Pierre Simon (médecin)

Pierre Simon, né le à Metz et mort le à Paris, est un médecin et homme politique français. Il fut grand maître de la Grande Loge de France de 1969 à 1971 et de 1973 à 1975.

Pour les articles homonymes, voir Simon et Pierre Simon.

Biographie

Pierre Simon naît à Metz en 1925[1]. Du fait du plan d'évacuation des populations civiles de la « zone rouge » de la ligne Maginot, il rejoint en 1939, avec sa famille, la Dordogne. En 1942, il fait partie des éclaireurs israélites et protestants, groupe permettant le transport, vers la Suisse, de jeunes juifs d'origines étrangères[2]. Puis il trouve refuge à Lyon, dans un foyer catholique de jeunes ouvriers où il donne des cours de musique. Il obtient en 1944 son certificat d'études physiques, chimiques et biologiques (PCB)[3].

À la Libération il s'intéresse au théâtre, ce qui le décide à s'installer à Paris pour poursuivre ses études de médecine[2] et il réalise son internat, de 1948 à 1952, à l'hôpital Bretonneau, dans le service du professeur Robey. Il choisit l’exercice de la gynécologie et de l’endocrinologie, « domaines qui touchent à la condition de la femme et à la représentation que se font les sociétés du concept de vie », devenant notamment assistant au laboratoire d'endocrinologie sexuelle de 1951 à 1955, dirigé par le professeur Simonnet[3].

Pierre Simon meurt le [4]. Ses archives sont déposées à l'université d'Angers, au Centre des archives du féminisme (BU Angers)[3].

Engagements emblématiques

Accouchement sans douleur

Pierre Simon s'investit dans les pratiques liées à l'accouchement : il importe en France les techniques de l'accouchement sans douleur[3] qu'il a découvertes lors de son séjour en URSS, en 1953[5] et contribue activement à leur diffusion, se confrontant pour cela au scepticisme d'une grande partie corps médical français[3]. Par la suite il se joint à des réunions organisées en Suisse par le groupe Littré, constitué vers 1954 par des gynécologues francophones, français, suisses et belges, qui réfléchissent aux moyens de promouvoir les méthodes contraceptives, en joignant leurs efforts aux mouvements qui s'activent pour le contrôle des naissances[2].

Le 8 mars 1956, le Dr Pierre Simon et Evelyne Sullerot créent le mouvement « La maternité heureuse » avec le Dr Marie Andrée Lagroua Weill Hallé, pour « permettre aux couples, grâce à la contraception, de n’avoir des enfants que lorsqu’ils le désirent »[6].

Il devient directeur du centre d'orthogénie de l’hôpital Boucicaut (1961-1986)[n 1]. Cet engagement l'incite à rejoindre la sociologue Évelyne Sullerot et le médecin Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, qui ont fondé l'association La Maternité heureuse. Les premières initiatives de cette association visent à dissocier les questions liées à la contraception de celles liées à l'avortement, pour obtenir la dépénalisation des méthodes contraceptives et leur diffusion. Dans cette perspective, l'association se donne comme objectifs de favoriser l'information et la formation des médecins. La formation et la théorie se déroule à Paris et la pratique et la participation à des conférences se déroule à Londres. Il s’agit de former le corps médical non seulement aux progrès de la science, mais aussi aux idées nouvelles. Pierre Simon, pour sa part, participe à la diffusion en France des méthodes contraceptives[7] et notamment à celle du stérilet, contraceptif intra-utérin d'origine américaine, dont il a inventé le nom français[8].

Puis il présente à la presse en juillet 1964, le stérilet qu’il décrit comme : « une sorte de crosse d’évêque finissant en grains de chapelet »[6]. Dans les facultés de médecine de Tours et de Lyon est inscrit pour la première fois, fin 1964, un cours sur la contraception[6].

