Relations entre l'Algérie et le Maroc

Les relations entre l'Algérie et le Maroc se réfèrent aux relations bilatérales entre l'Algérie et le Maroc, deux pays maghrébins et musulmans en Afrique du Nord. Le Maroc est représenté par une ambassade et un consulat général à Alger, et deux consulats à Oran et à Sidi Bel Abbès[2] ; l'Algérie est représentée par une ambassade et un consulat général à Rabat, et deux consulats à Casablanca et à Oujda[3].

Relations entre
l'Algérie et le Maroc

Algérie Maroc
Ambassades
Ambassade d'Algérie au Maroc
  Ambassadeur Abdelhamid Abdaoui[1]
  Adresse Rabat
Ambassade du Maroc en Algérie
  Ambassadeur Lahcen Abdelkhalek
  Adresse Alger
Frontière
Frontière entre l'Algérie et le Maroc
Rencontres sportives
Football Algérie-Maroc en football

Comparaison entre les deux pays

Algérie Maroc
Superficie (km²) 2 381 741 446 550 (710 850*)
Population 44 487 616 36 471 769
Densité de population (hab./km²) 16 83,14 (48,44*)
Capitale Alger Rabat
Plus grande ville Alger (2 740 000 hab.) Casablanca (3 245 000 hab.)
Gouvernement République à régime semi-présidentiel Monarchie constitutionnelle
Langues officielles Arabe, Berbère Arabe, Berbère
PIB (nominal) (milliards de dollars)[4] 147,3 112,2
PIB (PPA) milliards de dollars[4] 488,3 273,6
PIB (nominal) par habitant US$[5] 4 345 3 077
PIB (PPA) par habitant US$[5] 14 163 8 194
IDH[6] 0,748 (91e) 0,686 (121e)
(*) Avec le Sahara occidental.

Historique des relations entre l'Algérie et le Maroc

L'époque de la guerre d'Indépendance de l'Algérie 1954-1962

Durant la guerre d'Algérie, les relations entre les deux pays sont positives. Les Marocains se mobilisent et sont souvent des soutiens actifs des maquisards algériens. Lorsque le Maroc déclare son indépendance en 1956, Mohammed V expédie armes, argent et médicament au FLN. Le pays devient même une base arrière pour des combattants algériens qui bénéficient de camps d'entraînement. Enfin, le roi s'abstient de négocier avec la France le tracé de la frontière entre les deux pays qui depuis 1830 n'avait pas été clairement délimité[7].

Après l'Indépendance de l'Algérie

Après l'Indépendance, l'homme politique marocain Allal El Fassi, chef de file du Parti de l'Istiqlal, conteste les frontières définies par la France et publie une carte du « Grand Maroc ». Le jeune Hassan II qui récuse également les tracés frontaliers déclenche en les hostilités contre l'Algérie essayant de mettre la main sur la région de Béchar[7].

Après plusieurs mois d'incidents frontaliers, la guerre ouverte, dénommée guerre des Sables, éclate dans la région algérienne de Tindouf et Hassi Beïda, puis s'étend à Figuig au Maroc. Les combats cessent le 5 novembre, et l'Organisation de l'unité africaine obtient un cessez-le-feu définitif le , laissant la frontière inchangée[8],[9],[10],[11].

Les combats se sont terminés à l'avantage du Maroc. Les Algériens, marqués par cet échec, vont s'efforcer de se doter d'une armée puissante sous la direction de Houari Boumédiène, ancien dirigeant de l'armée des frontières[7]. Alger se rapproche des pays communistes et de l'URSS, son principal fournisseur d'armes. En réaction, le Maroc se tourne davantage vers les États-Unis.

Le litige le plus important dans les années qui suivent est la question du Sahara occidental, colonie espagnole jusqu'en 1975 et terre riche en phosphates. Le Maroc exploite la région économiquement et favorise une immigration depuis le nord du pays. L'Algérie, de son côté, soutient la rébellion du Front Polisario, mouvement politique et armé créé en 1973 pour lutter contre l'occupation espagnole. Elle accueille chez elle des réfugiés sahraouis et proclame que l'ancien protectorat espagnol est la « dernière colonie » d'Afrique[7].

En 1975, Hassan II organise la Marche verte qui se solde par l'annexion du territoire du Sahara occidental. La guerre du Sahara occidental se déroule entre 1975 et 1991. Durant toute cette période, l'Algérie appuie le Polisario et se fait la championne de la « lutte pour la décolonisation ». Le Maroc et le Polisario signent finalement un accord de cessez-le-feu en 1991, préalable à un référendum d'autodétermination. Ce référendum n'a toujours pas eu lieu ; le Maroc contrôle 80 % du territoire du Sahara occidental, tandis que le Polisario en contrôle 20 %. Le conflit aurait causé la mort de plus de 16 000 personnes. En dépit de ce cessez-le-feu, le Maroc poursuit son effort militaire avec l'érection d'un mur de protection et le déploiement de 100 000 soldats. Rabat effectue également un très important programme de mise en valeur de ces territoires[7].

