Renée Fregosi

Renée Fregosi, née le à Ajaccio, est une philosophe et politologue française.

Biographie

Renée Fregosi s'engage en politique dès l'âge de 16 ans au Mouvement de libération des femmes (MLF) et à l'Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) qu'elle quittera rapidement. Elle adhère au Parti socialiste en 1976 auquel elle reste attachée malgré ses nombreuses divergences depuis plusieurs années.[1]

Renée Fregosi a soutenu ses deux thèses (de philosophie en 1984 sur Vladimir Jankélévitch et de science politique en 1996 sur les transitions à la démocratie en Amérique latine et dans les PECO) à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne tout en poursuivant une activité professionnelle. Pendant 20 ans elle a été assistante parlementaire, directrice adjointe puis directrice de l’Institut de recherche du PS (ISER)[2], directrice du département international du PS, consultante internationale et a été engagée dans de nombreuses actions de coopération internationale à travers le monde. En 2001 elle intègre l’institution universitaire en tant qu’enseignante-chercheur à l’Institut des hautes études d'Amérique latine (IHEAL) de l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, où elle a été directrice de recherche en science politique de 2002 (après l’obtention de sa HDR en science politique)[3] à 2020.

Perspectives théoriques

Dictatures et démocraties

Renée Fregosi insiste d'une part sur le fait que les changements de régimes entre démocratie et dictature se produisent dans les deux sens, sans que l’on ne puisse jamais considérer aucune situation comme inéluctable ni irréversible. D'autre part, elle pense que loin d'être des catégories étanches, les deux grandes manières de gérer l’ordre du pouvoir (autoritarisme et démocratie, imposition et libre choix) s’imbriquent et se mélangent bien souvent de façon complexe. Transitions à la démocratie, régressions autoritaires et régimes hybrides mettent en lumière cette complexité du politique[4].

Populisme

Dans ce cadre théorique, elle définit le populisme « comme l’ombre portée ou la réverbération de la démocratie sur une réalité sociale contrastée, sur une société atomisée d’individus aux demandes disparates »[5]. Dans le contexte des formes nouvelles de la mondialisation, le populisme peut être défini comme la forme politique partagée le plus largement à travers le monde à partir des années 2000 et il se présente aujourd’hui sous la forme d’un « justicialisme »[6]. L’idée de justice, constituant un concept vide susceptible de répondre aux exigences de chacun et de former un tout à partir d'éléments très hétérogènes, s’impose comme une évidence.

Antisionisme

Renée Fregosi estime que l’antisémitisme antisioniste entre ainsi en congruence particulière avec le populisme justicialiste : demande de justice pour tous et surtout pour « les petits, les dominés, les discriminés, les exclus » et contre « l’impunité » des grands. « Grâce à la figure victimaire du Palestinien, la chaîne de causalité diabolique se tisserait des banlieues françaises peuplées d’« Indigènes de la République » aux pays latino-américains « dominés par l’impérialisme des États-Unis » »[7].

Nouveaux autoritaires

Pour Renée Fregosi, des nouvelles figures autoritaires apparaissent aujourd'hui : justiciers, censeurs et autocrates des démocratures. Ainsi, un certain conformisme qui confinerait au terrorisme intellectuel, imposerait des attitudes grégaires assignant aux appartenances communautaires, et ordre social moralisateur réprimant la liberté sexuelle, l’extravagance, l’exaltation, la solitude et le silence. Contre l’individualisme libérateur que l’on stigmatise en l’amalgamant à l’égoïsme matérialiste, les visées collectives auxquelles on nous convie seraient moins politiques, universalistes et responsabilisantes qu’identitaires, relativistes et uniformisantes.

Laïcité

Le combat laïque retrouve alors toutes ses dimensions contre les pensées de l’orthodoxie en maintenant ouvert le vide des cieux et cardinale la liberté de l’individu. Dans cette conception, la laïcité est lutte pour l’émancipation des individus, la libre pensée et l’exercice du libre choix dans la vie publique, politique notamment, comme dans la vie privée. La liberté des mœurs irait donc de pair avec « les droits de l’Homme et du citoyen » et attaquer l’une ce serait aussi attaquer les autres[8].

