Robert Miguet

Robert Miguet, né le à Toulouse et mort le [1], est un haut fonctionnaire français. Il exerça notamment ses fonctions, face à des mouvements contestant la légitimité du pouvoir exécutif qu’il incarnait, en Algérie, au début de son parcours, à la fin des années 1950, début des années 1960, puis en Corse, au début des années 1970, et en Guadeloupe, au début des années 1980.

Pour les articles homonymes, voir Miguet.

Biographie

Vie privée

Robert Miguet est né le à Toulouse (Haute-Garonne). Son père (1892-1984) était ajusteur mécanicien, et sa mère (1900-1981), couturière. Il s'est marié le à Saint-Brieuc avec Jeanne Sophie Jacob, avec qui il a eu deux enfants, Isabelle et Arnauld[2] (journaliste de télévision).

Études

Robert Miguet a été élève du lycée Pierre-de-Fermat de Toulouse. Il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Toulouse (promotion 1951)[3] et a été élève de l’École nationale d’administration (promotion 18 juin, 1956-1958) ainsi que de l'IHEDN[2].

Carrière

Ses premières missions sont en Algérie, auprès du préfet de Sétif puis de Tiaret, durant la fin de la guerre d’Algérie, de 1958 à 1961. C'est un moment où la tension est à son comble entre le gouvernement français, l'Organisation armée secrète (OAS) et le Front de libération nationale (FLN) algérien, marqué également par le retour du général de Gaulle aux « commandes » et le début de la Cinquième République[4].

Il devient ensuite sous-préfet du Territoire de l'Inini, en Guyane, à partir de 1961[2] et délégué à la Conférence des Caraïbes en 1962[4].

En 1965, il revient en métropole et effectue un parcours comme secrétaire général ou sous-préfet dans divers départements : Territoire de Belfort, Calvados (1969)[5],[2], Doubs (1972), Haute-Garonne (1975)[2].

Mais le poste le plus difficile est en Corse, comme sous-préfet de Bastia, de 1972 à 1974, dans une période caractérisée par les premiers attentats, avant même l'émergence du Front de libération nationale corse (FLNC) et avant l'affaire d'Aléria, étapes importantes dans l'organisation des mouvements autonomistes et de libération dans ce territoire. En , il est accusé d'ingérence électorale par le maire de Calvi, un élu de gauche[6]. Mais ce sont surtout les conséquences des déversement de boues rouges toxiques au nord du cap Corse par une société italienne, la Montedison, qui vont le placer au cœur des événements. La population de l'île réagit avec émotion à cette dégradation du patrimoine naturel et à l'absence de réaction des autorités. Le , une journée de protestation démarre avec le blocage de différents ports par des flottilles de marins-pêcheurs puis une manifestation à Bastia[7],[8]. Lors de cette manifestation, quelques dizaines de manifestants réussissent à pénétrer dans la sous-préfecture de Bastia et à investir son bureau, et ce malgré les 300 policiers des Compagnies républicaines de sécurité (CRS) protégeant le bâtiment[9],[10],[11]. « À l’intérieur, les CRS, complètement désemparés, ne bougeaient plus. Ils n’avaient plus d’ordres. Et, au cinquième étage, dans le bureau du sous-préfet, la scène était incroyable […] Un groupe tentait de protéger le sous-préfet Miguet, un autre le chahutait. C’était une véritable mêlée. Des cris fusaient, des claques retentissaient. Il y avait quelque chose de bouffon. Edmond Siméoni ceinturait Miguet, il était difficile de savoir s’il le protégeait ou s’il l’immobilisait pour que les autres puissent le malmener. »[12]. Le drapeau corse remplace quelques instants le drapeau tricolore au fronton du bâtiment. Le sous-préfet, contraint de descendre au rez-de-chaussée, est finalement libéré grâce à des interventions d'élus[13],[8]. L'affaire se prolonge par l’arrestation du responsable fédéral du Parti communiste français (PCF), adjoint à la mairie de Bastia, d’Edmond Simeoni porte-parole de l’Action régionaliste corse, et d'un jeune militant, pour leur participation aux événements pendant lesquels le sous-préfet Miguet a été « malmené »[14]. Ils sont libérés dès le à la suite d'une grève générale paralysant l'île, mouvement « unanimement suivi dans toute l'île, en dépit des réserves de trois sur cinq des grandes organisations syndicales »[14]. Le cycle des attentats est amorcé dans les mois qui suivent. Le , un commando de militants corses dynamite une balise radio sur la base aérienne de Solenzara utilisée par l'OTAN. Dans la nuit du 3 au , c'est la première « nuit bleue » corse, avec neuf attentats quasi simultanés dans divers points de l'île dont Bastia[11]. Une façon pour les groupes contestataires insulaires de capter l'attention de l'opinion publique et des médias, reprenant des pratiques perpétrées par d'autres organisations dans les dernières années de l'Algérie française, une décennie plus tôt[Note 1].

