Henri Alleg

Harry Salem dit Henri Alleg, né le à Londres, mort le à Paris 19e, est un journaliste français, membre du PCF et ancien directeur d'Alger républicain. Il est notamment l'auteur de La Question, un livre dénonçant la torture pendant la guerre d'Algérie.

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Henri Alleg

Henri Alleg à la fête de l'Humanité en 2008.

Nom de naissance Harry Salem
Naissance
Londres (Royaume-Uni)
Décès
Paris 19e (France)
Nationalité Française
Profession Journaliste
Médias
Presse écrite Alger républicain

Biographie

Né à Londres de parents juifs russo-polonais[1],[2], Henri Alleg quitte Paris pour l'Algérie en 1939 avec l'intention de s'engager sur un bateau civil pour voir le monde. Au debut de la Seconde Guerre Mondiale, il s'installe alors en Algérie et milite au sein du Parti communiste algérien. En 1946, il épouse Gilberte Serfaty qui deviendra comme lui une ardente militante communiste. En 1951, il devient directeur du quotidien Alger républicain. Henri Alleg est le père d'André[3] et de Jean Salem[4].

La guerre d'Algérie

Il entre dans la clandestinité en 1955, date d'interdiction du journal Alger républicain, quitté l'année précédente par Boualem Khalfa, premier musulman à diriger la rédaction d'un grand quotidien, pour rejoindre la presse du Parti communiste algérien. Henri Alleg continue cependant à transmettre des articles en France dont certains sont publiés par L'Humanité.

Il est arrêté le par les parachutistes de la 10e DP[5], au domicile de son ami Maurice Audin, jeune assistant en mathématiques et militant du Parti Communiste Algérien comme lui, arrêté la veille et qui sera torturé à mort.

Il est séquestré un mois à El-Biar, où il est torturé lors de plusieurs séances, puis subit un interrogatoire mené après une injection de penthotal, utilisé comme « sérum de vérité ». Il aurait tenu tête crânement face à ses bourreaux (principalement les lieutenants André Charbonnier et Philippe Erulin sous les ordres du capitaine Marcel Devis [6], en leur déclarant : « Je vous attends : je n’ai pas peur de vous »[7]. Le général Massu, qui reconnaît plus tard l'utilisation de la torture dans certains cas particuliers lors de la guerre d'Algérie, affirme en 1971, « en fait de tortures, Alleg a reçu une paire de gifles »[8]. Roger Faulques, officier du 1er REP, accusé d'avoir assisté à ces tortures, déclare lors d'un procès en diffamation contre Jean-Jacques Servan-Schreiber et Jean François Kahn en 1970[9] : « Je ne l'ai vu qu'une seule fois, mais il m'a fourni à cette occasion des indications qui m'ont permis d'arrêter les membres du parti communiste algérien »[10].

La Question

Il est ensuite transféré au camp de Lodi (Draa Essamar, Wilaya de Médéa) où il reste un mois, puis à Barberousse, la prison civile d'Alger. En prison, il écrit La Question, dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats.

Dans La Question, il raconte sa période de détention et les sévices qu'il y subit en pleine guerre d'Algérie. Tout d'abord publié en France aux Éditions de Minuit, l'ouvrage est immédiatement interdit. Nils Andersson le réédite en Suisse, quatorze jours après l'interdiction en France de . Malgré son interdiction en France, ce livre contribue considérablement à révéler le phénomène de la torture en Algérie. Sa diffusion clandestine s'élève à 150 000 exemplaires[11].

Un film tiré du livre et réalisé par Laurent Heynemann[12] sort en 1977 avec dans les rôles principaux Jacques Denis et Nicole Garcia, et reçoit le prix spécial du Jury au Festival international du film de Saint-Sébastien.

Trois ans après son arrestation, il est inculpé d'« atteinte à la sûreté extérieure de l'État » et de « reconstitution de ligue dissoute » et condamné à 10 ans de prison. Transféré en France, il est incarcéré à la prison de Rennes. Profitant d'un séjour dans un hôpital, il s'évade. Aidé par des militants communistes, il rejoint la Tchécoslovaquie grâce, notamment, à Alfred Locussol[13].

