Médecine anthroposophique

La médecine anthroposophique est l'ensemble des pratiques thérapeutiques issues de l'anthroposophie, un courant ésotérique occultiste développé par Rudolf Steiner. Ces pratiques sont apparues en 1920 dans le cadre d'une collaboration entre Steiner et la doctoresse Ita Wegman.

Médecine non conventionnelle, elle fait l'objet d'une controverse quant à ses objectifs et son efficacité au regard des standards de la médecine fondée sur les faits.

Concepts de base

La médecine anthroposophique dit prendre en compte les bases scientifiques de la médecine conventionnelle et proposerait[évasif] de les compléter par une étude des forces éthériques et « du plan suprasensible jouxtant le plan matériel »[1]. Elle se rapprocherait[évasif] ainsi de disciplines occultes telles que l'alchimie et l'astrologie, ou de courants religieux tels que la théosophie, dont l'anthroposophie résulte directement[2].

Dans l'anthroposophie la maladie est vue comme un message divin lié au karma et à la réincarnation :

« Steiner, le fondateur de l'Anthroposophie, cet ésotérisme mystique et délirant[3] qui est derrière les écoles Steiner-Waldorf, pensait que les maladies sont envoyées par les Dieux pour nous aider à vaincre nos péchés, dans le cadre de la réincarnation. Ainsi, un vaccin, en empêchant de faire une maladie que vous devez avoir dans cette vie, sera un handicap dans une prochaine incarnation, car il entrave un processus karmique[4]. »

La place des maladies en tant que "dette karmique"

La médecine anthroposophique conçoit la maladie et la guérison comme deux forces déjà présentes en l'être humain : elle rejette le concept d'immunité. Dans cette conception anthroposophique de la santé, la maladie constituerait une épreuve spirituelle que le malade doit traverser pour se métamorphoser[5].

Maladies infantiles

La médecine anthroposophique prête aux maladies infantiles un pouvoir de métamorphose qui confère à l'enfant malade « des facultés nouvelles ». Les maladies infantiles, puisqu'elles s'accompagnent d'inflammations spécifiques de la peau, seraient l'expression de la forme nouvelle de l'enfant : de sa « mue » (physique et karmique). Les maladies infantiles seraient ainsi dotées d'une mission qui, une fois accomplie, ne se répète plus[5].

Cancer

Dans la médecine anthroposophique, le cancer résulte d'un dérèglement dû à des « forces formatrices » (les forces éthériques, d'ordre surnaturel). Ce dérèglement des « forces formatrices » a une explication "karmique".

Les médecins anthroposophes préconisent notamment pour soigner le cancer de l'extrait de gui blanc (Viscum album) fermenté, commercialisé sous le nom d'Iscalor par la firme anthroposophique Weleda. Ce traitement provient d'une vision de Steiner datant de 1917 : « Selon les indications de Rudolf Steiner, ce n’est que par le mélange approprié des extraits de gui d’été et d’hiver que le gui peut déployer son “véritable pouvoir de guérison” du cancer »[6]. Vendu comme un anti-tumoral, et très utilisé dans les années 1980 dans le but de traiter différents cancers en Suisse et en Allemagne (foyers de la doctrine anthroposophique), son inefficacité a depuis lors été établie et son emploi déconseillé par la Société suisse d'Oncologie et la Ligue suisse contre le cancer[7],[8].

Selon un ancien adepte qui a passé plus de 30 ans sous l'emprise de l'anthroposophie, de nombreux adeptes atteints d'un cancer ont refusé d’être soignés en France et ont opté pour une clinique anthroposophique à l’étranger, se souvient-il. En guise de soins, ils y ont reçu des injections d’Iscador, de l’homéopathie et participé à des séances d’art-thérapie. Aucun n’est jamais revenu. Certains ont légué tous leurs biens à l’anthroposophie[6].

Pratique de la médecine anthroposophique

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La médecine anthroposophique n'est reconnue par aucune autorité médicale en Europe, à l'exception de la Suisse depuis 2016, en dépit d'une « incapacité à répondre à l'exigence légale d'efficacité » constatée à l'issue de la période d'essai[9].

Comme pour toute intervention à visée thérapeutique sur un malade, l’exercice de la médecine anthroposophique est légalement réservé aux médecins diplômés, reconnus et agréés comme médecins par les administrations compétentes de leurs pays (en France, il s'agit du délit d'exercice illégal de la médecine, prévu et réprimé par les articles L4161-1 à L4161-6 du Code de la santé publique[10]). Les connaissances médicales nécessaires à tout médecin, sont requises, mais il s'y ajoute une formation spécifique à la médecine anthroposophique (Cycles de formations de base et de formations médicales continues).

