Charles Mangin

Charles, Marie, Emmanuel Mangin, né à Sarrebourg le et mort à Paris le , est un général français de la Première Guerre mondiale. Convaincu de la valeur des troupes sénégalaises, c'était un partisan ardent d'une armée africaine, la « force noire », au service de la France.

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Biographie

Carrière

Charles Mangin est né le 6 juillet 1866 à Sarrebourg (alors dans le département de la Meurthe). La défaite de 1870-1871 amène l'annexion de l'Alsace-Lorraine et de la ville de Sarrebourg au nouvel Empire allemand. Ses parents « optent » pour la France.

Ancien élève de l'école militaire de Saint-Cyr, il sert au Soudan français à la tête des tirailleurs sénégalais. Il participe à la mission Congo-Nil en 1898-1900 sous les ordres de Jean-Baptiste Marchand, notamment lors de la « Crise de Fachoda ». Il en gardera une passion pour l'Afrique noire. Puis il prend part à la conquête du Maroc, sous les ordres de Louis Hubert Gonzalve Lyautey en 1912, au grade de colonel, se distinguant entre autres par la prise de Marrakech. Il est ainsi l'un des acteurs principaux de la Campagne du Maroc 1907-1914.

Nommé général de brigade en août 1913[1], il prend le commandement de la 8e brigade d’infanterie à la déclaration de guerre. Un mois plus tard, il est promu au commandement par intérim de la 5e Division d'Infanterie de Rouen (3e corps d'armée). Pendant la bataille des frontières, il réussit à faire prendre Onhaye lors de la bataille de Charleroi, puis dirige les combats sur la Marne et en Artois. Homme de terrain à l'esprit réaliste, il s'oppose à la doctrine d'offensive à outrance « à coups d'hommes » et pratique la préparation d'artillerie massive. Le 22 mai 1916, il fait attaquer en vain le fort de Douaumont (Meuse) puis, toujours à Verdun, il dirige les offensives de reconquête aux côtés de Nivelle. Les reprises des Forts de Vaux et de Douaumont, menées avec peu de pertes car bien préparées, puis de la côte du Poivre, annulent en quelques semaines huit mois d'efforts allemands.

En 1917, il participe à l'offensive de Nivelle, sur le Chemin des Dames, à la tête de la 6e Armée[2].

Le lieutenant Mangin, lors de la mission Congo-Nil.

Celle-ci atteint la plupart de ses objectifs, conquiert six kilomètres de profondeur sur des points stratégiques, capture, en deux semaines, des milliers de soldats allemands, au prix de 30 000 hommes (8 % de son effectif) tués, blessés ou disparus. Des mutineries de soldats refusant de remonter en ligne se produisent ensuite : une centaine de désertions et de refus d'obéissance en mai à la 6e Armée. Grand adversaire de Pétain, Mangin est marginalisé par ce dernier, dans le cadre d'une bataille politique entre le clan Briand et le clan Ribot, où des statistiques manipulées servent d'arguments (on compte comme « pertes » non seulement les morts et les blessés graves, mais aussi les blessés légers et les victimes d'engelures). L'attaque s'enlisant, Mangin est limogé avec Nivelle, mais reçoit en décembre le commandement d'un corps d'armée.

En juillet 1918, Mangin invente et applique la tactique du feu roulant de l'artillerie, qui désorganise l'armée allemande partout où elle recule (les canons de 75 avancent sur le terrain abandonné par l'ennemi et celui-ci ne parvient pas à sortir du champ de tir qui avance avec lui) ; il démontre ainsi la supériorité de l'attaque sur la défense, préfigurant ainsi les analyses du général de Gaulle (Vers l'armée de métier) et les choix de l'armée allemande en 1940.

