Albert-Ernest Carrier-Belleuse

Albert-Ernest Carrier de Belleuse dit Carrier-Belleuse, né à Anizy-le-Château le et mort à Sèvres le , est un sculpteur français.

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La Bacchante (1863), marbre, Paris, musée d'Orsay.

Il fut l'un des artistes les plus prolifiques du siècle et connut les plus grands succès sous le Second Empire, bénéficiant du soutien personnel de Napoléon III[1]. Son œuvre a été grandement influencée par le style de la Renaissance italienne et par celui du XVIIIe siècle, qu’il contribua à remettre au goût du jour.

Carrier-Belleuse a fortement contribué à l’amélioration des arts décoratifs et industriels. De son atelier no 15 rue de la Tour d'Auvergne à Paris dans lequel ont travaillé un grand nombre d’artistes parmi lesquels figure Auguste Rodin, est sortie une quantité prodigieuse de statuettes décoratives.

Carrier-Belleuse fut, vers la fin de sa vie, directeur des travaux d’art de la Manufacture de Sèvres. Son passage fut marqué par le renouvellement des collections et la modernisation du style.

Ses fils Louis Robert et Pierre Carrier-Belleuse se sont également illustrés dans le domaine des arts.

Biographie

Les débuts (1824-1855)

Fils de Louis-Joseph-François Carrier de Belleuse, notaire, et de Louise-Françoise-Eulalie Eudelinne, Albert-Ernest Carrier de Belleuse nait le à Anizy-le-Château, dans l’Aisne. Son père disparaît en 1834, laissant la famille dans une situation précaire. Les frères François et Étienne Arago, cousins de la famille, prennent alors en charge son éducation. En 1837, le jeune Carrier-Belleuse entre en apprentissage dans l’atelier du ciseleur Bauchery. Il est admis peu après chez l'orfèvre Jacques Henri Fauconnier (1776-1839).

Par l'entremise de François Arago, il fait la rencontre du sculpteur David d'Angers qui lui facilite l’admission à l’École des Beaux-Arts. Carrier-Belleuse y entre le . Remarqué pour son habileté par les grandes maisons de bronze de Paris comme Barbedienne et Denière, il ne tarde pas à recevoir de nombreuses commandes de modèles pour des candélabres, des pendules, des garnitures de cheminées, etc. En 1848, probablement à l’initiative de François Arago devenu chef de l’État, il reçoit sa première commande publique pour une petite statue de Mademoiselle Rachel chantant La Marseillaise.

C’est à cette époque que Carrier-Belleuse commence sa liaison avec Anne-Louise Adnot[2] (1821-1903), aquarelliste, qu’il épouse en 1851. La même année, il parait pour la première fois au Salon des artistes français, où il présente deux médaillons de bronze.

De 1851 à 1855, Carrier-Belleuse séjourne en Angleterre, à Stoke-on-Trent où il exerce la fonction de directeur de l'école de modelage et de dessin de la maison Mintons, grande manufacture de porcelaine.

La carrière

Hébé endormie (1869), marbre, Paris, musée d'Orsay.

De retour en France, il s’installe à Paris dans un vaste atelier situé au 15 rue de la Tour d’Auvergne. À partir de 1857, il fait des envois réguliers au Salon et connaît la notoriété grâce au succès de grands marbres, comme la Bacchante exposée au Salon de 1863, et acquise par Napoléon III, Angelica (1866) ou encore Hébé endormie (1869). Au Salon de 1867, son groupe intitulé Le Messie, qui représente la Vierge soutenant au-dessus de sa tête l’Enfant-Jésus, lui vaut la médaille d’honneur de la sculpture. Il est acquis par l’État pour orner la chapelle de la Vierge en l’église Saint-Vincent-de-Paul.

Carrier-Belleuse acquiert en parallèle une grande renommée pour ses bustes de terre cuite qui, à bien des égards, rappellent ceux des artistes du XVIIIe siècle. Il exécute les portraits d’un grand nombre de célébrités de son temps et comme l’écrit Émile Langlade dans la notice qu’il consacre au sculpteur[3] : « On peut dire que toute la haute société artistique, littéraire, politique et mondaine du Second Empire et de la IIIe république est venue poser dans l’atelier de la Rue de la Tour d’Auvergne » ».

Il réalise ainsi, entre autres, les bustes de Napoléon III, Renan, Thiers, Grévy, Arago, Marguerite Bellanger, Théophile Gautier, Honoré Daumier, Delacroix, Hortense Schneider, Réjane, Aimée Desclée. Il modèle également de nombreux bustes fantaisies d'inspiration mythologique et une série de portraits qui représentent de grandes figures historiques et artistiques comme Marie Stuart, Shakespeare ou encore Mozart.

