 2008) ;
  • Le grand dictionnaire des difficultés & pièges du français (Larousse, depuis 2004) ;
  • Le Larousse des noms communs (depuis 2008) ;
  • Le nouveau Littré (Garnier, depuis 2006) ;
  • Le nouveau petit Littré (Garnier, depuis 2009) ;
  • Le petit Larousse illustré (intégration à 100 % en 2012) ;
  • Le petit Robert (intégration à 66 % en 2009) ;
  • Multidictionnaire de la langue française (Québec Amérique, intégration à 40 % en 2009 et tableaux des formes rectifiées) ;
  • Usito (Delisme, depuis 2009).

Notes

  1. Prononciation en français de France retranscrite selon la norme API.
  2. Par exemple : Dictionnaire des idées reçues, Le Baleinié, Dictionnaire de la bêtise, Dictionnaire du Diable, Les Joies du Yiddish, The Meaning of Liff, The Meaning of Tingo, etc.
  3. « Dictionnaire », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 10 février 2017].
  4. Définitions lexicographiques et étymologiques de « dictionnaire » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 10 février 2017].
  5. Entrée « dictionnaire » des Dictionnaires de français [en ligne], sur le site des Éditions Larousse [consulté le 10 février 2017].
  6. TLFI, lien
  7. Matoré 1968, p. 200-221.
  8. Matoré 1968, p. 231.
  9. Définition de hôte sur le CNRTL.
  10. Définition de fuite.
  11. Matoré 1968, p. 252-53.
  12. Matoré 1968, p. 253.
  13. Matoré 1968, p. 254.
  14. Matoré 1968, p. 255.
  15. Matoré 1968, p. 260.
  16. Matoré 1968, p. 261.
  17. Matoré 1968, p. 200.
  18. Boulanger 2003, p. 122.
  19. Boulanger 2003, p. 70 et suiv..
  20. Boulanger 2003, p. 78.
  21. Boulanger 2003, p. 116.
  22. Boulanger 2003, p. 118.
  23. Boulanger 2003, p. 119.
  24. Boulanger 2003, p. 164-165.
  25. Expositio sermonum antiquorum, BNF.
  26. Boulanger 2003, p. 133.
  27. Boulanger 2003, p. 268.
  28. Boulanger 2003, p. 315.
  29. Boulanger 2003, p. 273.
  30. Matoré 1968, p. 50.
  31. A. Lőkkös, Catalogue des incunables imprimés à Genève, 1478-1500 (Genève, 1978), p. 84.
  32. Matoré 1968, p. 58-59.
  33. Matoré 1968, p. 60.
  34. Marie Leca-Tsiomis, Les dictionnaires en Europe, Dix-huitième Siècle, vol. 38, 2006, p. 5.
  35. Dictionnaire etymologique de la langue françoise, Gallica.
  36. Matoré 1968, p. 83-84.
  37. A. Gachet d'Artigny, Nouveaux mémoires d'histoire, de critique et de littérature (Paris, 1749-1753), vol. vi, p. 94-95
  38. Frédéric Loliée, Introduction, Dictionnaire des dictionnaires. Lettres, sciences, arts, encyclopédie universelle, sous la direction de Paul Guérin, Paris, 1886, p. XXI.
  39. Richelet 1680.
  40. Matoré 1968, p. 78.
  41. Le Dictionnaire universel des arts et des sciences, sur Google livres.
  42. Matoré 1968, p. 91.
  43. Dictionnaire universel, contenant généralement les mots françois tant vieux que modernes, et les termes des sciences et des arts..., Dictionnaire de Basnage, sur Google livres.
  44. Loveland 2013, p. 1301.
  45. Matoré 1968, p. 94.
  46. Matoré 1968, p. 106-107.
  47. Matoré 1968, p. 102-103.
  48. Simon Winchester, The Professor and the Madman, Harper, 1998, p. 98.
  49. Cité par Henri Meschonnic, Des mots et des mondes, Hatier, 1991, p. 147.
  50. Dictionnaire universel de la langue françoise, sur Wikisource.
  51. Matoré 1968, p. 117.
  52. François Gaudin, Maurice Lachâtre, éditeur socialiste : 1814-1900, Limoges, Lambert-Lucas, , 470 p. (ISBN 978-2-35935-117-0).
  53. François Gaudin (dir), Dictionnaires en procès, Limoges, Lambert-Lucas, , 140 p. (ISBN 978-2-35935-105-7).
  54. Matoré 1968, p. 124.
  55. Tome 1, 2, 3, 4, 5, 6 et supplément, en ligne.
  56. Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe siècle à nos jours, sur Wikisource.
  57. Matoré 1968, p. 130.
  58. Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, sur Wikisource.
  59. Baldinger 1974, p. 153.
  60. Laetitia Bonicel, « Le Grand Larousse de la langue française (1971-1978) : de l’innovation lexicographique à l’échec dictionnairique », Études de linguistique appliquée, 2005/1, no 137, p. 39-49.
  61. Laetitia Bonicel, op. cit.
  62. Baldinger 1974, p. 163-166.
  63. Matoré 1968, p. 165-166.
  64. Le temps des dictionnaires "papier" est-il révolu ?, , sur linternaute.com. Consulté le .
  65. Cet ouvrage a fait l'objet d'un article critique de Charles Bernet, « Le TLFi ou les infortunes de la lexicographie électronique », Mots, 2007, no 84, En ligne
  66. http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=3275#RDictionnaires

Voir aussi

Bibliographie

  • Kurt Baldinger, Introduction aux dictionnaires les plus importants pour l’histoire du français, Paris, Klincksieck,
  • Jean-Claude Boulanger, Les inventeurs de dictionnaires. De l’eduba des scribes mésopotamiens au scriptorium des moines médiévaux, Presses de l’Université d’Ottawa, , 568 p. (ISBN 978-2-7603-1650-8 et 2760316505, OCLC 144082353, JSTOR j.ctt1ckpdrm)
  • Georges Matoré, Histoire des dictionnaires français, Paris, Larousse, (OCLC 7009616)
  • Bernard Quemada, Les Dictionnaires du français moderne (1539-1863), Didier, 1968
  • (en) Jeff Loveland et Joseph Reagle, « Wikipedia and encyclopedic production », new media and society, vol. 15, no 8, , p. 1294-1311
  • Henri Meschonnic, Des mots et des mondes. Dictionnaires, encyclopédies, grammaires, nomenclatures, Paris, Hatier, , 311 p. (ISBN 2-218-03726-2 et 9782218037269, OCLC 28723293)
  • Laboratoire Metadif/ Lexiques, Textes, Discours, Dictionnaires, Musée virtuel des dictionnaires, Université Cergy Pontoise (lire en ligne)

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