Providencia (genre)

Providencia est un genre de bacilles Gram négatifs (BGN) de la famille des Morganellaceae, proche des genres Proteus et Morganella avec lesquels il forme la tribu des Proteeae. Son nom provient de la ville de Providence aux États-Unis (état de Rhode Island)[1].

Providencia
Providencia alcalifaciens observées au microscope électronique à balayage
Classification selon LPSN
Règne Bacteria
Embranchement Proteobacteria
Classe Gamma Proteobacteria
Ordre Enterobacterales
Famille Morganellaceae
Tribu Proteeae

Genre

Providencia
?WH. Ewing, 1962

Quelques espèces sont des pathogènes humains occasionnels, notamment Providencia alcalifaciens qui est l'espèce type du genre.

Taxonomie

En 1962, W.H. Ewing propose la première description formelle de ce genre bactérien en le distinguant clairement du genre Proteus avec lequel il était jusque-là confondu[2]. Il place alors ces deux groupes dans la tribu des Proteeae, elle-même rattachée aux Enterobacteriaceae sur la base de critères phénotypiques[3].

En 2016, sur la base de travaux de phylogénétique moléculaire, le genre Providencia est déplacé vers la famille des Morganellaceae nouvellement créée[1],[4].

Caractéristiques

Morphologie et culture

Ce sont des bactéries mobiles par ciliature péritriche c'est-à-dire qu'elles se déplacent à l'aide de flagelles disposés sur toute la périphérie de la cellule bactérienne. Le type respiratoire est anaérobie facultatif[3].

Ce ne sont pas des BGN exigeants, c'est-à-dire que leur croissance est possible sur la plupart des milieux de base et ne nécessite ni facteurs de croissance ni conditions de culture spécifiques. En pratique les géloses non sélectives (GNO, GTS etc.) et les géloses « entériques » utilisés pour isoler les BGN (MacConkey, EMB etc.) suffisent à les maintenir. Par ailleurs deux milieux différentiels ont été développés pour faciliter l'identification des Providencia dans les prélèvements de selles : la gélose PAM[5] et la gélose PMXMP[6].

Caractères biochimiques

Les Providencia possèdent une phénylalanine désaminase[7]. Comme les autres genres de la famille des Morganellaceae, elles sont dépourvues d'oxydase et d'arginine dihydrolase (ou arginine décarboxylase) et donnent un résultat négatif à la réaction de Voges-Proskauer[4]. À la différence des Proteus, le comportement d'essaimage n'est pas observé chez elles, aucune n'est productrice de sulfure d'hydrogène (H2S) et l'uréase n'est constante que chez une espèce (P. rettgeri). À la différence des Morganella, elles n'ont pas d'ornithine décarboxylase.

Le tableau suivant récapitule d'autres caractères variables au sein du genre qui peuvent, une fois le diagnostic de genre acquis, permettre le diagnostic d'espèce dans une approche phénotypique[7],[8] :

Phénotype biochimique de quelques espèces de Providencia
production indole activité uréase acidification maltose acidification D-adonitol acidification D-arabitol acidification tréhalose acidification myo-inositol
P. alcalifaciens + +
P. heimbachae ± + + ±
P. rettgeri + + + + +
P. rustigianii +
P. stuartii + ± + +


Pathogénicité

En pathologie humaine

P. alcalifaciens est un pathogène humain reconnu, notamment responsable de gastro-entérites qui frappent les voyageurs[6] ou surviennent sur le mode épidémique dans les collectivités (TIAC)[9],[10],[11]. Leur fréquence est probablement sous-estimée car la recherche de Providencia est rarement réalisée par les laboratoires d'analyses médicales dans ce contexte[12].

P. stuartii et P. rettgeri peuvent infecter tous les sites anatomiques avec une prépondérance d'infections urinaires (en particulier sur sonde urinaire) et de bactériémies[3],[8]. P. heimbachae et P. rustigianii sont très rarement la cause d'infections humaines.

Chez l'animal

P. alcalifaciens a été identifié comme agent étiologique d'entérites nécrosantes chez des chiots[13] et de pneumopathies hémorragiques chez des porcelets[14], fatales dans les deux cas.

P. sneebia et P. burhodogranariea sont deux espèces isolées de la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster et plus précisément de son hémolymphe, liquide normalement stérile qui constitue le milieu intérieur de l'insecte[15]. L'infection par P. sneebia est presque toujours létale et cette virulence particulière semble s'expliquer par une aptitude de la bactérie à éviter le système immunitaire de la mouche, ce qui se traduit notamment par une moindre sécrétion des peptides antimicrobiens[16]. D'autres travaux ont mis en évidence le rôle prépondérant et spécifique de certains de ces peptides, les diptéricines, dans l'immunité spécifique de D. melanogaster vis-à-vis d'une autre espèce bactérienne du même genre, P. rettgeri : en effet l'inactivation (par la technique CRISPR-Cas9) des gènes de ces peptides suffit à induire une susceptibilité marquée à l'infection, absente chez les insectes qui possèdent des gènes fonctionnels[17],[18].