Néo-féminisme

Dans un article du Figaro, en , Renée Fregosi dénonce un "néo-féminisme victimaire, puritain et sexiste", et citant le fait qu'il y a 15.000 escort-boys en Grande Bretagne, elle veut rappeler que les femmes ont une "activité sexuelle affirmée, aux désirs revendiqués", et qu'il y a des "femmes dominantes, dominatrices voire prédatrices et agressives (comme en témoigne (...) par exemple le nombre important d'hommes battus. Selon elle, comme pour bon nombre de penseurs contemporains, le néo-féminisme serait "essentialiste" (terme renvoyant à la philosophie grecque ancienne, et à la négation sartrienne et existentialiste de l'essence, à l'affirmation de la liberté qui s'ensuit). Selon Renée Fregosi, l'essentialisme féministe, qui postule une douceur constitutive de la femme, une sensibilité différente de l'homme, serait représenté par exemple par Antoinette Fouque[9].

Actions de terrain

Outre les missions réalisées notamment dans le cadre de l’ISER, de l’Internationale socialiste et du PSE, Renée Fregosi mène des actions de terrain avec une petite ONG qu’elle a créée en 1991, le CECIEC (Centre Européen pour la Coopération Internationale et les Échanges Culturels). Elle participe à des missions dans le domaine de l’ingénierie démocratique et notamment plus d’une quinzaine d’observations électorales en Amérique latine (Venezuela, Chili, Paraguay, Costa Rica) mais aussi au Togo en 1992 ou au Cambodge en 1993.

Elle a contribué au lancement en 1991 du consortium paraguayen d'ONG (dont le CECIEC est co-fondateur) Sakã[10]. Pour les premières élections libres après la chute d'Alfredo Stroessner, l'organisation d'un contrôle électoral parallèle indépendant exhaustif a permis au président de la République Andrés Rodríguez Pedotti (faute de résultats de l'organe officiel) de reconnaître les élus des 17 municipalités principales du pays sur l'unique foi des données de Sakã. Puis le consortium d'ONG a poursuit son action notamment en 1993 et 2008 où il s'en encore révélé d'une grande utilité pour la démocratie paraguayenne.

Par ailleurs, en participant notamment à des rencontres internationales de haut niveau[11], Renée Fregosi poursuit une réflexion sur les méthodes de prévention du VIH et plus largement sur les questions de santé publique et de santé globale[12].

Tribunes

Le , elle fait partie des signataires d'une tribune de chercheurs et d'universitaires annonçant avoir voté Emmanuel Macron au premier tour de l'élection présidentielle française de 2017 et appelant à voter pour lui au second, en raison notamment de son projet pour l'enseignement supérieur et la recherche[13].

Le , elle fait partie des signataires de l'Appel des 100 "contre le séparatisme islamiste"[14] et le , du Manifeste contre "le nouvel antisémitisme"[15].

Le , elle fait partie des premiers signataires de l'appel des 113 contre la modification de la loi de 1905[16]

Le elle fait partie des premiers signataires d'une tribune dénonçant dans l'Université le déni de l'offensive islamiste[17]

Le 27 avril 2021 elle fait partie des premiers signataires d'une tribune appelant les Présidents des universités à organiser des lectures du texte posthume de Charb "Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes"[18]

Le 18 mai 2021, lors de la crise entre Israël et le Hamas, elle fait partie des premiers signataires d'une tribune de personnalités affirmant leur solidarité avec le peuple israélien et appelant à lutter contre l'islamisme [19].

