Bourbonnais (dialectes)

Situés dans la région historique du Bourbonnais (centre de la France), c'est-à-dire dans une partie du département de l'Allier et dans le sud-est du département du Cher (vers Saint-Amand-Montrond), les parlers bourbonnais se trouvent aux confins des domaines d'oïl, d'oc et du francoprovençal.

Pour les articles homonymes, voir Bourbonnais.

Bourbonnais
Bourbonnais (oïl) / Barbonés (oc)

Carte linguistique du Bourbonnais selon les dernières recherches du CNRS. En bleu, le bourbonnais d'oïl. En marron, le Croissant (foncé : le marchois, parlers de l'ouest du Croissant ; en marron clair : l'arverno-bourbonnais, parlers orientaux du Croissant). En vert les quelques communes de langue francoprovençale.
Pays France
Région Allier et sud-est du Cher.
Typologie SVO
Classification par famille
Échantillon
Premier article de la déclaration universelle des droits de l'homme : (oïl)


L'houme é nessu libre et annière anvé des drets et d'la digneté. Al a unne aîme et unne radzon et tos les houmes douévent s'aidier ent'e ieux queme des frères.


Premier article de la déclaration universelle des droits de l'homme : (norme occitane du Croissant)

L'ome naissa liure e egal en dignitat e en drèt. Les omes son dotats de razon e de consciénce mas zo fau agir entre eles dins un eime de frairesse.

L'actuel département de l'Allier est ainsi composé d'une moitié nord de langue d'oïl (avec Moulins, Bourbon et Saint-Pourçain) et une moitié qui correspond à l'Est du Croissant (avec Montluçon, Gannat, Vichy), zone où se mélangent occitan et la langue d'oïl[1]. Quelques communes du sud-est de l'Allier sont elles de langue arpitane.

La moitié occitane et méridionale, parfois appelée Bourbonnais d'Oc ou occitan bourbonnais que forme cette partie du Croissant peut être elle-même subdivisée en deux parlers : le marchois à l'ouest (Montluçon, val de Cher et Châtaigneraie) et l'arverno-bourbonnais à l'est (Vichy, Limagne, majorité du Bocage).

Bourbonnais : un terme ambigu

Le terme « bourbonnais » peut désigner tous les parlers et dialectes employés sur le territoire du Bourbonnais, soit une diversité d'idiomes importantes. Il peut ainsi recouvrir le bourbonnais d'oïl, parlé dans une moitié nord de l'Allier mais aussi les parlers du Croissant, intermédiaires entre la langue occitane et la langue d'oïl (marchois avec Montluçon et arverno-bourbonnais avec Vichy[2]). Il peut également même désigner le parler arpitan de quelques communes à l'extrême Sud-Est de l'Allier.

Le bourbonnais d'oïl

Aire linguistique du berrichon et de ses variantes dont le bourbonnais.

Le bourbonnais d'oïl, lui-même variante du berrichon[3], se parle dans une moitié nord du département de l'Allier, au nord d'une ligne Montluçon (oc) - Saint-Pourçain-sur-Sioule (oïl) - Lapalisse (oïl), ainsi que dans la partie bourbonnaise du Cher. Le dialecte est originaire de la région de Moulins, Bourbon-l'Archambault et Souvigny, où il s'est formé de manière précoce à l'époque médiévale à la suite de l'émergence de la seigneurie de Bourbon.

Le Croissant - Bourbonnais d'Oc

L'occitan se parle dans la moitié sud de l'Allier et s'insère dans les parlers du Croissant[4]. Les parlers qui s'y trouvent présentent une double appartenance entre langue occitane et langue d'oïl, tous deux s'y mélangent et donnent lieu à des parlers intermédiaires qui tiennent de l'un et de l'autre[5],[6],[7]

Ces parlers occitans de transition se subdivisent également en deux ensembles. D'abord l'arverno-bourbonnais (partie orientale) autour de Vichy, de la Limagne bourbonnaise puis le bocage autour de Chantelle[8],[9].

