Madeleine Rebérioux

Madeleine Rebérioux, née Amoudruz le à Chambéry (Savoie) et morte le à Paris, est une historienne française spécialiste de la IIIe République.

Biographie

Famille et formation

Née Madeleine Amoudruz, elle poursuit une brillante scolarité et obtint en 1937 le premier prix d'histoire au concours général.

Le , son beau-frère, Serge Fischer, résistant qui agit à Clermont-Ferrand sous la couverture d'un poste de bibliothécaire de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, est raflé par une unité de la Luftwaffe guidée par un étudiant qui a été retourné. Torturé par Paul Blumenkamp, chef local de la SIPO, il est déporté le de Compiègne à Buchenwald avec François Amoudruz, le frère de Madeleine arrêté le pour servir d'otage.

Le , elle épouse Jean Rebérioux avec lequel elle a quatre enfants, dont Vincent Rebérioux, né le , vice-président de la Ligue des droits de l'homme.

Elle est premier prix d'histoire au concours général (et première femme à obtenir ce premier prix), élève de l'École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres (quatrième admise), agrégée (première admise) d'histoire et docteur ès-lettres et sciences humaines avec une thèse (sur travaux) concernant Jaurès, la SFIO et la société française au tournant du siècle[1].

Engagement politique

Peu après la Libération, en 1946, elle devient membre du Parti communiste, pour lequel elle est conseillère municipale de Mulhouse de 1948 à 1950. En 1969, elle est exclue du PCF pour avoir participé à la revue d'extrême gauche Politique aujourd'hui.

En 1957, elle anime le Comité de défense des libertés contre la guerre d'Algérie. En 1958, elle rejoint le comité Maurice Audin, créé l'année précédente. En mai 1960, elle devient membre du comité de rédaction de Vérité-Liberté, créé pour contourner la censure d’État sur la guerre d'Algérie. Son engagement anticolonialiste se poursuit en tant que membre active du comité pour la défense des libertés en Algérie. Elle signe en 1960 le Manifeste des 121, titré « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », pétition signée par des intellectuels de l'époque, et proteste contre les ratonnades du 17 octobre 1961.

De 1965 à 1969, elle est responsable du collectif universitaire intersyndical contre la guerre du Viêt Nam et organise un grand meeting avec les militants du lycée Turgot de Paris[2], parmi les premières réunions de sensibilisation de la jeunesse à la cause vietnamienne. De 1971 à 1975, elle est responsable du Front Solidarité Indochine.

Carrière universitaire

De 1945 à 1961, elle enseigne dans le secondaire à Mulhouse, puis Montgeron et Saint-Maur-des-Fossés, au lycée Marcelin-Berthelot.

De 1962 à 1969, elle est assistante, puis maître-assistante à la Sorbonne, ensuite elle devient professeur à l'université de Vincennes, qu'elle a contribué à créer. C'est à Vincennes qu'elle crée avec Madame de Gaudemar la première formation des documentalistes pour les centres de documentation et d’information des établissements secondaires (CDI).

À partir de 1978, elle enseigne à l'École des hautes études en sciences sociales.

Elle est vice-présidente de l'établissement public en vue de la création du musée d'Orsay de 1981 à 1988.

Présidente de La Ligue des droits de l'homme

Entrée à son comité central en 1964, alors qu'elle est encore membre du PCF, elle est la première femme à présider la Ligue des droits de l'homme de 1991 à 1995. Lors du congrès d'Aubervilliers en 1993, elle met la « citoyenneté sociale » au cœur des débats. Cette année-là, elle préside la conférence de presse du lancement d'Agir ensemble contre le chômage (AC!). Bien après son mandat de présidente, elle reste une très active militante de la Ligue et sa présidente d'honneur.

Pour la paix et la non-violence

En décembre 2001, elle est à l'initiative du collectif « Trop, c'est trop ! » pour intervenir sur le conflit israélo-palestinien. Elle est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

Contre le négationnisme et les lois mémorielles

En , elle fait partie des 34 signataires de la déclaration rédigée par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet pour démonter la rhétorique négationniste de Robert Faurisson[3].

En 1990, elle écrit une tribune dénonçant l'inutilité, selon elle, de la loi Gayssot. Elle s'appuie sur le fait qu'avant la loi Gayssot, le négationniste Robert Faurisson avait déjà été condamné par la justice française. Pour elle, le parlement ne doit pas officialiser l'histoire pour permettre aux juges de faire la part de la vérité et du mensonge et de dire le droit[4],[5].

