Marcus Cohn

Marcus Cohn[1], aussi connu comme Marc Mordecai Cohn, (né en 1906 à Strasbourg[2] et mort le [3],[4], à Jérusalem en Israël), est un éducateur juif français, professeur au Séminaire israélite de France et à l'École pratique des hautes études, qui fonde en 1935, l'École Maïmonide (Boulogne-Billancourt), est professeur à l'université hébraïque de Jérusalem et est l'auteur du dictionnaire hébreu-français / français-hébreu publié par Larousse[5].

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Éléments biographiques

Marcus Cohn est le fils aîné[6] de Berthold Cohn, astronome français, d'origine allemande. Berthold Cohn est président de la communauté juive orthodoxe Etz 'Haim de Strasbourg (Kageneck)[7].

Berthold Cold est originaire de Posnanie, devenue province polonaise, pays allié de la France, il est autorisé à demeurer en Alsace après 1919. Il est naturalisé français avec sa famille par décret du .

La mère de Marcus Cohn est Sarah Posen, née à Francfort-sur-le-Main en 1879, meurt à Paris en 1949[8].

Son frère cadet est Jacques Cohn dit "Bô" Cohn, qui participe au sauvetage des enfants juifs durant la Seconde Guerre mondiale dans le cadre de l'OSE[6] Il a deux sœurs, Paula Cohn et Ruth Cohn, cette dernière déportée en 1944[8].

Il est un des membres fondateurs du mouvement de jeunesse religieux Yechouroun[9].

Il est professeur au Lycée de Thionville (Moselle, Lorraine)[10].

Il donne des cours à Strasbourg de notions de langue hébraïque et d'Histoire des Juifs au début de l'ère chrétienne[10].

Marcus Cohn est professeur de Bible[11] au Séminaire israélite de France (SIF). Il y recrute Georges Loinger, le surveillant général, pour l'école qu'il va créer, Maïmonide[12]. Il enseigne aussi à l'École pratique des hautes études[13] où il a comme élèves, David Feuerwerker[14] et Robert Weil

En 1934, Marcus Cohn est chargé de cours de religion à l'École des langues orientales[15].

Marcus Cohn fonde et devient en 1935 le premier directeur de l'École Maïmonide (Boulogne-Billancourt)[16],[17]. Il a brièvement, après la guerre, comme élève: Serge Klarsfeld[18]. Théo Dreyfus lui succède comme directeur de Maïmonide quand Marcus Cohn s'installe en 1949 en Israël. Il devient professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem[10].

Il est spécialiste de la gnose Mandéenne (secte judéo-chrétienne d'Irak et d'Iran). Il est membre du comité directeur de l'Institut Kerem de l'Alliance israélite universelle à Jérusalem où il enseigne la philosophie, les arts et la musique à de futurs professeurs d'enseignement secondaire[15].

Marcus Cohn est l'époux de Rachel Cohn (née Schloss, née le à Hambourg, Allemagne)[19],[20] , veuve de Léo Cohn[21]. De son premier mariage avec Léo Cohn, Rachel a 3 enfants: Noemi Cassuto (née à Strasbourg, le ), un fils: Ariel et une seconde fille: Aviva (née à la frontière suisse)[22]. Marcus et Rachel Cohn ont une fille, Ruthy, qui vit à Kfar Etzion[23].

Il est décédé le à Jérusalem.

Il est l'auteur d'un célèbre dictionnaire hébreu-français et français-hébreu[24],[25].

Portrait de Marcus Cohn

Katy Hazan (2002)[26] donne le portrait suivant de Marcus Cohn et de la création de l'école Maïmonide:

"C’est dans ce contexte d’inquiétude des instances communautaires qu’apparaissent au début du XXe siècle, sans aboutir, les premières initiatives tendant à la création d’un lycée juif, à Paris d’abord puis en Alsace. On eut en particulier l’idée d’utiliser les locaux utilisés par le « petit séminaire », appelé également Talmud Tora, dans le périmètre du Séminaire rabbinique de la rue Vauquelin à Paris, pour y créer un établissement secondaire qui serait à la fois une pépinière pour le Séminaire et une école de formation pour de futurs candidats aux facultés."

