Exposition coloniale de Marseille (1906)

L'Exposition coloniale de Marseille en 1906 est la troisième exposition coloniale organisée en France, après celle de Rouen en 1896 et celle de Rochefort en 1898. Marseille fait partie en effet des grandes villes françaises qui bénéficient de l'expansion de l'Empire français à partir de la fin du XIXe siècle avec des échanges qui croissent considérablement.

Ne doit pas être confondu avec Exposition coloniale de Marseille (1922).

Exposition coloniale de Marseille

Affiche de l'exposition coloniale de 1906 à Marseille.
Type Exposition coloniale
Pays France
Localisation Marseille
Coordonnées 43° 16′ 20″ nord, 5° 23′ 38″ est
Date d'ouverture
Date de clôture

Travaux préparatoires

Lors de l'Exposition universelle de 1900 tenue à Paris, une section dédiée aux colonies et pays sous protectorat avait été négociée par Jules Charles-Roux et s'était tenue sur un espace relativement réduit d'une dizaine d'hectares situé entre le Trocadéro et la Seine. Malgré le succès de cette partie de l'exposition, les résultats ne furent pas à la hauteur des espérances de l'organisateur qui regrettait un terrain trop en pente, des délais trop courts, des crédits insuffisants, etc.

L'idée d'une première exposition française exclusivement consacrée aux colonies mais à tenir à Marseille nait dans les milieux coloniaux et en revient au docteur Édouard Marie Heckel, fondateur de l'école de médecine du Pharo spécialisée dans l'épidémiologie et les pathologies tropicales. Le , il présente un projet qui décide le conseil municipal de Marseille à adopter le principe d'une exposition coloniale à Marseille. La municipalité vote un crédit d'un million de francs, le Conseil général et la Chambre de commerce apportent chacun 250 000 francs, l'État se montrant moins généreux en n'apportant que 150 000 francs[1].

Après maintes tractations, un décret présidentiel daté du , reprend les propositions du maire Jean-Baptiste-Amable Chanot et nomme Jules Charles-Roux commissaire général et le docteur Heckel commissaire général adjoint. Un peu plus tard un comité supérieur de l'exposition composé de diverses personnalités est mis en place.

En matière de site, le choix se porte sur le champ de manœuvre du Rouet. Il a une surface de 24 ha et il est situé entre le boulevard Rabatau, le rond-point du Prado et le boulevard Michelet. En contrepartie l'autorité militaire recevra un terrain un peu plus éloigné. À cette surface s'ajouteront une douzaine d'hectares prélevés sur un terrain appartenant à la compagnie du P.L.M.. Enfin M. Richard abandonnera gratuitement pour une durée de deux ans un terrain de deux hectares situé en bordure du boulevard Michelet.

En définitive un terrain plat d'une quarantaine d'hectares, soit quatre fois plus qu'au Trocadéro, sera mis à la disposition des organisateurs ; ce sera le futur parc Chanot[2].

Avant même d'entamer les travaux, les services municipaux procèdent dès le à l'aménagement du parc avec l'implantation d'arbres d'une hauteur de 3,5 m car le champ de manoeuvre était ras, et la viabilisation du terrain avec la pose de canalisations pour l'alimentation en eau des cascades, bassins et fontaines et enfin le raccord à l'électricité et au gaz[3].

Réalisations

Les bâtiments de l'exposition.

Le plan général de l'exposition est dressé par l'architecte en chef de la ville. Une cinquantaine de palais ou pavillons s'élèveront de part et d'autre d'une grande allée centrale bordée d'arbres partant du rond-point du Prado. Une grande serre aux dimensions imposantes, 40 m de long et 10 m de large, est construite près de l'entrée principale et abrite des plantes exotiques à but décoratif (orchidées, palmiers : cycas, pandanus, dracaena, etc.) ou à objectifs économiques (caféiers, cacaoyers, plantes à caoutchouc etc.)[4].

Peu à peu, divers pavillons se construisent les uns après les autres ; mais il s'agit d'une cité de rêve placée sous le signe de l'éphémère car les bâtiments sont prévus pour être détruits à la fin de l'exposition d'où l'emploi de matériau léger à base d'éléments métalliques, démontables et récupérables. Au centre du parc, à l'extrémité de l'allée centrale se trouve le grand palais où sont présentées les diverses activités de la métropole et surtout de Marseille ; huilerie et savonnerie, tannerie, ameublement, raffinage du soufre et du sucre, usine à plomb, chantier naval, etc. Quelques maisons marseillaises ont fait un effort particulier en réalisant un stand individuel : Rivoire et Carret (pâtes alimentaires), Noilly Prat (vermouth) et Amer Picon qui a réalisé un pavillon de style oriental car son apéritif, rendu célèbre par Pagnol avec le fameux problème des tiers, est fabriqué à partir d'écorces d'oranges[5]

Le pavillon du Cambodge s'inspire d'Angkor Vat et du Bayon[6].

Activités et manifestations

Pavillon du Laos.

