Ouled Sidi Abid

Ouled Sidi Abid (ou Ubayd) (arabe : أولاد سيدي عبيد) est une tribu arabe chérifienne présente en Algérie et en Tunisie, son territoire est situé sur la frontière algéro-tunisienne.

Origines

Selon la tradition, l'arrière-arrière-grand-père de Sidi Abid, Salim, quitta la Seguia el-Hamra au Maroc pour le nord-est de l’Oued Draa toujours au Maroc. Il part plus tard en pèlerinage à La Mecque et continua son chemin vers Bagdad où il devint le disciple du cheikh Muhammad al-Ghazali[1]et d'Abd al-Qadir al-Jilani.

Son voyage repris et il retourna au Maroc pour ensuite s’établir à Tlemcen où il mourut. Son fils Sulayman lui succèda et ensuite le fils de Sulayman, Abd al-Aziz qui eu 12 enfants : Muhammad, Jaafar, Al-Mu'tasim, Othman (qui déménagea à Casablanca), Yahya et Abdel-Haqq (qui on déménagé à Beni Tazin dans le Jabal Al-Hoggar), Ali, Al-Abbas et Nasser (ils sont restés à Tlemcen), Isa ou Khalid (aucune information), Ahmad et Khadir se sont dirigés vers l'est algérien, mais Ahmad serait mort en chemin[1].

Les enfants d'Al-Abbas formeront la tribu Ouled Sidi Bousaud.

Le père de Sidi Abid, ancêtre éponyme de la tribu, Khadir, descendant de Mahomet, quitta donc Tlemcen (actuel Algérie) pour rejoindre Tozeur. Par son attribut de Chérif, Khadir se rattache à la première migration, celle qui conduisit ses ancêtres de La Mecque jusqu'au Maroc[2],[1].

Khadir serait le descendant d’Idris II par son cinquième fils Abdullah. La chaine de ses ancêtres indique qu'il serait le fils d’Abd al-Aziz ben Sulayman ben Salim ben Ibrahim ben Abd al-Halim ben Abd al-Karim ben Isa ben Musa ben Abd al-Salam ben Muhammad ben Abd al-Jabbar ben Muhammad ben Ahmad ben Abdullah ben Idris ben Idris ben Abdullah al-Kamil ben al-Hassan ben Hassan ben Ali ibn Abi Talib et Fatima Zahra, la fille de Mahomet[2],[3],[4],[5],[1].

Khadir était décrit comme une personne avec beaucoup de science et remplie de bonnes œuvres. Il suivit pendant quelque temps les enseignements du Cheikh Abdul Razzaq dans la ville de Bagdad et serait ensuite retourné à Tozeur en Tunisie où il entreprit d'enseigner le Coran aux populations. Il serait l'un des « ambassadeurs » du soufisme au Maghreb[6].

Il se maria à la fille du chef de la tribu arabe des Hamama après lui avoir sauvé la vie, de cette union naquirent Ubayd et son frère Ahmed ainsi qu'une fille du nom de Guzayla. Dans les dernières années de sa vie, il reprit le chemin de La Mecque où il mourut. Sa veuve retourna avec ses trois enfants auprès des Hamama qui campaient alors au pied du Djebel Faoua, dans la confédération tribale des Nemencha. Ahmed épousa une jeune fille des Drid tandis qu'Abid établit sa retraite au sommet de cette montagne[3],[1]

Le personnage de Sidi Abid

Tombeau de Sidi Ubayd Lakhdar, petit-fils de Sidi Ubayd al-Sharif.

Le fondateur éponyme de la tribu est considéré comme saint, détenteur de la baraka. Contrairement aux autres saints dont le prestige demeure local, Sidi Abid jouit d'une renommée étendue.

