Coup d'État des aviateurs

Ce qu'on entend par « coup d'État des aviateurs » est en fait la seconde tentative de coup d'État militaire contre le régime de Hassan II, alors roi du Maroc, après celle de Skhirat, menée l'année précédente. Ce putsch avorté, qui a eu lieu le , a été conduit par des aviateurs des Forces aériennes royales sous le commandement du général Mohamed Oufkir et du lieutenant-colonel Mohamed Amekrane. Un tel « coup d'État » est le premier de son genre dans l'histoire militaire de par sa particularité « air-air » (avec des Northrop F-5 Freedom Fighter pour tenter d'abattre l'avion royal à son retour de France).

Déroulement

Type des avions de chasse F-5A ayant mitraillé le Boeing royal dans le ciel de Tétouan le .

Le , à l'initiative du général Mohamed Oufkir, alors ministre de la Défense du Maroc et major général des Forces armées royales (FAR), le lieutenant-colonel Mohamed Amekrane, commandant adjoint de l'aviation militaire et le commandant Louafi Kouera, commandant la 3e base aérienne de Kénitra (3e BAFRA), ordonnèrent à un certain nombre de pilotes de chasse marocains d'abattre le Boeing royal d'Hassan II dans le ciel de Tétouan, au nord du Maroc, lors de son retour de France.

Sur les six avions F-5 qui avaient décollé de Kénitra vers 15 h 40[1] du mardi 16 août 1972 et commandés par le capitaine Salah Hachad, trois seulement étaient armés, le premier était celui du commandant Louafi Kouera, qui était dans le complot depuis trois semaines, le deuxième était celui du lieutenant Abdelkader Ziad, qui n'a été mis au courant que quelques minutes avant le décollage, le troisième était celui du lieutenant Hamid Boukhalif, qui fut informé de la mission en vol. L'opération avait pour nom de code Boraq[1].

Le commandant Louafi Kouera, l'un des trois pilotes de chasse mitraillant l'avion royal, ne parvint pas à faire fonctionner son armement et tenta d'écraser son F-5 sur le Boeing royal[2]. Il fut capturé quelques minutes après son saut en parachute par la Gendarmerie royale marocaine dans la région de Souk El Arbaa[1] avec une jambe cassée et ramené au roi le jour même du putsch.

La queue de dérive du 727 royal après l'attaque.

Les lieutenants Abdelkader Ziad et Hamid Boukhalif réussirent à toucher deux des trois réacteurs de l'avion du roi, mais il réussit à atterrir sur l'aéroport international Rabat - Salé 10 à 15 minutes après l'attaque. Le pilote du Boeing royal n'était autre que le commandant Mohammed Kebbaj, pilote privé du roi, ancien pilote de chasse et collègue des aviateurs putschistes ; avec l'aide de son copilote Camel Bekkari et du mécanicien de bord Mohammed Jaouhar, il réussit à poser l'avion royal sur la piste de l'aéroport, même s'il ne peut éviter une sortie de piste à cause d'une roue coincée[réf. nécessaire] .

Quelques minutes plus tard, deux avions de chasse de type F-5 ouvrent le feu de nouveau sur la suite du roi lors de sa sortie du salon d'honneur de l'aéroport de Rabat-Salé ; les pilotes étaient les lieutenants Ziad et Boukhalif, qui sont retournés à la 3e BAFRA de Kénitra se réapprovisionner après la première attaque manquée contre le Boeing royal lors de l'escorte aérienne[réf. souhaitée]. L'opération porte le nom de code Red Flight. Le bilan de ce deuxième raid est de huit morts et environ cinquante blessés, dont plusieurs ministres[réf. nécessaire].

Le lieutenant-colonel Mohamed Amekrane lance alors l'opération Red Lightning en envoyant six F-5 pour bombarder le palais royal de Rabat. Mais le roi n'y est pas.

Quelques minutes avant l'attaque du palais royal de Rabat (opération Red Lightning), Hassan II réussit à sortir discrètement de l'aéroport de Rabat-Salé en prenant lui-même le volant d'une voiture de marque Peugeot appartenant à un employé de l'aéroport et prit une route secondaire de Salé jusqu'à son palais de Skhirat[réf. souhaitée].

Quant au lieutenant-colonel Mohamed Amekrane, qui commandait le putsch à partir de la tour de contrôle de la base de Kénitra avec le capitaine Larbi el-Haj, il réussit à s'enfuir à Gibraltar à l'aide d'un hélicoptère quelques heures après l'échec du putsch et fut extradé 36 heures après par le Royaume-Uni, malgré l'absence d'accord d'extradition avec le Maroc ; il fut alors jugé, condamné à la peine capitale et fusillé le [3].

