Occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet

L'occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet est l'occupation illégale[1] de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet (dans le 5e arrondissement de Paris) à la suite d'un coup de force[2],[3],[4] le par des catholiques traditionalistes, qui la confient ensuite à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. Cette église est le principal lieu de culte français de cette Fraternité — fréquemment qualifiée d'« intégriste »[5] ou d'extrême droite française[6].

Historique

En 1977, l'église est occupée par des catholiques traditionalistes[7] proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, menés par les abbés François Ducaud-Bourget, Louis Coache et Vincent Serralda. Ceux-ci, après neuf demandes[Lesquelles ?] restées sans suite auprès du cardinal François Marty, archevêque de Paris, décident d'investir le lieu en y célébrant une messe le [8]. Ils s'y installent ensuite, expulsant le prêtre Pierre Bellego, affectataire du lieu[9], ainsi que le premier vicaire, le père Jacques Schneider[10].

Les traditionalistes y demeurent depuis cette date, malgré un arrêté d'expulsion obtenu par l'archevêché de Paris, et la demande d'intervention de la force publique[3]. Jean Guitton, désigné comme médiateur par le Tribunal de grande instance, mit en avant le risque d'un trouble plus grand à l'ordre public, si cet arrêté était appliqué. Après y avoir exercé la fonction de curé (sans en avoir le titre officiel), François Ducaud-Bourget « remit » l'église entre les mains de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X qui la dessert depuis.

Le , une bombe dans l'église y provoque des dégâts qui ne seront que superficiels. D'après des commentaires tardifs des milieux droite et du parti communiste, l'action aurait été revendiquée par un groupe s'intitulant les « Brigades juives[11] ».

De 1983 à 1997, l'abbé Philippe Laguérie étant curé, de grandes processions furent relancées à l'occasion de la Fête-Dieu et de la Fête de l'Assomption (le ), ainsi qu'une vie paroissiale. Cependant en mai 1988 le sacre de quatre évêques à Ecône par Mgr Marcel Lefebvre a pour conséquence un décret d'excommunication, annulé le [12].

Les obsèques de nombreuses personnalités furent célébrées dans cette église : ainsi François de la Rocque, Rolande Birgy, Jacques Audiberti (en 1965), Bernard Faÿ, Michel Boutin et un nombre important de personnes connues pour leur engagement à l’extrême droite, dont Georges-Paul Wagner, Paul Touvier, François Duprat, Maurice Bardèche, Jean-Pierre et Marie-France Stirbois. Lors d’une cérémonie organisée à l’occasion du 10e anniversaire de l’occupation de l’église, de nombreux représentants de l’extrême droite française sont présents : Pierre Pujo (Aspects de la France), François Brigneau (Minute), Pierre Sidos (L’Œuvre française), Jean Madiran et André Figueras (Présent) et Roland Gaucher (National-Hebdo)[13].

En , une messe est dite en latin à la mémoire de Maurice Bardèche, critique littéraire de renom et historien négationniste[14], au cours de laquelle, devant une audience de nombreuses personnalités d'extrême-droite comme Pierre Sidos, Henry Coston ou encore Pierre Guillaume, Jean-Marie Le Pen rend hommage à celui qu'il qualifie d'« historien d'avant-garde » et de « prophète d'une renaissance européenne »[7].

Parmi les fidèles de la paroisse, on compte (ou on a compté) également des personnalités de milieux divers, telles qu'Alain de Lacoste-Lareymondie, Jean-François Chiappe, Paul Guth, Michel de Saint Pierre, Jacques Perret, Paul Vialar, Michel Droit ou encore Jean Dutourd, Jacques Dufilho et Louis de Funès[15],[16]. Tristane Banon y a été baptisée[17].

Marine Le Pen y a fait baptiser ses trois enfants et son père, Jean-Marie Le Pen, s’y rend régulièrement pour y faire dire des messes pour ses amis défunts[18]

Le , près de deux cents étrangers en situation irrégulière menés par Sylvain Garel (en) et Romain Binazon occupent l'église pendant quelques heures. Ils finissent par quitter les lieux avant l'arrivée de fidèles qui viennent défiler pour la traditionnelle procession aux flambeaux de l'Immaculée conception.