La fédération internationale des associations médicales anthroposophiques (IVAA) a élaboré en 2003 des critères internationaux de compétence en médecine anthroposophique. La médecine anthroposophique serait pratiquée en cabinet médical ainsi qu’en milieu hospitalier par environ 2000 médecins dans le monde (en 2008)[réf. nécessaire]. Environ 30 000 médecins connaitraient et prescrivent des médicaments anthroposophiques[11][source insuffisante]. Il existerait une vingtaine d’hôpitaux et établissements de soins, publics ou privés[réf. nécessaire]. L’établissement hospitalier le plus ancien est la clinique fondée par Ita Wegman en 1921 et qui porte aujourd’hui son nom, Ita Wegman Klinik, à Arlesheim, Suisse. Les deux plus importants en nombre de lits sont situés en Allemagne : l’hôpital public Gemeinschaftskrankenhaus Havelhöhe à Berlin (310 lits), fondé en 1995 et l’hôpital Gemeinschaftskrankenhaus Herdecke à Herdecke dans la Ruhr (450 lits).

Traitement anthroposophique

Les remèdes anthroposophiques sont sélectionnés selon des croyances anthroposophiques": « la guérison acquiert une dimension cosmique »[5].

La médecine anthroposophique dit prendre en compte l'aspect strictement individuel de la maladie, relevant de la dimension "karmique" notamment par des « thérapies artistiques » inventées par Rudolf Steiner telles que l’eurythmie curative. Elle conçoit l'activité artistique comme un moyen de prévention « contre les influences pathogènes » et « d'éveiller les forces créatrices de l'âme »[5].

Risques en santé publique

La non acceptation de la vaccination par l'anthroposophie pour des motifs liés à la croyance en des réincarnations karmiques est mentionné dans de nombreux rapports d'enquête, et dans plusieurs pays. Yves Casgrain, du Québec, note lui aussi que dans l'anthroposophie, les vaccins sont mal perçus car ils retarderaient la dette karmique[4]. Malgré le recours à un vocabulaire « karmique », la médecine anthroposophique n'en tire pas les mêmes conclusions que les traditions indiennes, notamment en ce qui concerne l'opposition à la vaccination[12] qui ne trouve aucun écho dans le bouddhisme, le jaïnisme ou l'hindouisme[13], celles-ci étant toutes favorables à cette mesure de santé publique, largement pratiquée et acceptée en Inde.

Vendu comme un anti-tumoral, l'Iscalor est très utilisé dans les années 1980 dans le but de traiter différents cancers en Suisse et en Allemagne (foyers de la doctrine anthroposophique), son inefficacité a depuis lors été établie et son emploi déconseillé par la Société suisse d'Oncologie et la Ligue suisse contre le cancer[7],[8].

Michel Onfray ajoute à ce sujet que chacun a droit à ses croyances mais qu'il est grave d'imposer sous couvert de spiritualité une médecine ou une pédagogie sur les bases d'une doctrine occultiste et pseudo-scientifique telle que l'anthroposophie : « Mais il y a également une médecine anthroposophique, une pharmacie anthroposophique, une pédagogie anthroposophique avec ses écoles concrètes. Qu’un vin soit imbuvable, rien de bien grave. Que des agriculteurs vendent sur le marché des produits ayant goûté de l’extrait d’achillée en vessie de cerf ou de l’écorce de chêne dans le crâne de son chat domestique, rien de dramatique non plus. Mais que des médicaments et des soins soient prodigués à des malades ou des enseignements à de jeunes enfants selon les principes astrologiques, occultistes, ésotériques de l’anthroposophie, voilà qui est plus grave. » [14]

En , le secrétaire d'état à la Santé a rappelé que « la médecine anthroposophique, initiée par Rudolf Steiner, s'inspire d'une tradition mystique et ésotérique d'origine occidentale » et qu'elle n'est pas « une technique médicale reconnue, ne faisant l'objet d'aucune évaluation attestée »[2].

D'autres critiques sont liées au fait que la médecine anthroposophique utilise, entre autres, des remèdes préparés de façon pseudo-homéopathique et ésotérique.

