Tazmamart

Tazmamart (arabe : سجن تازمامرت), ou Tazmamert, était une prison secrète pour prisonniers politiques à l'est du Maroc dans l'Atlas. Réputée pour ses conditions d'incarcération très difficiles, elle se trouvait dans une zone désertique près d'Er-Rich, entre Errachidia et Midelt, dans la région de Meknès-Tafilalet.

Géolocalisation de la prison de Tazmamart sur la carte du Maroc

Surnommée « l'Alcatraz marocain », on raconte qu'il était impossible de s'en évader à cause du désert très aride qui l'entourait. La ville la plus proche, Errachidia, se trouvait à 50 km. Entre 1972 et 1991, Tazmamart est devenue un symbole d'oppression dans l'histoire politique du Maroc contemporain durant les années de plomb .

D’après les rescapés de cette prison, son directeur s’appelait Mohamed el Kadi, ce dernier n’a jamais été jugé ni même entendu pour ce qu’il a fait subir et infliger aux détenus.

Histoire

La prison de Tazmamart fut construite entre 1972[1] et 1973, juste après le premier coup d'État avorté de Skhirat contre le roi Hassan II du Maroc le . Après l'échec de la tentative du général Oufkir dans le second coup d'État des aviateurs du , 58 officiers et sous-officiers des Forces armées royales furent envoyés à la prison centrale de Kénitra et plus tard à Tazmamart.

Durant les années 1980, des allégations surgirent sur l'existence d'une prison appelée Tazmamart. Les autorités marocaines (Makhzen) dénièrent l'entièreté de ces allégations. Il fallut attendre la publication du livre Notre ami le roi par le journaliste Gilles Perrault en 1990 pour que le sujet atteigne un niveau politique.

En 1991, sous la pression de groupes internationaux de défense des droits de l'Homme, ainsi que de certains gouvernements étrangers, le roi Hassan II décida de fermer la prison et de relâcher les derniers détenus. Certains s'enfuirent à l'étranger, d'autres restèrent au Maroc, mais furent dissuadés d'aborder publiquement leurs expériences à Tazmamart[2].

Conditions de détention

Selon d'anciens détenus et associations de droits de l'homme, les conditions de détention à Tazmamart étaient extrêmement dures. Y sévissaient torture et mauvais traitements, les conditions effroyables de vie dans la prison étaient les plus grandes menaces sur la vie des détenus.

Les prisonniers étaient enfermés 24 heures sur 24 dans des cellules étroites, sans lumière, avec peu de protection contre la chaleur ou le froid. Il n'y avait pas de traitement contre les dommages causés par la torture ou les maladies type tuberculose. Les rations de nourriture étaient minimales. Les contacts n'étaient pas permis. Il y eut aussi des allégations d'exécutions[3]. En tout, 35 prisonniers décédèrent, soit plus de la moitié des personnes incarcérées à Tazmamart durant les dix-huit ans d'existence du bagne[4], avant que la prison soit finalement fermée en 1991.

Révélations publiques par d'anciens détenus

Certains des anciens détenus de Tazmamart ont écrit des livres sur leur détention, de dix huit ans :

  • Ahmed Marzouki décrit dans son livre Tazmamart, Cellule 10, l'un des plus gros succès d'édition que le Maroc ait jamais connus[5], les conditions terribles de sa détention. Il a repris son témoignage dans une émission à la chaîne Al Jazeera en 2009.
  • Ali Bourequat, Dans les jardins secrets du roi du Maroc.
  • Midhat Bourequat, Mort vivant.
  • En 2004, Salah et Aïda Hachad ont également rédigé, avec l'aide d'Abdelhak Serhane, leurs mémoires dans un ouvrage intitulé Kabazal, les Emmurés de Tazmamart : Mémoires de Salah et Aïda Hachad, où ils font le récit de leur combat à l'intérieur et à l'extérieur de Tazmamart[6] (voir le roman de Tahar Ben Jelloun).
  • en 2000, Mohamed Raiss a publié en arabe, au Maroc, le récit de son expérience au bagne de Tazmamart.
  • en 2011, la version française des mémoires de Mohamed Raiss sur Tazmamart a paru sous le titre "De Skhirat à Tazmamart - Retour du Bout de l'Enfer" (Éditions Afrique Orient, Casablanca).

Tahar Ben Jelloun, qui, lui, ne fait pas partie des anciens détenus, a écrit le roman Cette aveuglante absence de lumière, paru en 2001, d'après un témoignage.