Carrier-Belleuse s’est beaucoup consacré à la sculpture décorative. Il contribua aux décors de nombreux bâtiments importants. On lui doit notamment les cariatides du théâtre de la Renaissance, le fronton qui surmonte l’entrée principale de la Banque de France, les plafonds en stuc des pavillons Lesdiguières et La Trémoïlle au palais du Louvre, la frise du Palais de la Bourse de Bruxelles, ou encore la décoration de l’hôtel de la Païva à Paris. Il reçoit également des commandes d’État pour des monuments : celui de Jean-Jacques Rousseau à Montmorency, d’Alexandre Dumas, à Villers-Cotterêts, de Masséna à Nice (Statue de Masséna). Il réalise à l'étranger, la statue équestre de Michel le brave à Bucarest et le tombeau de José de San Martín à Buenos Aires. Il s'est adapté aux modes de production et de commercialisation de son époque, il travaille avec les orfèvres Froment-Meurice ou Christofle, multipliant les œuvres d'édition[4].

Carrier-Belleuse a fait partie du comité de la Société Nationale des Beaux Arts dès 1861.

En 1873, Carrier-Belleuse participe au chantier de l’opéra de Paris dirigé par son ami Charles Garnier. Il réalise les deux torchères monumentales qui flanquent le grand escalier, dans le hall principal et les cariatides de la cheminée du grand foyer.

Directeur des travaux d'art de la Manufacture de Sèvres (1875-1887)

Vase Saïgon (1882), porcelaine de Sèvres, Limoges, musée national de la porcelaine Adrien-Dubouché.

En 1875, Carrier-Belleuse est nommé directeur des travaux d’art de la Manufacture de Sèvres. Il y imprime une impulsion toute moderne qui se manifeste par la création d’une gamme complète de vases. Les formes nouvelles imaginées par le sculpteur comme celles du vase Saïgon, du vase Fizen ou encore du vase de Mycène rencontrent un vif succès aux expositions de l’Union centrale des arts décoratif de 1884.

Dans le domaine de la statuaire, Carrier-Belleuse présente quelques figures nouvelle éditées en biscuit : une Minerve, un buste de la République et un surtout de table Le Retour des chasses.

Carrier-Belleuse meurt à 62 ans, à Sèvres, à la manufacture[5] le . Il est inhumé au cimetière de Saint-Germain-en-Laye[5].

Le maître d'Auguste Rodin

Carrier-Belleuse a employé et formé dans son atelier de la rue de la Tour d’Auvergne de nombreux jeunes artistes de talent parmi lesquels on peut citer Alexandre Falguière, Jules Desbois, Eugène Delaplanche, Jules Dalou ou encore Joseph Chéret ; mais il est surtout connu pour avoir été le « maître » d’Auguste Rodin qui entre comme praticien dans son atelier en 1864. Le jeune sculpteur accompagne Carrier-Belleuse au chantier de la Bourse de Belgique en 1871 et entre, plus tard, en 1878, comme décorateur sur porcelaine à la manufacture de Sèvres. L’influence de Carrier-Belleuse sur son élève  son goût, en particulier, pour l'art du XVIIIe siècle  se remarque particulièrement dans les œuvres de jeunesse de Rodin comme la Jeune fille au chapeau fleuri[6].

L’œuvre la plus emblématique issue de la collaboration de Carrier-Belleuse avec Rodin est sans doute le Piédestal des Titans[7], dont on peut voir un exemplaire à Paris au musée Rodin, conçu par Carrier-Belleuse et exécuté par Rodin mais signé du seul nom du maître selon l’usage de l’époque. Rodin réalise en 1882 un buste de Carrier-Belleuse en terre cuite, qu’il expose au Salon la même année et dont l’original se trouve aujourd’hui à Stanford au Cantor Arts Center.

Réception critique

Honoré Daumier, Portrait-Charge de Carrier-Belleuse, paru en 1863 dans Le Boulevard no 21.

La grande rapidité d’exécution, la prolixité et la facilité d’imagination de Carrier-Belleuse furent à la fois admirées et moquées par ses contemporains. Ainsi, Honoré Daumier, ami du sculpteur le représente dans un portrait charge publié dans Le Boulevard du , sculptant deux buste à la fois dans un atelier.