Pour l'avoir longtemps pratiquée comme élève puis comme adepte, le lanceur d'alerte Grégoire Perra affirme que la médecine anthroposophique est du charlatanisme. Il dénonce la non-vaccination des enfants, le personnel de l'école faisant seulement semblant de procéder à la vaccination : « Il préparait l'aiguille avec le sérum, mais ne piquait pas, et le sérum s'écoulait juste à côté »[15]. Il prend aussi l'exemple d'un remède populaire antérieur à l'anthroposophie[16] et qui serait utilisé par des médecins anthroposophes pour « soigner un nourrisson qui a une otite et fait des convulsions en lui mettant des oignons frits dans l’oreille, afin que ceux-ci absorbent le mal qui est en lui[17] ».

Pendant la pandémie de COVID-19, divers « médecins anthroposophes » ont proposé leurs analyses et traitements de la maladie (poussière de météorite, gingembre, méditation, eurythmie, « salutogenèse »[18]...), sans jamais de succès et souvent en alimentant le complotisme (dénonçant par exemple des liens avec la 5G[19]) et surtout un commerce juteux[20]. En réalité, la médecine anthroposophique, fondée avant la découverte des virus et n'ayant pas beaucoup évolué depuis, récuse l'existence même des virus, qu'elle voit comme « l’excrétion d’une cellule empoisonnée »[21].

Au Brésil, la conseillère santé du président Jair Bolsonaro, Nise Yamaguchi, est une fervente partisane de l'anthroposophie, et a fait pression pour empêcher toute prise en charge de la COVID-19, s'opposant notamment à la vaccination et faisant la promotion de l'hydroxychloroquine de Didier Raoult, médicament qui ne fait pourtant pas partie de la pharmacopée anthroposophique mais très prisé de la mouvance complotiste[22]. La pandémie de Covid-19 au Brésil a été l'une des plus meurtrières au monde, et la prolifération incontrôlée du virus a permis l'émergence d'un variant local encore plus dangereux[23].

Objet d'étude

La validation des concepts et des traitements anthroposophiques a fait l’objet de recherches aux niveaux biologique et clinique, portant sur les médicaments, les méthodes thérapeutiques, les outils conceptuels, ainsi que sur l’efficacité, la sécurité et les coûts[24]. La recherche méthodologique s’intéresse à la validation de l’approche clinique individuelle, en lien avec l’expertise individuelle du praticien (Cognition Based Medicine), en contrepoint à la validation statistique dont le format standard est l’essai randomisé contrôlé, base de la “ médecine basée sur les preuves ” (Evidence Based Medicine) :

  • L’ouvrage de synthèse : “ Anthroposophic Medicine, Effectiveness, utility, costs, safety ” [25] donne une vue d’ensemble des résultats de la médecine anthroposophique, de son extension ainsi qu’une revue bibliographique complète des publications récentes. Cet ouvrage rédigé initialement à la demande des autorités sanitaires suisses obéit au format administratif d’un HTA Report (rapport d’évaluation d’une technologie de santé).
  • Lancée en 2004, l’étude AMOS (Antroposophic Medicine Outcomes Study)[26] se fixe pour objectif de valider globalement la médecine anthroposophique dans ses différentes orientations thérapeutiques[27],[28].
  • En Suisse, à l'issue de deux périodes d'essai de six ans entre 1999 et 2012 (concernant quatre thérapies dites alternatives), le ministère de la santé a conclu à une totale « incapacité à répondre à l'exigence légale d'efficacité » pour la médecine anthroposophique[9].

Les différents médicaments à base d’extraits de gui (Viscum album), utilisés dans le traitement complémentaire d’affections graves y compris d’affections cancéreuses, ont récemment fait l’objet d’une évaluation collective basée sur les essais randomisés contrôlés[27]. Leur inefficacité a depuis lors été établie et leur emploi déconseillé par la Société suisse d'Oncologie et la Ligue suisse contre le cancer[7],[8].

Bibliographie

  • L'Homme et les plantes médicinales, Tome 1, 3e édition revue et augmentée, Wilhelm Pelikan, 09/2003, Ed. Triades - (ISBN 2-85248-234-7)
  • L'Homme et les plantes médicinales, Tome 2, 3e édition revue et augmentée, Wilhelm Pelikan, 07/2006, ed. Triades - (ISBN 2-85248-235-5)
  • L'Homme, les plantes médicinales et les êtres élémentaires, Tome 3, Wilhelm Pelikan, 01/1990, Ed. Triades - (ISBN 2-85248-129-4)
  • Données de base pour un élargissement de l’art de guérir Steiner R. Wegman I. (ISBN 2-85248-158-8)
  • La Médecine à l’image de l’Homme Husemann H, Wolff O. TI-II. (ISBN 2-85248-162-6). TIII. (ISBN 2-9511467-2-8)
  • La médecine anthroposophique Bott V. (ISBN 2-85248-254-1)
  • Médecine intuitive Fintelmann V. (ISBN 2-915804-02-8)