P. vermicola a été isolée de formes juvéniles de Steinernema thermophilum, un ver nématode parasite des insectes.

Liste d'espèces

Selon la LPSN[1]

En juin 2021 les espèces suivantes sont recensées :

  • Providencia alcalifaciens (de Salles Gomes 1944) Ewing 1962 : espèce type du genre Providencia
  • Providencia burhodogranariea Juneja and Lazzaro 2009
  • Providencia heimbachae Müller et al. 1986
  • Providencia huaxiensis Hu et al. 2019
  • Providencia rettgeri (Hadley et al. 1918) Brenner et al. 1978
  • Providencia rustigianii Hickman-Brenner et al. 1983 : anc. P. friedericiana
  • Providencia sneebia Juneja & Lazzaro 2009
  • Providencia stuartii (Buttiaux et al. 1954) Ewing 1962
  • Providencia thailendensis Khunthongpan et al. 2014
  • Providencia vermicola Somvanshi et al. 2006

Notes et références

  1. https://lpsn.dsmz.de/genus/providencia, consulté le 03/06/21.
  2. Ewing WH « The tribe Proteeae: its nomenclature and taxonomy » Int J Syst Evol Microbiol 1962;12(3):93-102. https://doi.org/10.1099/0096266X-12-3-93
  3. Manos J & Belas R (2006) The Genera Proteus, Providencia, and Morganella. In: Dworkin M, Falkow S, Rosenberg E, Schleifer KH, Stackebrandt E (eds) The Prokaryotes. Springer, New York, NY. https://doi.org/10.1007/0-387-30746-X_12
  4. Adeolu M et al. « Genome-based phylogeny and taxonomy of the 'Enterobacteriales': proposal for Enterobacterales ord. nov. divided into the families Enterobacteriaceae, Erwiniaceae fam. nov., Pectobacteriaceae fam. nov., Yersiniaceae fam. nov., Hafniaceae fam. nov., Morganellaceae fam. nov., and Budviciaceae fam. nov » Int J Syst Evol Microbiol. 2016;66(12):5575-5599. Accès libre.
  5. Senior BW « Media for the detection and recognition of the enteropathogen Providencia alcalifaciens in faeces » J Med Microbiol. 1997;46(6):524-527. https://doi.org/10.1099/00222615-46-6-524
  6. Yoh M et al. « Importance of Providencia species as a major cause of travellers’ diarrhoea » J Med Microbiol. 2005;54(11):1077-1082. Accès libre.
  7. O'Hara CM, Brenner FW & Miller JM « Classification, Identification, and Clinical Significance of Proteus, Providencia, and Morganella » Clin Microbiol Rev. 2000;13(4):534-546. Accès libre.
  8. Forsythe SJ, Abbott SL & J Pitout J (2015) Klebsiella, Enterobacter, Citrobacter, Cronobacter, Serratia, Plesiomonas, and Other Enterobacteriaceae. In: Jorgensen JH, Pfaller MA (eds) Manual of clinical microbiology. 11th edition. ASM Press, Washington, DC. https://doi.org/10.1128/9781555817381
  9. Murata T et al. « A large outbreak of foodborne infection attributed to Providencia alcalifaciens » J Infect Dis. 2001;184(8):1050-1055. Accès libre
  10. Chlibek R et al. « Diarrhea outbreak among Czech Army Field Hospital personnel caused by Providencia alcalifaciens » J Travel Med. 2002;9(3):151-152. Accès libre.
  11. Shah MM et al. « First report of a foodborne Providencia alcalifaciens outbreak in Kenya » Am J Trop Med Hyg. 2015;93(3):497-500. Accès libre.
  12. Shah MM et al. « Epidemiology and Pathogenesis of Providencia alcalifaciens Infections » Am J Trop Med Hyg. 2019;101(2): 290–293. Accès libre.
  13. Mohr AJ et al. « Primary bacterial enteritis caused by Providencia alcalifaciens in three dogs » Vet Rec. 2002;150(2):52-53. https://doi.org/10.1136/vr.150.2.52
  14. Wang X et al. « Pathogenic Providencia alcalifaciens strain that causes fatal hemorrhagic pneumonia in piglets » Curr Microbiol. 2014;68(3):278-284. https://doi.org/10.1007/s00284-013-0470-y
  15. Juneja P, Lazzaro BP « Providencia sneebia sp. nov. and Providencia burhodogranariea sp. nov., isolated from wild Drosophila melanogaster » Int J Syst Evol Microbiol. 2009;59(5):1108-1111. https://doi.org/10.1099/ijs.0.000117-0
  16. Galac MR, Lazzaro BP « Comparative pathology of bacteria in the genus Providencia to a natural host, Drosophila melanogaster » Microbes Infect. 2011;13(7):673-683. Accès direct.
  17. Unckless RL, Howick VM & Lazzaro BP « Convergent balancing selection on an antimicrobial peptide in Drosophila » Curr Biol. 2016;26(2):257-262. Accès direct.
  18. Hanson MA et al. « Synergy and remarkable specificity of antimicrobial peptides in vivo using a systematic knockout approach » eLife 2019;8:e44341. https://doi.org/10.7554/eLife.44341.001

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