Pierre Guillaume (militant)

Pierre Guillaume, né en décembre 1940, est un éditeur et militant politique français.

Pour les articles homonymes, voir Pierre Guillaume et Guillaume.

Lié dans les années 1960 à Socialisme ou barbarie et aux activités du collectif d'ultragauche La Vieille Taupe, dont il tient la librairie homonyme jusqu'en 1972, il apporte depuis la fin des années 1970 son soutien à Robert Faurisson et reprend le nom de La Vieille Taupe, cette fois pour éditer et diffuser des textes niant la Shoah, assumant depuis lors un rôle de promoteur du négationnisme en France.

Biographie

Formation

De 1957 à 1959, Pierre Guillaume prépare Saint-Cyr au prytanée national militaire de La Flèche ; il est admissible mais change finalement de voie.

De Socialisme ou barbarie à La Vieille Taupe (1959-1965)

Il rejoint Socialisme ou barbarie[1] (agent de liaison avec Guy Debord[2][source insuffisante]) sans y jouer un « rôle remarquable » selon le témoignage ultérieur de Cornelius Castoriadis[3]. Il y milite contre la guerre d'Algérie.

En 1965, il ouvre à Paris avec l'aide de Jacques Baynac la librairie La Vieille taupe, alors en liaison avec le groupe Pouvoir ouvrier, dissident en 1963 de Socialisme ou Barbarie.

La fin des années 1960

En , sur le point d'être exclus du groupe, Guillaume et Baynac démissionnent de Pouvoir ouvrier, suivis par la majorité des membres jeunes du groupe.

La Vieille Taupe devient alors le nom d'un petit groupe de réflexion informel d'une dizaine de personnes qui s'intéressent à diverses dissidences d'ultragauche, à l'Internationale situationniste et à Rosa Luxembourg[4]. La librairie La Vieille Taupe diffuse des textes fondamentaux du mouvement ouvrier révolutionnaire, de l'ultragauche et de l'Internationale situationniste[4].

Durant les événements de Mai 1968, Pierre Guillaume joue un rôle de premier plan au comité d'action de la faculté des sciences de Censier[5], tant sur le plan théorique — il lance l'idée de la grève active tirée de son expérience des grèves belges de 1961 — que sur le plan pratique — il se fait donner les « pleins pouvoirs militaires » pour défendre Censier[4].

Après Mai 68, le chiffre d'affaires de la librairie est en augmentation. Guillaume découvre alors dans un numéro de La Révolution prolétarienne l'ouvrage de Paul Rassinier (1906-1967) Le Mensonge d'Ulysse (1949) qu'il considère comme extrêmement éclairant. En se produit une rupture entre Guillaume et Baynac, qui demande aux membres ou sympathisants fondateurs de La Vieille Taupe d'en faire autant. L'appel de Baynac est largement suivi[4].

Les ouvrages de Rassinier sont mis en vente à La Vieille Taupe dès 1970[4] et occupent dès lors une place prépondérante dans l'activité de la librairie. Guillaume est conforté dans sa position par la découverte du texte d'un dirigeant communiste italien Amadeo Bordiga, Auschwitz ou le grand alibi, et fait alors sienne l'idée selon laquelle l'antifascisme est en fait au service du capitalisme au détriment de l'élan révolutionnaire et des aspirations du prolétariat et l'idée (qui n'est pas présente dans le texte) selon laquelle la lutte contre l'antifascisme passe par la négation de la Shoah.

Les années 1970

La librairie La Vieille Taupe ferme le [6] et Pierre Guillaume se reconvertit dans la vente d'assurances.

Les années Faurisson (1979-1995)

Début 1978, lors d'un colloque à l'université de Lyon, Robert Faurisson déclare que le génocide juif et les chambres à gaz n'ont jamais existé, rendant publiques les thèses qu'il élabore depuis quelques années.

Quelques mois plus tard Guillaume prend contact avec lui[7]. Son premier engagement public pour les thèses de Faurisson est un article publié dans Libération du et intitulé « Que savent les Français des massacres de Sétif », où il établit un parallèle entre Auschwitz et les répressions coloniales à Sétif en 1945 ou à Madagascar en 1947. Il dénonce également l'antinazisme sans nazis et s'en prend au feuilleton télévisé Holocauste récemment diffusé sur Antenne 2 et affirme que les Juifs « sont morts de faim et de froid selon [une] mécanique inexorable et involontaire… » Ce texte a été rédigé en collaboration avec Faurisson[8].

En , les éditions La Vieille Taupe, créées par Guillaume en 1979, publient le Mémoire en défense contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire. La question des chambres à gaz avec en guise de préface un texte de l'américain Noam Chomsky[9],[10]. En 1979-1980, Guillaume s'est employé à mobiliser nombre de ses anciens compagnons idéologiques dans son combat aux côtés de Faurisson[11]. C'est Serge Thion qui obtiendra la lettre de Chomsky et produira un certain nombre de textes signés par des anciens militants de l'ultragauche comme Vérité historique ou Vérité politique ? Le dossier de l'affaire Faurisson. La question des chambres à gaz publié par La Vieille Taupe au printemps 1980[12]. Il obtient aussi l'appui (provisoire) de Gabriel Cohn-Bendit et de quelques autres.