La partie occidentale de l'actuel département de l'Allier et qui a pour centre Montluçon parle quant à elle le marchois[10] comme Guéret ou le nord de la Creuse qui est voisine[11].

Au sud-est, dans la Montagne bourbonnaise, les parlers occitans reçoivent de très fortes influences du francoprovençal, au point que cette zone est elle-même même de transition avec les parlers arpitans voisins.

Le terme de bourbonnais est donc ambigu : il désigne aussi bien les parlers occitans que les parlers d'oïl, parfois qualifiés de « français » du Bourbonnais.

Francoprovençal

Les dernières communes au sud-est de l'Allier, à l'Est de la Montagne bourbonnaise, que l'on appelle parfois le Forez bourbonnais, est lui de langue arpitane (francoprovençal).

État actuel des parlers bourbonnais

Aire linguistique du Croissant entre langue d'oïl et langue d'oc.

Comme toutes les langues régionales de France, les parlers bourbonnais ont subi les effets du centralisme parisien, et ce d'autant plus que la présence des parlers d'oïl au nord, qui sont proches du français standard ou du francien (dialecte de l'Île-de-France), facilite l'assimilation linguistique en direction du sud.

Déclin et perte des locuteurs naturels

Comme la plupart des dialectes, les parlers bourbonnais sont surtout oraux et la littérature reste rare. Cependant, il existe des expériences en littérature. En particulier, l'écrivain Louis Péroux Beaulaton (1872-1946) a affiché une ambition littéraire pour son parler marchois des environs de Montluçon.

Il y a quelques décennies seuls quelques passionnés ou des personnes âgées peuvent s'exprimer assez complètement dans les parlers d'oc ou d'oïl du Bourbonnais. Cependant les dialectes n'ont pas totalement disparu et se sont immiscés dans le français courant, dans de nombreuses tournures ou expressions, et aussi dans le vocabulaire, si bien que les habitants de cette région parlent un français teinté de formes bourbonnaises sans même s'en rendre compte, alors que cela frappe les visiteurs.

Réappropriation des parlers (années 2010 - aujourd'hui)

De nos jours, à partir de la fin des années 2010, l'occitan bourbonnais, est de plus en plus valorisé et employé. Il apparaît de plus en plus dans des festivaux comme celui de Broût-Vernet Wepachaba (« O'es pas chabat ! » = « C'est pas fini ! » dans l'occitan local) ou encore l'important Festival des Cultures du Monde de Gannat, nommé Festenal de Gatnat dans cette langue[12].

Géographie et histoire dialectales

Au Moyen Âge, l'apparition et l'émancipation d'une seigneurie de Bourbon pro-capétienne dans une situation de marge au nord de l'Auvergne va permettre l'adoption de la langue d'oïl par cette dernière au détriment de l'occitan[13]. L'émergence d'une principauté bourbonnaise va voir la langue d'oïl avancer plus au sud amenant à une évolution géographique des parlers[14]. Ainsi l'actuel département de l'Allier est divisé en une moitié méridionale occitanophone[2] mais francisée dans la langue et dans la moitié nord un parler d'oïl bourbonnais mais marqué par un substrat occitan[14].

Fortement liée aux évolutions des aires linguistiques, une délimitation actuelle est retenue entre bourbonnais du Croissant - aussi dit d'oc - et d'oïl.

Côté oïl

La moitié d'oïl - qui se rattache à la langue d'oïl et du reste des parlers berrichons - débute à partir d'une ligne Hérisson / Saint-Pourçain-sur-Sioule / Lapalisse. D'un point de vue historique, le parler strictement s'est originellement formé dans la région des seigneurs de Bourbon autour de Bourbon-l'Archambault, Souvigny et Moulins avant de se répandre dans le reste de la moitié nord du Bourbonnais par la suite.

