Paléoart

Le paléoart (également orthographié paléo-art) est une réalisation artistique (peinture, illustration, sculpture...) qui tente de reconstituer et de dépeindre la vie préhistorique ou des temps géologiques, selon les connaissances établies et les découvertes scientifiques au moment de la création de l'œuvre[1]. Le terme paléoart a été introduit à la fin des années 1980 par l'illustrateur Mark Hallett pour désigner une œuvre qui dépeint des sujets liés à la paléontologie ou à la Préhistoire[2]. Ceux-ci peuvent être des reconstitutions de fossiles ou des représentations de la vie des animaux éteints et de leurs écosystèmes. Le terme est un mot-valise de « art » et du mot grec paleo.

La production

Le travail des paléoartistes n'est pas le seul produit de leur imagination, mais résulte de la coopération entre ceux-ci et des experts scientifiques[3],[4]. Lors de la tentative de reconstitution d'un animal d'une espèce disparue, l'artiste doit faire appel, à parts presque égales, à sa créativité et aux connaissances scientifiques. James Gurney, artiste notable pour la série de livres de fiction Dinotopia, décrit l'interaction entre les scientifiques et les artistes, comme si l'artiste était les yeux du scientifique, puisque ses illustrations donnent forme aux théories. Le paléoart détermine la manière dont le public perçoit les animaux disparus[5].

Impact scientifique

Les animaux marins disparus ont été parmi les premiers à être reconstitués[6]. Le paléoart a eu un rôle important dans la diffusion des connaissances sur les dinosaures depuis que ce terme a été introduit par Sir Richard Owen en 1842. Toutefois, Gideon Mantell, en 1849, quelques années avant sa mort, en 1852, avait constaté que l' Iguanodon, dont il fut le découvreur, n'était pas le lourd, pachyderme[7] tel qu' Owen le concevait, mais avait de fines pattes avant, sa mort l’empêcha de participer à la création des sculptures de dinosaures de Crystal Palace et la vision des dinosaures d'Owen s'imposa pour le public. Il y avait près de deux douzaines de sculptures grandeur nature de divers animaux préhistoriques construits en béton sculpté sur une armature en acier et brique; deux Iguanodons, l'un debout et l'un reposant sur son ventre, y ont été intégrés. Les dinosaures demeurent en place dans le parc, mais leurs représentations sont maintenant dépassées, à de nombreux égards.

Une étude de 2013 a révélé que des représentations anciennes d'univers préhistoriques sont encore influentes dans la culture populaire, bien longtemps après que de nouvelles découvertes les aient rendues obsolètes. Cela s'explique par l'inertie culturelle[8]. Un article daté de 2014 de Mark P. Witton, Darren Naish, et John Conway State of the Palaeoart, a souligné l'importance historique du paléoart, et déploré son état actuel[9].

Histoire

Origines de la reconstitution préhistorique

Dès le XVIe siècle, on trouve dans des ouvrages d'histoire naturelle des gravures représentant des vestiges fossiles. À la fin du XVIIIe siècle, Georges Cuvier, un des fondateurs de la paléontologie, fut le premier à reconstruire des vertébrés fossiles à partir d'os, et à les faire publier en gravure. Mais cela reste dans le cadre de la description d’ossement et non dans celui de la reconstitution d'animaux éteints en chair et en os[10]. L'un des précurseurs de la reconstitution de faunes des périodes passées, peut être trouvé d'après Stephen Jay Gould dans la Physica sacra publié par Johann Jakob Scheuchzer, et illustré de 745 gravures en taille douce, illustrant l’histoire biblique selon une approche scientifique, dans le sens qu'on lui donnait à l'époque[11]. L'une des planches les plus notables étant la gravure 49, qui représente l'homo diluvi testis (homme témoin du Déluge), dont Cuvier révéla un siècle plus tard qu'il s'agissait en fait d'une salamandre fossile[12].

Entre Scheuchzer et le début du XIXe siècle, date des premières reconstitutions de fossiles, les ouvrages de géologie et de paléontologie se contentent de reproduire des planches de fossiles, et quasiment aucun ne propose de scène reconstituée des périodes de l'histoire de la Terre, à une époque où la notion d'espèce éteinte et des temps géologiques n'est pas encore tout à fait admise[12].

XIXe siècle, l'essor de la paléontologie

Duria Antiquior - Un plus ancien Dorset, aquarelle peinte en 1830 par le géologue Henry De la Beche, basée sur les fossiles trouvés par Mary Anning.

Duria Antiquior, un plus ancien Dorset marque une date importante dans la reconstitution artistique d'une période de la Préhistoire. Cette aquarelle de Henry De la Beche, datée de 1830 et plusieurs fois reproduite, devient au XIXe siècle, le modèle canonique des scènes montrant des espèces éteintes dans leur milieu. Elle fut la première reconstitution picturale d'une scène remontant à la nuit des temps, basée sur des découvertes de fossiles trouvés par Mary Anning[13]. De la Beche établit les codes de la reconstitution de scènes préhistoriques, qui seront repris après lui par nombre de paléoartistes, par la profusion d'espèces représentées, et dans des situations de prédation. Au premier plan, la mâchoire de l'ichtyosaure se refermant sur le long cou du plésiosaure, devient un cliché de l'iconographie paléontologique[13].

