Henry Spira

Henry Spira, né le à Anvers en Belgique et mort le à New York aux États-Unis, est un influent militant américano-belge pour les droits des animaux.

Pour les articles homonymes, voir Spira.
Henry Spira
Naissance
Anvers, Belgique
Décès (à 71 ans)
New York, États-Unis
Profession
professeur, militant pour les droits des animaux

Biographie

Famille

Henry Spira est le fils de Maurice Spira et Margit Spitzer Spira. Maurice et son père travaillent dans le commerce du diamant en Belgique. Son grand-père maternel, le talmudiste Avraham Shmuel Binyamin Spitzer (1872-1934), venu de Hongrie, est grand-rabbin de Hambourg en Allemagne de 1910 à 1934[1],[2]. La famille Spira étant aisée, Henry a une nounou et fait ses études dans un lycée francophone. Quand il a 10 ans, son père se rend au Panama et le reste de la famille déménage en Allemagne pour vivre avec la famille de Margit. Spira y rejoint un groupe de jeunes juifs et commencé à apprendre l'hébreu[3].

Son père qui une fois revenu en 1938 avait ouvert un magasin de vêtements et de bijoux bon marché qu'il vendait principalement aux marins de Hambourg, considère que l'Allemagne est devenue un endroit peu sûr pour les Juifs et envoie Henry fréquenter une école catholique romaine dirigée par des religieuses, où les cours sont donnés en espagnol, jusqu'à ce qu'il soit à court d'argent et ne puisse plus payer les frais de scolarité de son fils. Henry passe alors l'année suivante à travailler dans le magasin de son père[3].

New York et Hashomer Hatzair

Jeunes membres du mouvement de jeunesse juif Hashomer Hatzair, v. 1920-40

En , alors que Henry est âgé de treize ans, la famille embarque pour New York via La Havane sur le SS Copiapo. Elle loue un appartement sur West 104th Street. Le père travaille dans l'industrie du diamant et Henry est envoyé à l'école publique. Il reçoit une éducation juive traditionnelle à la maison et continue à étudier l'hébreu en payant lui-même ses cours avec des emplois de vacances et passe sa Bar Mitzvah.

En 1943, alors qu'il est au lycée Stuyvesant, il s'implique dans le groupe sioniste non-religieux et de gauche, la Hashomer Hatzair, qui oeuvre à préparer les jeunes juifs à vivre dans des kibboutzim en Palestine. L'association organise des camps d'été où on apprend les bases de la nature et de l'agriculture, on fait de la randonnée et où est enseignée l'égalité des sexes ; Henry y porte son nom hébraïque, Noah. Le philosophe utilitariste australien Peter Singer écrit que l'anti-matérialisme et l'indépendance d'esprit que Spira a appris durant sa période avec la Hashomer Hatzair ne l'ont pas quitté le reste de sa vie. À seize ans, l'adolescent décide de quitter la maison familiale, de prendre un logement et un travail l'après-midi dans un atelier d'usinage et d'aller à l'école le matin[4].

Marine marchande et armée

En 1944, Spira est devenu un partisan du mouvement ouvrier Socialist Workers Party (SWP). Lui et son collègue activiste John Black recrutent des lycéens de New York au SWP. Il devint marin marchand en 1945, rejoignant d'autres trotskystes actifs au sein de l'(en)Union maritime nationale (NMU). Lorsque les membres et les dirigeants des syndicats communistes et de gauche ont été purgés du NMU pendant l'ère du maccarthysme, Spira est mis sur une liste noire de personnes dangereuse pour la sécurité. En , on lui dit que sa présence sur un navire marchand américain est « contraire à la sécurité du gouvernement américain ». Il dira plus tard à Peter Singer : « Je pensais juste que ça faisait partie du jeu : combattez le système et ils se vengeront de vous »[3].

Spira est alors enrôlé dans l'armée américaine, servant à Berlin en 1953 et 1954, où il est affecté à s'adresser à plusieurs centaines de soldats chaque semaine pour leur transmettre des nouvelles et les informer des affaires courantes[5]. Après deux ans dans l'armée, il travaille sur une chaîne de montage à l'usine General Motors de Linden[3], où il observe le pouvoir que les individus peuvent exercer lorsqu'ils agissent indépendamment d'une organisation[6].