Côté d'oc

L'aire occitane du Croissant se situant dans l'Allier se découpe également en deux parties à partir d'une ligne Montluçon / Chantelle / Vichy. La première partie recouvre un tiers ouest autour de Montluçon et de la vallée du Cher qui parle le marchois comme le nord de la Creuse[15],[16]. La seconde partie recouvre les deux tiers orientaux où l'on parle l'« arverno-bourbonnais » (Limagne bourbonnaise avec Gannat et Vichy, puis la Montagne bourbonnaise), « auvergnat » de transition avec le bourbonnais d'oïl[17]. L'influence de la langue d'oïl dans cette région a eu lieu très tôt sur les parlers occitans due non seulement l'agrandissement de la seigneurie de Bourbon mais également la présence d'une seigneurie aux mains des comtes de Champagne entre Huriel et Hérisson au XIIe siècle[18].

Côté arpitan

Les dernières communes au sud-est de l'Allier, à l'est de la Montagne bourbonnaise, que l'on appelle parfois le Forez bourbonnais, sont historiquement liées au Forez voisin et tournées vers le Lyonnais dont elles partagent la langue depuis le Moyen Âge.

Cette région comprend les communes de Saint-Pierre-Laval, Saint-Nicolas-des-Biefs, Laprugne, La Chabanne et Lavoine.

Le bourbonnais, langue d'oïl

Dans cette partie, l'étude se consacrera au parler d'oïl du Bourbonnais.

Prononciation

Le bourbonnais d'oïl reprend un grand nombre de traits caractéristiques du parler de la langue d'oïl populaire d'avant la Révolution (-iau au lieu de -eau, oué au lieu de oi etc.) tout en montrant un nombre assez restreint d'évolutions phonétiques propres (en comparaison d'autres variétés d'oïl réellement différenciées comme le normand ou le picard). Cela vient du fait que le Bourbonnais se trouve au cœur de la zone linguistique d'origine de la langue française actuelle, c'est-à-dire les parlers des provinces de la Loire, du Bourbonnais et du Berry (le bourbonnais d'oïl partage d'ailleurs la plupart de ses traits avec les parlers de ces provinces comme le tourangeau ou l'orléanais, mais d'une façon plus particulière encore avec le berrichon).

  • Les exemples suivants illustrent des prononciations typiques de la langue d'oïl du Bourbonnais :
    • o est fréquemment prononcé ou dans les suites onn-, omm- : exemple tonner = touner, homme = houme
    • oi prononcé oué, mais devient /e/ (écrit é, ei, è ou e selon les cas) après un r- : exemple noir = nouer, droit = dret, croire = creire
    • la suite er- est prononcée ar : exemple merci = marci, terre = tarre, perdre = pard(r)e
    • la suite -re encadrée de deux autres consonnes a tendance à être prononcée er par métathèse : exemple bredin (voir vocabulaire) se dira berdin
    • la terminaison -eau sera prononcée -iau comme dans de nombreux parlers d'oïl : exemple couteau = coutiau
    • la suite -lier sera régulièrement réduite en -yé à la prononciation : exemple palier = pailler, particulier = particuiller
    • r est roulé, comme c'était l'usage en français standard avant la fin du XVIIe siècle
    • comme dans de nombreux parlers d'oïl, la terminaison d'agent -eur est prononcée voire écrite -eux : exemple meneur = meneux, diseur = diseux
    • ch est parfois prononcé j, notamment avant un -v- (cette particularité se retrouvait dans d'autres parlers d'oïl jusqu'au XIXe siècle) : exemple cheval = geval, cheveu = geveu etc.

Grammaire

  • Le pronom adverbial y est traditionnellement utilisé en lieu et place d'un pronom personnel représentant un objet, exemple fais-le = fais-y, donne-le/la-moi = donne-moi-z-y, ne le casse pas = n'y casse pas, tu me le/la prêtes = tu m'y prêtes etc.
  • On note la présence d'une forme de genre neutre en bourbonnais. En effet le pronom unique al désigne aussi bien un masculin qu'un féminin, pour les choses, comme pour les personnes. Ainsi le chien comme la chienne pourra être désigné par ce pronom al, tout comme un membre masculin de la famille ou une voisine. Exemple : al a tot mangé.

