Changement de nom

Le changement de nom consiste à changer son prénom ou son nom de famille de manière officielle.

Principe général

Les règles et procédures de changement de nom et de prénom varient grandement d'un pays à l'autre : en France, demande avec constitution de preuves justifiant un intérêt légitime à changer de nom, auprès, selon les cas, de l'officier de l'état-civil ou du procureur de la République du lieu de domicile ou du lieu de naissance ou encore adressée au ministre de la justice ; arrêté royal en Belgique sur avis du ministère de la justice ; demande aux tribunaux de l'État de résidence aux États-Unis ; simple déclaration et usage de son nouveau nom dans la vie courante au Royaume-Uni , etc.

Aux États-Unis

Aux États-Unis, le changement de nom est régi par la loi de chaque État (en), qui varie d'un État à l'autre. Même si la plupart des États continuent de reconnaître le droit commun d’une personne à changer de nom par l'usage et le temps sans recourir à une procédure judiciaire, les exigences en matière de preuve d’identité et la nécessité de l'identification par le gouvernement font que la reconnaissance des changements de nom ne se produit plus en dehors du processus prévu par la loi. 49 États et le district fédéral de Columbia ont des procédures légales prévoyant l'examen judiciaire des requêtes en changement de nom. Les tribunaux rejettent les demandes ayant un objectif frauduleux ou interférant avec le droit d’autrui ou comportant un « contenu offensant »[1]. En Californie, la procédure de demande de changement de nom peut prendre jusqu'à trois mois[2].

En France

Historique

La professeur émérite en histoire du droit, agrégée de droit romain Anne Lefebvre-Teillard[3] a démontré qu’en France le pouvoir royal a cherché, à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, à s’affirmer peu à peu comme seul dépositaire du droit d’autoriser à changer de nom, sans y parvenir tout à fait[4] : le plus ancien changement de nom par l'autorité du roi date de 1422[4]. Henri II, par un édit donné à Amboise le (révoqué par une ordonnance du ) « fait défense à toutes personnes de changer leurs noms et armes sans avoir obtenu des lettres de dispense et permission, à peine de 1 000 livres d'amende, d'être punis, comme faussaires et privés de tout degré et privilège de noblesse[5],[4] ».

La Convention, pendant la Convention montagnarde, renverse temporairement ce mouvement par le décret du 24 brumaire an II (), « relatif à la faculté qu’ont tous les citoyens de se nommer comme il leur plaît, en se conformant aux formalités prescrites par la loi »[6] : « Le décret du 24 brumaire an II donnait à chaque citoyen la possibilité de changer de nom sur simple déclaration à la municipalité »[7].

La Convention thermidorienne, par le décret du 6 fructidor an II (), « portant qu’aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance », abroge cette liberté et affirme l’autorité de l’État en la matière :

« Article I — Aucun citoyen ne pourra porter ni de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre. »

 Guillaume 2006

Ce décret fut tempéré par la loi du 11 germinal an XI () « relative aux Prénoms et changemens de Noms » qui prévoit une procédure dérogatoire de changement de nom[8],[9]. Le rapporteur de la loi, André-François Miot, en expose les motifs :

« Citoyens législateurs, le projet de loi que le Gouvernement m’a chargé de vous présenter, n’est devenu nécessaire que par une suite de la variation et de l’incertitude de la législation pendant la révolution, sur un des points les plus essentiels de l’ordre public. Des idées de liberté exagérée sur les facultés que chaque personne pouvoit avoir d’adopter ou de rejeter au gré du caprice ou de la fantaisie, le nom qui doit ou la désigner individuellement, ou déterminer la famille à laquelle elle tient, ont introduit une confusion et de graves inconvéniens qui doivent nécessairement fixer l’attention du législateur ; il ne peut surtout laisser échapper le moment où il règle, par un Code civil, les droits et les rapports de tous les membres de la société, sans fixer en même temps, d’une manière invariable, les principes d’après lesquels ils doivent se distinguer les uns des autres. […]