Planning familial

L'évolution se poursuit et en 1960, La Maternité heureuse prend le nom de Mouvement français pour le planning familial (MFPF), et s'affile à la fédération internationale créée en 1952, l'International Planned Parenthood Federation (IPPF)[8]. Le mouvement reçoit au départ des appuis d'un certain nombre de protestants[9], tandis que son action suscite une forte opposition, pour des raisons distinctes, du Parti communiste français[10], ou de représentants de l’Église catholique[11]. Cette action en faveur de la dépénalisation de la contraception est toutefois largement soutenue par l'opinion publique, en faveur d'un accès libre à la contraception et à une évolution législative. La bataille en faveur de la contraception passe alors par un engagement politique et législatif, dans la mesure où la loi du 31 juillet 1920, « réprimant la provocation à l'avortement et à la propagande anticonceptionnelle » confondait dans une même condamnation avortement et propagande en faveur de la contraception[12]. L'action de Pierre Simon trouve des appuis politiques : ainsi, il a fondé avec Charles Hernu le Club des Jacobins, s’est engagé au Parti radical[7] et participe à plusieurs cabinets au ministère de la Santé, auprès de Robert Boulin, de Michel Poniatowski et enfin de Simone Veil[3]. Il mène également la réflexion au sein du Commissariat général du Plan. La parution de son ouvrage Contrôle des Naissances, Histoire, philosophie, morale[13] en 1966, puis le vote de la loi Neuwirth le 28 décembre 1967, légalisant l’usage des méthodes contraceptives en France, représentent une avancée, bien que les questions liées à la dépénalisation de l'avortement ne soient pas envisagées par cette loi[14].

Dès 1968, le Pierre Simon publie un très attendu "Précis de contraception", destiné aux médecins, salué par le Dr Jean Dalsace en juin 1968: n'oublions pas que les Facultés étaient jusqu’ici muettes sur tous les sujets touchant à la sexualité et que les médecins, pour la plupart, étaient ignorants de tout ce qui traite de la contraception et de ses motivations". En préface, Alan Guttmacher rappelle que des médecins "sont allés en prison pour avoir écrit des livres sur la contraception"[15].

Légalisation de l'avortement

En 1969, il oriente alors son action vers les questions liées à l'avortement, qui reste illégal en France, et dans cette perspective, participe à la fondation de l'Association nationale pour l'étude de l'avortement (ANEA) avec le Dr Jean Dalsace[16] et Anne-Marie Dourlen-Rollier[17]. Cette association prend sa place dans les débats concernant cette revendication de dépénalisation[5], dans lesquels s'engagent également le planning familial, présidé par Simone Iff, mais aussi des mouvements militants féministes, tels le MLF français, le mouvement féministe Choisir ou encore le mouvement protestant Jeunes Femmes, ainsi que des personnalités emblématiques de la société civile, telles Simone de Beauvoir qui rédige le texte du Manifeste des 343 en 1971[n 2],[18] ou Gisèle Halimi qui obtient l'acquittement d'une jeune fille mineure au procès de Bobigny en 1972.

Le rapport Simon de 1972

Dans le rapport qu'il écrit en 1970 et 1971, diffusé en 1972 sous le nom de Rapport Simon et consacré à l'étude du « comportement sexuel des Français »[19], Pierre Simon place, pour la première fois en France, la sexualité au cœur des enquêtes sociologiques et de la réflexion politique[5]. L’enquête française, qui dit s’inspirer de l’enquête suédoise de 1969, se différencie des enquêtes américaines[20] car elle « s'inscrit au contraire dans un mouvement de libération des mœurs. Elle souhaite porter un regard sur la « sexualité contraceptée » mais se limite au cadre conjugal et exclut ainsi les mineurs[20] ».

Le vote, en 1975, de la loi Veil, à l'écriture de laquelle il a contribué, légalise, d'une façon d'abord transitoire, l’avortement. La loi devient définitive en 1979.

Procréation médicale assistée et fin de vie

Il poursuit son action en faveur d’une nouvelle gestion du concept de vie dans les années 1980 en militant en faveur des techniques de procréation médicalement assistée et en soutenant le droit à mourir dans la dignité[7].

Franc-maçonnerie

Franc-maçon, il est à deux reprises grand maître de la Grande Loge de France[7], l'une des deux plus importantes obédiences française, de 1969 à 1972, puis de 1973 à 1975. Il inaugure dans ces fonctions un dialogue de son obédience avec l’Église catholique[21].

