Reichssicherheitshauptamt

Le Reichssicherheitshauptamt (Office central de la sûreté du Reich, abréviation : RSHA) est une organisation créée le par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler en fusionnant le Sicherheitsdienst (SD)[alpha 1] et la Sicherheitspolizei (Sipo)[alpha 2] afin d'accroître l'efficacité de la lutte contre les « ennemis du Parti et de l'État national-socialiste ainsi que contre toutes les forces de désagrégation dirigées contre eux »[1]. Le RSHA, en tant que l'un des douze principaux offices centraux de la SS, représente, avec ses presque 3 000 employés, la principale administration centrale qui dirigeait l'essentiel des organes de répression allemands au temps du national-socialisme.

Une grande partie des services individuels et des groupements administratifs étaient répartis sur l'ensemble de la ville de Berlin. Son siège se situait dans le Prinz-Albrecht-Palais (de), au 101 de la Wilhelmstrasse, où se trouvaient les bureaux de Reinhard Heydrich et d'Ernst Kaltenbrunner, et au 8 de la Prinz-Albrecht-Strasse (aujourd'hui : Niederkirchnerstrasse à Berlin-Kreuzberg), où se trouvait le siège de la Gestapo. Le site se trouvait à l'emplacement actuel du mémorial de la Topographie de la terreur créé en .

À partir de l’été 1941[alpha 3], par le biais des Einsatzgruppen qu'il supervise, le RSHA a la tâche d'organiser la déportation et l'extermination des Juifs d'Europe  appliquant en cela les directives de la « solution finale de la question juive », die Endlösung der Judenfrage en allemand, confirmée par la conférence de Wannsee  en étroite collaboration avec les « chefs supérieurs de la SS et de la Police » (les HSSPf) des divers pays d’Europe occupés[alpha 4].

Le RSHA est l'une des plus grandes organisations du IIIe Reich, en dehors de l'armée  la Wehrmacht  et de la Waffen-SS. Il est d'abord dirigé par le SS-Obergruppenführer[alpha 5] Reinhard Heydrich, jusqu’à la mort de celui-ci[alpha 6] le , puis par Himmler[2] qui assure lui-même l'intérim, puis le contrôle attentivement même après la nomination en du successeur de Heydrich : le SS-Obergruppenführer Ernst Kaltenbrunner.

Histoire

Avec la création du RSHA, les efforts entrepris par Heinrich Himmler depuis dans l'édification de l'appareil répressif violent du régime national-socialiste atteignent leur paroxysme. Les compétences des organes de l’État et des branches du parti NSDAP sont de plus en plus imbriquées. En effet, dès le début de l'année , sur ordre de Wilhelm Frick, confirmé par un décret du mois de , les structures du parti sont incitées à travailler de manière étroite avec la Gestapo[1]. En dépit du fait que Reinhard Heydrich est le chef de la Sipo dès 1936 et simultanément le chef du SD, le rapprochement de ces deux entités pose de nombreux problèmes administratifs. Afin de pallier ces difficultés et comme le SD avait été institué « service de renseignement du parti et de l'État » par décret du , Himmler décide de créer le RSHA par décret du , aboutissement de son projet de constituer un unique « corps de protection de l'État »[1].

Organisation de la SS.

Après la mort de Heydrich le à Prague des suites d'un attentat, l'office est dirigé provisoirement par intérim par Heinrich Himmler en tant que « Reichsführer-SS et chef de la Police allemande » jusqu'à la nomination de Ernst Kaltenbrunner le , un proche collaborateur de Heydrich, Walter Schellenberg s'étant efforcé, en vain, de lui succéder. Après la guerre, Kaltenbrunner est jugé au cours du premier procès de Nuremberg (procès contre les principaux criminels de guerre du Reich : Göring, Keitel, etc.), condamné à mort puis exécuté pour les crimes commis dans le cadre de ses fonctions à la tête du RSHA.

Mission

Ordre de détention préventive (« Schutzhaft ») du RSHA à l'encontre de Maria Fischer (résistante, 1897), signé « Dr. Kaltenbrunner » (en date du ).

Le domaine de responsabilité du RSHA englobe toutes les « problématiques de sûreté politique et de renseignement », de fait toutes les actions de police qui ne sont pas assurées par les policiers en uniforme de l'Ordnungspolizei. Cela comprend notamment les arrestations d'individus « politiquement non fiables » sur le territoire allemand et les territoires occupés.

En outre, les Einsatzgruppen, créés en 1939 et subordonnés au RSHA, ont pour mission de combattre « tous les éléments hostiles au Reich et aux allemands » dans les territoires conquis. Par l'intermédiaire d'une propagande de haine ciblant la population juive, des pogroms ciblés sont mis en œuvre dès l'invasion de la Pologne en . À partir de l'invasion de l'Union soviétique déclenchée en , le RSHA organise les Säuberungsaktionnen opérations de nettoyage ») contre les communistes et les Juifs. Au total, il est estimé qu'environ 1 400 000 Juifs ont été victimes des opérations mobiles de tuerie assurées par les Einsatzgruppen.

