Union pour la protection des obtentions végétales

L'Union pour la protection des obtentions végétales, abrégé UPOV, est une organisation intergouvernementale créée à Paris lors d'une « conférence diplomatique » le , à l'initiative de la France (actuellement premier producteur mondial de semences potagères commercialisées) et des grands semenciers, ayant abouti à la « Convention internationale pour la protection des obtentions végétales »[1].

Les premiers accords entrent en vigueur en 1968, après avoir été ratifiés par la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne. La Convention a été révisée en 1972, en 1978 et en 1991 (Acte de 1991). Cette organisation regroupe des pays engagés dans la mise en œuvre obligatoire d'un Certificat d'obtention végétale (COV).

Son siège est actuellement au sein des locaux de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle à Genève, en Suisse[2].

Objectifs

L'UPOV, et la convention qui le cadre, mise à jour en 1991, visent à protéger juridiquement les droits de propriété intellectuelle des obtenteurs sur leurs variétés au niveau international[3].

Selon son site internet[4], l'UPOV cherche à mettre en place et promouvoir un système efficace de protection des variétés végétales afin d'encourager l'obtention de variétés dans l'intérêt de tous (cet « intérêt général » est néanmoins contesté par plusieurs ONG).

Histoire

En 1956, les membres de l’ASSINSEL, Association internationale des sélectionneurs, appellent à une conférence visant à mettre en place un nouvel instrument international pour la protection des obtentions végétales, et demandent au gouvernement français de l’organiser. En , les représentants de douze États européens, de deux institutions internationales et d'organisations professionnelles se réunissent à Paris. Signée en , la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales entre en vigueur en 1968 après sa ratification par trois pays.

Création de l'UPOV en 1961

La Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, adoptée en 1961, a établi l'Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV)[5]. Elle définit un cadre légal international sui generis concernant la propriété intellectuelle des obtentions végétales[6], en définissant notamment ce qu'est une variété végétale et un obtenteur.

Conférences diplomatiques

Les pays membres se sont réunis en « conférences diplomatiques » en 1968, 1972, 1978 et 1991 pour préciser, mettre à jour, ou revoir les termes de ce « certificat ». Le Règlement au Conseil a été précisé le , avant qu'un accord soit signé entre l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et l'UPOV le .

La dernière conférence diplomatique en date, en 1991, a amendé la Convention de manière à préciser :

  • les notions d'Obtenteurs et variétés ;
  • les obligations générales des membres de l'UPOV ;
  • les conditions de l'octroi d'un droit d'obtenteur ;
  • la demande d'octroi du droit d'obtenteur ;
  • les droits de l'obtenteur ;
  • la durée du droit d'obtenteur ;
  • la nullité et déchéance du droit d'obtenteur.

L'UPOV a publié un document intitulé « La protection des variétés végétales dans le débat sur les inventions biotechnologiques » et des « recommandations » relatives aux « dénominations variétales », et vend sur CD-ROM la base de données des variétés végétales (« Liste des variétés végétales principalement protégées dans les États membres ou incluses dans les listes nationales des variétés admises à la commercialisation, ou pour lesquelles des demandes ont été enregistrées »)[7].

La version de la convention révisée en 1991 ne s’impose aux pays adhérents que depuis le . Le , l'Assemblée nationale a voté la Loi transcrivant en droit français la Convention UPOV de 1991.

Réforme de 1978

Elle introduit les concepts de privilège de l'agriculteur et le privilège de l'obtenteur. Des modifications de la précédente convention UPOV sont effectuées à la demande des États-Unis afin d'en rendre le contenu compatible avec leur loi de 1970[8].

Réforme de 1991

La concurrence d’un système de brevets de plus en plus étendu entraîne une refonte de l’UPOV en 1991[9]. Cette révision étend de plusieurs façons la portée des droits d’obtenteur : elle limite le « privilège de l’agriculteur » ; la durée de la POV est prolongée tandis que la protection est étendue à toutes les espèces végétales ; pour une même variété, elle autorise une « double protection » par COV et par brevet.