On ne s’en tint même pas à ce point, et chacun, étendant le principe à son gré, crut pouvoir non seulement imposer à ses enfans un nom selon sa volonté, mais encore en changer lui-même par une simple déclaration faite devant sa municipalité, et souvent dans une assemblée populaire. La Convention nationale consacra même cet étrange principe par un décret du 24 brumaire an II […]

qui peut mieux que le Gouvernement juger de la validité des motifs sur lesquels la demande de ce changement est appuyée ? Qui peut prononcer, si ce n’est lui, qui, placé au sommet de l’administration, est seul à portée de s’éclairer, et de décider entre une demande raisonnable et un caprice ? »

 Sirey 1822, 3, p. 120-125

Le Conseil d’État, dans son avis du 13 nivôse an X (), affirmait déjà la nécessité d’encadrer strictement les changements de nom :

« les principes sur lesquels repose l’état des hommes s’opposent à toute rectification des registres qui n’est pas le résultat d’un jugement provoqué par les parties intéressées à demander ou à contredire la rectification ; que ces principes ont toujours été respectés comme la plus ferme garantie de l’ordre social ; qu’ils ont été solennellement proclamés par l’ordonnance de 1667, qui a abrogé les enquêtes d’examen à futur ; qu’ils viennent d’être encore consacrés dans le projet de la troisième loi du Code civil ; qu’on ne pourrait y déroger sans porter le trouble dans les familles, et préjudicier à des droits acquis »

 Barrot 1839, p. 201

Ainsi, si le nom a pu être affirmé comme immuable, la loi admettait un changement de nom dans les conditions strictes qu’elle avait fixées[10]. Mais ces conditions ont été grandement facilitées par la loi du de modernisation de la justice du XXIe siècle[11],[12] qui, par son article 56.I modifiant l’article 60 du Code civil, prévoit le changement de prénom par simple déclaration devant un officier d’état civil en mairie, comparable en cela (au moins pour le prénom) au décret du 24 brumaire an II :

« Toute personne peut demander à l’officier de l’état civil à changer de prénom. La demande est remise à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé. S’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut également être demandée. »

 Article 60 du Code civil[13]

Changement de prénom

Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de prénom(s) auprès de l'officier de l'état civil du lieu de résidence ou du lieu où l'acte de naissance a été dressé. L'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms peut également être demandée[14].

S'il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, l'officier de l'état civil saisit le procureur de la République. Si le procureur de la République s'oppose à ce changement, le demandeur peut saisir le juge aux affaires familiales pour une demande de changement judiciaire de prénom (article 60 du Code civil[15]).

Changement de nom

Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (l'article 61 du Code civil[16]).

La procédure administrative actuelle de changement de nom est issue de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993[17],[18].

Dans cette dernière version de l'article 61 du Code civil[16], le législateur n'a pas défini ni limité la notion d'« intérêt légitime ». Il existe de nombreuses situations qui entrent dans le champ d’application de cet article : demande de changement de nom pour des motifs d’ordre personnel ; demande d’harmonisation du nom pour tous les membres d’une même famille ; demande d’obtention du nom d’un parent de préférence ; demande de reconnaissance de la possession d’état du nom de famille porté pendant plusieurs années de manière constante et prolongée; demande d’obtention du nom d’usage ; demande relative à des circonstances exceptionnelles, francisation, etc.

La demande est instruite par le Service du Sceau du ministère de la justice. La procédure nécessite une publication au Journal officiel et dans un journal d'annonces légales. Un tiers peut s'opposer au changement de nom s'il donne des raisons précises (protection de son propre nom de famille par exemple). Si la demande est acceptée, un décret du ministre de la justice portant changement de nom est publié au Journal officiel[14].

Le refus éventuel doit être motivé par l’absence d’ « intérêt légitime » au sens de l’article 61 du Code civil[16] ou contraire aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille. Le , la CEDH a jugé que le défaut de preuve de l'intérêt légitime ne suffit pas à justifier un refus de changement de nom et constituait une violation du droit à la vie privée au titre de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme[19].

Chaque année environ 1000 autorisations sont accordées par décret. Les délais de la procédure sont variables, de quelques mois à plusieurs années avec une moyenne d'environ 3 ans[20].

Nom différent porté à l'étranger pour les français binationaux

  • Toute personne qui justifie d'un nom inscrit sur le registre de l'état civil d'un autre État peut demander à l'officier de l'état civil dépositaire de son acte de naissance établi en France son changement de nom en vue de porter le nom acquis dans cet autre État. Le changement de nom est autorisé par l'officier de l'état civil, qui le consigne dans le registre de naissance en cours (Article 61-3-1 du Code civil[21]).
  • De même, les décisions de changement de prénoms et de nom régulièrement acquises à l'étranger sont portées en marge des actes de l'état civil sur instructions du procureur de la République (l'article 61-4 du Code civil[22]).


