Histoire des Îles Salomon

Cet article retrace l'histoire des Îles Salomon, aujourd'hui un État souverain en Mélanésie.

Origines

Deux guerriers en tenue de combat (1895)

Les premiers êtres humains s'installent dans la partie nord et occidentale des Salomon il y a quelque 28 000 ans. Venus d'Asie du Sud-Est, ces premiers habitants de l'Océanie proche sont notamment les ancêtres des Papous et des Aborigènes d'Australie[1].

Une seconde vague de peuplement atteint les Salomon il y a environ 3 200 ans ; ce sont les Austronésiens, qui s'unissent à la population existante. Les Salomonais aujourd'hui sont principalement des descendants de ces migrants austronésiens[2].

Il n'y a pas d'unification politique. Les habitants de ces îles vivent en villages autonomes, et développent des dizaines de langues distinctes, dont environ 75 subsistent au début du XXIe siècle[3]. Alors que des Austronésiens s'installent de manière permanente aux Salomon, d'autres poursuivent leurs migrations vers l'est, devenant à terme les Polynésiens.

Des siècles plus tard, des migrants polynésiens effectuent le voyage retour, et forment des enclaves polynésiennes dans les îles salomonaises de Rennell, Bellona et Ontong Java du XIIIe au XVe siècle. Du XIVe au XVIIIe siècle, ces territoires sont intégrés à la sphère d'influence tongienne, sous la dynastie des Tuʻi Tonga[4].

Ère coloniale

Le , l'Espagnol Álvaro de Mendaña est le premier Européen à découvrir les Salomon. Il y réside avec ses hommes jusqu'en août, une période marquée par des « rencontres continuellement sanglantes » avec les autochtones, auxquels les Espagnols réclament de force de la nourriture[5]. Lorsqu'il revient en Espagne et relate sa découverte, les Espagnols, persuadés qu'il a découvert la légendaire Ophir, terre d'origine de l'or du roi biblique Salomon, indiquent le nom Islas Salomon sur leurs cartes[5].

Ces cartes sont approximatives, et l'emplacement exact des îles tombe longtemps dans l'oubli, jusqu'à ce que le Britannique Philip Carteret les redécouvre en 1767[6]. Des missionnaires européens arrivent au milieu du dix-neuvième siècle, mais peinent à convertir les habitants. Dans le même temps, les îles sont sillonnées par les blackbirders, Européens qui recrutent de force ou par la tromperie des insulaires du Pacifique, les expédiant notamment sur les plantations du Queensland ou des Fidji. Ces enlèvements avivent les tensions, et les Salomonais réagissent dès lors souvent avec méfiance et violence à toute visite d'Européens[6].

La Royal Navy parvient finalement à réprimer ces enlèvements, et le Royaume-Uni déclare un protectorat sur le sud des Salomon en 1893. Le nord est un protectorat de l'Empire allemand depuis 1886. Le Traité de Samoa de , accord germano-britannico-américain, par lequel le Royaume-Uni cède à l'Allemagne et aux États-Unis ses intérêts aux Samoa, aboutit à l'intégration du nord des Salomon dans le protectorat britannique. Seules les îles de Bougainville et Buka, dans l'extrême nord de l'archipel, demeurent partie de la Nouvelle-Guinée allemande. Ce rattachement de Bougainville à la Nouvelle-Guinée allait provoquer un conflit à la fin du vingtième siècle entre l'Armée révolutionnaire de Bougainville et l'État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, conflit dont les Salomon se gardent alors de se mêler[6].

Le protectorat britannique facilite les activités des missionnaires, et permet la venue d'entreprises britanniques et australiennes, principalement pour des plantations de noix de coco. Le territoire connaît toutefois très peu de développement économique, et l'administration coloniale est minimaliste, se contentant notamment du maintien de la paix et de l'ordre[6].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la majeure partie de la très petite population de colons blancs quitte le pays, qui devient le théâtre d'importants affrontements. En , les Japonais envahissent et occupent la colonie. En , la Bataille de la mer de Corail marque le début de plus d'un an et demi de combats continus entre les Alliés (emmenés par les Américains) et les Japonais. La Bataille de Guadalcanal, d' à , marque une étape importante dans la Guerre du Pacifique. En , les Salomon sont à nouveau sous le contrôle des Alliés, et l'autorité britannique est rétablie. La présence de soldats américains en grand nombre, toutefois, a une influence importante sur les Salomonais, provoquant des mouvements millénaristes dits « cultes du cargo », et incitant certains à contester l'autorité coloniale[6].

Le mouvement Maasina Ruru (« unité fraternelle » en langue 'are'are) prône la désobéissance civile dans les années qui suivent la guerre. En 1947, les Britanniques incarcèrent les partisans du mouvement qui refusent de payer leurs impôts, et l'élan s'estompe à la fin de la décennie[7].

Dans les années 1950, les Britanniques intègrent peu à peu les Salomonais aux instances gouvernementales, pour les préparer à l'autonomie. En 1960, un conseil législatif est mis en place, permettant aux autochtones de participer à la législation de la colonie. En 1974, une Constitution prévoit la création d'institutions démocratiques fondées sur le système de Westminster.