Quelques mots de vocabulaire

Mot bourbonnais Équivalent français Mot bourbonnais Équivalent français Mot bourbonnais Équivalent français
abonde grande quantité abraser détruire, casser, démolir anouer (s') boire de travers, suffoquer
aluchon ou arluchon enfant de constitution faible voire malingre ajouter traire à l'écoué à l'abri
arcandier vaurien, filou artoupan personne suspecte, bizarre bachât auge des cochons et des porcs
baraille dispute barbitra écrit long et ennuyeux bauge grand sac
belet agneau bergot frelon. Ne pas confondre avec le veson (bourdon) berzin, berzine fou, folle, dépressif
besugne vêtement biaude grande blouse bigot (faire bigot) mettre bas
bisiot propriétaire terrien parfois également agriculteur bounhoume paysan bourse porte-monnaie, portefeuille
bourric (le -c final est muet) âne (animal) bousson paquet, tas d'habits en désordre, capharnaüm bredin simple d'esprit (cf. la débredinoire de Saint-Menoux)
brelotter secouer cacrot sommet du crâne catin poupée
chaleu veilleuse cheux chez chetit (fém. chetite) petit, chétif
cobi dindon crassoux sale cros mare
dâler utilisé plus communément dans l'expression "ça dâle" à comprendre au sens suivant "le soleil cogne dur" décaniller (familier) mourir dépenailler déchirer
drille diarrhée ébouellé éventré, avachi écrapoire rateau
emmanche problème, complication figot feu gassouiller barboter
gibalbouser mettre le désordre gibalbousé (être) barbouillé (ex: al a trop bu, al est tot gibalbousé) gouiller marcher dans un trou d'eau
gounelles jupons gourgandine fille facile grenouillat petite mare (dire guernouillat)
jau (du latin gallus) coq maraud chat de gouttière masibler abîmer
mourer abîmer ouaille brebis oyas (oyasse) pie
pluire pleuvoir potin bruit, tintamarre pochon sac en plastique
pontère fille de mauvaise vie rassouiller tremper ravauder bricoler
taillon quartier de fruit trace haie tuniaud idiot, incapable
verpi vipère z-yeux (familier) œil adauber arranger, réparer

Expressions apparues en français commun

  • 'Aga' don' (v.): Regarde (diminutif de regarde donc)
  • Arpion (n.m.): Orteil
  • Beugner (v.): Cogner. Une beugne est un coup, une bosse.
  • Boucan (n.m.): Du bruit.
  • Bouchure (n.f.): Une haie si possible avec des ronces pour se piquer.
  • Chabrot (n.m.): Mettre du vin dans sa soupe (faire chabrot).
  • Chetit, chetite (n.m. ou f.): Petit, petite.
  • Crognon (n.m.): Extrémité du pain (le crognon ou le quignon de pain).
  • Dépenaillé (n.m.): Avoir les vêtements en désordre.
  • Jargeot (n.m.): Quelqu'un qui parle souvent et est un peu simple d'esprit.

Bourbonnais d'oc

Dans cette partie, l'étude se consacre à la région occitanophone du Bourbonnais et sa partie où l'on parle l'arverno-bourbonnais », observée dans la commune de Busset, canton de Cusset[19]. Les mots bourbonnais sont transcrits en graphie classique de l'occitan.