Pour des droits de l'homme

Au cours des années 1950 et 1960, Spira est journaliste et écrit pour le journal du SWP, The Militant, et d'autres publications de gauche ou alternatives, souvent sous le pseudonyme de « Henry Gitano ». Il couvre une grève des United Automobile Workers à New Castle, en 1955, au cours de laquelle des travailleurs en grève sont blessés et la loi martiale déclarée. Il écrit également beaucoup sur le mouvement des droits civiques à Montgomery et Tallahassee, en 1956, pendant la campagne de boycott des bus et sur la lutte plus large contre la ségrégation raciale et pour le droit de vote dans les années 1960. Il est connu pour parler directement aux personnes impliquées dans les luttes, pour relayer leurs histoires et pour construire des ponts entre les mouvements syndicaux et les mouvements des droits civiques[7].

En 1958-59, The Militant publie une série d'articles qu'il a écrits sur les abus de pouvoir du FBI sous la direction de J. Edgar Hoover. Singer suggère que l'impact plus large de la série au-delà du lectorat restreint du journal socialiste enseigne une leçon à Spira : « une recherche minutieuse peut souvent révéler des contradictions internes dans ce qu'une grande organisation dit et fait »[8].

En 1958, Spira est le premier journaliste américain à se rendre à Cuba et à interviewer Fidel Castro après la révolution[9], peu de temps après que ce dernier et ses partisans eurent évincé Fulgencio Batista, et le journaliste écrit sur les changements dont il est témoin[10]. Ses publications conduisent le SWP et d'autres gauchistes à former le Fair Play for Cuba Committee qui travaille pour informer les Américains sur la situation à Cuba et empêcher une invasion américaine. Deux semaines avant l' invasion de la Baie des Cochons, Spira met en garde contre les préparatifs impliquant la coordination de la CIA avec les exilés cubains[11].

Spira s'investit également dans le Committee for NMU Democracy au début des années 1960, à une époque où les dissidents sont battus et menacés de violence par les partisans du président du syndicat Joseph Curran. Spira écrit des exposés sur la manière dont Curran « arnaque » les membres du syndicat[12].

En 1958, il est diplômé en tant qu'étudiant adulte du Brooklyn College à New York et en 1966 commence à enseigner la littérature anglaise aux étudiants des « ghettos » dans un lycée de New York[13].

Pour les droits des animaux

En 1974, Henry Spira fonde Animal Rights International. Il déclarera au New York Times qu'il s'est intéressé pour la première fois aux droits des animaux en 1973 alors qu'il s'occupait du chat d'un ami : « J'ai commencé à me demander s'il était approprié de câliner un animal tout en collant un couteau et une fourchette dans un autre »[14].

À peu près à la même époque, il lit une chronique d'(en)Irwin Silber dans The National Guardian, un journal de gauche new-yorkais, sur un article du philosophe australien Peter Singer s'exprimant dans The New York Review of Books du et traitant de l'ouvrage Animals, Men and Morals (1971) de trois philosophes d'Oxford, déclarant qu'il était un manifeste pour « la libération animale », inventant ainsi l'expression. Spira « devient végétarien. Et se demande comment mettre fin concrètement à l'exploitation des animaux »[15].

Spira mène une campagne marquante en 1976 contre les tests sur les animaux à l'American Museum of Natural History,[16] ainsi qu'en 1980, alors qu'il publie une pleine page publicitaire dans le New York Times contre le test de Draize[14], un protocole d'expérimentation animale et test toxicologique invasif.

A la suite de cette victoire contre le Musée américain d'histoire naturelle qui constitue une première dans le monde des défenseurs des animaux, Henry Spira continue son combat en s'attaquant aux grandes entreprises de cosmétiques. Il contacte Revlon avec qui il passe un accord : l'entreprise s'engage à consacrer une partie de ses fonds (750 000 $) à la création d'un laboratoire qui sera chargé de trouver des alternatives aux tests sur les animaux dont le test de Draize consistant à injecter des produits chimiques dans les yeux de lapins conscients[15]. D'autres grandes entreprises de ce domaine (Avon, Bristol Meyers, Estée Lauder, Max Factor, Chanel et Mary Kay Cosmetics) suivent et les tests sur les animaux sont réduits peu à peu. Ces dons qui conduisent à la création du Centre pour les alternatives à l'expérimentation animale[15].