De 1994 à 2021

En 1994, le Maroc accuse l’Algérie d’être responsable de l’attentat de Marrakech, instaure des visas pour les Algériens et organise une campagne d’expulsion d’Algériens installés au Maroc, sans carte de séjour. L’Algérie riposte en fermant la frontière entre l'Algérie et le Maroc[12],[13].

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a tenté d'entreprendre un rapprochement entre les deux pays. À peine élu, en 1999, il se rend aux obsèques de Hassan II, évoque les avantages d’un Maghreb débarrassé de ses vieux conflits pour aller de l’avant dans le développement de la région. Il doit cependant composer avec les réticences de certaines franges de l'armée algérienne, très influente dans la vie politique du pays, et réaffirme régulièrement le soutien algérien à l’autodétermination du Sahara occidental, ce qui suscite la colère de la classe politique marocaine. En 2005, le ministère marocain des Affaires étrangères refuse la visite du Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia en raison de ses déclarations sur le conflit au Sahara occidental[13].

Dégradation des relations entre les deux pays

En 2021, les relations entre les deux pays se dégradent rapidement. Ainsi, en , les autorités algériennes accusent le Maroc de chercher à déstabiliser l’Algérie en utilisant le trafic de drogues, dénonçant « l’impunité assurée par le régime du Makhzen aux narcotrafiquants et aux réseaux de narcotrafic » et affirmant que « le régime marocain ferme les yeux sur la contrebande et le narcotrafic. De surcroît, il encourage et motive ses éléments postés sur ses frontières pour faciliter l’acheminement des tonnes de drogues vers l’Algérie »[14].

Le , les autorités algériennes somment des agriculteurs marocains de Figuig qui exploitaient traditionnellement des palmeraies d’El Arja (oasis algérienne proche des frontières avec le Maroc) de quitter définitivement le territoire algérien alors qu'ils étaient autorisés auparavant à entrer dans le territoire algérien malgré la fermeture des frontières. Les autorités algériennes justifient cette décision par la « sécurisation de la frontière »[15].

Le , la représentation diplomatique marocaine à New York apporte publiquement son soutien au mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie. En conséquence, l'Algérie rappelle son ambassadeur à Rabat[16].

Le , suite à l'enquête nommée « Projet Pegasus » rapportant l'espionnage effectué par plusieurs États à des fins politiques, notamment l'espionnage par le Maroc de plusieurs personnalités politiques et militaires, ainsi que des journalistes algériens, l'Algérie exprime sa « profonde préoccupation », et « condamne vigoureusement cette inadmissible atteinte systématique aux droits de l’homme et libertés fondamentales qui constitue une violation flagrante des principes et normes régissant les relations internationales », et ajoute que « cette pratique illégale, malvenue et dangereuse, met en péril le climat de confiance qui doit présider aux échanges et interactions entre les responsables et représentants des États »[17].

Le , le roi Mohammed VI évoque longuement l'Algérie à l’occasion de la Fête du Trône, appelant à améliorer les relations entre les deux pays et ouvrir les frontières fermées depuis 1994, qualifiant les deux pays de « deux pays jumeaux qui se complètent ». Cette « main tendue » est accueillie avec scepticisme à Alger[18].

Le , le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, en visite au Maroc, accuse ouvertement l’Algérie de « jouer un rôle malsain avec l’Iran et dans la région » ; suite à ces déclarations, Alger dénonce « cette sortie intempestive, dont le véritable instigateur n’est autre que Nasser Bourita en sa qualité de ministre des Affaires étrangères du Royaume du Maroc », et critique « un aventurisme dangereux dirigé contre l’Algérie, ses valeurs et ses positions de principe »[19]. Le rapprochement entre le Maroc et Israël (les deux pays ont normalisé leurs relations diplomatiques en 2020, renforcé leur coopération sécuritaire, et le Maroc est intervenu afin de permettre à Israël d'obtenir un statut d’observateur au sein de l’Union africaine) avait été critiqué par l'Algérie, restée pour sa part proche de la cause palestinienne[13].

Le , l’Algérie accuse le Maroc d’être « indirectement impliqué », via son soutien au MAK, dans les feux de forêts ayant ravagé le nord du pays et déclare que « les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l’Algérie nécessitent la révision des relations entre les deux pays et l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières ouest »[16].

Rupture des relations diplomatiques

Le , l'Algérie annonce la rupture de ses relations diplomatiques avec le Maroc[20],[21]. Parmi les raisons de cette rupture, l'Algérie cite le soutien de l'ambassadeur du Maroc à l'ONU au MAK, les déclarations du ministre israélien des Affaires étrangères lors de sa visite au Maroc, le scandale d'espionnage Pegasus et la question du Sahara occidental[21]. Le Maroc a répondu de façon laconique à cette rupture. Son ministre des Affaires étrangères annonce avoir pris note de la décision unilatérale de l'Algérie, et la qualifie de « complètement injustifiée », mais « attendue – au regard de la logique d'escalade constatée ces dernières semaines »[22].