L'inauguration officielle a lieu le samedi , la veille de Pâques, par Chanot, maire de Marseille, et Jules Charles-Roux commissaire général de l'exposition, mais sans représentation de l'État. À cette occasion, l'escadre de la Méditerranée, placée sous le commandement de l'amiral Touchard, avec les contre-torpilleurs Suffren, Saint-Louis, Kléber et du Cheylard, vient mouiller en rade de Marseille. La vedette amirale accoste dans l'anse du prophète où le maire Chanot accueille l'amiral. L'inauguration a lieu à quinze heures dans la salle des fêtes du grand palais. Le public n'est admis que le lendemain dimanche  ; grâce au renforcement de la cadence de desserte de l'exposition par les tramways, il y eut au cours de cette première journée 14 872 entrées payantes[7].

Il faudra attendre le samedi pour que le président de la République Armand Fallières, accompagné de plusieurs ministres, rende enfin visite à l'exposition. Le lendemain, le dimanche le président de la République posera la première pierre du canal de Marseille au Rhône dit canal du Rove[8].

Durant cette exposition coloniale, plusieurs congrès se sont déroulés dans la salle des fêtes du grand palais : congrès du bâtiment, congrès de la meunerie, congrès des sociétés savantes de Provence placé sous la présidence d'honneur de Frédéric Mistral, congrès des explorateurs polaires sous la présidence du docteur Jean-Baptiste Charcot[9], etc.

Bilan

Cette exposition coloniale qui s'est tenue du au sur le champ de manœuvre du rond-point du Prado, aujourd'hui parc Chanot[10] fut un très grand succès. Elle a marqué avec éclat l'alliance entre la ville de Marseille et l'expansion territoriale de la France d'outre-mer[11]. L'exposition fermera ses portes le dimanche  ; cette journée de clôture, marquée par la présence du Ministre des colonies, est achevée par un inoubliable cortège à la fois provençal et asiatique où la Tarasque voisine avec le Dragon oriental, et où les gardians de Camargue et les farandoleurs d'Arles étaient escortés par un défilé annamite[9].

Les visiteurs qui furent plus de 1 800 000 sont venus surtout de Marseille mais également d'autres villes y compris étrangères car une grande publicité avait été faite. Des visiteurs de marque ont également été reçus : le roi du Cambodge, le roi du Djolof, Behanzin l'ex-roi du Dahomey se rendant en Algérie où il décèdera peu après, un maharadja ainsi que diverses personnalités militaires ou artistiques et littéraires : Lyautey, Galliéni, Mistral, Félix Ziem, et Auguste Rodin[12].

La Société coloniale des artistes français, qui rivalise avec la Société des peintres orientalistes français et qui assume plus clairement son adhésion à l'idéologie coloniale française, prend l'ascendant sur cette dernière lors de cette exposition[13],[14].

Dans une lettre, Maurice Delafosse écrit : « l'exposition de Marseille est vraiment tout à fait bien, très supérieure à tout ce que j'ai vu précédemment... Le public ne cesse de s'y presser en foule et l'entreprise fait des recettes! chose que l'on n'avait jamais vue...C'est l' A.O.F. qui détient le gros succès, bien que l'Indochine ait fait quelque chose de merveilleux. Au point de vue de la présentation et de l'éducation du public, je donnerais le premier prix au Maroc et le second à l'A.O.F. »[15]

À la suite de cette exposition coloniale, deux autres suivront comme celle de Marseille en 1922 et de Paris en 1931[16].