Depuis 2005, le mouvement indépendant des Scouts Saint François-Xavier est implanté à Saint-Nicolas-du-Chardonnet.

Quatre grandes processions religieuses rassemblent les fidèles lors des fêtes religieuses catholiques, aux Rameaux, à la Fête-Dieu, à l'Assomption le , et pour la procession aux flambeaux en l'honneur de l'Immaculée conception le . Outre ces fêtes religieuses, des messes commémoratives sont célébrées chaque année : un service à la mémoire des victimes de la Fusillade de la rue d'Isly qui manifestaient le à Alger en faveur de l'Algérie française contre le pouvoir français en place (dans l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, se trouve une statue de Notre-Dame d'Afrique dont l'original se trouve à Alger[19]), et une messe à la mémoire du roi Louis XVI.

Prêtres responsables du clergé desservant l'église depuis 1977

Soutane romaine.

On trouve, pour le prêtre « principal » de la paroisse, sur la plaque de son bureau et du confessionnal auquel il est affecté, le titre de « curé », cela pour des raisons pratiques de hiérarchie. Au strict regard du droit en effet, même s'ils en exercent de facto la charge, la cura animarum ne leur est toutefois pas confiée par l'ordinaire légitime du lieu, l'archevêque de Paris. L'affectataire légitime de l'église est le curé de la paroisse Saint-Séverin-Saint-Nicolas, le Père Denis Jachiet.

Vis-à-vis de l'Église catholique, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X n'ayant pas encore retrouvé « pleine communion avec l'Église »[20], ne peut, tant que les questions doctrinales « ne seront pas résolues », avoir « de statut canonique dans l'Église » et « ses ministres ne peuvent exercer de façon légitime aucun ministère »[21],[22], selon le motu proprio Ecclesiae unitatem. Aussi ledit prêtre, à l'instar de ses confrères de la Fraternité, ne porte-t-il pas la barrette traditionnelle indiquant la cure.

Saint Nicolas étant le patron de la bonne mort et des confessions, celles-ci sont largement assurées dans l'église[23].

