Jean Meunier

Jean Meunier est un homme politique, ancien ministre et journaliste français, né le à Bourges (Cher) et mort le à Tours (Indre-et-Loire).

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Biographie

Né à Bourges le d'un père imprimeur, fervent socialiste, il entre à la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) en 1926, la même année que son mariage en avril avec Raymonde Béguet (fille d'un cheminot syndicaliste, licencié après la grande grève de 1920, née le et décédée le ). Il est le père d'une fille, Mireille, née le , sociologue, et le grand-père de la journaliste Nathalie Saint-Cricq[1].

En 1934, Jean Meunier est nommé secrétaire de la Fédération Socialiste d'Indre-et-Loire. Aux élections municipales de 1935 il est élu Conseiller municipal sur la liste de Ferdinand Morin, maire de Tours depuis 1925. En 1936, à l'instigation de ce dernier, il se présentera aux élections législatives comme député de la 3e circonscription de Tours et, les six premiers placés devant lui s'étant désistés, il deviendra l'un des plus jeunes députés de cette Chambre du Front populaire, en tant que député SFIO du Front populaire. C'est à contrecœur, mais par discipline de parti, qu'il votera pour les Accords de Munich.

"C'est parce qu'il est député, bien que réformé" que Jean Meunier s'engagera fin octobre 1939 dans la 9e Section des Infirmiers pour y recevoir une formation et c'est avec le grade de sous-lieutenant qu'il sera dirigé vers le théâtre des opérations, en Sarre,le . Il sera fait prisonnier à Saint-Dié le et libéré en tant que sanitaire le .

Lors d'une réunion informelle qui se tiendra à la mairie de Tours, le , sous la présidence de Ferdinand Morin, force lui sera de constater que la plus grande majorité des responsables de la SFIO, et notamment le maire, se révèle, soit pacifiste, dans la mouvance de Paul Faure, soit attentiste, soit, pire encore, pour la collaboration. C'est ce qu'il notifiera dans un rapport adressé à Londres le . Secondé de quelques fidèles, il prendra en charge la reconstitution du Parti Socialiste clandestin.

À la demande du Colonel Rémy, il organise et dirige en Touraine le réseau CND-Castille puis en 1942, à la demande d'Henri Ribière, le Mouvement Libération-Nord qu'il anime jusqu'à la libération de Tours, le , date à laquelle il est nommé maire de la ville, fonction qu'il assumera jusqu'en 1947. Le socialiste Marcel Tribut lui succède, Jean Meunier sera son adjoint[2].

Fondateur, en 1944, avec Pierre Archambault du quotidien d'information la Nouvelle République du Centre-Ouest, il restera président de ce journal jusqu'à sa mort en 1975.

Au lendemain de la Libération, il est président de l'Association de la presse démocratique et de son émanation l'Agence coopérative d'information.

Il est aussi Directeur du Réveil socialiste d'Indre et Loire, hebdomadaire de la SFIO dans lequel le romancier d'extrême droite A.D.G. fit, très jeune, ses premières armes de rédacteur.

Battu aux élections législatives de 1958 par Jean Royer, il participe activement à la vie de la Nouvelle République du Centre-Ouest, dont il est le principal éditorialiste.

Fonctions

Les socialistes tourangeaux dans la Résistance (1940-1944)

Dans une lettre adressée par Guy Mollet, le , à Jean Meunier, celui-ci lui demande d'envoyer à Roger Quilliot qui prépare une Histoire du Parti Socialiste de 1944 à 1968, un rapport sur les activités du parti durant l'occupation afin d'y consacrer un chapitre. Jean Meunier intitulera ce rapport: Les Socialistes Tourangeaux dans la Résistance. C'est le document le plus complet sur les activités clandestines que l'on puisse présenter puisqu'il fut rédigé par celui qui était chargé de la Résistance en Indre-et-Loire.

"Si je peux témoigner c'est que mes activités ont été multiples, que des responsabilités m'ont été confiées, que j'ai échappé à la Gestapo et que j'ai survécu. De nombreux socialistes tourangeaux ont choisi la Résistance, notamment ceux que j'ai sollicités, connaissant leurs sentiments, leur courage, leur amitié. Beaucoup sont tombés dans un combat qui nous fut commun. Je suis donc obligé, pour évoquer le rôle des disparus, des survivants, de rappeler le mien.

