David Graeber
David Graeber, né le à New York (États-Unis) et mort le à Venise (Italie), est un anthropologue et militant anarchiste américain, théoricien de la pensée libertaire nord-américaine et figure de proue du mouvement Occupy Wall Street.
Évincé de l'université Yale en 2007, David Graeber, « l’un des intellectuels les plus influents du monde anglo-saxon » selon le New York Times[1], a ensuite été professeur à la London School of Economics[2]. Il est notamment le théoricien du concept de « bullshit job ».
Biographie
Les parents de Graeber étaient des intellectuels de la classe ouvrière autodidacte à New York[3]. Ruth Rubinstein, sa mère, travaillait dans le secteur de l'habillement et jouait le rôle principal dans la revue de comédie musicale des années 1930, Pins & Needles, organisée par le Syndicat international des travailleuses du vêtement. Kenneth Graeber, son père, qui était affilié à la Ligue des jeunes communistes au collège, participa à la révolution espagnole à Barcelone et combattit dans la guerre civile espagnole. Il a ensuite travaillé sur des imprimantes offset.
Graeber a grandi à New York, dans un immeuble d'appartements coopératif décrit par le magazine Business Week comme « imprégné de politique radicale ». Graeber est un anarchiste depuis l'âge de 16 ans, selon une interview qu'il a donnée à The Village Voice en 2005[4].
Il a un passé d'activiste social et politique, notamment du fait de sa participation à la protestation contre le Forum économique mondial à New York (2002). Il était membre du syndicat Industrial Workers of the World (IWW).
Il fut chargé de cours d'anthropologie à l'université Yale jusqu'à ce que l'université ne renouvelle pas son contrat en juin 2007, ce qui fit controverse à cause du soupçon de motivation politique à cette éviction. Il se fit indemniser une « année sabbatique » durant laquelle il donna un cours d'introduction à l'anthropologie culturelle et un autre intitulé Direct Action and Radical Social Theory. Puis il occupa un poste de maître de conférences (reader) au sein du département d'anthropologie de l'université de Londres[5], de l'automne 2007 à l'été 2013. Il a ensuite été professeur à la London School of Economics.
Il est l'auteur de Fragments of an Anarchist Anthropology (en français : Pour une anthropologie anarchiste) et Towards an Anthropological Theory of Value: The False Coin of Our Own Dreams).
Il a composé de vastes œuvres anthropologiques à Madagascar, et écrit sa thèse de doctorat (The Disastrous Ordeal of 1987: Memory and Violence in Rural Madagascar) sur ce pays.
En 2011, il publie une vaste monographie intitulée Debt: the First Five Thousand Years (Melville House ; publié en français en 2013 sous le titre Dette : 5000 ans d'histoire, aux éditions Les liens qui libèrent). Dans cet ouvrage, où il s'inspire notamment des thèses d'Alfred Mitchell-Innes, il soutient que le système du troc n'a jamais été utilisé comme moyen d'échange principal durant 5000 ans d'Histoire. En août 2013, il publie l'article On the Phenomenon of Bullshit Jobs dans lequel il émet l'hypothèse qu'une proportion significative des emplois sont considérés par ceux qui les occupent comme inutiles, voire comme nuisibles[6]. Cette hypothèse donne lieu à une enquête approfondie qui débouche sur le livre Bullshit jobs: A Theory, publié en français sous le titre Bullshit Jobs. Il envisage le revenu de base comme un moyen de disjoindre le travail du revenu et ainsi de lutter contre ces « jobs à la con »[7].
En décembre 2014 il se rend entre autres avec Janet Biehl au Rojava (Kurdistan de Syrie) afin de se documenter sur l'expérience en cours d'auto-gouvernement. Ce voyage donne lieu à des visites d’écoles, de conseils communaux, d’assemblées de femmes, de coopératives nées de la « révolution du Rojava »[8].
En 2015, il publie Bureaucratie (The Utopia of Rules: On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy) où il soutient que les entreprises privées sont tout aussi bureaucratiques que le service public, voire le sont davantage, et que la bureaucratie est un fléau du capitalisme moderne. Selon lui, « il faut mille fois plus de paperasse pour entretenir une économie de marché libre que la monarchie de Louis XIV »[9],[10].
En 2018, il donne sa lecture du mouvement des Gilets Jaunes en France selon laquelle celui-ci serait le signe de la déliquescence du système politico-financier actuel, qui valorise bien plus les métiers inutiles (bullshit jobs) liés à l'oligarchie managériale et financière que les métiers du care [11]. La même année il publie le livre Bullshit Jobs: A theory[12].