Notes et références

  1. Isabelle Aillaud, Dominique Boudet, Roland Caty, Sylvie Claire, Christelle Harrir, Éliane Richard et Émile Témine, Jules Charles-Roux : Le grand marseillais de Paris, Rennes, Marines éditions, , 127 p., 26 × 19 cm (ISBN 2-915379-06-8), chap. V (« Jules Charles-Roux, le colonial »), p. 67
  2. Pierre Gallocher, Marseille, Zigzags dans le passé, t. III, Marseille, P. Tacussel, , 217 p., 21 × 19 cm (ISBN 2-903963-63-0), chap. XXXI (« L'exposition coloniale de 1906 »), p. 204
  3. Georges Aillaud (dir.), Yvon Georgelin (dir.), Henri Tachoire (dir.), Arlette Aillaud, Bernard Barbier, Georges Bergoin, Marcel Coudurié, Pierre Échinard et Yvonne Levi, Marseille, 2 600 ans de découvertes scientifiques : Des origines au milieu du XXe siècle, vol. II : Vers la création de la faculté des sciences, Publications de l'Université de Provence, , 361 p., 24 × 16 cm (ISBN 2-85399-503-8), chap. XXIX (« Les expositions coloniales de 1906 et 1922 »), p. 333
  4. Georges Aillaud (dir.), Yvon Georgelin (dir.), Henri Tachoire (dir.), Arlette Aillaud, Bernard Barbier, Georges Bergoin, Marcel Coudurié, Pierre Échinard et Yvonne Levi, Marseille, 2 600 ans de découvertes scientifiques : Des origines au milieu du XXe siècle, vol. II : Vers la création de la faculté des sciences, Publications de l'Université de Provence, , 361 p., 24 × 16 cm (ISBN 2-85399-503-8), chap. XXIX (« Les expositions coloniales de 1906 et 1922 »), p. 338
  5. Isabelle Aillaud, Dominique Boudet, Roland Caty, Sylvie Claire, Christelle Harrir, Éliane Richard et Émile Témine, Jules Charles-Roux : Le grand marseillais de Paris, Rennes, Marines éditions, , 127 p., 26 × 19 cm (ISBN 2-915379-06-8), chap. V (« Jules Charles-Roux, le colonial »), p. 69
  6. Gabrielle Abbe, « La construction d'un mythe », L'Histoire, , p. 52-59 (lire en ligne).
  7. Pierre Gallocher, Marseille, Zigzags dans le passé, t. III, Marseille, P. Tacussel, , 217 p., 21 × 19 cm (ISBN 2-903963-63-0), chap. XXXI (« L'exposition coloniale de 1906 »), p. 208
  8. Pierre Gallocher, Marseille, Zigzags dans le passé, t. III, Marseille, P. Tacussel, , 217 p., 21 × 19 cm (ISBN 2-903963-63-0), chap. XXXI (« L'exposition coloniale de 1906 »), p. 205
  9. Pierre Gallocher, Marseille, Zigzags dans le passé, t. III, Marseille, P. Tacussel, , 217 p., 21 × 19 cm (ISBN 2-903963-63-0), chap. XXXI (« L'exposition coloniale de 1906 »), p. 212
  10. Marseille, Il y a bientôt 100 ans, Saint-Cyr-sur-Loire, Éditions Alan Sutton, , 95 p. (ISBN 2-84910-145-1)
  11. Marcel Roncayolo, Histoire du commerce et de l'industrie de Marseille XIXe-XXe siècles, vol. V : L'imaginaire de Marseille : port, ville, pôle, Marseille, Chambre de commerce et d'industrie de Marseille, , 368 p., 24 × 16 cm (ISBN 2-900732-04-2), p. 193
  12. Philippe Joutard (dir.), Paul Amargier, Marie-Claire Amouretti, Régis Bertrand, Jean Guyon, Béatrice Hénin, Éliane Richard et Anne Sportiello, Histoire de Marseille en treize événements, Marseille, Jeanne Laffitte, , 222 p., 23 × 20 cm (ISBN 2-86276-145-1), chap. XII (« La 1re exposition coloniale française »), p. 190
  13. Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700)
  14. mediatheque patrimoine
  15. Louise Delafosse, Maurice Delafossele berrichon conquis par l'Afrique, Paris, Société Française d'histoire d'outre mer, , 428 p., Page 375
  16. « Marseille, de l’exposition coloniale de 1906 au mémorial de la France outre-mer »

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges Aillaud (dir.), Yvon Georgelin (dir.), Henri Tachoire (dir.), Arlette Aillaud, Bernard Barbier, Georges Bergoin, Marcel Coudurié, Pierre Échinard et Yvonne Levi, Marseille, 2 600 ans de découvertes scientifiques : Des origines au milieu du XXe siècle, vol. II : Vers la création de la faculté des sciences, Publications de l'Université de Provence, , 361 p., 24 × 16 cm (ISBN 2-85399-503-8), chap. XXIX (« Les expositions coloniales de 1906 et 1922 »), p. 333-349.
  • Isabelle Aillaud, Dominique Boudet, Roland Caty, Sylvie Claire, Christelle Harrir, Éliane Richard et Émile Témine, Jules Charles-Roux : Le grand marseillais de Paris, Rennes, Marines éditions, , 127 p., 26 × 19 cm (ISBN 2-915379-06-8), chap. V (« Jules Charles-Roux, le colonial »), p. 53-73.
  • Pierre Gallocher, Marseille, Zigzags dans le passé, t. III, Marseille, P. Tacussel, , 217 p., 21 × 19 cm (ISBN 2-903963-63-0), chap. XXXI (« L'exposition coloniale de 1906 »), p. 203-216.
  • Philippe Joutard (dir.), Paul Amargier, Marie-Claire Amouretti, Régis Bertrand, Jean Guyon, Béatrice Hénin, Éliane Richard et Anne Sportiello, Histoire de Marseille en treize événements, Marseille, Jeanne Laffitte, , 222 p., 23 × 20 cm (ISBN 2-86276-145-1), chap. XII (« La 1re exposition coloniale française »), p. 181-195.
  • Georges Aillaud, Isabelle Aillaud, Bernard Barbier et al., Désirs d'ailleurs, les expositions coloniales de Marseille 1906 et 1922, Marseille, Archives municipales de Marseille / Éditions alors Hors du Temps, , 139 p. (ISBN 2-915392-06-4)
  • La Côte d'Ivoire, notices publiées par le Gouvernement Général de l'AOF à l'occasion de l'exposition coloniale de Marseille, 1906 Editions Crété

Lien interne

Liens externes

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