LE C.N.D.- CASTILLE :

Fin 1941, un radio d'un service anglais nous est envoyé par le Dr Émile Aron, membre du P.S. et ami personnel. Je l'abrite et l'installe à Tours où il va assurer pendant des mois la liaison radio avec Londres. Je fais parvenir un long rapport écrit à Félix Gouin et je demande à m'engager dans les F.F.L.. Je reçois la visite d'un délégué du C.N.D. qui m'engage et me charge d'organiser un S.R. régional. Je ferai appel, entre autres, à plusieurs membres du parti: Marcel Nay, Marcel Ballon, Kléber Gaudron et A.-M. Marteau.

Parti socialiste clandestin :

Mon père m'a laissé la gérance de son imprimerie qui me fait une couverture et me permet de fabriquer, la nuit, quantité de matériel: cachets de Préfecture, imprimés officiels, cartes d'identité, tracts (notamment des tracts pour le Parti Socialiste clandestin que j'adresse à Charles Dumas[Lequel ?], à Paris, en les "enrobant" dans des faux livres techniques). Parallèlement à mon travail de S.R. (C.N.D.), je participe à la formation du P.S. clandestin. Sans doute par Henri Ribière, je retrouve des camarades résistants. Je rencontre plusieurs fois, à Paris, chez Lagrosillière, Daniel Meyer, Charles Dumas, Robert Verdier, Jean Texcier, Amédée Dunois, Jean Biondy, Raoul Évrard et probablement d'autres.

Libération-Nord :

Au début 1942, Henri Ribière me demande d'organiser Libé-Nord en Touraine. À cette époque, je reçois notamment à l'imprimerie Bothereau, Gazier, Deniau... Pour constituer le mouvement dont je serai responsable jusqu'à la Libération, je fais naturellement appel à tous les socialistes déjà contactés (dont je parle plus loin).

ANNÉE 1943 - ACCIDENTS SUCCESSIFS :

Au début de 1943 Libé-Nord est organisé. Des groupes sont constitués et le matériel arrive par parachutage. En juin, un résistant est arrêté que j'avais reçu et aidé (Consulter le site Pierre Culioli). J'apprends par mes agents C.N.D. que des membres de son organisation sont recherchés en Indre-et-Loire. Je les fais prévenir et je cesse de coucher chez moi. Quelques semaines plus tard, un de mes agents C.N.D. est arrêté dans une affaire qui n'a rien à voir avec la Résistance, mais confie aux gendarmes son activité. Je décide de "disparaître". Je préviens le personnel (dont je sais que plusieurs membres avaient une activité résistante) que je suis sujet à des hémoptysies et que l'imprimerie ne rouvrira qu'après les congés payés. Enfin, probablement par une trahison qui ne sera jamais élucidée, les Allemands arrêtent plusieurs membres de Libé-Nord à la suite d'un parachutage. Ma femme et ma fille (alors âgée de sept ans) doivent fuir précipitamment et échappent deux fois de justesse à la Gestapo qui les poursuit. Raymonde Meunier revient cependant à Tours pour prévenir les camarades menacés. Certains obéissent au mot d'ordre. D'autres n'en tiennent pas compte et c'est une catastrophe en chaîne. Celui qui faisait la liaison (Chérioux) entre le centre et quatre départements est arrêté. Libé-Nord est décapité, non seulement en Indre-et-Loire, mais dans le Cher, le Loir-et-Cher et le Loiret. Alors que ma femme travaille sous un faux nom, je fais la navette entre Paris et Tours, sous déguisements et pseudos variés. Ma belle-mère est arrêtée. La Gestapo la questionne, la met en présence de Chérioux, en observant la rencontre par la (illisible), constate qu'elle ne le connaît pas. Elle est relâchée. Un message dont j'ai toujours ignoré l'origine, passe à la B.B.C. indiquant: "Jean Meunier et sa compagne sont arrivés à Londres." Pendant quelque temps la Gestapo me croit hors de France. De Paris, je continue à diriger mon réseau et l'organisation régionale de Libé-Nord. Je vois régulièrement Henri Ribière et ceux de mes agents entrés en clandestinité. Je rencontre des socialistes: Jean Bohet, Vincent, Émile Bèche, etc. J'ai une rencontre avec Pierre Brossolette, en présence d'Henri Ribière et Tanguy-Prigent quelques semaines avant son arrestation. Nous formons, "pour après", le projet d'un travaillisme français. Maquillé et changeant souvent d'état civil, je vais fréquemment à Tours où j'ai un P.C. dans une clinique d'accouchement. La Gestapo a installé une annexe dans ma maison et charge un de ses agents français de me rechercher. (Celui-ci sera fusillé à la Libération.)