En Italie

Le , la CEDH a jugé que « l'impossibilité pour un transsexuel d'apparence féminine de changer son prénom masculin avant son opération » était une violation du droit à la vie privée au titre de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme[23].

En Irlande

En Irlande, il est possible de changer son nom par deed poll devant témoin comme en Écosse, mais il faut utiliser le nouveau nom pendant deux ans avant de pouvoir changer le nom sur son passeport. Il est aussi possible d'enregistrer ce changement de nom auprès de la Haute Cour de Justice moyennant paiement, ce qui favorise l'acceptation générale du changement, sans être obligatoire[24].

Au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, il n'y a aucune procédure particulière pour changer de prénom et/ou de nom : il suffit de faire usage de son nouveau nom dans la vie courante. On peut en changer aussi souvent qu'on le souhaite. Il est seulement interdit de changer de nom pour des raisons frauduleuses ou pour échapper à une obligation ou à une dette.

Le changement de nom peut être déclaré, en Angleterre, par déclaration sous serment ou plus habituellement par un acte devant témoins dit « deed of change of name ». En Écosse, les personnes dont la naissance a été enregistrée en Écosse ou adoptées en Écosse, âgées de plus de 16 ans, peuvent faire modifier leur acte de naissance (ou leur responsables légaux si elles ont moins de 16 ans) par une démarche administrative[25].


Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

En Belgique

Au Canada

Aux États-Unis

En France

Au Luxembourg

En Suisse

Notes et références

  1. (en) Julia Shear Kushner, « The Right to Control One's Name », UCLA Law Review, no 313, , p. 324–9 (lire en ligne). Les États qui ont abrogé la loi commune et exigent une procédure statutaire de changement de nom sont Hawaï, la Louisiane, le Maine et l'Oklahoma.
  2. (en) « File a Petition to Change Your Name », sur California Courts (consulté le )
  3. https://www.u-paris2.fr/fr/universite/enseignants-chercheurs/mme-anne-lefebvre-teillard
  4. Lefebvre-Teillard 2000.
  5. de Sémainvile 1860, p. 492.
  6. Collection générale des décrets rendus par l'Assemblée nationale : avec la mention des sanctions et acceptations données par le roi [« Collection Baudouin »], t. 43 : Brumaire an II ; , Paris, F.-J. Baudouin (OCLC 969949746, notice BnF no FRBNF33761237, SUDOC 197820425, lire en ligne).
  7. de Richemont 2002.
  8. Bulletin des lois de la République française sur Gallica
  9. Guillaume 2006.
  10. Lapierre 1989.
  11. Loi no 2016-1547 du de modernisation de la justice du XXIe siècle
  12. Décret no 2017-450 du relatif aux procédures de changement de prénom et de modification de la mention du sexe à l’état civil
  13. Article 60 du Code civil, sur Légifrance
  14. Code civil : articles 60 à 61-4 : des changements de prénoms et de nom
  15. Article 60 du Code civil sur Légifrance
  16. Article 61 du Code civil sur Légifrance
  17. Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales
  18. Code civil, Dalloz, , p. 2124.
  19. Henry Kismoun c. France (au principal et satisfaction équitable), no 32265/10, CEDH 2013-I [lire en ligne]
  20. Paul Courbis de Bridiers de Villemor, Dictionnaire des changements de noms - Autorisations par décrets en France - 2010-2020, Editions Patrice du Puy, (ISBN 979-10-90452-40-4), mai 2021. Page 25 et suivantes.
  21. Article 61-3-1 du Code civil sur Légifrance
  22. Article 61-4 du Code civil sur Légifrance
  23. S.V. c. Italie (au principal et satisfaction équitable), no 55216/08, CEDH 2018-I [lire en ligne]
  24. (en) « Changing your name by Deed Poll » (consulté le ).
  25. (en) « Recording Changes of Forename(s) and Surname(s) in Scotland » (consulté le ).
  26. Amazon : Dictionnaire des changements de noms - Autorisations par décrets en France - 2010-2020
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