La Défense de Paris (groupe sculpté)

La Défense de Paris est un groupe sculpté de Louis-Ernest Barrias, inauguré le au carrefour de Courbevoie (nommé par la suite rond-point de la Défense et aujourd'hui disparu) sur le territoire de la commune de Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, à l'ouest de Paris.

Pour l’article homonyme, voir La Défense de Paris (chant).

Il honore la mémoire des victimes militaires et civiles tombées lors du siège de Paris pendant la guerre franco-allemande de 1870. Cette statue a donné son nom au quartier d'affaires de La Défense où la statue se dresse toujours et dont elle est l'une des œuvres d'art.

Contexte historique

En 1879, les républicains devinrent majoritaires au parlement et s'installèrent définitivement au pouvoir. Le nouveau régime chercha à se démarquer de la république de l'Ordre moral de Mac Mahon. Il tint à rappeler la politique de défense nationale que les républicains avaient menée de à pendant la guerre franco-allemande de 1870.

En honorant la défense de Paris, les républicains manifestèrent également leur volonté de réintégrer la capitale dans la communauté nationale et d'en finir avec les divisions nées de la Commune de Paris[1].

L'édification de monuments commémoratifs toucha aussi à l'ordre symbolique : la IIIe République fut parcourue de l'échelon national à l'échelon local, à partir des années 1880, par une « statuomanie » sans précédent allant des Bourgeois de Calais de Rodin au Triomphe de la République de Jules Dalou, valorisant les « petites patries » aussi bien que la grande.

Histoire du monument

Un concours de grands artistes

Pour commémorer la défense héroïque de Paris contre les Prussiens au cours de la guerre de 1870-1871, la préfecture de la Seine organisa en 1879 un concours pour l'érection d'un monument au rond-point de Courbevoie. Situé à l'extrémité de l'avenue de Neuilly et dans la perspective de l'Arc de triomphe de l'Étoile, c'est là que, le , s'étaient rassemblés les gardes nationaux avant la dernière bataille de Buzenval.

Une centaine d'artistes concoururent dont Gustave Doré, Auguste Bartholdi, Carrier-Belleuse, Alfred Boucher, Alexandre Falguière et Auguste Rodin.

Le choix des jurés se porta sur le projet de Louis-Ernest Barrias.

Le monument fut érigé sur ce qui était le rond-point de Courbevoie jusqu'en 1965 et installé sur un socle déjà en place qui, jusque-là, avait supporté une statue de Napoléon Ier, celle qui était à l'origine sur la colonne Vendôme de 1833 à 1863 (aujourd'hui aux Invalides). L'emplacement est devenu depuis le quartier d'affaires de La Défense, auquel le groupe de Barrias a donné son nom. À cause des travaux, il fut démonté et remisé pendant plusieurs années, avant d'être réinstallé le , cent ans après son inauguration et sensiblement au même emplacement qu'auparavant.

Projet rejeté de Rodin

Rodin vit son projet, intitulé L'Appel aux armes[2], rejeté par le jury dès la première sélection[1] ; il a été placé en 1937 dans le jardin du musée Rodin, selon la volonté du sculpteur. En 1916, le projet a aussi été choisi par le comité néerlandais de la Ligue des pays neutres, qui voulait élever un monument commémoratif de la défense de Verdun ; l'agrandissement au quadruple fut réalisé en 1917-1918, et le monument inauguré à Verdun le [3].

Une inauguration mouvementée

Le , une foule très nombreuse (estimée à plus cent mille personnes) assista à l'inauguration par Pierre Waldeck-Rousseau, ministre de l'Intérieur.

La cérémonie débute à 16 h par vingt-et-un coups de canon tirés du mont Valérien. La musique de la garde républicaine joua La Marseillaise. Après les discours d'usage rendant hommage au patriotisme des combattants et au courage héroïque des Parisiens assiégés, l'inauguration s'acheva par un défilé militaire.

Après le départ des autorités, le public put enfin s'approcher du monument, placé au centre de la place et qui est installé sur un socle de granit, entouré par une grille en fer, ornée d'une lanterne à gaz aux quatre angles[4].

Lors de l'inauguration, des partisans de la Commune de Paris troublèrent la cérémonie patriotique, en commémoration des affrontements du entre les fédérés de la garde nationale et l'armée versaillaise du gouvernement issu des élections du réfugié à Versailles. Un drapeau rouge fut déployé, et l'on put entendre clamé « longue vie à l'amnistie, longue vie à la république sociale »[5].

Rond-point de la Défense

La statue va donner son nom au carrefour, appelé alors rond-point de la Défense au centre duquel elle se dresse alors. En 1928, l'appellation « DÉFense » fut jugée suffisamment représentative pour être choisie comme indicatif téléphonique qui desservira la commune de Courbevoie jusqu'en , où il sera remplacé par sa combinaison chiffrée « 333 ».

Ce rond-point va perdurer jusqu'au début de la création du nouveau quartier de La Défense auquel la statue a donné son nom[6]. Il existe encore à l'inauguration du CNIT en 1958, construit juste au nord-ouest du rond-point[7].