LE C.D.L.

En fin 1943 Ribière m'informe que le C.N.R. va me charger de former le Comité départemental de libération. Je suis contacté à cet effet par Vincent (Closon). Je serai donc, jusqu'à la Libération, Président du C.D.L. et, à ce titre, responsable de toute la Résistance tourangelle.

Les socialistes

Je rappelle que Jean et Raymonde Meunier appartenaient à la Fédération S.F.I.O. d'Indre-et-Loire. Parmi ceux qui ont survécu à la lutter clandestine, citons :

  • Marcel Mallet : Il avait été arrêté par les Allemands et libéré après simulation d'une "conjonctivite vénérienne" par graine de Ricin dans les yeux. Militant S.F.I.O. à Amboise, dirigeant un groupe très actif de Libé-Nord dans la région. C'est lui qui sauva ma femme et ma fille traquées par la Gestapo en , avec sa femme et ses deux enfants. Il prit part à une opération du genre "western" pour libérer des prisonniers; à l'agression d'un soldat allemand pour faire "sortir" la garnison camouflée, et aux expéditions au siège de la Gestapo (nous étions des "couvreurs" et tout était préparé pour une fuite par les toits). Nous étions armés, mais la dernière faillit tourner en catastrophe. Nous avions "sorti" 21 dossiers d'agents français de la Gestapo et 94 interrogatoires de camarades arrêtés et déportés. Marcel Mallet est aujourd'hui commerçant à Tours.
  • René Chantreau : (S.N.C.F.) Travaillait avec Libé-Nord et, ensuite, à ce qu'on nomma "Résistance-Fer". Sa femme est morte en déportation. Vivant, résistant exemplaire.
  • Louis Champigny : Directeur d'école, aujourd'hui retraité, appartenait à Libé-Nord.
  • Henri Maillet : Ébéniste, Pocé-sur-Cisse. Son père également socialiste et Libé-Nord est mort en déportation.
  • Kléber Gaudron : Ancien maire du Louroux, C.N.D. et Libé-Nord.
  • Brémont : Pocé-sur-Cisse, Libé-Nord.
  • Michel : Ancien Conseiller municipal, a été déporté
  • Émile Saint-Cricq : Ancien Conseiller municipal de Tours, Libé-Nord.
  • Arnoult : De Chinon, Libé-Nord.
  • Lespine : De Tours Libé-Nord.
  • Marcel Lussaut : Ancien Conseiller Municipal de Tours, Libé-Nord.
  • Roger Pinçon : Ancien Conseiller municipal de Tours C.N.D. et Libé-Nord. Sa femme et son fils ont été déportés.
  • Brault : De Saint-Avertin, Libé-Nord.
  • Joseph Magnaulox : De Saint-Avertin, Libé-Nord.
Morts en déportation ou des suites
  • Marcel Nay, instituteur à Tours, né le . Était mon alter ego au C.N.D. et à Libé-Nord. Averti par Raymonde Meunier en , quitta son domicile quelques jours et se fit arrêter en y revenant. Torturé 27 fois. J'ai pu communiquer avec lui, secrètement, à la prison et savoir ce que l'ennemi savait et ignorait. Déporté, est mort pendu à Offenbourg où ma femme put, sur renseignements de ses camarades, retrouver le corps dans une fosse avec, encore au cou, la corde du supplice. Elle le fit ramener à Tours. Il avait une femme et trois enfants.
  • Marcel Ballon. Instituteur à Tours, m'aida comme le précédent à reconstituer un P.S. clandestin et à former Libé-Nord. Appartenait à mon réseau C.N.D. Il a été arrêté une première fois dans "l'affaire LAPIERRE" (regroupement clandestin du Syndicat des Instituteurs) et relâché. Les Allemands ont toujours ignoré ses activités au S.R., même après sa seconde arrestation. Déporté: Mauthausen et Melk. Mort d'épuisement dans une péniche pendant le transfert des camps, aux environs de Linz. Son corps fut immergé dans le Danube.
  • Rouable : Maire de Channay-sur-Lathan, Libé-Nord.
  • Victor Geschickt : Maire de Châteaurenault, Libé-Nord. Arrêté bien que septuagénaire.
  • Serge Housseau : Châteaurenault, Libé-Nord. Mort des suites.
  • Bosserau : De Châteaurenault, Libé-Nord.
  • Paul Marcadon : De Tours, Libé-Nord.
  • Émile Maillet : De Pocé-sur-Cisse, Libé-Nord.
  • Bellanger : De Châteaurenault, Libé-Nord.

