Réserve de biosphère

Une réserve de biosphère (RB) est un territoire reconnu par l'UNESCO créé en 1976 conciliant la conservation de la biodiversité et le développement durable, avec l'appui de la recherche, de l'éducation et de la sensibilisation, dans le cadre du programme sur l'homme et la biosphère (Man and Biosphere, MAB). Une réserve de biosphère n'impose pas de réglementation particulière en se superposant aux législations existantes dans le pays où elle se situe. Elle se structure selon trois zones en fonction du niveau de protection (aire centrale, zone tampon et zone de transition). Elle peut également être transfrontière ou intercontinentale.

Les réserves de biosphère partagent leurs expérience au sein d'un réseau national et international. En 2021, on dénombre 714 réserves de biosphère dont 21 transfrontières réparties dans 129 pays[1], pour une population d'environ 170 millions habitants[2].

Histoire

Logo du programme MAB

En 1971, le Programme Man and Biosphere (programme sur l'Homme et la biosphère en français) succède au Programme Biologique International de l'UNESCO[3],[4]. Il vise à étudier et à faire connaître des voies de développement humain respectueuses des ressources naturelles. Peu à peu sont définis des critères qui permettent de préciser le concept et un zonage qui institue trois catégories de zones, centrale, tampon et de transition selon le degré de conservation et de développement.

En 1976, les 57 premières réserves de biosphère sont désignées[5],[6]. Les premiers territoires sélectionnés sont principalement tournés vers la protection de la nature et la recherche scientifique. Ce n'est que plus tard que seront désignées des zones peuplées, où des actions en faveur d'un développement durable sont menées.

En 1984, le congrès de Minsk adopte un plan d'action pour les réserves de biosphère, conjointement avec le PNUE[7]. Celui-ci imagine les notions de « zone tampon » et de « zone de transition ». Le Plan est mis en œuvre par les États membres avec l’appui de l’UNESCO et dans certains cas du PNUE.

En 1995, la conférence de Séville constitue un tournant majeur pour les réserves de biosphère avec la définition d’une stratégie ambitieuse et la mise au point d’un cadre statutaire qui impose de prendre en compte les populations locales et promeut la participation citoyenne. Ces textes seront adoptés cette même année par la conférence générale de l’UNESCO. La Stratégie de Séville et le Cadre statutaire font désormais référence[8].

En 2016, le MAB se dote d'une nouvelle stratégie et d'un plan d'action lors d'une conférence organisée à Lima : les réserves de biosphère y sont des sites privilégiés pour la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable de l'Agenda 2030 des Nations unies[9].

De nouvelles réserves de biosphère sont ajoutées au réseau MAB de l’UNESCO par le Conseil International de Coordination du Programme MAB lors de ses sessions annuelles.

Gestion

Une réserve de biosphère dépend de la juridiction souveraine du pays dans lequel elle se situe[10] et peut concerner des écosystèmes terrestres et/ou côtiers/marins. Une répartition par zones et une gestion appropriée sont combinées avec l'utilisation des ressources naturelles au profit des communautés locales. Ceci inclut la recherche, la surveillance, l'éducation et la formation. Ces éléments sont des outils pour mettre en application l'Agenda 21, la Convention sur la diversité biologique, ainsi que d'autres accords internationaux[réf. nécessaire]. En outre, une réserve de biosphère doit être dotée d'une politique de gestion concourant aux Objectifs de développement durable[11].

Candidature

Pour qu'un territoire puisse postuler au titre, deux conditions sont à réunir (Article 5 du cadre statutaire des réserves de biosphère[12]) :

  • le territoire doit présenter une haute valeur écologique ;
  • la candidature doit être soutenue et acceptée par un maximum d’acteurs.

Un dossier de candidature du territoire voulant être désigné doit être élaboré et envoyé au comité national du MAB ou aux autorités nationales chargées du MAB. Le Conseil international de coordination (CIC) du Programme MAB décide ensuite de la suite donnée à la candidature. Le délai entre le début de la procédure et la désignation peut varier entre 2 et 10 ans[13].