Notes et références

  1. Saint-Nicolas-du-Chardonnet : avec foi mais sans loi, Liberation.fr du 11 mai 2012.
  2. « Les trente ans de l'occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet » [archive du ], sur site du magazine Le Nouvel Observateur, (consulté le )
  3. « Maintien de l'occupation illégale de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet », sur site du sénat, (consulté le )
  4. « L'Église confirme la rupture avec Saint-Nicolas-du-Chardonnet », sur site du quotidien La Croix, (consulté le )
  5. Marcel Lefebvre et ses disciples se considèrent comme traditionalistes tandis que pour beaucoup, ainsi que l'explique Émile Poulat, le mouvement est l'incarnation de l'intégrisme ; cf. Émile Poulat, in Nelly Schumacher, « Intégrisme, un terme qui vient de loin », entretien avec Émile Poulat in croire.com, 15 novembre 2006, article en ligne. Le terme est également utilisé par Henri Tincq (in « Le pape rallie ses intégristes », Le Monde, 29 septembre 2006) ou par L'Express (« La PME de Le Pen », 28 avril 2002).
  6. « Saint-Nicolas-du-Chardonnet », dans Erwan Lecoeur (dir.), Dictionnaire de l'extrême droite, Paris, Larousse, coll. « À présent », 2007, p. 259.
  7. Nadine Fresco, « NÉGATIONNISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 août 2020.
  8. « Les 30 ans d'occupation de Saint Nicolas-du-Chardonnet » « Copie archivée » (version du 28 juin 2008 sur l'Internet Archive), Le Nouvel observateur, 27 février 2007.
  9. « L’idée des abbés Louis Coache, Vincent Serralda et Mgr François Ducaud-Bourget était simple : mettre une annonce dans L’Aurore annonçant la célébration d’une grand-messe traditionnelle à la Mutualité dans le 5e arrondissement. Ce que les fidèles ne savaient pas en y venant, c’était qu’ils seraient dirigés directement vers l’église voisine, Saint-Nicolas du Chardonnet, se trouvant à seulement dix minutes de là… » Source : site favorable à St Nicolas, Nations Press « http://www.nationspresse.info/?p=30829 »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  10. les anciens paroissiens de cette église désaffectée durent changer de lieu de culte à l'église Saint-Séverin « Elle est utilisée comme lieu de culte de la paroisse Saint-Séverin-Saint-Nicolas. En effet, depuis 1977, date de l'occupation de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet par des fidèles de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, le territoire de Saint-Nicolas dépend également de Saint-Séverin. La paroisse a l'usage d'un immeuble sis 39, boulevard Saint-Germain, ancien presbytère de Saint-Nicolas du Chardonnet ».
  11. Emmanuel Ratier, Les guerriers d'Israël, Facta, 1995 (ISBN 2-9508318-1-8) p. 234. Antérieurement, cette attribution avait également fait l'objet d'une brève citation dans un article publié en juin 1991 par le mensuel politique Le Choc du mois (no 41, p. 7), sous le titre « Milices juives : quinze ans de terrorisme », sous la plume de A. Malek.
  12. Le retrait du décret d'excommunication sur le site http://lebloglaquestion.wordpress.com
  13. Ariane Chebel d'Appollonia, L'Extrême-droite en France. De Maurras à Le Pen, Bruxelles, Éditions Complexe, « Questions au XXe siècle », 1996, p. 358-360, (ISBN 978-2870277645).
  14. Olivier Compagnon, article Antisémitisme en Europe depuis la fin du XIXe siècle, in Encyclopaedia Universalis, édition 2006
  15. Louis de Funès aurait financé Mgr Ducaud Bourget dans les premières années de l'occupation de Saint-Nicolas du Chardonnet, et ne manquait pas la messe de requiem en l'honneur de Louis XVI « http://www.nationspresse.info/?p=26527 »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  16. Francis Bergeron et Philippe Vilgier, De Le Pen à Le Pen. Une histoire des nationaux et des nationalistes sous la Ve République, éd. Dominique Martin Mortin, 1986, p. 137
  17. DSK-Banon : plainte contre Anne Mansouret De même, Brigitte Guillemette a expliqué de quelle manière elle est devenue la marraine de Tristane Banon. « À 17 ans, avant un projet de mariage à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, Tristane Banon devait être baptisée. Sa maman, d'origine iranienne, ne connaissait personne qui était baptisé. Elle m'a demandé d'être sa marraine, ce que j'ai accepté pour lui rendre service. »
  18. .
  19. L'association des familles des victimes du 26 mars 1962 et de leurs alliés).
  20. Benoît XVI, Lettre apostolique “motu proprioEcclesiae Unitatem], point 7, 2 juillet 2009, sur le site du Saint-Siège.
  21. « Ecclesiae unitatem ou la “sollicitude” de Benoît XVI », agence Zenit, 8 juillet 2009.
  22. Benoît XVI, Lettre apostolique “motu proprioEcclesiae Unitatem], point 4, 2 juillet 2009, sur le site du Saint-Siège.
  23. « Prêtres de permanence », sur www.saintnicolasduchardonnet.fr (consulté le )

Voir aussi

Article connexe

Sur sa communauté catholique traditionaliste

  • Communauté Saint-Séverin Saint-Nicolas, Le Défi intégriste, Saint-Nicolas occupé, Paris, éd. Le Centurion, 1977, recension en ligne

Travaux universitaires

  • Thibaud Chalmin : Une affaire d'Église : les débuts de l'occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ( - ), Mémoire de Maîtrise sous la direction de Jean-Marie Mayeur, Université Paris Sorbonne-Paris IV, 1994, 349 pages, [lire en ligne].
  • Thibaud Chalmin : Saint-Nicolas-du-Chardonnet, un aspect du catholicisme parisien dans l'après-concile. Mémoire de D.E.A. sous la direction de Jean-Marie Mayeur, Université Paris Sorbonne-Paris IV, 1995.

Ouvrages traditionnalistes

  • Abbé Bernard Lorber (réalisateur), St-Nicolas-du-Chardonnet, 30 ans après. Chardons toujours ardents, documentaire de la Procure de St-Nicolas-du-Chardonnet retraçant la « (re)prise » de cette église par la Fraternité Saint Pie X, avec des interview de François Ducaud-Bourget, l'abbé Louis Coache, Mgr Marcel Lefebvre et du Père Congar, Paris, Procure Saint-Nicolas, 2007, (DVD, 115 minutes).

Sur ses liens avec l'extrême droite

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Lien externe

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