Le retour en France

Il revient en France après les accords d'Évian, puis en Algérie où il participe à la renaissance du journal Alger Républicain. « Persona non grata » en Algérie à la suite du coup d'État de Houari Boumédiène, il se réinstalle en France en 1965. Il reprend sa plume entre 1966 et 1980 pour le compte du quotidien L’Humanité dont il devient secrétaire général. En 1979, il est envoyé spécial de L’Humanité à Kaboul et justifie l'intervention soviétique en Afghanistan[14], ce qui est la position officielle du PCF[15]. Son départ à la retraite coïncide avec son installation à Palaiseau, rue Gabriel-Dauphin où il demeure jusqu'à la fin de sa vie.

Le film documentaire de Jean-Pierre Lledo Un rêve algérien retrace son retour, 40 ans plus tard dans une Algérie qui l'accueille à bras ouverts et où il retrouve avec bonheur ses anciens compagnons.

Il est par ailleurs membre du Pôle de renaissance communiste en France et déclare regretter en 1998 « la dérive social-démocrate du PCF, qui abandonne son authenticité communiste »[16]. Il fait partie de l'association "Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe" (CISC)[17], fondée le sous le nom de « Comité Honecker de solidarité internationaliste », qui soutient l'ancien dirigeant de la RDA, Honecker, poursuivi par la justice allemande[18].

Il est également membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine.

L'Appel des douze

Henri Alleg cosigne, en 2000, l'Appel des douze « pour la reconnaissance par l’État français de la torture »[19]. Les autres signataires de ce texte sont :

Les signataires précisent dans ce texte adressé au président de la République de l'époque Jacques Chirac, le sens de leur démarche : « Pour nous, citoyens français auxquels importe le destin partagé des deux peuples et le sens universel de la justice, pour nous qui avons combattu la torture sans être aveugles aux autres pratiques, il revient à la France, eu égard à ses responsabilités, de condamner la torture qui a été entreprise en son nom durant la guerre d'Algérie. Il y va du devoir de mémoire auquel la France se dit justement attachée et qui ne devrait connaître aucune discrimination d'époque et de lieu.»

En 2005, il cosigne une lettre au Président de la République, demandant à l'État français de reconnaître l'abandon des harkis en 1962.

L'hommage au Père Lachaise

Henri Alleg meurt le [20],[21].

Lors de ses obsèques au cimetière du Père Lachaise le , en présence de représentants des États français et algérien, le Président algérien rappela dans un message lu en son nom que La Question est « l’un des textes majeurs qui, par leur retentissement universel et la prise de conscience qu’ils ont suscité à travers le monde, ont indéniablement contribué à servir la noble cause des droits de l'homme en général[22]. »

Henri Alleg repose au cimetière de Palaiseau[23].

Œuvres

  • La Question, Lausanne, E. La Cité, 1958; Paris, Les Éditions de Minuit, Alger, Éditions Rahma, 1992. (ISBN 2-7073-0175-2).
  • Mémoire algérienne : Souvenirs de luttes et d'espérances, Paris, Éditions Stock, 2005, 407 pp., 24 cm. (ISBN 2-234-05818-X).
  • Prisonniers de guerre; Victorieuse Cuba. Les Éditions de Minuit :
  • La Guerre d'Algérie (en collaboration avec P. Haudiquet, J. de Bonis, H. J. Douzon, J. Freire, G. Alleg), 3 volumes; Étoile rouge et Croissant vert; SOS America ! ; La Grande Aventure d'Alger républicain (en collaboration avec A. Benzine et B. Khalfa) ; L'URSS et les Juifs ; Requiem pour l'Oncle Sam. Chez Messidor-Temps Actuels. La Grande Aventure d'Alger républicain (réédition Delga, 2012)
  • Le Siècle du Dragon : un reportage et quelques réflexions sur la Chine d'aujourd'hui et (peut-être) de demain, Paris, Éditions Le Temps des cerises, 1994 (ISBN 2-84109-016-7)
  • Le Grand Bond en arrière. Éditions Le Temps des Cerises : Le Grand Bond en arrière (réédition Delga / Le Temps des cerises, 2010)
  • Les Chemins de l'espérance. Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes
  • Retour sur La Question. Éditions Aden et Le Temps des cerises
  • Alban Liechti, Jean Clavel, Raphaël Grégoire, Yolande Liechti, Jean Vendart, Henri Alleg, William Sportisse et Alfred Gerson, Les soldats du refus pendant la guerre d'Algérie : appelés réfractaires et journalistes combattants, Les éditions de l'épervier, [2012] (ISBN 9782361940133 et 2361940132, OCLC 777935836, lire en ligne)