Reconnaissance et décorations

Un prix « Éthique et société » est créé en 2007 en son honneur et porte son nom. Sous le patronage du ministère de la Santé, celui-ci récompense chaque année des personnalités et des œuvres qui s'inscrivent dans le cadre de l'action et de la réflexion sur l'éthique[22].

Publications

  • Contrôle des Naissances, Histoire, philosophie, morale, Paris, Payot, , p. 303.
  • Précis de contraception, Paris, Masson et Cie, .
  • Rapport Simon sur le comportement sexuel des Français,
  • De la vie avant toute chose (autobiographie), Paris, Mazarine, .
  • La femme de quarante ans ou le sacre de l'été, Paris, Hachette, .
  • La franc-maçonnerie, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », , p. 126.

Bibliographie

  • Christine Bard (dir.), Le planning familial : histoire et mémoire, 1956-2006, Rennes, PUR, .
  • Christine Bard, Annie Metz et Valérie Neveu (dir.), Guide des sources de l'histoire du féminisme, Rennes, PUR, .
  • Bibia Pavard, Si je veux, quand je veux : Contraception et avortement dans la société française, Rennes, PUR, .
  • Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini- Fournel, Les lois Veil : contraception 1974, IVG 1975, Paris, A.Colin, .
  • Emmanuel Pierrat, Pierre Simon, médecin d'exception. Du combat pour les femmes au droit de mourir pour la dignité, Don Quichotte éditions, 2018.
  • Nicolas Weill, « Pierre Simon, médecin et de réformateur social », Le Monde, (lire en ligne).

Notes et références

Notes

  1. Voir notice d'autorité.
  2. Le manifeste des 343 commence par ces mots : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses […] On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l'une d'elles, je déclare avoir avorté.»

Références

  1. « Pierre Simon, notice de l'Encyclopedia universalis en ligne. », sur http://www.universalis.fr.
  2. Christine Bard (dir.) 2006.
  3. « Fonds du Centre des Archives du Féminisme [BU Angers) », sur http://bu.univ-angers.f.
  4. « Grande Loge de France: Simon est mort »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur http://lefigaro.fr.
  5. Biblia Pavard 2012.
  6. "La contraception au fil du temps. Histoire de la contraception" par Martine Chosson, Association Nationale des Centres d'IVG et de Contraception
  7. Nicolas Weill, « Pierre Simon, médecin et réformateur social », Le Monde, (lire en ligne).
  8. Pavard, Rochefrot et Zancarini 2012.
  9. « Notice, Le Maitron : Simone Iff », sur http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr (consulté le ).
  10. Cf. Jacques Derogy, « Le Planning malgré eux », sur http://www.lexpress.fr, (consulté le ).
  11. Cf. notamment « l'encyclique Humanae Vitae », .
  12. « Loi du 31 juillet 1920 » [PDF], sur http://socialhistory.org (consulté le ).
  13. « Cf. recension critique, population », , p. 762-763.
  14. Cf. notamment Sophie Chauveau, « Les espoirs déçus de la loi Neuwirth », Clio, no 18, , p. 223-239 (lire en ligne).
  15. "La contraception en microsillon" par Cécile Raynal, dans la Revue d'Histoire de la Pharmacie de 2009
  16. Fonds et notice Jean Dalsace
  17. « Notice, Le Maitron : Anne-Marie Dourlen-Rollier », sur http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr (consulté le )
  18. Sophie Des Deserts, « L'histoire secrète du Manifeste des 343 salopes », L'Obs (consulté le ).
  19. « Le comportement sexuel des Français », Population, Persée, , p. 665-667 (lire en ligne).
  20. Pierre Simon, Jean Gondonneau, Lucien Mironer, et Anne-Marie Dourlen-Rollier, « Rapport sur le comportement sexuel des Français », Paris : Éditions René Julliard et Pierre Charron, 1972, 922 pages, citée dans Représentations du genre et des sexualités dans les méthodes d'éducation à la sexualité élaborées en France et en Suède - Elise Devieilhe, avril 2014 [PDF].
  21. Jean Louis Turbet, « Pierre Simon, ancien Grand Maître de la GLDF, est mort. », sur jlturbet.net, (consulté le ).
  22. « Prix Pierre Simon », sur www.espace-ethique-alzheimer.org (consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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