L'UPOV aujourd'hui

Membres

Au , l'UPOV compte 74[10] membres au total. Quinze pays, ainsi que l'OAPI ont entamé la procédure d’adhésion à l’Union auprès du Conseil de l’UPOV. Tous les pays membres ne le sont pas au titre de l'acte de 1991[11] : si les nouveaux membres de l’UPOV doivent adhérer à l’UPOV 1991, l’UPOV 1978 s’applique encore aux membres qui ont adhéré avant 1999 et qui n'auraient pas souscrit à l'acte de 1991. Le l'Union européenne adhère en tant que telle à l'UPOV ; c'est le premier organe intergouvernemental à le faire.

La France ratifie l'acte de 1991 le .

MembreDate d'entrée
dans l'UPOV
Indice de
contribution
Plus récent acte de la
Convention auquel il est partie
Date à laquelle il en
est devenu partie
Afrique du Sud1,00Acte de 1978
Albanie0,20Acte de 1991
Allemagne5,00Acte de 1991
Argentine0,50Acte de 1978
Australie1,00Acte de 1991
Autriche0,75Acte de 1991
Azerbaïdjan0,20Acte de 1991
Biélorussie0,20Acte de 1991
Belgique1,50Acte de 1961/1972[N 1]
Bolivie0,20Acte de 1978
Brésil0,25Acte de 1978
Bulgarie0,20Acte de 1991
Canada1,00Acte de 1978
Chili0,20Acte de 1978
Chine0,50Acte de 1978[N 2]
Colombie0,20Acte de 1978
 Communauté européenne5,00Acte de 1991
Costa Rica0,20Acte de 1991
Croatie0,20Acte de 1991
Danemark1,50Acte de 1991[N 3]
Équateur0,20Acte de 1978
Espagne2,00Acte de 1991
Estonie0,20Acte de 1991
États-Unis5,00Acte de 1991[N 4]
Russie0,50Acte de 1991
Finlande1,00Acte de 1991
France5,00Acte de 1978[N 5]
Géorgie0,20Acte de 1991
Hongrie0,50Acte de 1991
Irlande1,00Acte de 1978
Islande0,20Acte de 1991
Israël0,50Acte de 1991
Italie2,00Acte de 1978
Japon5,00Acte de 1991
Jordanie0,20Acte de 1991
Kenya0,20Acte de 1978
Kirghizistan0,20Acte de 1991
Lettonie0,20Acte de 1991
Lituanie0,20Acte de 1991
Maroc0,20Acte de 1991
Mexique0,75Acte de 1978
Nicaragua0,20Acte de 1978
Norvège1,00Acte de 1978
Nouvelle-Zélande1,00Acte de 1978
Ouzbékistan0,20Acte de 1991
Panama0,20Acte de 1978
Paraguay0,20Acte de 1978
Pays-Bas3,00Acte de 1991[N 6]
Pologne0,50Acte de 1991
Portugal0,20Acte de 1978
Corée du Sud0,75Acte de 1991
Moldavie0,20Acte de 1991
République dominicaine0,20Acte de 1991
République tchèque0,50Acte de 1991
Roumanie0,20Acte de 1991
Royaume-Uni2,00Acte de 1991
Singapour0,20Acte de 1991
Slovaquie0,50Acte de 1978
Slovénie0,20Acte de 1991
Suède1,50Acte de 1991
Suisse1,50Acte de 1991
Trinité-et-Tobago0,20Acte de 1978
Tunisie0,20Acte de 1991
Turquie0,50Acte de 1991
Ukraine0,20Acte de 1991
Uruguay0,20Acte de 1978
Viêt Nam0,20Acte de 1991
Réserves
  1. Avec la réserve prévue par l'article 34.2 de l'Acte de 1978
  2. Avec une déclaration précisant que l'Acte de 1978 n'est pas applicable à la région administrative spéciale de Hong Kong
  3. Avec une déclaration précisant que la Convention de 1961, l'Acte additionnel de 1972, l'Acte de 1978 et l'Acte de 1991 ne sont pas applicables au Groenland et aux îles Féroé
  4. Avec la réserve prévue par l'article 35.2 de l'Acte de 1991
  5. Avec une déclaration précisant que l'Acte de 1978 est applicable au territoire de la République française, y compris les départements et territoires d'outre-mer
  6. Ratification concernant la partie européenne du Royaume des Pays-Bas, sans les colonies

Fonctionnement et instances

Composé des représentants des membres de l’Union, le Conseil de l’UPOV se réunit en session ordinaire une fois par an. Il a à sa tête un président et un vice-président, élus pour trois ans. Chaque membre, chaque état, y dispose d’une voix. Depuis la réforme de 1991, certaines organisations intergouvernementales peuvent devenir membres de l’Union. Les pays qui ont signé mais pas ratifié la Convention peuvent envoyer des observateurs, tout comme les organisations dotées du statut d’observateur.