Sans appuis politiques, Pierre Guillaume se tourne alors vers l'extrême droite. En 1985, il collabore avec le militant néonazi Michel Caignet à la traduction du livre Le Mythe d'Auschwitz. À partir de 1992, il participe chaque année à la fête du Front national ; il est présent aux obsèques de Maurice Bardèche en 1998, et il écrit également dans diverses revues d'extrême droite : par exemple dans National-Hebdo en 2001, dans Rivarol en 2002.

Valérie Igounet constate qu’il est présent lors de « manifestations d’extrême droite », que « sa littérature est vendue dans les librairies néonazies », et qu’il « discourt sur les ondes de Radio Courtoisie, proche du Front national », concluant que « la dérive idéologique de Pierre Guillaume est manifeste[13]. » Il a cependant été classé à « l'ultragauche », tant par Pierre Vidal-Naquet que par Nadine Fresco[14], même s’il a été rejeté par l'ensemble de l'extrême gauche et de « l'ultragauche »[15].

Il utilise le pseudonyme « Pierre Pithou »[16], en référence à l'érudit renaissant du même nom[17], ainsi que celui de « Pierre Gaspari » à une reprise[18].

Le négationnisme sans Faurisson (depuis 1995)

En 1995, les éditions La Vieille Taupe éditent l'ouvrage négationniste Les Mythes fondateurs de la politique israélienne de Roger Garaudy.

En 2004, la revue d'extrême gauche Ni patrie ni frontières qualifie Pierre Guillaume de « publiquement antisémite »[19].

Il est brièvement interpellé le dans le Loiret pour avoir diffusé des tracts négationnistes en février de la même année à Paris. Il est poursuivi pour « provocation à la discrimination, à la haine, à la violence à l'encontre d'une personne ou d'un groupe de personnes appartenant à une religion, en l'espèce le judaïsme[20]. » Il est relaxé l'année suivante des accusations portées contre lui et bénéficie d'un non-lieu de la part du ministère de la Justice.

Notes et références

  1. La signature « P. Guillaume » qui apparaît avant 1958 dans la revue Socialisme ou barbarie, correspond à « Philippe Guillaume », pseudonyme de Cyrille de Beauplan.
  2. Voir sur homme-moderne.org.
  3. « Pierre Guillaume n'a joué aucun rôle remarquable dans le groupe, et aucun texte de la revue ne lui est dû. Il n'a pas pu “fourbir ses premières armes théoriques dans Socialisme ou barbarie”, tout d'abord parce qu'il n'a jamais possédé aucune “arme théorique”. Ensuite et surtout, parce que ce qu'il aurait pu apprendre à Socialisme ou barbarie, ce ne pouvait être que l'internationalisme, et la condamnation radicale de toute forme de racisme (et même de “nationalisme”). Un antisémite n'aurait pas été toléré à Socialisme ou barbarie une minute. Que ce personnage ait abouti, après diverses tribulations, et quinze ou vingt ans après, à ses positions “actuelles”, n'est qu'un exemple de plus — dont l'histoire du mouvement ouvrier fourmille — de ce que avoir épousé des idées justes pendant quelques années ne constitue pas une garantie contre une décomposition mentale et morale ultérieure. »

     Cornelius Castoriadis, Lignes no 4, p. 223

  4. Igounet, p. 182-187.
  5. À cette date, il n'existe qu'une université : l'université de Paris, divisée en facultés, localisées soit à la Sorbonne, soit à Nanterre (lettres, droit), soit à Censier (sciences), etc.
  6. Igounet, p. 194.
  7. Igounet, p. 232.
  8. Igounet, p. 246-247.
  9. Igounet, p. 656.
  10. Une lettre avait été envoyée par Chomsky pour soutenir le droit de Faurisson à s'exprimer – « Some Elementary Comments on The Rights of Freedom of Expression » – mais Chomsky n'était pas informé que cette lettre servirait de préface à un ouvrage. Voir « Noam Chomsky et les médias français » sur Acrimed.
  11. Igounet, p. 228.
  12. Igounet, p. 257-260.
  13. Igounet, p. 469 et 470.
  14. Voir le paragraphe « Des militants fourvoyés de l'ultra-gauche » dans l'article « Négationnisme » dans le tome 14 de l'Encyclopædia Universalis, disponible sur le site PHDN.
  15. Voir en particulier les textes collectifs d’octobre 1980 et de 1992 contre Pierre Guillaume.
  16. Emmanuel Ratier (préf. Henry Coston), Encyclopédie des pseudonymes, t. I, Paris, Faits et Documents, , 330 p. (ISBN 2-909769-10-0), p. 294.
  17. Voir sur data.bnf.fr.
  18. Valérie Igounet, Robert Faurisson : portrait d'un négationniste, Paris, Le Seuil, coll. « Médiations », , 455 p. (ISBN 978-2-207-25998-6), p. 331.
  19. Article du numéro 8-9 sur mondialisme.org.
  20. « Un éditeur révisionniste arrêté dans le Loiret », LibéOrléans, 11 octobre 2008.

Voir aussi

Bibliographie

L'extrême gauche

  • Richard Gombin, Les origines du gauchisme, Paris, Éditions du Seuil, Collection Politique, 1971
  • Christophe Bourseiller, Histoire générale de l'ultra-gauche, Denoël, 2003

Le négationnisme

Liens externes

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