Le , il est à nouveau affecté à l'Outre-mer, comme préfet de Guadeloupe[15], à la demande de Gaston Defferre, dans une période là aussi tendue. Le lendemain de son arrivée, il reçoit la visite du ministre Defferre et du secrétaire d'État chargé des DOM TOM Henri Emmanuelli[15]. Deux jours après son arrivée, survient l’assassinat du plus important planteur de l'île, Max Martin. Le climat politique est tendu et il est là pour maintenir l'ordre[15],[16]. L’Alliance révolutionnaire caraïbe (ARC) multiplie en 1983 les attentats à la bombe notamment en et [17]. « La Guadeloupe s'est engagée dans un processus de corsification » écrit le correspondant du journal Le Monde, Eric René[18]. Robert Miguet envoie un message d'alerte au ministère de l’Intérieur qui va dans le même sens : « Le contexte actuel des attentats par explosif en Guadeloupe s'apparente à celui de la Corse il y a dix ans: actions des indépendantistes qui utilisent l'insuffisance des services de la police. »[19]. Le Parti socialiste (PS) au pouvoir lui demande de quadriller le territoire, mais, parallèlement, se détache des indépendantistes, avec qui il entretenait des liens, pour jouer la carte de la décentralisation [20]. Robert Miguet reste en Guadeloupe jusqu'au [21].

De retour en métropole, il est nommé successivement préfet des Pyrénées-Orientales de 1984 à 1986, puis préfet du Gard de 1986[22] à 1987[2]. Devenu préfet hors cadre en 1987[23], après une première mission auprès du Premier ministre français, Jacques Chirac, sur les rapatriés, il devient directeur adjoint et directeur des études[24] de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) de 1989 à 1994[25]. Ayant pris sa retraite de préfet, il continue pour autant en enseignant dans différentes écoles, et notamment à l’École des hautes études internationales (HEI) à partir de 1996[4]. En 2003, il est interviewé, en même temps qu'Yves Bonnet, dans le reportage Petits arrangements entre amis au sujet des dépenses publiques en Guadeloupe[26].

Distinctions

Œuvre

  • Chroniques de la vie préfectorale, 1958-1994, Phénix éditions, 2002, 378 p. (ISBN 2-7458-0652-1)[Note 2].
  • « La décision du préfet », dans Raymond Moch, Informatiser la prise de décision, L'Harmattan, (ISBN 2-7475-4515-6)
  • « Risques et complexité de l'action administrative en période de crise », dans Risques et complexité, L'Harmattan, (ISBN 978-2-296-13221-4)

Notes et références

Notes

  1. Cf. l'article Wikipedia sur les nuits bleues.
  2. L'ouvrage n'est pas déposé à la BNF ; il existe un exemplaire consultable à la bibliothèque universitaire de l’université Antilles-Guyane (source : catalogue SUDOC). Phenix est un éditeur réalisant des tirages numériques, renouvelables à la demande. Il a notamment publié cinq mémoires de préfets : Bulles d’histoire de Gérard Belorgey ; Préfet en Algérie (1945/49) de René Petitbon ; Au cœur du drame franco-algérien de Georges Audebert ; Le corps préfectoral face à l’occupation allemande, de Pierre Aubert ; Chroniques de la vie préfectorale de Robert Miguet.

