Terrorisme intellectuel

Le terrorisme intellectuel est la pratique qui, au moyen d'arguments et de procédés intellectuels (publication, interventions médias, etc.), vise à intimider pour empêcher la formulation d'idées jugées gênantes (que les idées visées soient fausses, vraies, ou discutables) ou limiter leur diffusion[1].

On[Qui ?] parle aussi de police de la parole ou de la pensée.

Histoire

Historiquement, Montaigne parlait de « tyrannie parlière » (Essais, livre III, chapitre 8), Ernest Renan de « tyrannie spirituelle » (L'Avenir religieux des sociétés modernes, 1860, III : « Le christianisme, avec sa tendresse infinie pour les âmes, a créé le type fatal d'une tyrannie spirituelle, et inauguré dans le monde cette idée redoutable, que l'homme a droit sur l'opinion de ses semblables. ». Adolf Hitler évoquait également, dans Mein Kampf (volume I, chapitre 2), une expression équivalente en allemand, pour souligner la propension de la masse à se soumettre devant cette forme de terrorisme. Lénine internationalisera cette technique d'intimidation comme arme politique face aux adversaires du communisme[réf. souhaitée]. Sartre en fit une de ses lignes d'action avec ses célèbres formules « il ne faut pas désespérer Billancourt » (à propos du goulag) et « tout anticommuniste est un chien »[réf. souhaitée].

Outils et méthodes

Cette censure idéologique, ou police de la parole, vise à empêcher de parler de tout ce qui n'entre pas dans les grilles de la doctrine régnante, et qui sera dénoncé comme étant politiquement incorrect, relevant de la correction politique dans les deux sens du mot « correction » : ce qui est correct, et ce qui mérite d'être corrigé. Les premiers termes employés dans les procès médiatiques sont dérapage, propos nauséabonds, réac, conspirationniste ; viennent ensuite imposture, perversion de la pensée, et enfin fascisme et nazi.

Les autres procédés visant à limiter ou interdire l'expression (censure légale, intimidation physique, menaces judiciaires, etc.) ne relèvent pas du pur terrorisme intellectuel, bien qu'ils y soient évidemment associés et puissent en être des outils.

Le terrorisme intellectuel n'est pas une fin en soi, c'est un moyen pour favoriser ses propres idées, orienter les débats publics et donc se favoriser soi-même en tant qu'incarnation de ces idées (intellectuel défendant son statut et sa notoriété, parti visant la conquête du pouvoir).

Le terrorisme intellectuel est évidemment lié à la question générale de la liberté d'expression :

  • la réduction voire l'absence de limite légale à l'expression ôte des armes aux censeurs proche du pouvoir ; le terrorisme intellectuel devient alors une possibilité de compenser l'impossibilité de censurer.
  • la liberté d'expression permet inversement d'user plus facilement de procédés intellectuellement douteux mais légalement irréprochables.
  • Le terrorisme intellectuel peut être complété par un arsenal juridique liberticide destiné à entraver la liberté de s'exprimer, allant même jusqu'à réprimer ce qui est prétendument implicite et non plus seulement ce qui semble explicite.

Bien que les sophismes soient ses instruments de prédilection, les procédés utilisés sont sans limites. Le terrorisme intellectuel est la forme extrême et extrémiste de la confrontation des idées. On[Qui ?] citera :

  • l'assimilation (improprement nommée amalgame) (cette idée est prétendument proche ou similaire à cette autre idée haïssable, donc elle est elle-même haïssable) ;
  • le procès d'intention (l'interlocuteur n'est pas condamné pour ce qu'il fait ou dit, mais pour les « intentions cachées infâmes » qu'on lui attribue et dont il peut d'autant moins se défendre qu'elles sont décrites comme hypocritement dissimulées) ;
  • l'argument de l'épouvantail ;
  • les propos injurieux (bien qu'ils soient réprimés, il est toujours possible de jouer sur les limites, ou sur le contexte et les connotations différentes du même mot ; ainsi, dire que les idées de quelqu'un sont celles d'un parti mal vu mais autorisé ne relève pas de la diffamation) ;
  • tous les arguments ad personam, ad hominem, possibles ;
  • l'exploitation de tabous ;
  • l'argument d'autorité, dissimulant son caractère fallacieux et désinformateur ;

Le terrorisme intellectuel est susceptible de s'exercer dans tous les domaines : religion, science, programme scolaire, journalisme, publicité, littérature, histoire, philosophie, culture, etc. Il peut s'exercer à l'encontre d'idées fausses, bien qu'il soit alors moins utile (il est moins agressif et plus efficace de simplement démontrer cette fausseté) ; contre les idées évidemment justes, le terrorisme intellectuel peut néanmoins faire gagner du temps, ce qui est rarement négligeable. Mais c'est bien sûr contre les opinions, discutables mais qui n'ont pas (encore) fait l'objet d'une preuve de vérité ou de fausseté, qu'il a trouvé le terrain le plus favorable. La politique est un de ces domaines de prédilection.

Ce type de procédé est destiné aux adversaires, mais il peut se retourner contre son propre camp, car interdire certains thèmes, c'est se rendre incapable de les travailler et d'en saisir les évolutions avec ceux de la société.

Notes et références

  1. Guillaume Bernard, La guerre à droite aura bien lieu : Le mouvement dextrogyre, Desclée De Brouwer, , 400 p. (ISBN 978-2-220-08619-4, lire en ligne), p. 143

Annexes

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