Il meurt subitement le à Venise. Le 28 août, il avait annoncé dans une vidéo qu'il n'était pas très en forme mais qu'il se sentait de mieux en mieux[13],[14],[15].
Le mouvement Occupy Wall Street
En novembre 2011, le Rolling Stone attribue à David Graeber ce qui sera le slogan du mouvement: "we are the 99 percent". Graeber écrira dans the democracy project que ce slogan relevait essentiellement de la création collective (« was a collective creation »). le Rolling Stone d'ajouter que David Graeber a aidé à créer la première assemblée générale de l'histoire de la ville de New-York, parvenant à rassembler une soixantaine de participants le 2 août 2011. Il passa les 6 mois qui suivirent à s'impliquer dans ce mouvement naissant en facilitant l'organisation des assemblées générales, en assistant aux réunions de travail en collectif, puis en préparant les militants sur le plan légal à manifester de manière pacifique selon les principes de la NVR (non-violent resistance). Quelques jours après l'établissement d'un camp de manifestants dans le Zuccotti Park, il quitta New-York pour Austin (Texas).[réf. nécessaire]
Œuvres
Ouvrages en anglais
- Toward an Anthropological Theory of Value: The False Coin of Our Own Dreams, 2001
- Fragments of an Anarchist Anthropology, 2004
- Lost People: Magic and the Legacy of Slavery in Madagascar, 2007
- Possibilities: Essays on Hierarchy, Rebellion, and Desire, 2007
- Direct Action: An Ethnography, 2009
- (en) Debt : The First 5,000 Years, Brooklyn (N.Y.), Melville House, , 544 p. (ISBN 978-1-933633-86-2)
- Revolutions in Reverse : Essays on Politics, Violence, Art, and Imagination, Autonomedia, , 120 p. (ISBN 978-1-57027-243-1)
- The Democracy Project : A History, a Crisis, a Movement, Spiegel & Grau, , 352 p. (ISBN 978-0-8129-9356-1)
- The Utopia of Rules : On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy, Montréal (Québec), Melville House, , 272 p. (ISBN 978-2-89596-037-9)
- Bullshit Jobs : A Theory, Penguin., , 368 p. (ISBN 978-0-241-26388-4)
Ouvrages en français
- (en) Pour une anthropologie anarchiste [« Fragments of an Anarchist Anthropology »], Brooklyn, Lux Éditeur, , 164 p. (ISBN 978-1-61219-374-8)
- Dette : 5000 ans d'histoire [« Debt: The First 5000 Years »] (trad. de l'anglais), Paris, Les liens qui libèrent, , 624 p. (ISBN 979-10-209-0059-3)
- La Démocratie Aux Marges (trad. de l'anglais), Lormont, Le Bord de l'eau, , 120 p. (ISBN 978-2-35687-296-8) ; reprise de l'article paru en 2005 dans le n°26 de la Revue du MAUSS.
- Comme si nous étions déjà libres [« The Democracy Project : A History, a Crisis, a Movement »] (trad. de l'anglais), Montréal (Québec)/Arles, Lux Éditeur, , 280 p. (ISBN 978-2-89596-180-2)
- Des fins du capitalisme : Possibilités I [« Possibilities: Essays on Hierarchy, Rebellion, and Desire »] (trad. de l'anglais), Paris, Payot, , 363 p. (ISBN 978-2-228-91151-1)
- Bureaucratie, l'utopie des règles [« The Utopia of Rules: On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy »] (trad. de l'anglais), Paris, Les liens qui libèrent, , 304 p. (ISBN 979-10-209-0291-7), Actes Sud, 2017.
- Bullshit jobs [« Bullshit Jobs: A Theory »] (trad. de l'anglais), Paris, Les liens qui libèrent, , 416 p. (ISBN 979-10-209-0633-5)
- Les Pirates des Lumières : ou la véritable histoire de Libertalia, Libertalia, , 228 p. (ISBN 978-2-37729-106-9)
Contributions à des ouvrages collectifs
- Collectif, La commune du Rojava : l'alternative kurde à l'État-nation, Syllepse, 2017, préf. Michael Löwy, Le Kurdistan libertaire nous concerne !, [lire en ligne].