Quelques mots de vocabulaire

Mot arverno-bourbonnais Équivalent français Mot arverno-bourbonnais Équivalent français Mot arverno-bourbonnais Équivalent français
abonda [abonde] abondance, profit abrasar [abrasâ] détruire, casser, démolir aije [ajge] eau
arcandeir [arcandji] vaurien, filou, sans parole (un) arian objet sans valeur (i) arpion les orteils
bache auge, abreuvoir (prendre) baralhe se disputer beire [bajr] boire
bargeir, bargeira [barji, barjire] berger, bergère bauge/boge [bawge] grand sac belon[belou] mouton
bisbilha [bisbille] dispute bisiau petite bize, vent du nord bralhe [braye] pantalon
bulha [buille] bouillie brelot simple d'esprit brugiere [bregire] bruyère
cacoela [cacouelle] récipient (marmite, casserole) chausir choisir chancha [chantcho] morceau de pain
chamina [ch’mina] cheminée coanar [couana] crier comme un canard creire [crajre] croire
cusina [cusino] cuisine cros, craus [cro, crao] trou, creux dalhir [daïir] vite
desgobilhar [degobillâ] vomir di [di] doigt desgelar [déjalâ] / desgautar [déjautâ] dégeler
doçament [dousamin] doucement esbolhaer, esgoeraer [ébouélaer, égoueraé] écraser (mal) encarat [encarâ] mal lavé, mal luné
endreit [endreï] endroit figò [figo] feu de branche, feu de joie Fiolat [fiola] Ivre
fromatge fromage gadolha [gadouillo] boue Genti [ginti], genta [gintà] beau, belle
goera [gouère] tarte golhar [gouillâ] faire entrer de l'eau dans ses chaussures golharda [gouyarde] serpe
gota [goutte] eau de vie ora [ouro] heure jau [jô] coq
journà journée las [laï] les (féminin) lo [lou (si le mot suivant commence par une consonne-ex: lou figo ; sinon:"i", que le mot soit masculin ou féminin-ex: i arpion, i auilles)] les (masculin)
meidia [maïde] midi masiblaer [maziblé] cribler melhor [meïou] meilleur
momen [moumin] moment novie [noviaeu], novia [novia] jeune marié, jeune mariée oalhe [ouaille] brebis
ausiau [ozio] oiseau pleuie [pleuille] pluie poéle [pouéla] poêle
quauque n-un [quoque nun], quauque n-una [quoque nune] quelques-uns, quelques-unes avaudar faire du bruit, remuer des choses saveir dau bon [savaïr do bon] soulager, améliorer
sinlhar sanglier sorchia [sortchà] sortie tabasar [tabaza] frapper, battre
treuia [treuilla] truie voiatge [voïatge] voyage volan [voulan] faucille
verpi vipère

Graphies[18]

Plusieurs grands systèmes d'écritures peuvent être utilisées pour écrire les parlers du Croissant - dont tous ceux bourbonnais - car pouvant être assimilés aux deux grandes familles linguistiques voisines, langue d'oc et langue d'oïl, et donc utiliser leurs écritures[20]. Ces graphies sont encouragées par le groupe de recherche sur les parlers du Croissant (CNRS)[21] :

  • La graphie française peut aussi être utilisée et permet aux locuteurs de transcrire leurs parlers avec l'écriture de la langue française dont ils ont aussi tous connaissance. Le bourbonnais du Croissant étant un dialecte intermédiaire avec la langue d'oïl il peut donc également s'appliquer, d'autant plus que cette graphie permet de souligner les prononciations qui lui sont propres.
  • La graphie occitane classique avec une adaptation locale précise pour le bourbonnais d'oc (Croissant). Elle est celle majoritaire pour les parlers occitans. Tant en marchois qu'en arverno-bourbonnais le « a » final occitan se fait rare et il est remplacé par un « e » muet comme en français. Ex. le terme « jornade » (= « journée ») vient remplacer la forme « jornada » des autres dialectes occitans. Cette codification propre à ce dialecte est celle préconisée par l'Institut d'études occitanes et ses sections locales[22] mais aussi le groupe de recherche sur les parlers du Croissant.

Textes

Les textes présents sont issus d'ouvrages rédigés par les auteurs de l'historiographie du XIXe siècle.