Le , la France appelle les deux pays au dialogue afin de garantir la stabilité de la région[23]. Israël, pour sa part, a commenté la décision de l'Algérie, appelant le pays à « se focaliser sur l'ensemble des problèmes auxquels elle est confrontée, en particulier les problèmes économiques sérieux »[24],[25].

Le , Saad Dine El Otmani, chef du gouvernement marocain, affirme qu’il « regrette profondément ce développement » et déclare que le soutien apporté le , par Omar Hilale, représentant du Maroc aux Nations unies, à l'autodétermination de la Kabylie « ne reflète pas la position politique du Maroc »[26].

Gazoduc Maghreb-Europe

Le , l’Algérie affirme que l’ensemble des approvisionnements de l’Espagne en gaz naturel algérien seraient désormais assurés via le gazoduc Medgaz reliant directement les deux pays, et non plus le gazoduc Maghreb-Europe qui passe par le Maroc[27].

Cette infrastructure joue un rôle important pour l’économie du Maroc, puisque le gazoduc Maghreb-Europe alimente d’abord la production d’électricité marocaine avant d’arriver à la destination finale qui est l’Espagne.

D’après les chiffres, le gaz algérien permet au royaume de produire jusqu’à 17 % de son électricité pour alimenter ses centrales thermiques. De plus, grâce à cet accord, le Maroc touche des taxes liées au transit [28].

Notes et références

  1. « Le nouvel ambassadeur d'Algérie au Maroc a présenté ses lettres de créance », Sputnik, (lire en ligne).<
  2. Réseau Diplomatique et Consulaire du Maroc en Algérie sur le site du Ministère des affaires étrangères et de la coopération du Maroc.
  3. Annuaire des consulats généraux et consulats d'Algérie sur le site du Ministère des affaires étrangères de l'Algérie.
  4. « World GDP Ranking 2019 - GDP by Country - Data and Charts - knoema.com », sur Knoema (consulté le )
  5. « World GDP per Capita Ranking 2018 - Data and Charts - Forecast - knoema.com », sur Knoema (consulté le )
  6. Tableaux statistiques du développement humain, p. 18, sur le site du PNUD.
  7. Tigrane Yégavian, « Alger Rabat. L'impossible entente », Conflits, no 20, janvier-mars 2019, p. 66-67
  8. « Introuvable réconciliation entre Alger et Rabat », Le Monde diplomatique, (lire en ligne).
  9. Voir .
  10. Alf Andrew Heggoy, Colonial Origins of the Algerian-Moroccan Border Conflict of October 1963, in African Studies Review, vol. 13, no 1, (avril 1970), p. 17-22, version en ligne sur JSTOR.
  11. « M. Guedira évoque les relations du Maroc avec la Chine, l'Algérie et la R.A.U. », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  12. « Le contentieux Algérie-Maroc », sur la-croix.com, (consulté le )
  13. Khadija Mohsen-Finan, « Algérie-Maroc, les enjeux de la rupture », sur Orient XXI,
  14. « Trafic de drogue : l’ANP accuse violemment le Maroc », sur tsa-algerie.com, (consulté le )
  15. « L’oasis de Figuig fait les frais des tensions entre le Maroc et l’Algérie », sur lemonde.fr, (consulté le )
  16. « l’Algérie va-t-elle rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc ? », sur algerie360.com, (consulté le )
  17. « Espionnage marocain contre des responsables algériens: l'Algérie exprime sa profonde préoccupation », sur aps.dz, (consulté le )
  18. « Main tendue du roi Mohammed VI : scepticisme à Alger », sur lepoint.fr, (consulté le )
  19. « Accusations d’Israël sur l’Algérie : Alger réplique et fustige le Maroc », sur algerie360.com, (consulté le )
  20. « L'Algérie rompt ses relations diplomatiques avec le Maroc », sur APS,
  21. « L'Algérie rompt les relations diplomatiques avec le Maroc », sur observalgerie.com (consulté le )
  22. « Le Maroc réagit officiellement à la décision algérienne de rompre les relations diplomatiques », sur observalgerie.com (consulté le )
  23. « Crise Algérie – Maroc : La France appelle au dialogue », sur observalgerie.com (consulté le )
  24. « Rupture entre l'Algérie et le Maroc : Israël s'en mêle », sur observalgerie.com (consulté le )
  25. « Israël dénonce des accusations infondées d'Alger », sur L'Orient-Le Jour, (consulté le )
  26. « Propos de l’ambassadeur marocain sur le MAK : le Maroc se prononce », sur algerie360.com, (consulté le )
  27. « Gazoduc Maghreb-Europe: l'Algérie ne renouvellera pas le contrat », sur Medias24, (consulté le ).
  28. https://www.lepoint.fr/afrique/algerie-maroc-le-prix-de-la-rupture-28-08-2021-2440495_3826.php
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