Responsabilité extracontractuelle en droit civil français

La responsabilité extracontractuelle (subdivisée en deux parties : quasi-délictuelle et délictuelle) est, avec la responsabilité contractuelle, une des deux parties de la responsabilité civile. Cette matière est essentiellement régie par les articles 1240 à 1244 du Code civil. Chacun de ces articles précise dans quel cadre la responsabilité civile peut être mise en cause. Par exemple, dans le cadre de l'article 1240, il est indiqué que chaque personne qui est à l'origine d'un préjudice causé à quelqu'un se doit de réparer ce dernier[1]. Chaque fois la notion de faute est sous-jacente.

Principe

Le principe qui régit la responsabilité extracontractuelle est la faute. Est responsable d'un dommage celui par la faute duquel il est arrivé. Actuellement se développe la responsabilité sans faute. C'est pourquoi le terme de responsabilité extracontractuelle convient mieux maintenant que le terme de responsabilité délictuelle.

Pour mettre en œuvre la responsabilité extracontractuelle il faut un dommage (le préjudice peut être matériel, physique ou moral. Le dommage doit être quantifiable. Les juges refuseront d'indemniser un préjudice dont le montant n'est pas chiffré), un fait générateur de responsabilité (ou faute, c’est-à-dire un non-respect de la loi ou bien un comportement que n'aurait pas eu une personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances) et un lien de causalité (la faute doit être la cause, même non exclusive, du dommage).

La réunion de ces trois éléments (faute, dommage, lien) crée dans le chef de celui qui a commis la faute l'obligation d'indemniser. L'indemnisation sera strictement proportionnelle au préjudice allégué et retenu.

Le dommage

Le dommage est l'atteinte à un intérêt patrimonial ou extra-patrimonial d'une personne physique ou morale que l'on appelle victime. Il existe quatre types de dommage : le dommage corporel, le dommage matériel, le dommage moral et le dommage écologique.

Pour engager la responsabilité de quelqu'un, il faut tout d'abord avoir subi un dommage. Ce dommage doit présenter 4 caractères :

  • il doit être certain ou actuel ;
  • il doit être direct ;
  • il doit être personnel ;
  • il doit consister en une atteinte à un intérêt légitime.

Le fait générateur de responsabilité

Le fait générateur de responsabilité est, avec le dommage et le lien de causalité, un des trois éléments nécessaires pour mettre en œuvre la responsabilité délictuelle ou contractuelle d'un individu. C'est le fait matériel qui va causer le dommage.

Il existe trois types de fait générateur de responsabilité :

Le lien de causalité

Il n'y a de responsabilité que si le dommage causé résulte de l'action du défendeur, par une relation de cause à effet, que l'on appelle le lien de causalité. Il est classique d'associer deux conceptions différentes de la causalité.

  • la théorie de l'équivalence des conditions : elle est très peu extensive et consiste à placer sur un pied d'égalité l'ensemble des facteurs ayant concouru à la survenance du dommage ;
  • la théorie de la causalité adéquate : elle est restrictive et pointe à ne retenir comme facteur que celui dont on peut raisonnablement estimer qu'il était de nature à produire le dommage ;
  • la théorie de la causalité efficiente : on ne tient compte que des évènements ayant un rôle prépondérant dans la survenance du dommage,
  • La causa proxima : ne retenir que le dernier évènement survenu qui a entrainé le dommage.
  • La théorie de « l'empreinte continue du mal » du Professeur Noël Dejean de la Bâtie[2] : un fait défectueux (fait défectueux de l'homme - qu'on appelle la faute - ou fait défectueux d'une chose) n'est retenu comme cause d'un dommage que si deux conditions cumulatives sont réunies : d'une part, le fait défectueux doit avoir joué un rôle dans la survenance du dommage en ce sens « qu'en son absence celui-ci n'aurait pas eu lieu » ; d'autre part, ce fait doit expliquer « par sa défectuosité même » le préjudice[3].

La responsabilité délictuelle

« Qui casse paye ». Celui qui par sa faute cause à autrui un dommage doit le réparer.

Depuis quelques dizaines d'années, plusieurs régimes juridiques de responsabilité sans faute ont été instaurés. Ainsi par exemple, en Belgique il existe une indemnisation automatique des usagers faibles victimes d'un accident de la circulation en vertu duquel l'assureur du véhicule doit indemniser les victimes pour leur dommage corporel (sauf le(s) conducteur(s) des véhicules automobiles qui ne bénéficie pas de ce régime légal). De même la responsabilité du fait des produits défectueux, issue d'une directive européenne, impose au producteur d'un bien mis sur le marché et qui a causé un dommage (aux personnes ou aux autres biens) de le réparer sans qu'il y ait lieu de démontrer la faute du producteur dans la conception dudit produit.

La source délictuelle

L'intitulé de ce titre fait une distinction entre délit et quasi-délit. Cette distinction, d'origine romaine n'a pas d'importance pratique, car le régime juridique de ces deux notions est identique. La différence vient du fait générateur de la responsabilité.