Cadre statutaire

Les sites reconnus en tant que réserve de biosphère répondent à des critères communs définis dans le « Cadre statutaire des réserves de biosphère » formellement approuvés par l'UNESCO en 1995 à la suite de la Conférence de Séville[8]. De plus, les réserves de biosphère sont réévaluées tous les 10 ans sur présentation d'un rapport les concernant (examen périodique[14], Article 9 du cadre statutaire des réserves de biosphère[15]). Ainsi, elles peuvent modifier leur zonage, modifier leur nom, ou bien demander à être supprimées du réseau si elles ne remplissent plus les conditions nécessaires via l'organisme qui les représente au niveau national[16]. Suite à l’examen périodique, elles peuvent également être radiées par le CIC si elles ne remplissent plus les critères exigés[17].

Zonage

Exemple de zonage d'une réserve de biosphère
  • aires centrales
  • zones tampon
  • zone de transition
Les cases indiquent la présence humaine.

Une réserve de biosphère est organisée en trois types de zones, où se répartissent les objectifs de protection et de développement (Article 4 du cadre statutaire des réserves de biosphère[12]) :

  • Une ou plusieurs « aires centrales » (anglais : core ares[18]), ayant comme fonction la protection de la nature et devant être protégée(s) par la législation nationale (classées aires protégées). Elle doit représenter 3% minimum de la superficie totale de la réserve. En France, l'aire centrale peut se superposer à un cœur de parc national (Cévennes[19], Guadeloupe), une réserve naturelle nationale ou régionale (Camargue, bassin de la Dordogne).
  • Des « zones tampon » (anglais : buffer zones[18]), qui entourent ou jouxtent les aires centrales. Ce sont des zones de développement durable où les activités de production doivent rester compatibles avec les principes écologiques, dont l’éducation environnementale, la récréation et la recherche scientifique. Elles doivent représenter au minimum 17% de la superficie totale de la réserve.
  • Une « zone de transition » (également appelée « zone de coopération », anglais : transition area[18]), se prêtent aux diverses activités. La frontière externe peut être flexible.

Ainsi, l'aire centrale et la zone tampon doivent représenter 20% au minimum de la superficie totale de la réserve de biosphère.

Fonctions

Pour atteindre les objectifs fixés, les réserves de biosphère combinent trois fonctions complémentaires (Article 3 du cadre statutaire des réserves de biosphère[12]), à savoir  :

  1. La conservation des écosystèmes, des paysages, des espèces et de leurs patrimoines génétiques doit y être assurée, aussi bien dans les zones naturelles que celles qui sont exploitées par l'agro-sylviculture, la pêche, la chasse, le tourisme ou toute autre activité. Des pratiques respectueuses de l'environnement sont privilégiées.
  2. Les réserves jouent aussi un rôle dans le développement économique et social respectant la nature et la culture locale. Ceci implique que la population prenne une part active à la gestion durable des territoires et soit impliquée dans les prises de décision.
  3. Enfin, plus qu'ailleurs, une importance particulière est accordée à la recherche, aux études et à l'observation continue de l'environnement, à la formation et l'éducation du public, des jeunes en particulier.

Les réserves de biosphère doivent servir de modèle pour le développement de stratégies qui assurent la subsistance des populations à long terme. Il s’agit de démontrer que l’homme peut utiliser la biodiversité sans la détruire.

Réseau international

Nombre de réserves de biosphère, par pays et continents en 2013

Le Réseau Mondial des Réserves de Biosphère (RMRB, en anglais : World Network of Biosphere Reserve, WNBR[20]) est le réseau réunissant les réserves de biosphère à travers le monde. Il a été initié lors de la Conférence de Séville en 1995 (Article 2 du cadre statutaire des réserves de biosphère)[21],[22]. Le RMRB vise à créer un lieu d'échange international propice au partage de pratiques favorables au développement durable[23] (Article 7 du cadre statutaire des réserves de biosphère[12]).