« Il passait les nuits et les jours en prières, quand le sommeil le dominait il mouillait ses vêtements et appliquait du sel sur ses yeux. »

Ces mortifications eurent pour effet d'affaiblir le saint, et il était si maigre que l'on pouvait voir briller au travers de son corps une bougie placée derrière lui. On lui prête de nombreux miracles. Il fut amené afin d'aider les Hamama en guerre contre leurs éternels rivaux, les Beni Zid.

Les gens venait alors des quatre coins du Maghreb pour rencontrer le saint et demander son aide, chacun témoigna de lui. Après quarante années passées sur le Djebel Faoua, il redescendit dans la plaine et s'y installa. C'est à cet endroit, sur les rives de l'Oued Guentis, qu'il rentrait se reposer de ses nombreux voyages. Un important bourg, Ouled Sidi Abid, y fut fondé[7].

À sa mort, sa dépouille fut mise sur un chameau, l'animal s'enfonça dans la forêt jusqu'à être arrêté par des buissons épineux recouvrant la montagne. C'est là que fut édifié le mausolée, œuvre d'un grand maçon de Tunis. Une autre tradition attribue à ce maçon une origine marocaine (de la ville de Fès).

Sidi Abid laissera un fils nommé Dhouib qu'il eut avec une femme des Hamama et son frère en aura neuf, parmi eux : Amara, Abd Allah, Abd al-Malek[8],[9].

Une plaque commémorative en l'honneur d'un de ses descendants et de lui-même est située à Tozeur. Elle dit :

« La noble lignée du Cheikh, le saint Sidi Abid al-Aschtar connu sous le nom d'al-Akhdhar ibn Dhioub ibn Abid al-Charif, connu de tous comme Al-Charif Ibn Khdhir issu de la lignée chérifienne marocaine Moulay Idris qui repose à Fez. Il vint à Tozeur du Jarid vers l'année 750 de l'hégire et il y trouva ce qui restait des Zahana et des membres de la tribu des Urj. Il laissa sa famille dans le village de Guentis dans la région orientale de l'Algérie où elle fut enterrée. Il se rendit célèbre en propageant le Coran et le fiqh et en initiant à la voie de la Chadhiliyya. Parmi ses élèves se trouvait Mbarek az-Zahani, qui repose dans le jardin Biranu dans les environs de Tozeur, ainsi que d'autres qui suivirent son chemin en préservant son travail de compilation des sciences juridiques et de recherche de la vérité[10]. »

L'un des disciples de Sidi Ubayd était Sidi Tlil, ancêtre éponyme, des Ouled Sidi Tlil[1].

Conquête de l'Algérie par la France

Le territoire des Ouled Sidi Abid va de Gafsa à Tozeur, Nefta et de Redeyef, Moularès à Bir el-Ater[11].

Mosquée portant le nom du petit fils de Sidi Ubayd a Tozeur.

C'est une tribu de bâtisseurs, en effet elle a fondé les villes de Redeyef, Metlaoui et Bir el Ater. Elle est également l'une des deux tribus avec les Zebda à avoir fondé Tozeur avec qui elle partage la paternité de l'architecture de la région[12].

Pendant la régence d'Alger par les Ottomans, les Ouled Sidi Abid affrontent le Califat, mais décide finalement de prêter allégeance. La tribu mène les négociations pour que les Nemencha cessent le combat et reconnaissent l'autorité ottomane ; en retour le pouvoir ottoman propose d'offrir des titres à la tribu, ce qu'elle refuse sans qu'on ne sache pourquoi[13].

La puissance de la tribu, issue principalement du statut de Chérif, va se développer à partir du XIXe siècle grâce notamment aux Ouled Sidi Abid de Tunisie qui vont établir une importante route commerciale de Le Kef jusqu'à l'Est algérien et porter son influence sur les notables de Tunis. Bientôt les tribus de la région vont devenir des clients importants[13].

Les relations historiques avec la puissante confédération des Nemencha et son emprise sur la route commerciale vont lui donner l'autorité pour participer activement au conflit en cours : La conquête de l'Algérie par la France. Les Ouled Sidi Abid vont tenter de rallier les tribus. L'un de leurs chefs Amar ben Kadida sera assassiné avec ses hommes par les troupes françaises près de Tébessa. Il sera décapité et son crâne ramené en France comme trophée[14].