Sévèrement critiqué par les frères Goncourt dans leur Journal, lorsqu'ils décrivent l'hôtel de la Païva : « Saint-Victor vante le talent du banal sculpteur de cela, de Carrier-Belleuse, ce pacotilleur du XIXe siècle, ce copieur de Clodion. »[8], son œuvre fut cependant très apprécié de critiques comme Baudelaire[9] ou Théophile Gautier[10].

Selon Auguste Rodin, « Carrier-Belleuse avait quelque chose du beau sang du XVIIIe siècle ; il y avait du Clodion en lui ; ses esquisses étaient admirables ; à l’exécution, cela se refroidissait ; mais l’artiste avait une grande valeur réelle. »[11].

Pour le critique d'art Gustave Coquiot, « Ce Carrier-Belleuse était un sculpteur qui ne faisait que du chic ; mais il avait un goût très fin, très artiste, et il était, lui aussi, d’une habileté invraisemblable. C’était un type très allural, l’air d’un d’Artagnan. Ses ouvriers, il en occupait bien une vingtaine, copiaient à l’envi ses manières et son pantalon à vis, son chapeau vaste et ses souliers à boucles. Mais l’argent l’entraînait ; aussi, il inondait le Marais de statuettes et de dessus de pendules »[12].

Descendance

Marie Carrier-Belleuse enfant (1859), buste en terre cuite, Paris, musée d'Orsay.

Albert Carrier-Belleuse eut de son épouse Louise-Anne Adnot (1821-1903), une postérité nombreuse :

Œuvres

En Angleterre

En Argentine

En Belgique

Aux États-Unis

En France

En Suisse

Non localisées

Galerie

Élèves

Expositions

  • Du au , Carrier-Belleuse, le maître de Rodin, Compiègne, musée national du palais de Compiègne.

Hommages

Une rue porte son nom dans le 15e arrondissement de Paris. Son nom a également été donné à une école primaire publique à Anizy-le-Château et à un square à Sèvres.

Iconographie

Notes et références

  1. (en) June Ellen Hargrove, The life and work of Albert Carrier-Belleuse, New York: Garland Press, 1977, p. 20 (ISBN 0-8240-2695-0).
  2. June Ellen Hargrove, The life and work of Albert Carrier-Belleuse, New York: Garland Press, 1977, page 9, (ISBN 0-8240-2695-0)
  3. Émile Langlade, Artistes de mon temps sur Gallica
  4. Encyclopédie Universalis
  5. Revue de l'art français ancien et moderne sur le site Gallica de la BNF.
  6. Georges Charensol, « Rodin inconnu, au Louvre », La Revue des deux Mondes, janvier 1963.
  7. Notice sur le site du musée Rodin.
  8. Jules et Edmond de Goncourt, Journal des Goncourt : Mémoires de la vie littéraire, III, année 1867, G. Charpentier et Cie, éditeurs, 1888 [lire en ligne].
  9. Charles Baudelaire, Salon de 1859, [lire en ligne].
  10. [PDF] Théophile Gautier, article sur le Salon de 1869 paru dans L'Illustration, [lire en ligne].
  11. Gustave Coquiot, Rodin a l'Hôtel de Biron et a Meudon, librairie Ollendorff, 1917 [lire en ligne].
  12. Gustave Coquiot, Le vrai Rodin, Éditions Jules Tallandier, 1918}.
  13. lib.ugent.be.
  14. « Fiche de Jean-Jacques Rousseau contemplant une pervenche », sur www.photo.rmn.fr (consulté le ).
  15. La Gazette de l'Hôtel Drouot, no 41, décembre 2008, p. 267.
  16. La Gazette de l'Hôtel Drouot, no 42, décembre 2008, p. 316.
  17. Émile Dacier, La Revue de l'art ancien et moderne sur Gallica

Annexes

Bibliographie

  • (en) June Ellen Hargrove, The life and work of Albert Carrier-Belleuse, New York: Garland Press, 1977, (ISBN 0-8240-2695-0).
  • June Ellen Hargrove et Gilles Grandjean, Carrier-Belleuse - Le maître de Rodin, RMN-GP, 2014, 192 p. (ISBN 9782711861583).
  • Émile Langlade, Artistes de mon temps, 2e série, Arras, I.N.S.A.P., 1933 (lire en ligne sur Gallica).
  • Achille Segard, Albert Carrier-Belleuse, 1821-1887, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1928.
  • Nicole Blondel et Tamara Préaud, La manufacture nationale de Sèvres, Parcours du blanc à l'or, Éditions Flohic, 1999 (ISBN 2908958899).
  • Catalogue de la Société nationale des beaux-arts, Biennale 1991, préface de François Baboulet, Grand Palais, éd. ARCAM, 1991.

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