Le Réseau Mondial des Réserves de Biosphère offre l'occasion de tester, dans des contextes particuliers, des approches qui, en alliant connaissances scientifiques et modalités de gouvernance, visent à :

  1. réduire la perte de biodiversité ;
  2. améliorer les moyens de subsistance des populations ;
  3. favoriser les conditions sociales, économiques et culturelles essentielles à la viabilité du développement durable ;
  4. améliorer les connaissances grâce à des échanges d’expériences et d’expertises qui s’organisent au niveau régional et mondial ;
  5. et ainsi, contribuer aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), en particulier sur le développement durable.

En 2020, on dénombre 714 réserves de biosphère dont 21 transfrontières réparties dans 129 pays[24] :

  • 85 réserves sont situées dans 31 pays d’Afrique ;
  • 33 réserves sont situées dans 12 pays dans la région des États arabes ;
  • 157 réserves sont situées dans 24 pays d’Asie et du Pacifique ;
  • 302 réserves sont situées dans 38 pays d’Europe et d’Amérique du Nord ;
  • 130 réserves sont situées dans 21 pays d’Amérique latine et des Caraïbes.

La liste complète et détaillée des réserves de biosphère par pays se trouve sur le site internet de l'UNESCO[23].

Les réserves de biosphère transfrontières

Les premières réserves de biosphère transfrontières (RBT, en anglais : Transboundary Biosphere Reserves, TBR) ont été établies en 1992, l’une entre la Pologne et la Slovaquie (Tatras)[25], l’autre entre la Pologne et la République Tchèque (Krkokonose/Karkonosze)[26]. Elles sont suivies, en 1998, de trois autres en Europe, respectivement entre la France et l’Allemagne (Vosges du nord/Palatinat)[27], entre la Roumanie et l’Ukraine (Delta du Danube)[28] puis entre la Pologne, la Slovaquie et l’Ukraine (Carpates orientales)[29]. Dans chaque cas, l’objectif est d’assurer, par une coopération entre les États concernés, la protection et la gestion d’écosystèmes frontaliers partagés. Les RBT font l’objet d’un accord spécifique entre les parties concernées et sont gérées par un mécanisme de coordination qui varie selon les cas. Elles font l’objet d’une reconnaissance officielle par l’UNESCO. Les lignes directrices pour la gestion des réserves de biosphère transfrontières ont été précisées lors de la Conférence de Pampelune en [8].

Depuis les premières RBT, d'autres ont été officiellement reconnues : la région du W au Bénin, Burkina Faso et Niger[30], la première réserve intercontinentale avec la réserve de la Méditerranée entre l’Espagne et le Maroc[31], le delta du fleuve Sénégal entre la Mauritanie et le Sénégal[32], la réserve de Mono entre le Bénin et le Togo, ainsi que Geres/Xures[33] et Tejo/Tajo[34] et Meseta Iberica entre l’Espagne et le Portugal, le Mont Viso entre la France et l'Italie, Mura Drava entre la Croatie et la Hongrie, la Polésie de l'ouest entre la Biélorussie, la Pologne et l'Ukraine, Trifinio entre le Salvador, le Guatemala et le Honduras, Bosque de Paz entre l'Equateur et le Pérou, La Selle - Jaragua - Bahoruco - Enriquillo entre Haiti et la République dominicaine et aussi Altaï entre le Kazakhstan et la Russie et Orhid Prespa entre l’Albanie et l’ancienne république yougoslave de Macédoine. 