Bibliographie

  • Alain Ruscio, « La Question, d’Henri Alleg: histoire d’un maître livre du XXe siècle », L'Humanité, . [lire en ligne]
  • Jean-François Miniac, Les Nouvelles Affaires criminelles de l'Orne, de Borée, Paris, .
    un chapitre sur l'évasion d'Henri Alleg et Alfred Locussol
  • Lamria Chetouani, « Entretien avec Henri Alleg », revue Mots. Les langages du politique, 1998, vol. 57, no 1, p. 109-129. [lire en ligne]
  • Alain Monchablon, « Berchadsky Alexis, La Question d'Henri Alleg, un livre-événement dans la France en guerre d'Algérie », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 1995, vol. 48, no 1, p. 178-179. [lire en ligne]

Filmographie

Notes et références

  1. Charles Silvestre, « Henri Alleg, auteur de "La Question", est mort », Le Monde,
  2. 1958 : D'une république à l'autre - L'avènement de la Ve République de Catherine Dhérent, Ariane James-Sarazin, Jean-Pierre Husson, Jean-Pierre Fabre, page 58, 1998
  3. Biographie de Gilberte Serfaty, épouse Salem (Henri Alleg), 20 avril 2011.
  4. Robert Maggiori, « Jean Salem : tel père, tel fils », sur liberation.fr, Libération, (consulté le ).
  5. Patrick Clervoy, L'effet Lucifer : Des bourreaux ordinaires, Paris, CNRS éditions, , 334 p. (ISBN 978-2-271-07670-0), p. 46-49
  6. La question, p. 45, "Devis s'etant ecarte, Erulin prit le relais et se mit a hurler:" Tu es foutou. c'est ta derniere chance (...) le capitane est venu pour ca."
  7. Henri Alleg 1921-2013, René Fagnoni, Comité de groupe Socpresse, 18 juillet 2013
  8. Général J. Massu, La Vraie Bataille d'Alger, Tallandier, 1971
  9. http://www.memoireonline.com/01/06/69/m_debat-guerre-algerie-le-monde17.html
  10. Charles Vaugeois, « Henri Alleg et la légende de La Question », La Nouvelle Revue d'histoire, no 4H, printemps-été 2012, p. 16
  11. Jean-Yves Mollier, « Les Tentations de la censure entre l'État et le marché » in Jean-Yves Mollier, Où va le livre ? édition 2007-2008, La Dispute, coll. « États des lieux », 2007, p. 117
  12. La Question (film) réalisé par Laurent Heynemann
  13. Militant du Parti communiste, assassiné le 3 janvier 1962, INA.fr
  14. Roger FALIGOT, Jean GUISNEL et Rémi KAUFFER, Histoire politique des services secrets français : De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, , 844 p. (ISBN 978-2-7071-7856-5, lire en ligne), p. 318.
  15. « Georges Marchais en URSS » [vidéo], sur ina.fr (consulté le ).
  16. Henri Alleg, le rouge indélébile, Laurent Acharian, L'Express.fr, 18 juin 1998
  17. « Comité Internationaliste de Solidarité de Classe », sur solidarite-classe.blogspot.com (consulté le )
  18. http://www.comite-honecker.org/presentation_050.htm
  19. GUERRE D ALGERIE L'Appel du 31 octobre 2000
  20. Rosa Moussaoui, « Henri Alleg est mort », L'Humanité, .
  21. Insee, « Acte de décès de Harry John Salem », sur MatchID
  22. Dernier hommage au journaliste franco-algérien Henri Alleg.
  23. Hommage de la Municipalité de Palaiseau à Henri Alleg.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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