Un groupe Rabelais attaché au B.O.A. se forma en Indre-et-Loire. Quelques socialistes "paul-fauristes", d'abord attentistes, y participèrent. Ce groupe fut décimé. Trois de ses membres, anciens socialistes, ont été arrêtés et sont morts: Alfred Bernard (qui avait été un dirigeant communiste avant de venir à la S.F.I.O.), Roger Ballon (instituteur, cousin de Marcel cité plus haut) et Paul Jourdain. Des proches de Bernard, Pichon et sa femme furent déportés et revinrent.

Parmi les arrestations de notables ne participant pas à la Résistance, citons Charles Dubourg qui avait été longtemps adjoint quand Ferdinand Morin était maire de Tours.

Les socialistes de l'autre bord

Ferdinand Morin était député S.F.I.O. et maire de Tours. "Paul-fauriste", il considéra la victoire hitlérienne comme une "paix" préférable à la guerre. Il demeura le maire. Il vota les pleins pouvoirs à Pétain. Il fut nommé Conseiller National de Vichy. Il envoya au nom de la Municipalité de Tours un télégramme à Pétin le , assurant de son "loyal dévouement" le Maréchal "apparu aux yeux de tous nos concitoyens comme le vivant symbole de la communauté française sauvée du désastre.". Ferdinand Morin signa des affiches appelant la population à dénoncer les "terroristes"... Inéligible, il fut après la guerre élu, invalidé par le Tribunal Administratif et réélu Conseiller municipal sur la liste R.P.F.

  • Maurice Maffray : Était député S.F.I.O. avant guerre. S'embarqua dans le vichysme et la collaboration par faiblesse.

Juste parmi les nations

En 1994, Jean Meunier est nommé Juste parmi les nations par Yad Vashem à Jérusalem en Israël, pour le sauvetage de Jean-Claude Moscovici, sa sœur Liliane Moscovici et leur mère Louise Moscovici[4]

Notes et références

  1. Une famille formidable, Les mots sont importants, 16 janvier 2015.
  2. Jean Meunier sur le site de l'assemblée nationale« A la veille des municipales d'octobre 1947, Jean Meunier faisait paraître un opuscule en forme de bilan, La Municipalité de la Libération. Trois ans de travail en équipe au service de la ville de Tours. Dans cet opuscule, il montrait l'ampleur de la tâche et la diversité des réalisations. Apparemment le bilan n'a pas convaincu. Si elle bat la liste MRP (13 % des voix), la liste socialiste de Meunier (22 % des voix) est largement distancée par celle du PC (25 % des voix) et surtout par celle du Rassemblement du peuple français (RPF). Cette dernière - qui compte des dissidents de la SFIO - triomphe avec 40 % des suffrages. Son chef, le docteur Leccia, n'accède pas pour autant à la mairie. Après de laborieuses tractations, c'est le socialiste Marcel Tribut qui est élu, Jean Meunier devant se contenter d'une place d'adjoint »
  3. Les maires de Tours FranceGenWeb
  4. Jean Meunier. Juste parmi les nations.

Voir aussi

Bibliographie

  • « Jean Meunier », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960

Liens externes

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