"C’est finalement dans les locaux d’une école primaire de la rue Claude Bernard que s’ouvre en 1935 le collège Maïmonide pour prolonger et élargir l’action du petit séminaire. Le premier lycée juif est né : une école secondaire de haut niveau dans le droit fil d’une orthodoxie ouverte qui forme des hommes cultivés, diplômés et intégrés dans la société française, mais dotés aussi d’un socle juif grâce à l’étude des textes : l’idéal, en somme, de l’homme juif des Lumières. Le premier essai d’une école secondaire à plein temps fut, sinon une alternative au modèle de l’« israélitisme », du moins une tentative pour en enrayer les effets négatifs en relevant le niveau culturel juif de tous. Ses archives disparues, il a été malheureusement impossible d’en proposer une étude plus approfondie que ces quelques lignes Malgré nos recherches, nous n’avons pu trouver les..."

"Marcus Cohn en est l’artisan, l’âme et le directeur. Professeur de Bible au Séminaire rabbinique de la rue Vauquelin, c’est, aux dires de tous ceux qui l’ont connu, un universitaire brillant, un hébraïsant émérite, un penseur religieux hors pair et enfin un remarquable pédagogue. Connaissant le yiddish, il sait parler aux enfants, qui, à son contact, apprennent le français en trois mois. Grand, maigre, arborant une petite barbe pointue, les yeux clairs, austère mais souriant, toujours la cigarette au bec, « Cucus » est très respecté. Il mène son petit monde avec un rare savoir-faire, capable aussi bien d’affronter la contestation des élèves [Entretien avec Théo Klein, ] que de pallier les défaillances des enseignants. Grâce à son immense culture, profane comme biblique, il est capable de remplacer au pied levé n’importe quel professeur. De lui, on raconte qu’il sut réécrire en captivité une sidra (section de la Tora), sans la moindre faute. Théo Klein témoigne : « Notre relation avec lui est difficile à faire comprendre à ceux qui ne l’ont pas vécue. Nous le respections, bien sûr ; non parce qu’il était notre directeur et notre maître, mais parce qu’émanaient de lui une force et une disponibilité telles que chacun d’entre nous ressentait une affection admirative, spontanée et irrépressible »."

"Les débuts de l’aventure furent néanmoins difficiles, même si le directeur réussit à intéresser des mécènes comme le banquier Weisweiler, propriétaire d’écuries de courses, ou le marchand de tableaux Wildenstein. Il faut ravitailler l’internat aux Halles deux fois par semaine et l’argent manque car ne paie les études que celui qui peut payer – et beaucoup ne le peuvent pas. Les classes sont petites, le chauffage ne fonctionne pas. Le Consistoire aussi bien que le monde orthodoxe se méfient du personnage hors du commun et marginal qu’est Marcus Cohn comme de l’expérience elle-même, originale à tous égards. Car il s’agit, tout à la fois, de former les cadres juifs de l’avenir, de venir en aide aux enfants d’immigrés désireux de faire des études ou de repêcher des enfants à la scolarité problématique, en offrant un cursus allant de la fin du primaire (classe de 7e) au baccalauréat."

"Pourtant le collège tient le coup. M. Cohn s’entoure de quelques personnes résolues, originaires de Strasbourg comme lui : Georges Loinger, qui enseignait le sport au Séminaire rabbinique, et sa femme, Marc Schiffmann, surveillant des études, et Leo Cohn, professeur d’hébreu moderne et accessoirement professeur de musique. Georges Vajda, le grand érudit, y enseigna le français, mais également Samy Alphan, ancien élève de l’Alliance qui devint en 1945 le directeur de l’hôpital Rothschild. Deux institutrices, anciennes de l’école Bischoffsheim, Mmes Richter et Heymann, s’occupaient des petites classes tandis que d’autres enseignants venaient du public."