Notes et références

  1. UNESCO, « Réseau mondial des réserves de biosphère (WNBR) », sur UNESCO, (consulté le )
  2. (en-US) « Vision », sur UNESCO Biosphere Reserves of Canada (consulté le )
  3. « Mab-France », sur Mab-France (consulté le )
  4. Chloé Maurel, « L'Unesco, un pionnier de l'écologie ?: Une préoccupation globale pour l'environnement, 1945-1970 », Monde(s), vol. 3, no 1, , p. 171 (ISSN 2261-6268 et 2260-7927, DOI 10.3917/mond.131.0171, lire en ligne, consulté le )
  5. « Programme « L’homme et la biosphère » (Man and biosphere) | Zones Humides », sur www.zones-humides.org (consulté le )
  6. « Chronologie | Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture », sur www.unesco.org (consulté le )
  7. « Le programme Man and Biosphere (MAB) de l'UNESCO | Réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais », sur www.biosphere-fontainebleau-gatinais.fr (consulté le )
  8. « W1_Seville | Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture », sur www.unesco.org (consulté le )
  9. UNESCO, Une nouvelle feuille de route pour le Programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) et son Réseau mondial de réserves de biosphère, Paris, UNESCO, 57 p. (ISBN 978-92-3-200117-7, lire en ligne), p. 33
  10. « Réserve de biosphère | Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture », sur www.unesco.org (consulté le )
  11. « Les réserves de biosphère, des modèles contribuant à la mise en œuvre des Objectifs de développement durable | Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture », sur www.unesco.org (consulté le )
  12. UNESCO, Cadre statutaire du Réseau mondial des réserves de la biosphère, Paris, , 8 p. (lire en ligne)
  13. MAB France, « Etablir une Réserve de biosphère », sur Mab-France (consulté le )
  14. UNESCO - Programme sur L'Homme et la biosphère (MAB), EXAMEN PERIODIQUE DES RESERVES DE BIOSPHERE TRANSFRONTIERES, (lire en ligne)
  15. UNESCO, Cadre statutaire du Réseau mondial des réserves de la biosphère, Paris, , 8 p. (lire en ligne)
  16. Catherine Cibien, « Les réserves de biosphère : des lieux de collaboration entre chercheurs et gestionnaires en faveur de la biodiversité », Natures Sciences Sociétés, vol. 14, no 1, , p. 84–90 (ISSN 1240-1307 et 1765-2979, DOI 10.1051/nss:2006011, lire en ligne, consulté le )
  17. Wafaa Amer et Djafarou Tiomoko, Guide de gestion des réserves de biosphère de l'UNESCO en Afrique : guide pratique pour les gestionnaires, (ISBN 978-3-940785-77-0 et 3-940785-77-6, OCLC 1135403358, lire en ligne), p. 78
  18. (en) UNESCO, « What are Biosphere Reserves? », sur UNESCO, (consulté le )
  19. « Une réserve de biosphère | Parc national des Cévennes », sur www.cevennes-parcnational.fr (consulté le )
  20. (en) UNESCO, « World Network of Biosphere Reserves », sur UNESCO, (consulté le )
  21. Une nouvelle feuille de route pour le Programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) et son Réseau mondial de réserves de biosphère, Unesco, (lire en ligne)
  22. « Réserves de biosphère - La stratégie de Séville & Le cadre statutaire », sur unesdoc.unesco.org (consulté le )
  23. (en) « World Network of Biosphere Reserves (WNBR) », sur unesco.org (consulté le )
  24. (en) https://plus.google.com/+UNESCO, « World Network of Biosphere Reserves », sur UNESCO, (consulté le )
  25. « Tatra | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )
  26. « Krkonose/Karkonosze | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )
  27. « Réserve de biosphère transfrontière Vosges du Nord-Pfälzerwald — MAB France », sur www.mab-france.org (consulté le )
  28. « Danube Delta | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )
  29. « East Carpathians | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )
  30. « W Region | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )
  31. « Intercontinental BR of the Mediterranean | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )
  32. « UNESCO - MAB Biosphere Reserves Directory », sur www.unesco.org (consulté le )
  33. « Geres - Xures | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )
  34. « Tejo/Tajo Internacional | United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization », sur www.unesco.org (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Levrel H., Issa M-S., Kane L., Karimou A., Maiga M., Millogo J. et Pity B., (2006), « Co-construction dans six réserves de biosphère d’Afrique de l’Ouest : à la recherche d’indicateurs d’interactions pour gérer la biodiversité », in Bouamrane M., (ed.), Biodiversité et acteurs : des itinéraires de concertation. La contribution des réserves de biosphère, UNESCO Edition, p. 53-64.

Liens externes

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