Ouvrages publiés

  • Comment je n'ai pas fait carrière au PS. La social-démocratie empêchée. Ed. Balland, 2021 (277 pages)
  • Le bêtiser du laïco-sceptique. Avec Nathalie Heinich, Virginie Tournay et Jean-Pierre Sakoun. Dessins de Xavier Gorce. Ed. Minerve, 2021 (158 pages)
  • Français encore un effort... pour rester laïques ! Ed. L'Harmattan, 2019 (196 pages)
  • Les Nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates. Ed. du Moment, 2016 (300 pages)
  • Parcours transnationaux de la démocratie. Transition, consolidation, déstabilisation, Ed. Peter Lang, 2011 (195 pages)
  • Droits de l’Homme et consolidation de la démocratie en Amérique du Sud. Direction de l’ouvrage avec Rodrigo España et introduction sous le titre « La question des droits de l’Homme au cœur des démocraties latino-américaines », Ed. L’Harmattan, 2009 (321 pages)
  • Altérité et mondialisation. La voie latino-américaine, Éditions Ellipses, 2006 (254 pages)
  • Armées et pouvoirs en Amérique latine. Direction de l’ouvrage, présentation, postface et article intitulé « La fin des coups d’État militaires en Amérique latine ? Mutineries et coups manqués en Argentine et au Paraguay dans les années 80-90 », Ed. de l’IHEAL, 2004 (220 pages)
  • Le Paraguay au XXe siècle. Naissance d’une démocratie, Ed. L’Harmattan 1997 (399 pages)

Références

  1. Renée Fregosi, Comment je n'ai pas fait carrière au PS: La social-démocratie empêchée., Paris, Balland, (ISBN 978-2940632725)
  2. « ISER - Participation de Renée Frégosi à la conférence internationale "Le Grand Octobre" - Moscou (8-11/12/1987) »
  3. « Fregosi Renée », sur le site de l'Institut des hautes études d'Amérique latine
  4. voir sa contribution à l'ouvrage collectif : « Penser la complexité politique » in L’État, le Droit, le Politique. Mélanges en l’honneur de Jean-Claude Colliard, sous la direction de DEROSIER Jean-Philippe et SACRISTE Guillaume, Ed. Dalloz, 2014
  5. « Le populisme ou la face cachée de la démocratie » (p. 27-35) in ESPOSITO, Marie-Claude, LAQUIEZE, Alain et MANIGAND, Christine, Populisme, l’envers de la démocratie. P.28. Ed. Vendémiaire 2012
  6. Cystal Cordel Paris(dir.), « La rhétorique démocratique populiste aujourd’hui : entre spontanéisme et néobolchevisme », dans La rhétorique démocratique en temps de crise. Discours, délibération, légitimation (lire en ligne)
  7. « Un antisémitisme justicialiste », Huffington Post, (lire en ligne)
  8. « Quand laïcité rime avec conformisme et autocensure », Le Monde, (lire en ligne)
  9. « Un néo-féminisme victimaire, puritain et sexiste », FIGARO, (lire en ligne, consulté le )
  10. Sakã jouit aujourd'hui d'une notoriété au Paraguay et d'une reconnaissance officielle en tant qu'acteur de la citoyenneté et de la transparence électorale. Voir par exemple : (es) « Sakã y Cird suscriben convenios de cooperación con el TSJE »
  11. Renée Fregosi, « Compte-rendu 4e workshop "HIV Treatment as Prevention (TAsP)" », sur vih.org,
  12. Renée Fregosi, « Covid-19 : enjeux de savoirs et de pouvoirs », Telos, (lire en ligne)
  13. « Des universitaires et chercheurs appellent à soutenir Emmanuel Macron », sur petiteau-natalie.blogspot.fr, . La tribune est relayée le lendemain par Le Monde : « “Nous, universitaires et chercheurs, tenons à manifester notre soutien à Emmanuel Macron” », sur lemonde.fr, .
  14. « L'appel des 100 intellectuels contre le «séparatisme islamiste» », FIGARO, (lire en ligne, consulté le )
  15. Le Parisien, « Manifeste «contre le nouvel antisémitisme» », Le Parisien, (lire en ligne, consulté le ).
  16. « Appel des 113 », sur Marianne.net, Marianne,
  17. « Le Manifeste des 100 »
  18. Isabelle Barbéris et Samuel Mayol, « Lettre aux Présidents d'université : ouvrons nos facs à Charb et au débat », sur L'Express en ligne,
  19. Ceux qui menacent Israël nous menacent aussi, Le Figaro, 18 mai 2021

Liens externes

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