Apport à l'histoire de la France contemporaine

La spécialiste de Jaurès

Madeleine Rebérioux est spécialiste du socialisme français de la fin du XIXe siècle et notamment de l'œuvre de Jean Jaurès. Elle préside la Société d'études jaurésienne de 1982 à sa mort et dirige de très nombreuses publications concernant Jaurès et la période 1870-1914.

Carrière éditoriale

De 1971 à 1982, elle est directrice de la revue Le Mouvement social. Elle préside longuement l'Association des amis du Maitron[Quand ?] et siége longtemps au jury du prix Jean-Maitron.

De 1996 à 2005, elle copréside le conseil scientifique de l'Institut de recherche de la FSU[réf. nécessaire].

Œuvres

  • Jaurès : contre la guerre et la politique coloniale, Éditions sociales, collection Les classiques du peuple, 1959.
  • La Deuxième Internationale et l'Orient, (en collaboration avec Georges Haupt), Éditions Cujas, 1967 (ISBN 2-254-67715-2).
  • Jaurès et la Classe ouvrière, Maspero, 1975.
  • Nouvelle histoire de la France contemporaine, t. 11 : La République radicale ? 1899-1914, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points. Histoire » (no 111), , 256 p. (ISBN 978-2-02-000671-2, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Les Ouvriers du livre et leur Fédération, Temps actuel, 1981.
  • Ils ont pensé les droits de l'homme, EDI-Ligue des droits de l'homme, 1989.
  • Jaurès : la parole et l'acte, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Histoire » (no 220), 1994 (ISBN 2-07-053291-7).
  • Parcours engagés dans la France contemporaine, Belin, 1999 (recueil de ses articles d'histoire).
  • Vive la République ! Histoire, droits et combats de 1789 à la guerre d'Algérie, Démopolis, 2009 (recueil d'articles).
  • Jean-Claude Perrot, Michelle Perrot, Madeleine Rebérioux, Jean Maitron, La Sorbonne par elle-même, envoyé par Sophie Cœuré, Paris, Editions de la Sorbonne, coll. «Tirés à part, 2018.

Sous la direction de Madeleine Rebérioux :

  • Les Femmes en France dans une société d'inégalité, La Documentation française, (direction partagée avec Andrée Michel), 1982.
  • L'Expression plastique au XIXe siècle, Le Mouvement Social, 1985.
  • L'Exposition internationale de 1989 et la vulgarisation, Le Mouvement social, 1989.
  • Jaurès, historien de la Révolution française, musée Jean-Jaurès, Castres, 1989.
  • La Construction des branches professionnelles XIXe – XXe siècles, 1990.
  • L'Extrême droite en questions, EDI, 1991.
  • Paris-Province 1900, Le Mouvement social, 1992.
  • Fourmies et 1er mai, Éditions de l'Atelier, 1994.
  • Jaurès et les intellectuels, Éditions de l'Atelier, (direction partagée avec Gilles Candar), 1994.
  • Édition des Œuvres de Jean Jaurès, 17 tomes prévus, Fayard, 2000-20.., coordination et codirection des tomes 1 et 2.

Distinctions

Hommages

En 2014, la ville de Paris lui attribue une rue : la rue Madeleine-Rebérioux. La maison des associations du 3e arrondissement de Paris porte son nom, ainsi qu'une salle de cours du campus Jourdan de l'École d'économie de Paris.

Sources

  • Les papiers personnels de Madeleine Rebérioux sont conservés aux Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 647AP : Inventaire du fonds. Les archives liées aux études jaurésiennes et à l'histoire du mouvement socialiste sont conservées par le musée de l'Histoire vivante à Montreuil-sous-Bois. Il existe aussi un fonds d'archives universitaires à l'ENS.

Bibliographie

Notes et références

  1. « Madeleine Rebérioux l'autre tête du musée d'Orsay », Jean-Pierre Thiollet, Le Quotidien de Paris, 10 août 1981.
  2. "Les clercs de 68" par Bernard Brillant aux Presses universitaires de France, 2015
  3. Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Le Seuil, coll. « La Librairie du XXe siècle », , 691 p. (ISBN 2-02-035492-6), p. 237.
  4. Madeleine Rebérioux, "Le Génocide, le juge et l'historien" in L'Histoire n° 138, novembre 1990
  5. Pierre Nora, interviewé par Alexandre Devecchio, « Pierre Nora : "La dictature de la mémoire menace l'histoire" », Le Figaro Magazine, semaine du 16 février 2018, pages 32-35.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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