Selon son secrétaire Jean Martet, Clemenceau a dit de Mangin (M. Clemenceau peint par lui-même) : « Les colonies nous ont donné Mangin. C'était un homme… dangereux ! Mais il s'est bien battu, et, dans sa brousse, ses marais, il avait pris le goût, le sens de la lutte. Il a fait la guerre en soldat et non, comme pas mal d'autres, en fonctionnaire » ; Clemenceau aurait dit aussi : « Un grand militaire et un grand chef, mais qui considérait que l'obéissance n'était pas faite pour lui », et : « Il aurait donné du nez n'importe où. »

Un portrait à charge a été fait de Mangin par ses adversaires, notamment par le « clan Pétain » dans le contexte politique de la critique de l'offensive Nivelle de 1917[3] : personnage très dur, peu bienveillant envers les prisonniers , s'exposant mais sacrifiant souvent ses troupes[réf. nécessaire], comme au Chemin des Dames, où Mangin fut accusé par le député Blaise Diagne de mener les troupes noires à « un véritable massacre »« sans utilité »[4]. Le 24 août 1914, il aurait, selon un témoignage, ordonné l'exécution sommaire, sans procès, d'un soldat retrouvé caché et sans arme[5]. On trouve dans À La Recherche du temps perdu de Marcel Proust et Les Croix de bois de Roland Dorgelès des descriptions de Mangin.

L'Action française le considère comme un Monck potentiel et fait campagne pour qu'il soit nommé gouverneur militaire de Paris, mais la gauche s’y oppose[6].

Au printemps 1918, à la suite de la nomination de Ferdinand Foch, Mangin prend la tête de la Xe Armée et participe à la seconde bataille de la Marne. Il y réalise la célèbre contre-attaque du 18 juillet à Villers-Cotterêts qui, précédée de centaines de chars d'assaut, brise l'offensive ennemie vers Paris et déclenche la retraite allemande. Vainqueur dans l'Aisne à l'automne, il fait rompre le front allemand, libérer Soissons et Laon. L'armistice annule son offensive prévue en Lorraine. Il entre à Metz le 19 novembre, atteint le Rhin à Mayence le 11 décembre, occupe la Rhénanie. Avec le général Fayolle, il occupe la Place de Mayence et la rive gauche du Rhin le 14 décembre 1918 ; il s'installe à la Deutschhaus et commande les troupes françaises stationnées à Mayence. Mangin encourage les autonomistes allemands qui veulent créer une République rhénane, contre les nationalistes prussiens, mais ce projet est refusé par les Anglo-Américains.

De 1906 à 1922, son fidèle ordonnance fut un Bambara de haute stature, Baba Koulibaly, qui veilla jour et nuit sur lui avec dévouement et une ostentation que le général appréciait, étant lui-même volontiers théâtral.

Mangin meurt en mai 1925 à Paris, dans son bureau après un repas au restaurant avec quelques amis, la rumeur publique parlant d'un empoisonnement, rumeur relayée par l'Action Française notamment[7],[8].

Vie privée

Au retour de la mission Marchand, Charles Mangin rencontre Madeleine Jagerschmidt, fille du diplomate Charles Jagerschmidt et petite-fille de Félix-Sébastien Feuillet de Conches. Ils se fiancent dix jours plus tard, et Mangin l'épouse en mai 1900, ayant dû attendre deux mois à cause du carême, période durant laquelle l'usage prohibe les mariages. Un an plus tard, son épouse meurt en mettant au monde un enfant mort-né. Très affecté, il ne répondra presque plus qu'aux lettres de la mère de Madeleine durant les trois années suivantes[9].