Les cinquante-huit bagnards de Tazmamart

BâtimentCelluleNomGradePeineRemarque
1[5]
1Benaïssa RachdiSergent3 ansDécédé le .
2Mohamed LghalouLieutenant20 ansDécédé le .
3Abdellatif BelkébirCapitaine4 ans
4Abdelali Moudine SefriouiLieutenant5 ans
5Abdellah AaguaouSergent3 ans
6Tigani BenradouaneLieutenant5 ansDécédé le .
7Mohamed SajjâiSergent3 ansDécédé le .
8Mohamed Afyaoui3 ans
9Adeblkarim SaoudiSous–lieutenant4 ans
10Ahmed Marzouki (Marzak)Sous-lieutenant5 ans
11 Driss Chberreq Sous-lieutenant 3 ans
12Mohamed Al ZemmouriLieutenant20 ans
13Ahmed BouhidaSergent3 ans
14Mohamed RaïssAspirantPerpétuité
15M’barek TouilLieutenant20 ans
16Mohamed MonsitLieutenant12 ans
17Jamel BezzaziCapitaine10 ans
18Moufaddal MagoutiAdjudant-chef20 ans
19Abderrahman SedkiSous-lieutenant3 ans
20Lahssen OusséadSergent3 ans
21Larbi AzianeSergent3 ansDécédé le . Cette cellule a été occupée par le sergent chef Driss Dghoughi, venu du deuxième bâtiment en 1981.
22Akka MajdoubSergent3 ans
23Jilali DikAdjudant–chef5 ansDécédé le .
24Mohamed BouamalatSergent3 ans
25Mohamed MoujahidSous-lieutenant4 ans
26Mimoune Al-FagouriSergent3 ansSuicidé le .
27Mohamed GhalloulCapitaine5 ans
28Moha BettySergent3 ansdécédé en .
29Salah HachadCapitaine20 ans
2[5]
Mohamed ChemsiLieutenant3 ansPremière victime à Tazmamart, décédé le
30Amarouch KouiyenAdjudant10 ansDécédé le .
44Mohamed Abou El MaâkoulAdjudant-chef5 ansDécédé le .
45Mahjoub lyakidiSous-lieutenant20 ansDécédé le , le même jour que l’adjudant Amarouch.
46Abdelkarim ChaouiSergent3 ansIl a été transféré au bâtiment 1 en 1981 après l’arrivée des frères Bouriquat.
47Ahmed RijaliSergent3 ansIl sera transféré au bâtiment 1 en 1981.
48Mohamed KinateSergent3 ansDécédé le .
49Abdellah FraouiSergent3ansTransféré au bâtiment 1 en 1981, il est retourné en 1983 où il est mort la même année.
50Abdelaziz DaoudiSous-lieutenant18 ans
51Thami AbousniSergent3 ansDécédé le .
52Skiba BouchaibSergent3 ansDécédé le .
53Mohamed Abdessadki (Manolo)Sergent-chef5 ansDécédé en 1983.
54Lamine RachidAdjudant-chef3 ansDécédé en 1984.
55Moha BoutouSous-lieutenant3 ansDécédé le .
56Mohamed El KouriSous-lieutenant12 ansDécédé le .
57Driss BahbahSergent3 ansDécédé en 1986.
58Boujemaâ Azendour5 ansDécédé en 1986.
59Abdelaziz BinebineSous-lieutenant10 ansCondamné pour avoir participé à tentative de coup d'État de Skhirat, il y restera 18 années[7]
60Abdessalam HaifiLieutenant20 ansDécédé en .
61Abdelaziz AbabouSergent-chef5 ansDécédé le .
62Abdessalam RabhiSergent3 ansDécédé à la cellule 1 du bâtiment 1 le après avoir transféré du bâtiment 2 en .
63Mohamed El AyadiAdjudant3 ansDécédé le .
64Rabah El BattiouiSergent3 ansDécédé le .
65Kacem KasraouiSergent3 ansDécédé le .
66Allal MouhajSergent3 ansDécédé le .
67Allal Al HadaneSergent3 ansDécédé dès les premières années de son incarcération.
68Jamel BezzaziSergent-chef3 ans
69Ghani AchourSergent-chefPerpétuité
70Abdelhamid Ben DoroCapitaine10 ansDernière victime à Tazmamart, décédé le .

Bibliographie

  • Ali Bourequat (1998), Dans les jardins secrets du roi du Maroc, Maurice Publishers.
  • Ahmed Marzouki (2000), Tazmamart Cellule 10, Éditions Paris Méditerranée ; Casablanca : Tarik Éditions (ISBN 2070419916).
  • Tahar Ben Jelloun (2001), Cette aveuglante absence de lumière, Éditions du Seuil and New Press (ISBN 1565847237).
  • Christine Daure-Serfaty (2002), Tazmamart, Une prison de la mort au Maroc (ISBN 2234024722).
  • Liliane Dayot (1999), Maroc Amnésie Internationale , Éditions Paris Méditerranée.
  • Abdelhak Serhane, Salah et Aïda Hachad, Kabazal, Les Emmurés de Tazmamart : mémoires de Salah et Aïda Hachad, Tarik Éditions, Casablanca, 2004 (ISBN 9954-419-144).
  • Mohamed Raiss, De Skhirat à Tazmamart, Éditions Afrique Orient, Casablanca, 2011 (ISBN 9981-25-252-2).
  • Vivre à Tazmamart, film documentaire réalisé par Davy Zylberfajn, distribué par Cauri films en 2005.
  • Aziz Binebine : Tazmamort.

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Marie Pierre, « Médias : Hassan II, Tazmamart et la télé française », Zamane, Casablanca, no 13, , p. 92-95 (lire en ligne)

Lien externe

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