Régime semi-présidentiel

Le régime semi-présidentiel ou régime semi-parlementaire est une catégorie de régime politique théorisée par le juriste français Maurice Duverger comme présentant des caractéristiques mixtes de deux autres grandes catégories[1] :

Régimes politiques dans le monde (2021)
Républiques
Monarchies
Gouvernement militaire Autres
  • Autres systèmes (gouvernements provisoires)
  • Pas de gouvernement

Ces régimes sont principalement différenciés selon l’existence ou non de remise en cause réciproque du pouvoir exécutif et du Parlement[2].

Caractéristiques

Les variables de Maurice Duverger

La notion de « régime semi-présidentiel » est énoncée pour la première fois en France en par Hubert Beuve-Méry[3] dans un article paru dans Le Monde du [4],[5],[6]. Maurice Duverger la reprend et la développe pour la première fois en [3] dans la onzième édition de son manuel de droit constitutionnel[7],[8] avant de l'affiner par la suite dans plusieurs de ses travaux[3], tel l’Échec au roi en [9],[10].

Maurice Duverger est l’auteur ayant, le premier, formulé le semi-présidentialisme comme type de régime distinct. En effet, auparavant, l’analyse dichotomique « parlementaire/présidentiel » prévalait, et les débats (notamment entre Don Price, en 1943, et Harold Laski, en 1944) se focalisaient uniquement sur cette opposition[11].

Le régime semi-présidentiel peut se définir par les critères suivants :

Les responsabilités sont donc partagées entre le chef du gouvernement et le chef de l’État, un partage qui peut varier selon les constitutions des pays.

Maurice Duverger identifie trois variables pour expliquer les différentes modalités de l’influence présidentielle[11] :

  1. Les pouvoirs constitutionnels du président :
    Il établit un classement par importance de l’influence des présidents dans les six pays ouest-européens qu’il prend en compte ;
  2. Le contexte d’élaboration du système :
    Il souligne l’importance de la « combinaison des traditions et des circonstances » (Duverger 1980: 180) ;
  3. La relation du président avec la majorité au parlement :
    C’est sa variable principale, de laquelle dépendrait réellement le pouvoir présidentiel.

Autres auteurs

Oleh Protsyk examine seulement les pays avec des constitutions ayant des caractéristiques de régime semi-présidentiels et se concentre sur les variations institutionnelles au sein de cette catégorie.

Ainsi, il constate que les variations qui existent en Europe au sein des régimes semi-présidentiels sont les résultats de l’appartenance du pays au sous-type président-parlementaire ou premier-présidentialisme.

Il note aussi l’importance d’autres variables comme la caractéristique clientéliste du système ou non, si les élections présidentielles et législatives sont concurrentes ou non[11].

Neto & Strøm ont formulé l’hypothèse que le niveau de pouvoirs présidentiels, ainsi que les perspectives électorales du Premier ministre, pourraient expliquer les variations des types de régimes semi-présidentiels. Ils utilisent pour cela la méthode de Shugart et Carey pour la mesure des pouvoirs constitutionnels du président[11].

La littérature déductive récente du semi-présidentialisme suggère que les modèles dérivés de théories peuvent fournir des explications transnationales plus robustes sur les questions fondamentales de Duverger. Duverger se concentre effectivement sur la France seulement pour ensuite extrapoler à partir de ce modèle. C’est cette méthode inductive qui est critiquée par les auteurs contemporains.

Liste de pays avec un système semi-présidentiel

Article principal : Liste de pays par forme de gouvernement § Régimes semi-présidentiels

Les pays en italique bénéficient d’une reconnaissance internationale limitée.

Critiques

Robert Elgie, dès l’introduction de son article « Duverger, Semi-presidentialism and the Supposed French Archetype », précise que « la contribution principale de Duverger (…) était l’identification originale du concept [de semi-présidentialisme] et sa perception implicite de différents types de semi-présidentialisme »[11],[12]. Il recommande d’éviter de s’appuyer sur la France comme archétype du semi-présidentialisme, et préconise un travail comparatif basé sur la théorie.

Elgie critique ainsi la focalisation sur la France, en se basant notamment sur les éléments suivants[11] :

  • La première analyse du semi-présidentialisme par Duverger a eu lieu alors que peu de pays (à part la France[13]) possédaient ce type de régime. Or, désormais, plus de 60 pays le possèdent ;
  • Dans sa définition de 1980, Duverger ne précise pas suffisamment l’étendue des pouvoirs présidentiels requise pour qualifier un régime de « semi-présidentiel » ; de ce fait, il y aurait une tendance à définir le semi-présidentialisme comme la seule combinaison, premièrement, d’un président élu populairement avec un mandat à durée déterminée et, en même temps, d’un Premier ministre et d’un cabinet tous deux responsables devant la législature ;
  • Les pays semi-présidentiels fonctionnant de diverses manières, l’idée d’un archétype en la matière est malvenue.

La section précédente montre par ailleurs que l’exemple français n'est pas totalement représentatif de la réalité du système semi-présidentiel sur d’autres continents, et même au niveau européen.

Il faut noter que l’objectif de Robert Elgie n’est pas d’exclure la France de son analyse ; il conclut même que la prise en compte de la France sert la visée généralisatrice de son étude.