En janvier 1905, par le biais de Georges Humbert, professeur de mathématiques à l'École polytechnique, Mangin sollicite un entretien avec Cavaignac, ministre de la IIIe République, afin de lui parler du Tonkin. Humbert était l'époux de Marie Jagerschmidt, sœur de la première épouse de Mangin, et donne des cours particuliers à la fille du ministre, Antoinette Cavaignac. L'entretien intéresse Cavaignac et celui-ci l'invite régulièrement à dîner dans sa maison où vit sa fille Antoinette qui a alors 25 ans et qui est l'une des premières bachelières de France (baccalauréat ès sciences mention bien et ès lettres mention très bien). Il lui parle de la mission Marchand et de ses aventures alors que Mangin se décrit lui-même habituellement comme un silencieux[10]. Cette dernière lui propose de venir à Ourne, dans la propriété de sa famille. Le 24 juin, elle lui permet de demander à Marie Georges Humbert de faire la demande officielle auprès de son père. Ayant obtenu l'assentiment, Mangin épouse, en secondes noces, Antoinette Charlotte Cavaignac le 31 juillet 1905 à Ourne[9].

De cette union naîtront huit enfants, dont Stanislas Mangin, résistant de la Seconde Guerre mondiale.

Postérité

Statue en l'honneur de Charles Mangin à Metz.
  • Une statue en son honneur se dresse dans le jardin de la Liberté à Sarrebourg. La rue où se trouve sa maison natale ainsi qu'une cité scolaire portent également son nom.
  • Une statue en bronze du sculpteur rhénan Charles Gern orne le square Mangin sis rue Gambetta à Metz en Moselle (département de sa naissance). Fondue par Eugène Rudier, elle date de 1929 et a été placée sur un nouveau socle conçu en 1954 par Renard architecte. Toujours à Metz, une rue proche du quartier Saint-Thérèse porte son nom.
  • Villes ou villages ayant une rue ou une avenue du Général Mangin :

Décorations

Décorations française

Décorations étrangères

Ses écrits

  • Charles Mangin, La force noire : Lieutenant-colonel Mangin, Hachette (Paris), (lire en ligne)
    dans ce livre, Mangin préconise l'utilisation rapide et massive des troupes coloniales, dites « Force noire », en cas de guerre en Europe
  • Charles Mangin, La mission des Troupes noires : compte-rendu fait devant le Comité de l'Afrique française, Paris, Comité de l'Afrique française, , 44 p. (lire en ligne)
  • Charles Mangin, Comment finit la guerre : Général Mangin, Paris, Plon-Nourrit, , XIII-330 p. (lire en ligne)
  • Des Hommes et des faits. I. Hoche. Marceau. Napoléon. Gallieni. La Marne. Laon. La Victoire. Le Chef. La Discipline. Le Problème des races. Paul Adam : À la jeunesse. Réponse à M. P. Painlevé, Plon-Nourrit, 1923, 275 p.
  • Charles Mangin, Autour du continent latin avec le "Jules-Michelet" : Général Mangin, Paris, J. Dumoulin, , 381 p. (lire en ligne)
  • Charles Mangin, Regards sur la France d'Afrique. Avec quatre cartes, Paris, Impr.-libr.-éditeurs Plon-Nourrit et Cie, , 315 p. (lire en ligne)
  • Lettres du Soudan, Les Éditions des portiques, Paris, 1930, 253 p.
  • Un régiment lorrain. Le 7-9. Verdun. La Somme, Floch, Mayenne ; Payot, Paris, 1935, 254 p.
  • Souvenirs d'Afrique : Lettres et carnets de route, Denoël et Steele, Paris, 1936, 267 p.
  • Les Chasseurs dans la bataille de France. 47e division (juillet-novembre 1918), Floch, Mayenne ; Payot, Paris, 1935, 212 p.
  • Histoire de la nation française (publ. sous la direction de Gabriel Hanotaux), 8, Histoire militaire et navale, 2e partie, De la Constituante au Directoire, Plon, Paris, 1937
  • Lettres de guerre : [à sa femme] 1914-1918, Fayard, 1950, 323 p.