Benjamin Waterhouse Hawkins est le plus important paléoartiste de cette période, sa collaboration avec le paléontologue Richard Owen, est le premier exemple d'un travail commun entre un artiste et un scientifique pour reconstituer l'apparence d'animaux disparus, exemple qui se poursuivra ensuite avec les collaborations de Charles R. Knight et Henry Fairfield Osborn au début du XXe siècle, ou Zdenek Burian et Josef Augusta[12]. Point culminant de cette coopération les Dinosaures de Crystal Palace, premières sculptures grandeur nature représentant des dinosaures tels qu'on envisageait leur apparence à l'époque. Certains modèles avaient été, à l'origine, créés pour l'Exposition universelle de 1851, mais 33 d'entre eux ont finalement été réalisés quand Crystal Palace a été transféré à Sydenham, dans le sud de Londres. Owen a organisé un dîner célèbre pour 21 convives tous d'éminents scientifiques à l'intérieur du béton creux de l'Iguanodon, la veille du Nouvel An de 1853[12].

Reconnaissance

Depuis 1999, la Société de Paléontologie des Vertébrés décerne le John J. Lanzendorf PaleoArt Prix pour les réalisations dans ce domaine. La société considère que le paléoart « est l'un des véhicules les plus importants pour la communication des découvertes et des données, parmi les paléontologues, et est essentiel pour promouvoir la paléontologie des vertébrés et ses disciplines envers le grand public »[14]. La Société de Paléontologie des Vertébrés est aussi le site occasionnel de l'exposition annuelle d'affiches de Paléoart, un concours d'affiches organisé à l'ouverture de la réunion annuelle de la société.

Le Museu da Lourinhã organise le salon International de Concours de dessins de dinosaures[15].

Paléoartistes

Paléoartistes notoires et influents

  • Benjamin Waterhouse Hawkins années 1840-1890, premier artiste à collaborer avec un scientifique pour reconstituer des animaux éteints.
  • Paul Jamin années 1880-1900.
  • Charles R. Knight années 1890-1940, la plus grande influence du début du 20e siècle (notamment dans les films)
  • Gerhard Heilmann, années 1920, premier à reconstituer des dinosaures à l'allure d'oiseaux
  • Zdeněk Burian années 1940-81, influence culturelle au cours de ces années, (par exemple jouets)
  • Rudolph F. Zallinger années 1950-1960, influence culturelle au cours de ces années, (jouets)
  • Robert T. Bakker années 1960-1990, paléontologue et illustrateur leader de la renaissance des dinosaures dans les années 1980
  • Gregory S. Paul années 1970-Présent, grande influence de la fin du 20e siècle-début du 21e siècle

Paleoartistes illustrateurs

Paleoartistes sculpteurs

Galerie

Références

  1. Ansón et al., (2015) Paleoart: term and conditions (A survey among paleontologists) in: Current trends in Paleontology and Evolution, 28-24 pp.
  2. Hallett M (1986) The scientific approach of the art of bringing dinosaurs back to life, in: Czerkas SJ, Olson EC (Eds.
  3. Thimmesh 2013.
  4. « Drawing dinosaurs: how is palaeoart produced? », The Guardian, (lire en ligne, consulté le ).
  5. Gurney J. (2009) Imaginative Realism: How to Paint What Doesn't Exist.
  6. (en) J. P. Davidson, « Misunderstood Marine Reptiles: Late Nineteenth-Century Artistic Reconstructions of Prehistoric Marine Life », Transactions of the Kansas Academy of Science, vol. 118, , p. 53–67 (DOI 10.1660/062.118.0107)
  7. (en) Gideon A. Mantell, Petrifications and their teachings : or, a handbook to the gallery of organic remains of the British Museum., Londres, H. G. Bohn, (OCLC 8415138)
  8. (en) R. M. Ross, D. Duggan-Haas et W. D. Allmon, « The Posture of Tyrannosaurus rex: Why Do Student Views Lag Behind the Science? », Journal of Geoscience Education, vol. 61, , p. 145 (DOI 10.5408/11-259.1, Bibcode 2013JGeEd..61..145R)
  9. Witton, M. P., Naish, D. and Conway, J. (2014).
  10. Gould 1993, p. 13
  11. Gould 1993, p. 14
  12. Gould 1993, p. 15
  13. Gould 1993, p. 8-9
  14. « Lanzendorf PaleoArt Prize »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ).
  15. International Dinosaur Illustration Contest

Bibliographie

  • (en) Martin J. S. Rudwick, Scenes from Deep Time : Early Pictorial Representations of the Prehistoric World, Chicago, University of Chicago Press, , 280 p. (ISBN 978-0-226-73104-9, lire en ligne)
  • Stephen Jay Gould (dir.) et al., « Les Reconstructions du passé », dans Stephen Jay Gould, Le Livre de la vie, Paris, Seuil, coll. « Science ouverte », (ISBN 2-02-019988-2), p. 6-21
  • (en) Allen A Debus et Diane E. Debus, Paleoimagery : The Evolution of Dinosaurs in Art, Jefferson, McFarland, Incorporated Publishers, , 285 p. (ISBN 978-0-7864-6420-3 et 0-7864-6420-8)
  • (en) Catherine Thimmesh, Scaly Spotted Feathered Frilled : How Do We Know What Dinosaurs Really Looked Like?, Houghton Mifflin Harcourt, , 57 p. (ISBN 978-0-547-99134-4 et 0-547-99134-7, lire en ligne)
  • Zoë Lescaze et Walton Ford, Paléoart : Visions des temps préhistoriques, Cologne, Taschen, , 292 p. (ISBN 978-3-8365-6585-1 et 3-8365-6585-4)

Liens externes

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