D’autres auteurs tels que Marie-Anne Cohendet, Jean Gicquel, Jean-Louis Quermonne ou encore Olivier Duhamel critiquent le terme en lui-même en se basant principalement sur la France. Ils lui préfèrent des termes qu’ils jugent plus précis[Lesquels ?]. Ils rejoignent en ce sens l’argument de Robert Elgie selon lequel la France ne serait l’exemple que d’un type, ou sous-type de régime semi-présidentiel.

Par exemple, Marie-Anne Cohendet fait la différence entre « régime politique » (c'est-à-dire ce qui est prévu par la Constitution, le principe) et « système politique » (la réalité politique, la pratique), et qualifie ainsi le régime français de « régime parlementaire (bireprésentatif moniste) » mais de « système présidentialiste (dualiste) » hors période de cohabitation et de « système parlementariste (moniste) » lors des périodes de cohabitation.

Notes et références

  1. C'est néanmoins un terme très contesté, la France n'est donc pas un pays « semi-presidentiel mais bien un régime parlementaire car la constitution de 1958 met en place une séparation souple des pouvoirs », dans Maurice Duverger, Le système politique français, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Thémis – Science politique », , 616 p. (ISBN 2-13-047414-4, EAN 9782130474142).
  2. Pauline Türk, Les institutions de la Ve République, Issy-les-Moulineaux, Gualino Éditeur, coll. « Mémentos LMD », , 10e éd., 256 p. (ISBN 978-2-297-06223-7).
  3. Chevrier 2010, § 8.
  4. Chevrier 2010, n. 8.
  5. Beuve-Méry 1959.
  6. Site la-croix.com, article de Laurent de Boissieu, article « Que reste-t-il de la Constitution de 1958 ? », consulté le .
  7. Chevrier 2010, n. 9.
  8. Duverger 1970, p. 277.
  9. Chevrier 2010, n. 10.
  10. Duverger 1978, p. 17-136.
  11. (en) Robert Elgie, « Duverger, Semi-presidentialism and the Supposed French Archetype », West European Politics, vol. 32, No. 2, , p. 248–267.
  12. (Traduit de l'anglais).
  13. Et de petits pays à l’époque négligés par les politologues : Autriche, Finlande (qui n’est plus un régime semi-présidentiel depuis la réforme constitutionnelle de 2000), Islande et Irlande

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Alan Siaroff, Comparing political regimes: A thematic introduction to comparative politics, 2e édition, Higher Education University of Toronto Press, 2008.
  • Céline Amar, Le président de la République dans les régimes parlementaires bireprésentatifs européens, 2003.
  • [Bahro, Bayerlein et Veser 1998] (en) Horst Bahro, Bernhard H. Bayerlein et Ernst Veser, « Duverger's concept : semi-presidential government revisited », European Journal of Political Research, vol. 34, no 2, , p. 201-224 (DOI 10.1023/A:1006997512807).
  • [Beuve-Méry 1959] Hubert Beuve-Méry, « De la dictature temporaire au régime semi-présidentiel », Le Monde, , reproduit dans Dominique Colas et Claude Émeri (éd.), Droit, institutions et systèmes politiques : mélanges en hommage à Maurice Duverger, Paris, Presses universitaires de France, , 1re éd., 1 vol., XVI-799-[1] p., 24 cm (ISBN 2-13-039989-4, EAN 9782130399896, OCLC 416914656, notice BnF no FRBNF36626256, SUDOC 001234269), p. 533-540 (OCLC 490137612, SUDOC 013894528).
  • [Boudon 2018] Julien Boudon, « Les systèmes « mixtes » et la catégorie des régimes « semi-présidentiels » : la qualification constitutionnelle de la Ve République », Historia et ius : rivista di storia giuridica dell'età medievale e moderna, no 13, , 4e part. (« Interventi »), art. no 12 (lire en ligne, consulté le ).
  • [Chevrier 2010] Marc Chevrier, « D'une contre-démocratie à l'autre », dans Marc Chevrier et Isabelle Gusse (dir.), La France depuis de Gaulle : la Ve République en perspective, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, , 1re éd., 1 vol., 314 p. (ISBN 978-2-7606-2191-6, EAN 9782760621916, OCLC 758783436, notice BnF no FRBNF42754674, JSTOR j.ctv69tcp7, SUDOC 146716469, présentation en ligne, lire en ligne), chap. 3, p. 65-97 (lire en ligne).
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  • Constitution Française du .
  • Jean Garrigues, La France de la Ve République : 1958-2008, 2008.
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  • Maurice Duverger, Le système politique français. Droit constitutionnel et systèmes politiques, 18e édition, in : Revue internationale de droit comparé, vol. 39, no 1, 284-286, janvier-.
  • Pauline Türk, Les institutions de la Ve République, 8e édition, 2015-2016.
  • Philippe Ardant et Bertrand Mathieu, Droit constitutionnel et institutions politiques, 28e édition 2016-2017.
  • (en) Robert Elgie, « Duverger, Semi-presidentialism and the Supposed French Archetype », in West European Politics, vol. 32, no 2, 248-267, .
  • Maria Rosaria Donnarumma, « Le régime semi-présidentiel. Une anomalie française », Revue française de droit constitutionnel, vol. 93, no 1, , p. 37 (ISSN 1151-2385 et 2105-2867, DOI 10.3917/rfdc.093.0037, lire en ligne, consulté le ).

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