Dans le délit, il existe un fait, une action positive appelée faute. Dans le quasi-délit, il n'existe qu'une abstention : négligence - imprudence. Cette distinction résulte des textes des articles 1240 (délit) et 1241 (quasi-délit).

article 1240 du Code civil

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». (il faut préciser ici que l'article 1240 concerne le droit civil belge, de même que l'article 1241 qui suit ⇒ cet article nécessite un examen et une réécriture)

article 1241 du Code civil

« Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ».

C'est un délit civil qui n'entraîne qu'une responsabilité civile, donc une réparation en dommages-intérêts pour le dommage causé. Il faut éviter la confusion avec le délit pénal qui trouve son fondement dans une infraction à la loi et qui est sanctionné par une peine.

Dans certains cas, le délit civil constitue en même temps, un délit pénal.

Les éléments du délit et du quasi-délit

Trois éléments sont nécessaires à la réalisation du délit ou du quasi-délit.

Le dommage

A) Les formes du dommage

  • Corporel

Il représente une atteinte à l'intégrité physique de la personne. Il a y donc lieu à indemnisation pour les blessures causées à la victime, ainsi que pour les souffrances qu'elle a dû endurer (pretium doloris).

  • Matériel

Il résulte de la destruction ou de la détérioration de choses appartenant à la victime, d'une atteinte à son crédit (concurrence déloyale), d'un manque à gagner (perte de salaires). On classe dans cette rubrique, l'indemnisation de la personne qui, sans être victime immédiate, a subi un préjudice car la victime de l'accident, subvenait à ses besoins. On appelle cela, un préjudice par ricochet (Cass cil 17/02/1961 Gazette du Palais, 1960 I, 400).

  • Moral

Il a un caractère extrapatrimonial. Il peut être dû, en cas d'atteinte à l'honneur (diffamation), aux sentiments, aux affections d'une personne. C'est à bon droit qu'un arrêt décide que la douleur éprouvée par les enfants d'une personne morte victime d'un accident, suffit, en l’absence de tout préjudice matériel, pour permettre à ces enfants, d'exercer contre l'auteur de l'accident, une action en dommages-intérêts. S'il peut présenter des formes diverses, le dommage doit par contre, présenter des caractères spécifiques pour entraîner réparation.

B) Caractères du dommage

  • Certain

Le dommage doit être certain. Cela ne pose pas de problème quand le dommage est actuel, car alors, il est facile de l'évaluer (Cass civ 24/11/1942 Gazette du Palais 1943 I 50). Mais un préjudice doit être certain et futur, pour que le juge puisse l'évaluer. Par contre, un préjudice éventuel ne peut être retenu. Cependant, avec la notion de perte d'une chance, la jurisprudence a modifié son attitude. Par le jeu des calculs de probabilité, elle peut, désormais, déterminer si la perte de la chance donne droit à réparation et dans l'affirmative, pour quel montant (Civ 1° 04/11/2003, D 2004 somm 601, obs Penneau).

  • Direct

Le dommage doit être direct : c'est-à-dire qu'il doit être la conséquence de l'accident.

  • Légitime

La victime doit avoir un intérêt légitime pour agir, comme dans toute action en justice. Ce caractère a soulevé un problème en jurisprudence à propos du droit à réparation de la concubine, au décès de son concubin.

La Cour de Cassation avait, par arrêt du 27/07/1937, rejeté les prétentions de la victime.

La Chambre Correctionnelle avait adopté une position plus libérale quand le concubinage était établi et non adultérin.

La Cour de Cassation a tranché le conflit en Chambre Mixte par un arrêt du 27/02/1970 (D 1970 - 201). Cet arrêt a reconnu que la concubine, bien que sans les liens de droit avec le concubin, pourrait obtenir des dommages et intérêts à partir du moment où le concubinage présentait des garanties de stabilité, et que sa rupture était fautive.

La faute

Il n'y a pas de définition juridique dans le Code civil. Seul l'article 1240 du Code civil affirme que la faute oblige à réparation et l'article 1241 énonce que la faute peut résulter d'une imprudence ou d'une négligence.

La faute est surtout une notion morale et par-là même, difficile à préciser. Jean Mazeaud la définit comme « une erreur de conduite telle qu'elle n'aurait pas été commise par une personne avisée, placée dans les mêmes circonstances externes que le défendeur ».

La faute comprend deux éléments :

  1. l'un objectif : l'atteinte portée aux droits d'autrui par un fait illicite ;
  2. l'autre subjectif : la conscience chez son auteur des conséquences que l'acte illicite va entraîner (imputabilité).

Régimes spéciaux

Afin de faciliter l'indemnisation des victimes, le législateur a également créé des régimes spéciaux d'indemnisation :

Notes et références

  1. Article 1240 du Code Civil
  2. N. Dejean de la Bâtie, In AUBRY et RAU, T. VI-2, Responsabilité délictuelle, 1989, pages 122 à 140.
  3. Pour une démonstration de la véracité de cette théorie, voir la note du Professeur Dejean de la Bâtie au JCP 1990, II, 21544.
  4. Civ. 1re, 6 mai 2010, no 09-67.624, obs. S. Lavric, « Abus de la liberté d'expression : spécialité des infractions de presse », Dalloz.fr, 21 mai 2010

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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