Sous le Conseil se place, depuis le , le Comité consultatif qui prépare les sessions du Conseil et décide de l’octroi du statut d’observateur aux organisations internationales non-gouvernementales et aux organisations intergouvernementales pour les différents organes de l’UPOV .

Sous la direction et le contrôle du Comité consultatif on trouve le Comité administratif et juridique et le Comité technique, ce dernier étant assisté par différents groupes de travail spécialisés.

Le secrétariat de l’UPOV ou « Bureau de l’Union » est dirigé par un secrétaire général assisté d'un secrétaire général adjoint qui supervise les activités quotidiennes de l’UPOV (en date de , le secrétaire général est M. Daren Tang et son adjoint M. Peter Button). En vertu d’un accord [12] de coopération avec l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), basée à Genève, le Directeur général de l’OMPI est aussi le Secrétaire général de l’UPOV. Il a le pouvoir d’approuver la nomination du Secrétaire général adjoint. Le Bureau de l’UPOV, composé d'une équipe d'une dizaine de personnes, est situé dans le bâtiment de l’OMPI à Genève, où se tiennent également les réunions de l’UPOV.

Le budget provient essentiellement des contributions annuelles des membres dont le montant est défini par le nombre « d’unités de contribution » s’appliquant à chaque membre.

L'UPOV connaît quatre langues de travail, le français, l’allemand et l’anglais et, dernièrement reconnue, l'espagnol.

Traduction en droit français

La loi du vient traduire les accords UPOV en droit français. Son article 3 qui exclut explicitement la possibilité pour un agriculteur de produire ses semences de ferme -pour son usage personnel uniquement- contredit l'article 5 de la convention UPOV de 1961. Cette disposition, inscrite en catimini et sans débat dans la loi de 1970, a été intégré au Code de la propriété intellectuelle[13].

La loi sur les obtentions végétales le traduit l'acte de 1991 en droit français.

En 1971 est créé le Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences au sein du département de génétique et amélioration des plantes de l’INRA. Depuis 1976, la SICASOV collecte les redevances sur les semences certifiées et les redistribue aux obtenteurs.

Intérêts, limites et critiques

Ce système, qui permet le financement de la recherche par la protection du travail de sélection est critiqué et attaqué : il oblige à ne cultiver que des variétés brevetées enlève toute marge de manœuvres aux cultivateurs et les contraint à se rabattre sur des plantes vivrières imposées par des grands groupes agroalimentaires. Autre point important, le traité sur les ressources phylogénétiques, au sein de la Convention sur la Biodiversité (ONU, 1992). L’article 9 de ce traité (non signé par les États-Unis) reconnaît les droits des agriculteurs à utiliser les semences dites de ferme (de leur récolte), d’autant que des siècles de sélection paysanne ont beaucoup contribué à la diversité cultivée. Cependant le régime de protection des obtentions végétales UPOV ne respecte pas ces droits. Il s’agit en dernière analyse du droit à la nourriture, reconnu par la Déclaration universelle des droits humains de l’ONU. Multiplier ses semences, les cultiver, échanger ou les vendre, peut être une question de vie ou de mort.

