Grande biodiversification ordovicienne

La grande biodiversification ordovicienne ou radiation ordovicienne est la période de l'histoire de la Terre pendant laquelle la biodiversité de la vie océanique a le plus augmenté. Après l'explosion cambrienne correspondant à l'éclosion de la plupart des phylums animaux, la radiation ordovicienne s'achève sur une remarquable diversité des niveaux inférieurs de la classification des taxons : ordres, familles, genres et espèces[1].

Cette phase de diversification biologique intervient environ 40 à 80 millions d'années après l’explosion cambrienne. Sa durée est de l’ordre de 25 millions d'années (intervalle relativement court à l'échelle des temps géologiques), et se situe durant la partie inférieure et moyenne du système Ordovicien, datée entre 485 et 460 millions d'années[1].

Cette radiation majeure appelée en anglais the Great Ordovician Biodiversification Event (GOBE), porte aussi parfois le nom d'"explosion ordovicienne".

Le Hurdiidé planctonophage trémadocien Aegirocassis benmoulae, un représentant de la grande diversification ordovicienne trouvé au Maroc : vue d'artiste par Nobu Tamura.

Caractéristiques

La radiation ordovicienne a été évaluée de façon quantitative par les paléontologues en se basant sur le dénombrement et l'évolution du nombre des taxons au Paléozoïque[2],[3]. Le nombre de familles d'animaux marins recensés augmente considérablement, passant d'une centaine à plus de 400 durant la radiation ordovicienne ; le nombre de genres évolue d'environ 500 à plus de 1 600[2].

Cet événement concerne la plupart des groupes d'animaux marins : brachiopodes, échinodermes, coraux, mollusques, graptoloïdes, conodontes, acritarches, etc. Il en est de même pour le microphytoplancton qui voit son nombre d'espèces croître d'environ 200 à 500[4].

La découverte de plusieurs gisements d'âge Ordovicien inférieur dans la formation des argiles de Fezouata, dans la région de Zagora (Anti-Atlas central, Maroc), a montré la persistance des faunes du Cambrien sur une durée bien plus longue qu'envisagé initialement. Ces faunes rappellent celles du célèbre site des schistes de Burgess au Canada avec des animaux caractéristiques (anomalocarides, marrellomorphes, etc.) qui cependant coexistent avec des taxons typiquement ordoviciens (cirripèdes, euryptérides, limules). La transition entre l'explosion cambrienne et la grande biodiversification ordovicienne s'avère moins brutale que précédemment décrite[5],[6],[7].

Causes

Les causes du phénomène sont difficiles à cerner, d'autant que l'événement est ancien. De nombreuses études sont toujours en cours.

À l'instar des extinctions massives qui ont marqué l’histoire de la Terre, un grand nombre de causes sont aujourd'hui envisagées pour expliquer la radiation ordovicienne. Une combinaison de facteurs extrinsèques (géologiques) et intrinsèques (biologiques) est probablement à l'origine de ces phénomènes de biodiversification et de radiation[8]. Les causes d’apparition, de modification, de préservation ou de disparition des habitats marins de cette époque sont étudiées en utilisant toute la palette des techniques de la géologie, dont la paléontologie, la sédimentologie, la paléogéographie, la paléoclimatologie, les analyses isotopiques, la géochimie, etc.

Parmi les causes possibles :

  • la configuration paléogéographique particulière de cette période. Au cours de l’érathème Paléozoïque, c’est en effet à l’Ordovicien que les masses continentales sont les plus dispersées du fait de la tectonique des plaques. Ces conditions favorisent la diversité des environnements et des habitats[1] ;
  • l’Ordovicien inférieur et moyen est une période d’intense expansion océanique à partir des dorsales, qui coïncide avec le niveau marin le plus élevé du Paléozoïque (qui va atteindre avant la fin de l'Ordovicien une cote plus de 200 mètres plus haute que le niveau actuel des océans[9]. Les eaux marines transgressives sur les continents forment des plateformes continentales, peu profondes, d’une étendue exceptionnelle. C'est durant cet intervalle que les plateformes intertropicales atteignent leur plus grande superficie au cours des temps géologiques[10]. Ces environnements sont connus comme les plus propices à la diversification des faunes marines ;
  • l’intense activité volcanique de cette période favorise la disponibilité d’éléments nutritifs dans les océans qui permettent le développement considérable du phyto- et zoo-plancton, qui eux-mêmes stimulent le développement d'organismes qui s'en nourrissent, induisant ainsi un profond changement des chaînes alimentaires[4],[11] ;
  • malgré une baisse sensible de la température des océans (qui devait être supérieure à 40 °C à la base de l'(Ordovicien), le climat est encore chaud, probablement équivalent à celui des zones équatoriales actuelles. Ce niveau de température propice serait un des moteurs de la biodiversification[12] ;
  • enfin, le rôle d'une importante « pluie météoritique » issue de la fragmentation d’un énorme astéroïde a été envisagé. Les multiples cratères d'impact auraient pu, à la fois détruire des environnements, mais aussi créer de nouveaux habitats prêts à être colonisés. Les traces de l'événement sont enregistrées dans les sédiments par la présence de grains de chromite extra-terrestre mise en évidence aussi bien en Scandinavie qu'en Chine[13]. La datation de ces impacts à 470 millions d'années, légèrement décalée par rapport au début de la radiation ordovicienne, fait que le rôle de ces fragments d'astéroïdes est controversé[1].