 Maïmo » à ses débuts n’est pas un lycée élitiste : peu d’enfants nés en France (environ 10 %), dont une dizaine d’Alsaciens, 10 à 15 % d’enfants venus d’Afrique du Nord, le reste étant des enfants d’immigrés germanophones. Curieusement, l’école Lucien de Hirsch ne lui sert pas de vivier. Marcus Cohn fait du porte-à-porte dans les quartiers populaires de Belleville ou du Pletzl. C’est ainsi qu’Ady Steg, originaire d’une famille tchèque et futur professeur de médecine, fut recruté à l’école des Hospitalières-Saint-Gervais contre la promesse d’obtenir une bourse. Marcus Cohn était un découvreur d’intelligences."

"L’établissement n’est pas orthodoxe : matières profanes et religieuses sont étudiées de manière harmonieuse et s’interpénètrent. Le Talmud est enseigné dès la troisième, ainsi que l’histoire et la littérature juives. Les élèves savent expliquer une page de la Guemara en fin de seconde et connaissent le Tanah. On met les teffilin tous les matins, mais aucune pression n’est exercée. La prière collective récitée à voix basse à la cantine de midi peut durer cinq minutes ou un quart d’heure, selon les participants."

"Enfin, ce n’est pas un lycée ordinaire, puisqu’en 1936 déjà, les méthodes actives de la pédagogie nouvelle y sont appliquées avec beaucoup de bonheur : peu d’élèves par classe, un encadrement dévoué, et des cours le matin seulement (jusqu’à treize heures), pour laisser place aux disciplines d’éveil corporel, manuel et musical. Moyennant quoi, les résultats au baccalauréat furent (et sont toujours) bien supérieurs à la moyenne de ceux de l’académie de Paris."

"L’établissement a dû fermer ses portes avec la guerre. Mais une fois rentré de captivité, Marcus Cohn, poussé par les anciens et pour accueillir un grand nombre d’orphelins de la Shoah, rouvre « Maïmo » et son internat. Les locaux sont définitivement installés dans l’ancien orphelinat Rothschild de Boulogne-sur-Seine, dans une grande maison au milieu d’un parc, là où avaient fonctionné quelques classes à la rentrée scolaire de 1938. Il y est toujours."

"Cette expérience unique pour son époque n’a touché au départ qu’une centaine d’élèves mais elle a rempli sa fonction au-delà de toutes les prévisions, au point de devenir l’institution connue d’où sont issus de nombreux cadres communautaires actuels."

Bibliographie

  • Fernande Schulmann. Les enfants du juif errant. Google eBooks. Éditions L'Harmattan: Paris. (ISBN 2296194044) (ISBN 9782296194045)[27]
  • Joseph Weill. Le combat d'un juste: essai autobiographique. Éditions Cheminement, 2002. (ISBN 2914474601) (ISBN 9782914474603)[21]
  • Katy Hazan et Georges Weill. Andrée Salomon. Éditions Le Manuscrit, 2011[28]. (ISBN 2304235972) (ISBN 9782304235975)
  • Johanna Lehr. La Thora dans la cité. L'émergence d'un nouveau judaïsme religieux après la Seconde Guerre mondiale. Éditions le Bord de l'Eau, 2013[29]
  • (en) Beate and Serge Klarsfeld. Memoirs. Hunting The Truth. Translated from the French by Sam Taylor. Farrar, Straus And Giroux: New York, 2018, (ISBN 9780374279820)