Bibliographie

  • Marius André, Entretiens avec le général Mangin sur l'Amérique, P. Roger, Paris, 1926, 273 p.
  • M. Dutrèb et P.-A. Granier de Cassagnac, Mangin, Payot, Paris, 1920, 252 p.
  • Gabriel Hanotaux, Le Général Mangin, avec un portrait en couleurs, Plon-Nourrit et Cie, Paris, 1925, 99 p.
  • Louis-Eugène Mangin, Le Général Mangin. 1866-1925, F. Lanore, Paris, 1986, 336 p.). Biographie écrite par le fils du général qui s'intéresse notamment à la formation de Mangin (un mauvais élève non-conformiste, mal vu par les états-majors) et à son activité en Afrique, à savoir les guerres coloniales, la lutte contre l'esclavage et les « talebs » de l'Almany Samory et la traversée-exploration de l'Afrique centrale jusqu'à Fachoda. La biographie se penche aussi sur la Grande Guerre et notamment sur les conceptions tactiques très différentes de la doctrine d'offensive à outrance de 1914, ou du « grignotage » de Joffre, sur ses relations conflictuelles avec Pétain ou, en 1919, sur son soutien aux autonomistes allemands rhénans, contre les nationalistes proto-nazis. Une édition plus détaillée fut offerte par Louis-Eugène Mangin à quelques grandes bibliothèques afin que, selon le professeur J.-B. Duroselle, « le travail beaucoup plus détaillé et comportant un solide appareil critique soit accessible aux chercheurs et à ceux qu'intéressent les dramatiques moments de notre histoire »[12]. Parmi ces bibliothèques se trouve la bibliothèque universitaire de lettres de Pau. Cette édition plus détaillée comporte 437 pages.
  • Marc Michel, « Colonisation et défense nationale : le général Mangin et la Force noire », in Guerres mondiales, 1987, no 145, p. 27-44
  • Paul Moreau-Vauthier, Un Chef : Le Général Mangin 1866-1925, Impr. Charles-Lavauzelle, Limoges ; Les Publications coloniales, Paris, 1936, 128 p.
  • Le général de Cugnac et le général de Vaulgrenant, « Mangin, causerie faite à l'Académie de Metz », Mémoire de l'Académie de Metz, (lire en ligne) sur Gallica
  • Lieutenant-colonel Charles Bugnet, Mangin, Paris : Plon, 1934, 331 p.

Les papiers personnels de Charles Mangin sont conservés aux Archives nationales sous la cote 149AP : Inventaire du fonds 149AP.

Notes et références

  1. « Le général Charles Mangin (1866-1925) », RFI, 28 mai 2014.
  2. Rapport de la commission d'enquête sur l'offensive Nivelle, 14 juillet 1917 (conservé au Service historique de la Défense), établissant que Mangin a « parfaitement commandé son armée pendant la bataille de l'Aisne ».
  3. Louis-Eugène Mangin, Le Général Mangin. 1866-1925, F. Lanore, Paris, 1986.
  4. Marc Michel (8 novembre 2013). « La Force noire et la ‘chair à canon’, Diagne contre Mangin, 1917-1925 » dans Les Troupes coloniales et la Grande GuerreCentre d’Études et de Recherche en Histoire Culturelle (CERHIC) de l’Université de Reims Champagne-Ardenne . Consulté le 14 mars 2018.
  5. « Les exécutions sommaires du dossier « Les fusillés de la Grande Guerre » - Pour mémoire - CNDP », sur cndp.fr (consulté le ).
  6. Stéphane Giocanti, Maurras – Le chaos et l'ordre, éd. Flammarion, 2006, p. 183.
  7. Henri Mordacq, La Mentalité allemande : cinq ans de commandement sur le Rhin, Plon, , 284 p.
  8. J. Aytet, « La mort de Mangin », Les Annales coloniales, (lire en ligne)
  9. Louis-Eugène Mangin, Le Général Mangin, Fernand Lanore, , 336 p. (ISBN 7-6300-0511-3).
  10. Notes de Mme Mangin.
  11. « Dossier presse exposition des tirailleurs » [PDF], sur http://www.caverne-du-dragon.com, (consulté le ), p. 8.
  12. Lettre du professeur J-B Duroselle annonçant aux bibliothèques le don de cette biographie détaillée du Général Mangin.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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