Conséquences

La diversité biologique atteinte à la fin de la radiation évolutive de l’Ordovicien inférieur et moyen va subir l’extinction massive liée à la glaciation de la fin de l'Ordovicien, mais après une phase de récupération rapide de la biodiversité dès la base du Silurien, les faunes vont globalement persister pendant 200 millions d'années jusqu’à la fin du système Permien où interviendra la plus grande extinction biologique de tous les temps[1].

Articles connexes

Notes et références

  1. (en)Servais T. et al., Understanding the "Great Ordovician Biodiversification Event" (GOBE). Influences of paleogeography, paleoclimate and paleoecology, GSA Today, v. 19, no. 4/5, 2010, doi: 10.1130/GSATG37A.1 http://www.geosociety.org/gsatoday/archive/19/4/pdf/i1052-5173-19-4-4.pdf&rct=j&frm=1&q=&esrc=s&sa=U&ei=eu67VNzdEY_baI2_gdAE&ved=0CBoQFjAB&usg=AFQjCNGOJqUjOVYCL_P72pvXfIGCkjLHrA
  2. (en) J. John Sepkoski Jr., A factor analytical description of the Phanerozoic marine fossil record, Paleobiology, v. 7, 1981, p. 36–53
  3. (en) J. John Sepkoski Jr., A model for onshore-offshore change in faunal diversity, Paleobiology, v. 17, 1991, p. 157–176
  4. (en)Vecoli, M., Lehnert, O., and Servais, T., 2005, The role of marine microphytoplankton in the Ordovician Biodiversification Event, Carnets de Géologie/Notebooks in Geology, Memoir, v. 2005/02, p. 69–70
  5. Servais T. (2014), La Cinquième Rencontre Internationale Sur la Valorisation et la Préservation du Patrimoine Paléontologique (RIV3P5) : 15, 16 et 17 mai 2014, Oujda, Maroc. https://www.academia.edu/7667660/Les_gisements_%C3%A0_pr%C3%A9servation_exceptionnelle_de_lOrdovicien_inf%C3%A9rieur_de_la_r%C3%A9gion_de_Zagora_Anti-Atlas_central_Maroc_un_patrimoine_pal%C3%A9ontologique_unique_au_monde_%C3%A0_pr%C3%A9server_et_%C3%A0_valoriser._TALK_
  6. « La grande radiation ordovicienne, d’origine cambrienne ? », sur Pourlascience.fr, Pour la Science (consulté le ).
  7. (en)Van Roy P., Orr P.J., Botting J.P., Muir L.A., Vinther J., Lefebvre B., El Hariri K. & Briggs D.E.G., Ordovician faunas of Burgess Shale type, Nature, 465, 2010, p. 215-218.
  8. (en)Munnecke, A.; Calner, M.; Harper, D. A. T.; Servais, T., Ordovician and Silurian sea-water chemistry, sea level, and climate : A synopsis, Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 296 (3–4), 2010, p. 389–413, doi:10.1016/j.palaeo.2010.08.001 DOI:10.1016/j.palaeo.2010.08.001
  9. (en)Haq, B.U., and Schutter, S.R., A chronology of Paleozoic sea-level changes, Science, v. 322, 2008, p. 64–68, doi: 10.1126/science.1161648.
  10. (en)Walker, L.J., Wilkinson, B.H., and Ivany, L.C., Continental drift and Phanerozoic carbonate accumulation in shallow-shelf and deep-marine settings, The Journal of Geology, v. 110, 2002, p. 75–87, doi: 10.1086/324318
  11. (en)Servais, T., Lehnert, O., Li, J., Mullins, G.L., Munnecke, A., Nützel, A., and Vecoli, M., The Ordovician biodiversification : Revolution in the oceanic trophic chain, Lethaia, v. 41, 2008, p. 99–109, doi: 10.1111/j.1502-3931.2008.00115.x.
  12. (en)Trotter J. et al., Did Cooling Oceans Trigger Ordovician Biodiversification? Evidence from Conodont Thermometry, Science, v. 321, 2008, p. 550–554, doi : 10.1126/science.1155814.
  13. (en)Schmitz, B., Harper, D.A.T., Peucker-Ehrenbrink, B., Stouge, S., Alwmark, C., Cronholm, A., Bergström, S.M., Tassinari, M., and Wang, X.F., Asteroid breakup linked to the Great Ordovician Biodiversification Event, Nature Geoscience, v. 1, 2008, p. 49–53, doi: 10.1038/ngeo.2007.37.
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