Les Ouled Sidi Abid, en apprenant la perte de ce chef, vont pousser les tribus encore indécises à se révolter en les obligeant à les rejoindre sans conditions ou subir une famine en ne bénéficiant plus de la route commerciale. Les tribus vont se rallier rapidement.

Les Ouled Sidi Abid vont partager le commandement de la coalition avec les Nemencha en qui ils ont une confiance totale. La coalition va alors multiplier les escarmouches dans une méthode de guérilla très moderne : couper les transmissions françaises du télégraphe[14].

Pendant vingt ans les troupes françaises ne contrôlent que Tébessa dans la région. Des rapports du général Le Bœuf seront communiqués à l'empereur Napoléon III sur le déplacement de la coalition[14],[15].

La coalition décide d'inviter l'émir Muhieddine Ibn Abdelkader fils du précédent émir Abdelkader, ce qu'il accepte. Les Ouled Sidi Abid lui prêtent alors allégeance, suivis du reste de la coalition. À la défaite de l'émir Muhieddine, la tribu refuse pour un temps de cesser le combat[1]. Le gouvernement français coupe la route commerciale de la tribu ce qui va causer une famine importante pour la tribu. Une partie accepte de cesser les combats pour garder son autorité dans la région, l'autre partie émigre vers la Tunisie. Cette stratégie de la tribu va lui permettre de garder une partie de son influence bien que diminuée[14].

De la guerre d'Algérie à nos jours

En 1954, quand la guerre d'Algérie éclate, la tribu n'est plus si puissante qu'au siècle dernier. Elle a subi beaucoup de pertes humaines et économiques. Malgré cela la tribu fournit des hommes au FLN et son territoire tunisien devient une base arrière pour les moudjahidins algériens ainsi qu'un passage pour fournir armes et nourriture[16],[17].

Le cheikh Taher al-Ubaydi de la tribu a distribué des fatwas pour promouvoir les moudjahidins. Il a d'ailleurs formé idéologiquement les moudjahidins de l'Est algérien en tant que membre de l'Association des Oulémas Musulmans Algériens[18].

À la sortie de la guerre, les territoires de la tribu sont coupés par la frontière entre l'Algérie et la Tunisie, ce qui va énormément affaiblir la tribu. Elle ne reconnaît pas Habib Bourguiba, mais refuse de mener une lutte armée qu'elle ne peut pas produire à la sortie de la guerre d'Algérie.

Mosquée Sidi Ubayd aujourd'hui, l'une des deux grandes mosquées emblématique de la ville de Tozeur.

La tribu est impliquée dans les affrontements de 2011 à Metlaoui avec une tribu concurrente qui conduiront à la mort de 12 personnes et 150 blessés[19].

Elle sera également très impliquée dans la révolution tunisienne de 2011 et deviendra ennemi du pouvoir du dictateur Ben Ali, successeur du dictateur Habib Bourguiba.

Le crâne d’Amar ben Kadida sera rendu à l'Algérie avec 23 autres crânes de chefs des moudjahidins le . Il recevra les plus grands honneurs du gouvernement algérien avec la présence de l'ensemble du gouvernement et du président Abdelmadjid Tebboune[20],[21],[22].