  • D'un côté par certains partisans du système des brevets appliqué au vivant, beaucoup plus favorable à l'obtenteur (mais parfois moins favorable à la recherche de variétés nouvelles, car le détenteur d'un brevet peut bloquer toute avancée qu'il ne fait pas lui-même, et moins favorable à l'agriculteur, car le COV permet la reproduction par l'agriculteur lui-même de sa semence, ce qu'un brevet n'autorise pas, ce qui est néanmoins de moins en moins possible en raison du pourcentage croissant de semences de variété hybrides (non reproductibles) vendus par les semenciers, pour les espèces où cela est possible) ;
  • Par les partisans (dont des ONG telles que Kokopelli) d'une libéralisation totale du marché des semences, l'interdiction de toute propriété intellectuelle serait plus favorable à la « sécurité alimentaire nationale », à l'« indépendance des agriculteurs vis-à-vis des firmes semencières », au « maintien de la biodiversité végétale », et ils considèrent « l'obtenteur ne fait pas un travail qui mérite rémunération » ;
  • Par les partisans (dont le Réseau Semences paysannes) d'une agriculture incluant une vocation conservatoire in situ de la biodiversité des semences anciennes, reproductibles en raison notamment de leur capacité supposée de meilleure « réponse adaptative » aux changements climatiques.

L'UPOV est donc engagé dans un lobbying permanent afin de défendre ce système, et l'étendre à plus de pays.

Le système prévoit, dans l'article 15 de la Convention, des exceptions (obligatoires ou possibles) au droit d'obtenteur :

  • exceptions obligatoires : le droit d'obtenteur ne s'étend pas :
    • aux actes accomplis dans un cadre privé à des fins non commerciales,
    • aux actes accomplis à titre expérimental,
    • aux actes accomplis aux fins de la création de nouvelles variétés ainsi que, à moins que les dispositions de l'article 14.5 ne soient applicables, aux actes mentionnés à l'article 14.1 à 4 accomplis avec de telles variétés ;
  • exceptions facultatives (chaque État choisit ou non de retenir ces exceptions) : « en dérogation des dispositions de l'article 14, chaque Partie contractante peut, dans des limites raisonnables et sous réserve de la sauvegarde des intérêts légitimes de l'obtenteur, restreindre le droit d'obtenteur à l'égard de toute variété afin de permettre aux agriculteurs d'utiliser à des fins de reproduction ou de multiplication, sur leur propre exploitation, le produit de la récolte qu'ils ont obtenu par la mise en culture, sur leur propre exploitation, de la variété protégée ou d'une variété visée à l'article 14.5)a)i) ou ii) ».

Bibliographie

  • Graham Dutfield, Alimentation, diversité biologique et propriété intellectuelle : le rôle de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), Bureau Quaker auprès des Nations unies, Genève, , 24 p. (traduit de l'anglais).

Références

  1. Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, 2 décembre 1961, révisée à Genève le 10 novembre 1972, le 23 octobre 1978 et le 19 mars 1991, sur le site de l'UPOV.
  2. Accord entre l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales et le Conseil fédéral suisse pour déterminer le statut juridique en Suisse de cette Union (accord de siège), sur le site de l'UPOV.
  3. Konstantia Koutouki, Nicole Matip et Serges Kwembou, « La protection des variétés végétales en Afrique de l'Ouest et Centrale », (2011) 41-1 R.D.U.S. 133, 138.
  4. Mission de l'UPOV, sur le site de l'UPOV. Consulté le 22 mars 2008.
  5. Texte de la convention sur le site de l'UPOV.
  6. Henri Feyt, « La protection de la propriété intellectuelle sur le vivant : historique et débats actuels autour des variétés végétales », OCL, vol. 8, no 5, , p. 514-523 (lire en ligne)
  7. Début 2008 : 750 francs suisses (+ frais de port) par an pour une mise à jour au minimum bimestrielle.
  8. Berlan J.-P.. L'industrie des semences, économie et politique. In: Économie rurale. N°158, 1983. pp. 18-28.
  9. H. Tordjman, « La construction d’une marchandise : le cas des semences » (version du 5 mai 2014 sur l'Internet Archive), sur Université Sorbonne-Paris-Nord, .
  10. UPOV, « Membres », sur www.upov.int (consulté le ).
  11. http://www.upov.int/export/sites/upov/about/fr/pdf/pub437.pdf
  12. L’Accord OMPI/UPOV de 1982 règle les relations entre l’OMPI et l’UPOV.
  13. Christophe Bonneuil et Frédéric Thomas, Semences : une histoire politique, éditions Charles Léopold Mayer, août 2012.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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