L'ajaçe de Gaiete

Texte de transition entre arverno-bourbonnais et bourbonnais d'oïl prélevé en 1904 par Paul Duchon sur la commune de Varennes-sur-Allier[23]. La graphie utilisée est celle du français dont a fait utilisation Paul Duchon. Elle permet de retranscrire les traits à la fois d'oc et d'oïl de ce parler de transition :

« Vé le bourg de Montoudre, su un teurau qu'y a des boés d'un coûta et des pra de Faute, forts-tarrains et fôrt-tarrines, veïez-vous l'hôpital de Gayette ? Ou é bin-n-aisant a vère dret-là : Ion que l'é, a semble un villadze. Ou é unhne retirance pre les vieux strôpiâs. Mais faudrun pas crère qu'ai é étâ bâti à l'esqueprê pre deveni unhne boéte à varmine. San unhne oïasse, a serun pas é pouvres. Ou essô un beau tsâquiau qu'unhne dame bin ritse habitô. Dans les vaissiyés, les sarvantes pouziant tous les dzours des pitsiés, des fourtsettes et des quilles en ardzent ; la dame avô tzôzi les filles les pu hounêtes dou pays, et dzamais presoune les ère acorpées de voul. Unhne de ieux z'aute enlevô unhne oïasse qu'un cheti gâavô dégniâ dans les brantses dou tsâgne. Ion qu'où embredzô les maufesans. « Têh ! li avô dit cou gâ bin fûtâ, ou te pourterâ bounheûr. » Et le li douni. La sarvante enleva que l'oïasse ; li apprenô à causer. Le lendemain d'un apport, la dame avisa ce que l'avô d'ardzentriun ; li manquô un quille. Le tretzi la gâte qu'avô randzâ les vaissiyés : ou essô mêmement la sarvante à l'oïasse. Le la fait empougner et le la questioune : Ta beau dire qu'où é pas se, le la condanhne et l'embredze au tsâgne des maufesans. Le disi, en mourant, la paure sarvante : « Vêla ce que m'a coûta mon oïasse que devô me pourter bounheûr ! » Un an après, en réparant la couvârture dou tsâquiau, sou unhne tuile, le couvreû trouve le quille predu. A cou moument, Toïasse empourtô au même endrêt unhne pièce de mounaie que le venô de prendre. Le couvreû y dit à la dame qui agour se tsagrine : « Paure sarvante qu'i ai fait meuri ! », que le disi. Deux anhnées pu tard, aile douni son tsâquiau et ses appartenances é pouvres de Varennes, de Montoudre, de Boucé, de Montaigu, de Rondzères, de Landzy, de Saint-Dzerand, de Crétsy, de Sanssat et des alentours. Velà ce que me disi Dzôzé, le vieu ancien meneû de loups qu'é mort y a mais de soixante ans, et que le monde cause inquère. »

La gròle e le rainard

Texte marchois de la région de Montluçon (entre Commentry et Néris-les-Bains). Version locale de la fable de la Fontaine Le Corbeau et le Renard. Le texte est ici non retranscrit et est en écriture française avec une transcription du XIXe siècle L'agrôle et le rena :

« En 1850, le bétchio parlève inquère ; v’la c’quo disève : Un jou d’hivia, quou ne fasève pas trop biau, L’agrôle ère juchade au bout d’un baliviau L’ère su daut moutade, Pa fère son dinâ que l’aye prépara. Embéi un groua fromage vainhiu de Chambéra Le rena dépeu treis jous que n’aye pas de pain, Aussitôt s’appeurché en fasant le câlin. Eh, bonjou note dame, coumant vous pourtez-vous ? Hela ! qué sé contint de vous véire chia n’zote ! Et vous trouve si gente embé quo nail mantiau ! Présoune dé le boux n’en pourte un aussi biau ! Votés souliés sont faits d’iune piau qué tant fine, Et creyes que le ré n’en a pas de parés pindus à sa souline. Ar sé é vous écouti dire iune chansou Et cregus, oui ma foué, quou ére le rossignou Si zère chabretère, par avi voté jeu E’ doniau, é n’en jure, la méta de ma queue. L’agrôle qu’ère enchantade de se veire vantade Pa li douna l’aubade se meté à couana, Son froumage dévalé dé la gueule do renâ, Alle resté su-daut le bé bada. Ma l’autre, li dissé, en migeant son fricot, Ne si’a don pas si buse un autre co. »