C'est au sein du bureau IV B-4 du RSHA que le SS-Obersturmbannführer Adolf Eichmann, personnification du criminel rond-de-cuir, organisa la partie bureaucratique de la « solution finale à la question juive ». Le RSHA disposait au niveau national également de pouvoirs étendus et utilisait surtout la détention préventive (« Schutzhaft ») juridiquement incontrôlable, pour combattre les opposants politiques et « raciaux » (Juifs, Tsiganes). Les « Rapports du Reich » (Meldungen aus dem Reich (de)) fournirent des rapports détaillés sur l'état d'esprit de la population intensément espionnée.

Le RSHA, institution d'un nouveau genre

Alors que, dans le débat scientifique, le RSHA a longtemps été considéré comme un bureau d'administration rassemblant de manière souple deux entités factuellement indépendantes (la Sipo et le SD), de récentes recherche voient cependant en lui un facteur fortement radicalisant du régime national-socialiste et de la pratique d'extermination[3].

En tant qu'« institution d'un nouveau genre », il incarne la combinaison entre la SS et la police pour en faire un organe nourrissant et formant consciemment la conception de la société nationale-socialiste, organe qui non seulement exécutait les ordres, mais les préparait, les formulait et — en particulier dans les Einsatzgruppen — les mettait lui-même en œuvre. Ce faisant, il pouvait étendre ces ordres ainsi que la définition de ses objectifs et les radicaliser dans l'esprit du national-socialisme.

Organisation

L'appareil central à Berlin est organisé en sept divisions (Ämter), alors que l'appareil décentralisé est divisé en trois secteurs : le secteur du Reich ; le secteur des territoires occupés ; le secteur des zones récemment envahies où opèrent les unités mobiles de tuerie (Einsatzgruppen) placées directement sous l'autorité du directeur du RSHA (Reinhard Heydrich dans un premier temps)[4] :

Organigramme du RSHA en 1941.

Principales divisions

Division (Amt)FonctionsChef
Ire divisionOrganisation et personnelSS-Brigadeführer[alpha 7] Bruno Streckenbach
IIe divisionAdministration et économieSS-Standartenführer[alpha 8] Dr Hans Nockemann (de)[alpha 9]
IIIe divisionSD-Inland
Renseignement et sécurité - intérieur
Initialement organe du parti nazi (le NSDAP) : s’occupe de ceux qui sont ethniquement allemands,
même hors des frontières du Reich avant les annexions
SS-Gruppenführer Otto Ohlendorf
IVe divisionGestapo
Police secrète d'État
SS-Gruppenführer[alpha 10] Heinrich Müller
Notamment, le SS-Obersturmbannführer[alpha 11] Adolf Eichmann, à la tête de la section IV B-4 :
  • Judenangelegenheiten ;
  • Räumungsangelegenheiten,

a été chargé, à partir de Berlin, de l'organisation de la solution finale, et de la surveillance de sa mise en œuvre de 1942 à 1944[alpha 12].
D'autres sections s'occupaient de l'Église, des francs-maçons, de la police des frontières, du contre-espionnage (Horst Kopkow pour la section IV A-2), etc.

Ve divisionKripo
Police criminelle, dans le sens non politique (criminalité ordinaire)
SS-Brigadeführer Artur Nebe[alpha 13]
VIe divisionSD-Ausland
Renseignement et sécurité - extérieur
Initialement organe du parti nazi (le NSDAP) : espionnage à l'étranger et contre-espionnage
SS-Brigadeführer Heinz Jost puis, à partir de 1942, le SS-Brigadeführer Walter Schellenberg (voir aussi le SS-Obersturmbannführer Wilhelm Höttl)
VIIe divisionDocumentation et conception du monde
(propagande, idéologie, archives, etc.)
SS-Standartenführer Pr Franz Six

Représentants dans les territoires occupés

Dans les territoires occupés, le RSHA était représenté par les Befehlshaber der SiPo und des SD (BdS) avec sous leurs ordres les Kommandeure der SiPo und des SD (KdS). Ils ont joué un rôle important dans la préparation et la mise en œuvre des opérations de déportation des Juifs comme cela a été le cas pour Helmut Knochen lors de la rafle du Vélodrome d'Hiver à Paris en . La plupart des BdS dans les divers territoires occupés sont énumérés ci-dessous, avec l'indication de quelques KdS :

Le RSHA fournissait des forces de sécurité, sur demande, aux chefs de la SS et de la police locaux.

L’Amt IV : la Gestapo

La IVe division, celle de la Gestapo dirigée par le SS-Brigadeführer Heinrich Müller, est l'une des plus connues dans la mesure où elle fut directement chargée, entre autres, de l'organisation de l'extermination des Juifs d'Europe et autres « indésirables » (tsiganes, etc.).