Le , les Salomon deviennent autonomes, avec un gouvernement démocratiquement élu ; Peter Kenilorea devient « ministre en chef », et mène le pays jusqu'à l'indépendance le . Il prend alors le titre de premier ministre[6]. Les Salomon sont une monarchie parlementaire, reconnaissant de jure la reine Élisabeth II comme chef de l'État, l'autorité réelle étant exercée par le premier ministre et le Parlement.

Indépendance

Depuis l'indépendance (1978), le pays a été marqué par une certaine instabilité politique, et notamment par des conflits inter-ethniques à la fin du vingtième siècle et au début du vingt-et-unième.

Le , les Salomon, sous le premier ministre Ezekiel Alebua, sont l'un des États fondateurs du Groupe mélanésien Fer de lance, association internationale de coopération et de solidarité mélanésienne[8].

En 1998, des habitants autochtones de l'île de Guadalcanal s'arment et fondent le Isatabu Freedom Movement (IFM), dirigé notamment par Harold Keke. Ils s'attaquent aux migrants et descendants de migrants venus en grand nombre de l'île de Malaita au cours des décennies précédentes. Les Malaitans sont sur-représentés parmi les chefs d'entreprise, dans la fonction publique et notamment dans la police, et une partie de la population autochtone de l'île réclame une meilleure prise en compte de ses propres intérêts. Des Malaitans sont chassés de leurs foyers, et parfois tués. Les Malaitans de Guadalcanal s'organisent et s'arment en retour, formant la Malaita Eagle Force (MEF), avec Andrew Nori pour principal porte-parole. Les personnes accusées de sympathiser avec l'IFM sont à leur tour chassées de leur foyer, agressées, voire tuées. Les forces de police sont dépassées (et le pays n'a pas d'armée)[9].

Le , la MEF et Andrew Nori prennent en otage le premier ministre Bartholomew Ulufa'alu, l'accusant de n'avoir pas su empêcher cette spirale de violence. Le Commonwealth des Nations dépêche une délégation dans le pays, et enclenche des négociations, qui aboutissent à l'Accord de paix de Townsville le , signé par l'IFM et la MEF. Les milices ethniques acceptent de désarmer, à l'exception de Harold Keke et d'une centaine de ses partisans. Au cours des trois années qui suivent, « certains des principaux militants de la MEF prennent presque totalement le contrôle de la police et du nouveau gouvernement » du premier ministre Manasseh Sogavare, bien que ce dernier ait l'appui du Parlement démocratiquement élu. Les militants se servent dans les finances de l'État, au nom du droit à la compensation pour les violences subies par les Malaitans. Les services publics périclitent. Des compagnies d'exploitation forestière étrangères sont autorisées à opérer à leur guise, versant en échange une partie de leurs profits au gouvernement. En 2002, la police arme des groupes de militants, leur confiant la tâche d'éradiquer les derniers partisans armés de Harold Keke. Les violences reprennent ; des villages de partisans supposés de Keke sont brûlés[9]. Les habitants font face à des intimidations, n'ont parfois plus accès aux services publics essentiels -dont les soins de santé-, et la corruption est devenue endémique[10].

En , le premier ministre Sir Allan Kemakeza se tourne vers les pays voisins et leur demande leur aide pour rétablir l'ordre. Cette demande donne lieu à la RAMSI : la Mission d'assistance régionale aux Salomon. « Menée et financée par l'Australie et la Nouvelle-Zélande », cette mission inclut des participants de tous les pays membres du Forum des îles du Pacifique[10]. Le Parlement salomonais autorise le déploiement de la mission le . Deux jours plus tard, des soldats, policiers et divers experts civils arrivent en provenance d'Australie, de Nouvelle-Zélande, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, des Fidji, des Tonga, du Vanuatu, des Samoa, des Kiribati, des îles Cook et de Nauru. Ils parviennent à désarmer les militants, restaurent la paix, réforment et entraînent les services de police, et conseillent les autorités sur des réformes institutionnelles et économiques[10]. Le volet militaire de RAMSI prend officiellement fin le , demeurant dès lors principalement un service d'assistance policière[11].

Articles connexes

Références

  1. Donald Denoon, "Human Settlement", in D. Denoon (éd.), The Cambridge History of the Pacific Islanders, Cambridge University Press, 1997, (ISBN 0-521-00354-7), p.45
  2. D. Denoon, op.cit., p.58
  3. (en) "Solomon Islands", Ethnologue
  4. (en) "Solomon Islands: History", Lonely Planet
  5. (en) "Alvaro de Mendaña de Neira, 1542?–1595", Université de Princeton
  6. (en) "Solomon Islands: History", Université d'État du Michigan
  7. Stewart Firth, "The War in the Pacific", in D. Denoon (éd.), The Cambridge History of the Pacific Islanders, op.cit., p.318
  8. (en) "Cherising Our Unique History", Groupe mélanésien Fer de lance, 7 novembre 2011
  9. (en) "Gun in one hand, Bible in the other", The Age, 26 juillet 2003
  10. (en) "Why RAMSI was formed", RAMSI
  11. (en) "RAMSI Defence Ends Mission", Solomon Times, 3 juillet 2013
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