Références

  1. http://www.lesbiographies.com/Biographie/M-Robert-MIGUET,102526
  2. Bargeton 1994.
  3. Annuaire des diplômés : Édition du cinquantenaire 2007-2009, Association des diplômés de l'Institut d'études politiques de Toulouse, 3e trimestre 2009, 488 p., p. 210
  4. Who’s Who in France 2002
  5. « Nomination de sous-préfets », Le Monde, (lire en ligne)
  6. Silvani 19 janvier 1973
  7. (en) Paul Hofmanns, « 'Red Mud' Dumped at Sea Off Italy Enrages Corsicans; Anger Is Directed at a Chemical Plant in Tuscany One Crewman Injured Company Is Accused Paris Appeals to Rome. », NewYork Times, (lire en ligne [accès payant])
  8. Silvani 20 février 1973
  9. (en) Robert Ramsay, The Corsican Time-Bomb, Manchester University Press, , p. 71
  10. Crettiez 1999, p. 41
  11. Alain Orsoni, Un destin corse : Le maquis ardent, Jean-Claude Gawsewitch Éditeur,
  12. Pantaleon Alessandri, Indépendantiste corse : mémoire d'un franc tireur, Calmann-Lévy,
  13. Molinelli-Cancellieri 1995, p. 53
  14. Silvani 28 février 1973
  15. Le Cornec 2005, p. 487
  16. (en) « Blasts greet Guadeloupe Elections », Lawrence Journal-World, (lire en ligne)
  17. (en) « Bombs Rock Paris and 3 Carribean Territories; Separatists Blamed », New York Times, (lire en ligne)
  18. René nov. 1983
  19. Hebdomadaire Le Point No 584 du 28 novembre 1983
  20. William F. S. Miles, Paradoxe au paradis, Éditions L'Harmattan, , 252 p., p. 223
  21. « Préfets de la Guadeloupe depuis 1947 » (consulté le )
  22. « Conseil des ministres du 18 juin 1986 Mesures d’ordre individuel. [...] M. Robert Miguet, préfet, commissaire de la République du département des Pyrénées-Orientales, est nommé commissaire de la République du département du Gard [...] »
  23. « Conseil des ministres du 30 septembre 1987 Mesures d'ordre individuel. [... M. Robert Miguet, préfet, commissaire de la République du département du Gard, est nommé préfet hors cadre [...] »]
  24. Sauvage 2001, p. 176, 195, 201
  25. Décret du 6 décembre 1994 portant cessation de fonctions du directeur adjoint de l'Institut des hautes études de défense nationale
  26. Petits arrangements entre amis, reportage d'Eric Colomer, dans "Antilles : tempêtes sous les tropiques", Complément d'enquête, sur le site de l'INA.

Voir aussi

Éléments biographiques généraux

  • René Bargeton, Dictionnaire biographique des préfets : septembre 1870-mai 1982, .
  • Who’s Who in France : Qui est qui en France : Dictionnaire biographique de personnalités françaises vivant en France, dans les territoires d’Outre-Mer ou à l’étranger et personnalités étrangères résidant en France, Levallois-Perret, J. Lafitte, 2002-2003 (impression en 2002), 34e éd., 2103 p. (ISBN 978-2-85784-041-1 et 2-85784-041-1), p. 1335.
    Cet ouvrage ne regroupant que des actifs, la dernière édition annuelle du Who’s Who in France comportant une notice « Miguet, Robert, Félix » (préfet) est la 37e édition 2005-2006 (imprimée en 2005) (ISBN 2-85784-045-4) : voir à la page 1460.

Actions de Robert Miguet en Corse

Actions de Robert Miguet en Guadeloupe

  • Alain Rollat, « Un scrutin " historique " aux conséquences incertaines GUADELOUPE : la " Dame de fer " fait patte de velours », Le Monde, (lire en ligne).
  • Eric René, « Ces radios rebelles qui prêchent l'indépendance des Antilles et de la Guyane... », Le Monde, (lire en ligne).
  • Eric René, « Un processus de " corsification " », Le Monde, (lire en ligne).
  • Jacques Le Cornec, Un royaume antillais d'histoires et de rêves et de peuples mêlés, Éditions L'Harmattan, .
  • François-Xavier Guillerm, (In)dépendance créole : brève histoire récente du nationalisme antillais, Éditions Jasor, (82-84).

Actions de Robert Miguet à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)

  • Jean-Christophe Sauvage, L'Institut des hautes études de défense nationale : une vision globale de la politique de défense de la France, Presses universitaires du Septentrion, .

Articles connexes

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