Articles en anglais
- Rebel Without a God (In These Times, décembre 1998)
- Give it Away (In These Times, août 2000)
- The New Anarchists (New Left Review, février 2002)
- The Twilight of Vanguardism (Indymedia DC, mai 2003)
- Of Flying Cars and the Declining Rate of Profit (The Baffler, janvier 2013)
- A Practical Utopian’s Guide to the Coming Collapse (The Baffler, février 2013)
- On the Phenomenon of Bullshit Jobs (Strike! Magazine, août 2013)
- What's the Point If We Can't Have Fun (The Baffler, février 2014)
- Caring too much. That's the curse of the working classes (The Guardian, mars 2014)
- Savage capitalism is back – and it will not tame itself (The Guardian, mai 2014)
Articles en français
- Les nouveaux anarchistes, [The new anarchists], New Left Review, n°13, janvier-février 2002, en français, en anglais.
- Avec Andrej Grubacic, L’Anarchisme, ou Le Mouvement Révolutionnaire du Vingt et Unième Siècle, 6 janvier 2004, texte intégral.
- Jade Lindgaard, Nicolas Haeringer, « L’idée d’avoir une revendication unique ne parle à personne », entretien avec David Graeber, Mouvements, 3 mai 2012, texte intégral.
- Avec David Wengrow, « Comment changer le cours de l'histoire », Le Grand Continent, juin 2018, texte intégral.
- Avec Marshall Sahlins, « Sur les rois », Le Grand Continent, mars 2018,
Notes et références
- Robert Maggiori, L’irréductible d’Occupy Wall Street, Libération, 25 juin 2014, texte intégral.
- Nicolas Weill, David Graeber : un soulèvement, sans apocalypse, Le Monde, 25 mars 2010, texte intégral.
- « Anarchist David Graeber Turned Hapless Rally Into Global Protest », sur www.bloomberg.com (consulté le )
- (en) « Take It From the Top », Village Voice, (lire en ligne, consulté le )
- Dr David Graeber MA PhD sur le site de l'Université de Londres
- Vers une société de « jobs à la con » ? Libération 28 août 2013
- 29ter, « David Graeber : le revenu universel, remède aux jobs à la con ? », sur www.socialter.fr (consulté le )
- « De retour du Rojava : impressions et réflexions - OCL - Organisation Communiste Libertaire », sur oclibertaire.free.fr (consulté le )
- David Graeber, l’indigné qui s’attaque à la bureaucratie libérale Politis, 8 octobre 2015
- David Graeber, anthropologue : “Qui oserait nier l'impact international des Indignés ?” Télérama, 6 octobre 2015
- « David Graeber : « Les “gilets jaunes” montrent combien le sol bouge sous nos pieds » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « David Graeber a montré que les inégalités ne sont pas une fatalité », sur L'Obs (consulté le )
- « L’Américain David Graeber, anthropologue des « bullshit jobs » et figure d’Occupy Wall Street, est mort », Le Monde, (consulté le )
- « David Graeber, l’anthropologue des « bullshit jobs » et d’Occupy Wall Street, est mort », L'Obs, (consulté le )
- (en) « David Graeber Dead: Anthropologist & Anti-Capitalist Thinker Behind ‘We Are the 99%’ Slogan Dies at 59 », (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Robert Graham, Anarchism : A Documentary History of Libertarian Ideas, The New Anarchism (1974-2012), volume III, Black Rose Book, 2012, extraits en ligne.
Articles de presse
- Nicolas Weill, « David Graeber : un soulèvement, sans apocalypse », Le Monde, 25 mars 2010, texte intégral.
- Marc-Olivier Bherer, « Occupy Wall Street, le legs », Le Monde, 23 avril 2014, texte intégral.
- Robert Maggiori, « L’irréductible d’Occupy Wall Street », Libération, 25 juin 2014, texte intégral.
- Irène Pereira, « Quand des activistes occupaient Wall Street », sur nonfiction.fr, .
- Christophe Patillon, « Comme si nous étions déjà libres », Mediapart, 30 décembre 2014, texte intégral.
- Joseph Confavreux, Jade Lindgaard, « David Graeber: « La bureaucratie sert les intérêts des 1% » », Médiapart, 1er janvier 2016, lire en ligne.
- Eric Aeschimann, « David Graeber, l'anthropologue qui veut nous débarrasser de l'État », L'Obs, 22 novembre 2014, [lire en ligne].
Articles connexes
Liens externes
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- WorldCat
- .
- Ressources relatives à la recherche :
- Ressource relative à la vie publique :
- (en) C-SPAN
- (en) [PDF] Fragments of an Anarchist Anthropology
- (en) Anarchism in the 21st Century, un article de David Graeber et Andrej Grubacic
- (en) The New Anarchists
- (en) Give it Away, un article sur Marcel Mauss
- (fr) recension de la 1re édition française de Fragment of an anarchist Anthropology
- (en) What is Debt?, une interview de David Graeber, Naked Capitalism
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