Henry Spira consacra également une partie de sa vie à la réduction des souffrances dans les abattoirs. Après de longues discussions avec l'entreprise McDonald's, il réussit à lui faire adopter une politique plus stricte concernant leurs fournisseurs de bœufs et de poulets. Ainsi, les poulets ne doivent plus être parqués par centaines dans des lieux confinés et les bœufs cesseront d'être tués avec une méthode qui consistait à suspendre la bête à l'envers avant de lui trancher la gorge. D’autres de ses campagnes visent l’image de marque des bovins, de l’industrie de la volaille et du géant de la restauration rapide KFC.

La méthode de Spira s'avère efficace ; elle est conciliante, non violente et pragmatique[15].

Fin de vie

Jusqu'à la fin de sa vie, Spira militera pour réduire la souffrance des animaux et il réussira plusieurs fois à créer des coalitions d'associations de défense des animaux qui se révèleront être efficaces pour gagner des campagnes. Singer écrit que : « En vingt ans, ses méthodes de campagne uniques ont fait davantage pour réduire la souffrance animale qu’aucune autre action entreprise au cours des cinquante années précédentes »[17]

Henry Spira meurt des suites d'un cancer de l'œsophage[4] et devenu son ami proche, le philosophe Peter Singer, écrira durant les derniers mois de sa vie sa biographie, Théorie du tube de dentifrice[Note 1],[16],[15].

Henry Spira est reconnu pour son approche méthodique, intelligente et efficace qui lui a permis de gagner beaucoup de ses combats et qui peut être appliquée à bien d'autres combats que la défense des droits des animaux[13].

« Brigitte Gothière et Sébastien Arsac, les deux fondateurs de l'association L214 (ont été) inspirés par Spira »[15].

Notes et références

Notes

  1. Peter Singer explique le titre de son ouvrage car comme pour sortir de la pâte de dentifrice d'un tube, Henry Spra utilisait deux méthodes avec les entreprises : une forte pression mais aussi dégager une ouverture pour trouver une solution.

Références

  1. Rav Henri Kahn, « Hambourg, cette communauté juive d'origine séfarade ! », sur קונטרס, (consulté le )
  2. « Virtual Judaica - Synagogen-Feier zur Einsuhrung, Dr. Samuel Spitzer, Hamburg 1910 », sur www.virtualjudaica.com (consulté le )
  3. Singer 2000, op. cit., pp. 1-17
  4. (en-US) Barnaby J. Feder, « Henry Spira, 71, Animal Rights Crusader (Published 1998) », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  5. Singer 2000, op. cit., p. 14
  6. Singer 2000, op. cit., p. 17
  7. Singer 2000, op. cit., pp. 18-19
  8. Singer 2000, op. cit., p. 26
  9. (en)Vaughn, Stephen L. (2008). Encyclopedia of American Journalism. New York: Routledge, eBook Collection (EBSCOhost). p. 552.
  10. Singer 2000, op. cit., p. 27
  11. Singer 2000, op. cit., pp. 28-29
  12. Singer 2000, op. cit., pp. 35-40
  13. Singer, in Spira and Singer 2006, op. cit., pp. 214–215.
  14. (en) Barnaby J. Feder, Pressuring Perdue in New York Times, 26 november 1989.
  15. Marie-Sandrine Sgherri, « « Théorie du tube de dentifrice » : changer le monde, mode d'emploi », sur Le Point, (consulté le )
  16. Jérôme Segal, « Le véganisme en Israël, un engagement peut en cacher un autre », Les Temps modernes, n° 699, juillet-sept. 2018, pp. 208-215
  17. Aurélie Delmas, « Henry Spira, militant modèle de la cause animale », sur Libération.fr, (consulté le )

Bibliographie

Source

Liens externes

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