Liens

Notes

  1. Victor Bott, Les Forces de Vie, Paris, Centre Triade, , 110 p. (ISBN 2-85248-072-7)
  2. Paul Ariès, Anthroposophie : enquête sur un pouvoir occulte, Villeurbanne, Golias, , 288 p. (ISBN 2-914475-19-5)
  3. Léonce de Grandmaison et Joseph de Tonquédec, La Théosophie et l'Anthroposophie, Éd. Gabriel Beauchesne et ses fils, Paris, 1939, Chap 2,p. 136.
  4. Agence Science-Presse, « Dans les entrailles de l'anthroposophie », (consulté le ).
  5. Walter Holtzapfel, La Médecine de l'Avenir, Paris, Centre Triades, , 95 p. (ISBN 2-85248-106-5)
  6. Jean-Baptiste Malet, « L’anthroposophie, discrète multinationale de l’ésotérisme : Éducation, santé, agriculture, banques : les bonnes affaires des disciples de Rudolf Steiner », Le Monde diplomatique, no 772, , p. 16 - 17 (lire en ligne).
  7. S. Schraub, La Magie et la Raison, Médecines parallèles, psychisme et cancer, Calmann-Lévy, (ISBN 2-7021-1554-3), p. 125-129.
  8. (en) « Unconventional Cancer Treatments - Chapter 4: Herbal Treatments », sur Quackwatch
  9. Ying Zhang et Jie Guo Zehnder, « Pourquoi l’homéopathie est couverte par l'assurance maladie suisse », sur swissinfo.ch, .
  10. article L4161-5 du Code de la santé publique
  11. « IVAA Home », sur IVAA (consulté le ).
  12. Michèle Singer, « Une menace de fermeture pèse sur les écoles Rudolf-Steiner », sur http://www.prevensectes.me, Les Dernières Nouvelles d'Alsace,
  13. (en) « Immunizations and Religion », sur healthandwellness.vanderbilt.edu.
  14. Michel Onfray, Cosmos : Une ontologie matérialiste, Flammarion, , 573 p., chap. 4 (« Théorie du fumier spirituel »)
  15. Isabelle Burgun, « L'anti-vaccination sur les bancs d'école », Agence Science-Presse, (lire en ligne)
  16. L'Oreille et ses maladies, G. Steinheil, (lire en ligne)
  17. http://www.unadfi.org/la-m%C3%A9decine-anthroposophique La médecine anthroposophique. UNADFI
  18. Adrien Miqueu, « Se protéger du Covid selon l’anthroposophie: du soleil, des dessins et de la danse », sur heidi.news, .
  19. Adrien Miqueu, « Ce que l'anthroposophie dit de Covid-19: une maladie avant tout symbolique », sur heidi.news, .
  20. Thomas Mahler, « Poussière de météorite, gingembre... Les curieux remèdes des anthroposophes face au Covid », sur L'Express, .
  21. Antonio Fischetti, « Pour la médecine anthroposophique, le coronavirus c’est la faute de la 5G », sur Charlie Hebdo, .
  22. (pt) Rafael Barifouse, « Quem é Nise Yamaguchi, a médica que aconselha Bolsonaro, defende a cloroquina e vai depor na CPI da Covid », sur g1.globo.com, .
  23. https://coronavirus.politologue.com/coronavirus-bresil.BR
  24. Kienle, Gunver Sophia, Kiene, Helmut et Albonico, Hans Ulrich, Anthroposophic medicine : effectiveness, utility, costs, safety, Schattauer, , 350 p. (ISBN 978-3-7945-2495-2, lire en ligne)
  25. Anthroposophic Medicine, Effectiveness, utility, costs, safety de G.S. Kienle, H. Kiene, H.U. Albonico 2006. (350 pages) Schattauer Gmbh
  26. Ernst E. Wien Klin Wochenschr. 2004 Feb 28;116(4):128-30. Hamre HJ et al.: Anthroposophic therapies in chronic disease: The Anthroposophic Medicine Outcomes Study (AMOS). Eur J Med Res 2004, 9:351-60
  27. Horneber MA, Bueschel G, Huber R, Linde K, Rostock M. Mistletoe therapy in oncology (Review), Cochrane review 2008, Issue 2
  28. Hamre HJ et al.: Use and safety of anthroposophic medications in chronic disease. A 2-year prospective analysis. Drug Saf 2006, 29(12):1173-89

Voir aussi

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