La statue en 2010, surélevée dans un patio.

Différents déplacements avec le développement du quartier d'affaires

Avec le développement du quartier d'affaires, la statue va être déplacée plusieurs fois dans les années 1970, lors de la construction de la gare RER, puis du parvis et enfin du centre commercial des Quatre Temps (achevé en 1981)[7]. La construction du parvis entraine la disparition du rond-point[7]. Au début des années 1980, la statue se trouve dans un patio, entre la place de la Défense et l'esplanade, à quelques dizaines de mètres à l'est de son emplacement initial[7]. Mais ce patio, situé en contrebas du plan de l'axe de la Défense rend la statue peu visible[7].

En , elle est retirée du patio pour être placée un peu plus à l'est, sur l'esplanade, à mi-chemin entre la Grande arche et la Seine et ainsi la rendre plus visible du public[7].

L’œuvre

Il s'agit d'un groupe sculpté, coulé en bronze par le fondeur Henri Léon Thiébaut, représentant les trois figures qui symbolisent la défense de Paris :

  • une femme, vêtue de l’uniforme de la garde nationale, appuyée sur un canon et tenant un drapeau, représente la figure allégorique de la ville de Paris ;
  • les défenseurs prennent les traits d’un jeune mobile affaissé qui place une dernière cartouche dans son fusil d'infanterie à tabatière modèle 1867. Les deux figures regardaient vers Buzenval, lieu des derniers combats en  ;
  • de l’autre côté du monument, une fillette prostrée qui, par son expression triste et son apparence misérable, personnifie les souffrances de la population civile.

Barrias se serait inspiré, pour son œuvre, de celle d'Amédée Doublemard, La Défense de la barrière de Clichy ou monument au Maréchal Moncey de la place de Clichy à Paris[8]. En 1882, Antonin Mercié présentait au Salon, Quand même !, un groupe d'une composition très proche et qui rendait hommage aux défenseurs de Belfort. Il est fondu en bronze et inauguré en 1884.

Notes et références

  1. « La Défense de Paris », sur L'Histoire par l'image.
  2. « La Défense », Musée Rodin.
  3. « Monument la Défense ou l'Appel aux armes – Verdun », sur e-monumen.net.
  4. « Le monument commémoratif de la Défense de Paris », La guerre de 1870, Archives départementales des Hauts-de-Seine.
  5. (en) Karine Varley, Under the Shadow of Defeat. The War of 1870-71 in French Memory, Basingstoke, Palgrave Macmillan, (ISBN 978-0-230-00519-8), p. 142-150.
  6. « Histoire de La Défense », sur Defense-92.fr (consulté le ).
  7. Florence Hubin et David Livois, « La statue de La Défense sort de son trou », Le Parisien, .
  8. « Monument au maréchal Jeannot de Moncey – Paris, 9e arr. », sur e-monumen.net.

Annexes

Bibliographie

  • Georges Weill (dir.), La Perspective de la Défense dans l'art et l'histoire, Nanterre, Archives départementales des Hauts-de-Seine, , 236 p. (ISBN 2-86092-002-1), chap. 5 (« La statue de la Défense »), p. 123–165 :
    • Véronique Magnol-Malhache, 5.1 « Le rond-point de Courbevoie et ses statues », p. 123–131.
    • Denis Lavalle, 5.2 « Le monument de la Défense et la statuaire du XIXe siècle », p. 132–153.
    • Véronique Magnol-Malhache, 5.3 « La symbolique du drapeau », p. 154–157.
    • Patrick Chamouard, 5.4 « Un après-midi d'été 1883 : l'inauguration de la statue », p. 157–165.
  • Daniel Imbert, « Le monument de la Défense de Paris : 1879-1889 », dans Guénola Groud et Daniel Imbert, ill. Jacques Tardi, Quand Paris dansait avec Marianne (catalogue d'une exposition au Musée du Petit Palais du au ), Paris, Paris Musées, , 299 p. (ISBN 2-7376-2644-7), p. 86–103.
  • Catherine Boulmer, « Groupe sculpté : La Défense de Paris », pour l'Inventaire général du patrimoine culturel, 1993, dans la base Palissy, ministère de la Culture, notice no IM92000594.
  • Janice Best, Les monuments de Paris sous la Troisième République : Contestation et commémoration du passé, Paris, L'Harmattan, coll. « Histoire de Paris », , 282 p. (ISBN 978-2-296-11413-5), chap. 3.2 (« La Défense de Paris 1870–1871 »), p. 95–107.
  • (en) Michael Dorsch, French Sculpture Following the Franco-Prussian War, 1870-1880 : Realist Allegories and the Commemoration of Defeat, Farnham, Ashgate, (réimpr. 2016), 206 p. (ISBN 978-1-4094-0352-4), chap. 4 (« The Soldier's Bandaged Foot: State Sponsorship of the Image of Defeat in the 1879 Concours for the Monument to La Défense de Paris »), p. 107–132.

Articles connexes

Liens externes

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