Selon la version officielle des autorités marocaines relatée le par le ministre de l'Intérieur Mohamed Benhima, le général Oufkir se suicida quelques heures après le putsch au palais royal de Skhirat, après avoir tiré les conclusions des aveux du commandant Kouera[4]. Toutefois, Fatéma Oufkir, veuve du général, rapporte dans son livre Les Jardins du roi que son mari fut exécuté par le général Ahmed Dlimi (colonel à l'époque) et le général Moulay Hafid Alaoui. Selon une version relatée par Gilles Perrault dans son livre Notre ami le roi, le général Oufkir fut tué en dehors du palais : Dlimi contacta le général en lui annonçant que le roi, grièvement blessé, était à sa merci dans une maison proche de l'ambassade du Liban à Rabat, Oufkir s'y rendit aussitôt et fut abattu par Dlimi et Moulay Hafid Alaoui, le cadavre fut ensuite transporté à Skhirat.

Procès des aviateurs

Version biplace du F-5B non armé, piloté par le capitaine Salah Hachad, commandant de l'escorte aérienne de l'avion royal.
Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (août 2019). 
Pour l'améliorer, ajoutez des références vérifiables [comment faire ?] ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

Le procès des aviateurs désigne le procès des conjurés ouvert le devant le tribunal permanent des FAR de Kénitra à la suite du coup d'État avorté du , dit « putsch des aviateurs » contre le roi du Maroc Hassan II.

Deux cent vingt officiers, sous-officiers et soldats de la 3e BAFRA de Kénitra furent jugés. Au cours du procès des aviateurs, onze putschistes furent condamnés à mort. Il s'agit :

  • du lieutenant-colonel Mohamed Amekrane, chef du putsch ;
  • du capitaine Larabi el-Haj, complice dans l'opération de la communication radio avec les 3 avions rebelles depuis la tour de contrôle de la 3e BAFRA ;
  • du commandant Louafi Kouera et des lieutenants Abdelkader Ziad et Hamid Boukhalif, pilotes des 3 avions de chasse F-5 ayant mitraillé l'avion royal lors de son escorte aérienne ;
  • du sous-lieutenant Lyazid Midaoui, pilote de l'hélicoptère utilisé par Amekrane dans sa fuite à Gibraltar ;
  • de l'adjudant-chef Mehdi Abdellali, de l'adjudant Belkacem et des sergents-chefs Kamoune, Bahraoui et Benoi pour avoir donné de l'aide aux putschistes dans la base de Kénitra lors des opérations.

Une trentaine d'autres aviateurs furent condamnés à de lourdes peines et vinrent rejoindre les condamnés du premier putsch de Skhirat () à la prison civile de Kénitra dans un premier temps, et puis à Tazmamart le . Lorsque, après dix-huit ans de détention dans le bagne de Tazmamart, les portes s'ouvrirent, seuls vingt-huit des cinquante-huit détenus avaient survécu.

Conséquences du putsch raté

Le coup d'État des aviateurs du a eu pour conséquence la suppression des postes de ministre de la Défense, de major général et de major général adjoint, annoncée le par le roi Hassan II lors d'une réunion à Skhirat avec les chefs militaires et le gouvernement[réf. souhaitée]. Depuis, le roi s'occupe lui-même de l'armée, à laquelle il consacre quatre heures par jour[réf. nécessaire]. Le , des fourgons embarquèrent la famille Oufkir (la mère Fatéma, ses six enfants et la cousine Achoura) et partirent vers des maisons sécurisées dans un premier temps puis dans des prisons secrètes[réf. souhaitée] ; pour le roi Hassan II, Mme Oufkir était impliquée dans l'affaire[réf. souhaitée]. Le , 58 des putschistes des deux coups d'État ratés de Skhirat en 1971 et des aviateurs en 1972 sont transportés au bagne de Tazmamart[réf. souhaitée] .

Notes et références

Notes

    Références

    1. Telquel : L'affaire du Boeing : Révélations sur le putsch de 72, no 129.
    2. Abdelhak Serhane, Kabazal : les emmurés de Tazmamart : mémoires de Salah et Aïda Hachad, Casablanca, Tarik éditions, , 252 p. (ISBN 978-9-954-41914-4, lire en ligne)
    3. Ahmed Merzouki, Tazmamart, cellule 10, éditions Gallimard, 2001, (ISBN 2070419916).
    4. Gilles Perrault, Notre ami, le roi, Paris, Gallimard, coll. « Folio / Actuel » (no 40), , 378 p. (ISBN 978-2-070-32695-2), p. 165-166

    Annexes

    Bibliographie

     : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

    • Ahmed Merzouki, Tazmamart, cellule 10, éditions Gallimard, 2001 (ISBN 2070419916)
    • Abdelhak Serhane, Salah Hachad, Aïda Hachad, Kabazal, les emmurés de Tazmamart : mémoires de Salah et Aïda Hachad, éditions Tarik, 2004 (ISBN 978-9954-419-14-4)
    • Gilles Perrault, Notre ami le roi, éditions Gallimard, 1992 (ISBN 2070326950)
    • Fatéma Oufkir, Les Jardins du roi, éditions Michel Lafon, 2000 (ISBN 2840985462)
    • Éric Laurent, La Mémoire d'un roi, éditions Omnibus, 1999 (ISBN 978-2259025966)

    Voir aussi

    Articles connexes

    • Portail du Maroc
    • Portail de l’histoire militaire
    • Portail des années 1970
    Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.