Notes et références

  1. Pour une photo de Marcus Cohn, voir: Photo de Marcus Kohn. 14. Phothèque de l'AIU.
  2. Joseph Voignac. LE COLLÈGE MAÏMONIDE INCARNATION D’UN COMMUNAUTARISME RÉPUBLICAIN. revuedesdeuxmondes.fr. Novembre 2017-janvier 2018, p. 111-119.
  3. Voir, Hazan & Weill, 2011, p. 88, note 3.
  4. Voir, Katy Hazan. Du heder aux écoles nouvelles: l'éducation juive, reflet d'un destin collectif. Archives Juives 2002/2 (Vol. 35) p. 4-25.
  5. « Cohn, Marc Mordecai », sur IdRef
  6. Voir, Marc Breuer: aumônier des EIFF et dirigeant du Yechouroun. Archives juives. Revue d'histoire des Juifs de France No. 42/1 1er semestre 2009, Les Belles Lettres, p. 145 à 148. Johanna Lehr.
  7. Voir, Robert Weyl. La communauté juive de Strasbourg entre le libéralisme et la tradition (1808-1988). Compte rendu d'une conférence faite par M. Robert Weyl dans le cadre du colloque annuel de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine le 13 février 1988 au Centre Communautaire de Strasbourg, paru dans Communauté nouvelle, no. 38, 1988.
  8. Margot Cohn et Georges Weill. Jacques COHN (Bô) Strasbourg, 1916 - Jérusalem 1974. Histoire de l’OSE - Les grandes figures. ose-france.org.
  9. Voir, Dr. Johanna Lehr. "Tora im Derekh Eretz". Le rôle de la Résistance juive dans l'introduction en France de la néo-orthodoxie juive allemande.
  10. Voir, Robert Weyl. La Communauté juive de Strasbourg entre le libéralisme et la tradition (1808-1988). Construction de la nouvelle synagogue.
  11. Voir, Hazan & Weill, 2011.
  12. Voir, Hazan. Extrait de Georges Loinger. Aux frontières de l'espoir, 2006.
  13. Voir, Weil (1912-1992) par MM. Henri et Charles HIEGEL, membres titulaires.
  14. Liste des élèves et des auditeurs réguliers pendant l'année scolaire 1932-1933. Annuaire de l'École pratique des hautes études. Année 1933, p. 85. avec le Professeur Marcus Cohn.
  15. Voir, Margot Cohn et Georges Weill. Histoire de l'OSE. Les grandes figures. Jacques Cohn (Bô) (Strasbourg, 1916-Jérusalem, 1974).
  16. Voir, Histoire de l'école juive en France 1945-2005. FSJU. Département de l'Enseignement.
  17. Voir, « Professeur Ady Steg. Celui qui marche, intègre. La création de l'école Maïmonide. judaism.sdv.fr. »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  18. Voir, Klarsfeld & Klarsfeld, 2018, p. 39.
  19. Voir, (en)Leo Cohn (father of the donor) teaches a young boy to play the flute. United States Holocaust Memorial Museum.
  20. Voir, Frédéric Shimon Hammel. Léo Cohn 1915-1945. Extrait de Souviens-toi d'Amalec. et en particulier son portrait de Rachel.
  21. Voir, Joseph Weill. Le combat d'un juste, 2002, p. 547-548.
  22. Voir, (en) Studio portrait of Rachel Cohn and her three children, Noemi, Ariel and Aviva, upon their arrival in Palestine in 1945. United States Holocaust Memorial Museum.
  23. Voir, Michel Lévy. Précisions au sujet du décès de Léo Cohn. judaisme.sdv.fr. Arrêté à Toulouse le 16 mai 1944, Léo Cohn est déporté par le convoi No. 77 du 31 juillet 1944 de Drancy à Auschwitz.
  24. Voir, Fernande Schulmann. Les enfants du juif errant. Moché Catane y mentionne sa collaboration, p. 53.
  25. Voir, Arthur Cohn. Marcus Cohn. Anwalt der gerichten Sache. Goethe Universität Frankfurt Am Main.
  26. Voir, Du heder aux écoles nouvelles: l'éducation juive, reflet d'un destin collectif.
  27. Voir, Fernande Schulmann. Les enfants du juif errant.
  28. Voir, Katy Hazan et Georges Weill. Andrée Salomon, 2011.
  29. Voir, Johanna Lehr. La Thora dans la cité. 20013. Cahiers Bernard Lazare, mars 2013. Notes de lecture.: "Marcus Cohn et sa conception d'un judaïsme orthodoxe mais respectueux de toutes les nuances autres de la vie juive..."

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