C'est dans celle-ci que travaillait le SS-Obersturmbannführer Adolf Eichmann, qui dirigeait la section IV B-4 chargée des « affaires juives ».

D'autres sections s'occupaient de l'Église, des francs-maçons, de la police des frontières, du contre-espionnage (Horst Kopkow pour la section IV A-2), etc.

La section dirigée par Eichmann comptait comme responsables ou correspondants, selon le témoignage du SS-Hauptsturmführer[alpha 15] Dieter Wisliceny[5] :

Dans l'équipe personnelle d'Eichmann, Wisliceny citait aussi le SS-Untersturmführer[alpha 16] Richard Hartenberger (de) et le SS-Hauptsturmführer Franz Novak[5].

Notes et références

Notes

  1. Sous sa forme longue « der Sicherheitsdienst des Reichsführers SS » : « le Service de sécurité du Reichsführer-SS ». Il s'agit d'un organisme du parti national-socialiste jusqu'en .
  2. « Police de sûreté », organisme d'État incluant la Gestapo (Geheime Staatspolizei) et la Kripo (Kriminalpolizei).
  3. Simultanément à l'attaque de l'Union soviétique.
  4. Par exemple, Carl Oberg est le HSSPf pour la France.
  5. Équivalent en France de général de corps d'armée, mais il s'agit ici d’un grade dans la police SS.
  6. Survenue à Prague dans le cadre de sa mission complémentaire de vice-gouverneur du protectorat de Bohême-Moravie, à la suite d'une attaque de résistants tchécoslovaques parachutés depuis le Royaume-Uni où ils avaient été entraînés.
  7. Équivalent de général de brigade en France, mais il s'agit ici d’un grade dans la police SS.
  8. Équivalent de colonel en France, mais il s'agit ici d’un grade dans la police SS.
  9. Puis à partir du le SS-Obersturmbannführer Rudolf Siegert (de), en 1943 le SS-Standartenführer Kurt Prietzel (de), à compter du le SS-Standartenführer Josef Spacil (de)).
  10. Équivalent de général de division en France, mais il s'agit ici d’un grade dans la police SS.
  11. Équivalent de lieutenant-colonel en France, mais il s'agit ici d’un grade dans la police SS.
  12. Ensuite affecté en Hongrie jusqu'à la fin du conflit, soit quelques mois, Eichmann a consciencieusement poursuivi sa tâche, à un « niveau plus concret », en organisant directement la déportation vers la mort de 450 000 Juifs hongrois, sur les quelque 800 000 recensés.
  13. À compter du , le SS-Obersturmbannführer Friedrich Panzinger.
  14. Titre à confirmer sachant que le chef-lieu de la Galicie, région annexée au Gouvernement général de Pologne à partir de après le lancement de l'opération Barbarossa, est Lemberg.
  15. Équivalent de capitaine en France, mais il s'agit ici d’un grade dans la police SS.
  16. Équivalent de sous-lieutenant en France, mais il s'agit ici d’un grade dans la police SS.

Références

(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Reichssicherheitshauptamt » (voir la liste des auteurs).
  1. Delarue 2014, p. à préciser.
  2. Bernhard Strebel, Ravensbrück, un complexe concentrationnaire. Librairie Arthème Fayard, 2005. (ISBN 2-213-62423-2). Note 11 p. 573.
  3. Wildt 2003, p. à préciser.
  4. Hilberg 1991, p. 246.
  5. Affidavit of Dieter Wisliceny Source : Nazi Conspiracy and Aggression. Volume VIII. USGPO, Washington, 1946/p. 606-619. [This affidavit is substantially the same as the testimony given by Wisliceny on direct examination before the International Military Tribunal at Nurnberg, 3 January 1946].

Annexes

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie

  • Johann Chapoutot, La Loi du sang : penser et agir en nazi, Paris, Gallimard, , 567 p. (ISBN 978-2-07-014193-7).
  • Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, , 476 p. (ISBN 978-2-213-65909-1). 
  • Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, coll. « Folio/Histoire », .
  • Christian Ingrao, Croire et détruire : les intellectuels dans la machine de guerre SS, Paris, Pluriel, , 703 p. (ISBN 978-2-8185-0168-9). 
  • Adam Tooze, Le Salaire de la destruction : formation et ruine de l'économie nazie, Paris, Les Belles Lettres, , 806 p. (ISBN 978-2-251-38116-9). 
  • Michael Wildt, Generation des Unbedingten : Das Führungskorps des Reichssicherheitshauptamtes, Hamburger Edition, , 966 p. (ISBN 978-3-930-90887-5)

Articles connexes

  • Shoah
  • Troisième Reich
  • Wilfried Krallert, directeur de la fondation du Reich pour les Études géographiques (dépendant du RSHA) et chef du Kuratorium, dépendant des bureaux III et VI du RSHA et chargé de la coordination entre les renseignement intérieur et extérieur
  • Eichmannreferat (de)

Liens externes

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