Notes et références

  1. Salah Alouani, Biografías magrebíes : identidades y grupos religiosos, sociales y políticos en el Magreb medieval, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, , 516 p. (ISBN 978-84-00-09495-9 et 84-00-09495-6, OCLC 847598131, lire en ligne), p. 369-370
  2. Puig, Nicolas., Bédouins sédentarisés et société citadine à Tozeur, Sud-Ouest tunisien, Tunis/Paris, IRMC, , 282 p. (ISBN 2-84586-473-6 et 978-2-84586-473-3, OCLC 470071476, lire en ligne), p. 44-45
  3. Paul Murati, Le maraboutisme ou la naissance d'une famille ethnique dans la région de Tébessa, (lire en ligne)
  4. (ar) Hashemi Ben Bakkar, Le livre de l'ascendance totale et des vertus et de l'histoire et de la littérature en quatre livres, p. 294
  5. https://journals.openedition.org/remmm/6375, De la tribu à la ville : un essai d’approche “régressive” de l’histoire du peuplement de la région de Tébessa, Auteurs:Yassir BENHIMA et Pierre Guichard
  6. (ar) Cheikh Ahmed ben Mohammed ben Abdel Rahman ben Mohammed Ashmawi, L'arbre des nobles et le métal de la bonté et de l'équité
  7. « Archives nationales algériennes », sur anom.archivesnationales.culture.gouv.fr
  8. (ar) Lazhar Mejri, Ouled Sidi Abid et la colonisation française de l'Algérie et la Tunisie
  9. (ar) حفيظ طبابي, من البداوة إلى المنجم, Al Manhal, (play.google.com/store/books/details?id=7pStDQAAQBAJ&pcampaignid=books_web_aboutlink), p. 72
  10. Puig, Nicolas., Bédouins sédentarisés et société citadine à Tozeur, Sud-Ouest tunisien, Tunis/Paris, IRMC, , 282 p. (ISBN 2-84586-473-6 et 978-2-84586-473-3, OCLC 470071476, lire en ligne), p. 48
  11. « Afrika-Kartenwerk », Borntraeger, (ISBN 3-443-28004-8, consulté le )
  12. Najem Dhaher, « Les ambivalences de la mise en tourisme du patrimoine. Le cas du centre ancien de Tozeur (Tunisie) », Mondes du Tourisme, no 6, , p. 25 (ISSN 2109-5671, DOI 10.4000/tourisme.232, lire en ligne, consulté le )
  13. Puig, Nicolas., Bédouins sédentarisés et société citadine à Tozeur (Sud-Ouest tunisien), Tunis/Paris, IRMC, , 282 p. (ISBN 2-84586-473-6 et 978-2-84586-473-3, OCLC 56566965, lire en ligne)
  14. Mājarī, al-Azhar. et ماجري، الأزهر., Al-Qabīlah al-walāʼīyah wa-al-istiʻmār : awlād sīdī ʻUbayd wa-al-istiʻmār al-Faransī fī al-Jazāʼir wa-Tūnis, 1830-1890 : masār al-tafkīk wa-ālīyāt al-muqāwamah (ISBN 978-9938-05-852-9 et 9938-05-852-3, OCLC 891565444, lire en ligne)
  15. Puig, Nicolas., Bédouins sédentarisés et société citadine à Tozeur (Sud-Ouest tunisien), Tunis/Paris, IRMC, , 282 p. (ISBN 2-84586-473-6 et 978-2-84586-473-3, OCLC 56566965, lire en ligne), p. 59
  16. Meouak, Mohamed., Biografías magrebíes : identidades y grupos religiosos, sociales y políticos en el Magreb medieval, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, , 516 p. (ISBN 978-84-00-09495-9 et 84-00-09495-6, OCLC 847598131, lire en ligne), p. 325-388
  17. Guerres mondiales et conflits contemporains, CAIRN (lire en ligne), p. 65-79
  18. (ar) « Taher al-Ubaydi »
  19. Melek Jebnoun, « Evénements de Metlaoui: les forces de l'ordre et de l'armée n'ont pas levé le petit doigt ! », sur Webdo, (consulté le )
  20. « La France remet à l’Algérie vingt-quatre crânes de résistants décapités au XIXe siècle et entreposés à Paris », Le Monde, (lire en ligne)
  21. « Voici la liste des crânes des résistants restitués », Algérie360, (lire en ligne)
  22. « Le président Tebboune face aux crânes des résistants algériens », Algérie Patriotique, (lire en ligne)
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