Auteurs

Culture populaire

Au cinéma

Dans le film La Soupe aux choux, certains personnages emploient un français plus ou moins standard qui est mâtiné de traits, de tournures, de mots et de phonétique bourbonnaise d'oïl.

Parmi eux l'on retrouve : « Agas donc ! » (c'est-à-dire « regarde donc ! »), ou encore l'utilisation appuyée du « y bourbonnais » qui n'est autre que la transposition en français régional du pronom neutre « zo » qui existe tant en parlers du Croissant (marchois et arverno-bourbonnais) qu'en arpitan.

Notes et références

  1. André Billange, En Bourbonnais aux confins du pays d'oc, Montpellier, Institut d'études occitanes,
  2. Olivier Mattéoni, Servir le prince : les officiers des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (1356-1523), Paris, Presses de l'université Paris-Sorbonne, (ISBN 2-85944-354-1, lire en ligne) :
    « On retrouvait l'occitan, sous sa forme auvergnate, au sud du duché de Bourbonnais - région de Montluçon, Gannat, Vichy. [...] »
  3. (en) Linguasphere Observatory, The Linguasphere Register : The indo-european phylosector, Linguasphere Observatory, 1999-2000 (lire en ligne), p. 399
  4. Michel Feltin-Palas, « Les mystérieux "parlers du Croissant" », L'Express, (ISSN 0014-5270, lire en ligne)
  5. Jean-Pierre Baldit, « Les parlers de la Marche. Extension et caractéristiques. Caractéristiques oïliques », Patois et chansons de nos grands-pères marchois. Haute-Vienne, Creuse, Pays de Montluçon (dir. Jeanine Berducat, Christophe Matho, Guylaine Brun-Trigaud, Jean-Pierre Baldit, Gérard Guillaume), Paris, Éditions CPE, , p. 28-29 (ISBN 9782845038271)
  6. « Le patois, une langue en forme de croissant », Le Populaire du Centre, Centre-France, (ISSN 1144-424X, lire en ligne)
  7. Louise Esher, Maximilien Guerin, Nicolas Quint, Michela Russo, « Le Croissant, confins ou centre de gravité : une nouvelle frontière pour la linguistique gallo-romane », Le Croissant linguistique entre oc, oïl et franco-provençal, Des mots à la grammaire, des parlers aux aires, (lire en ligne)
  8. Karl-Heinz Reichel, Études et recherches sur les parlers arverno-bourbonnais aux confins de l'Auvergne, du Bourbonnais, de la Marche et du Forez, collection Eubransa/TravauxCTA, Chamalières 2012.
  9. « Nouvel ouvrage sur les parlers arverno-bourbonnais. », La Montagne, (ISSN 0767-4007, lire en ligne)
  10. Pierre Goudot, Microtoponymie rurale et histoire locale : dans une zone de contact français-occitan, la Combraille : les noms de parcelles au sud de Montluçon (Allier), Montluçon, Cercle archéologique de Montluçon, coll. « études archéologiques », (ISBN 9782915233018)
  11. (fr + oc) Jeanine Berducat, Christophe Matho, Guylaine Brun-Trigaud, Jean-Pierre Baldit, Gérard Guillaume (collectif), Patois et chansons de nos grands-pères Marchois (Haute-Vienne, Creuse, pays de Montluçon), Paris, Éditions CPE, , 160 p. (ISBN 9782845038271)
  12. (oc) Estève R., « Quauques novelas de la sason culturala estivala en Auvèrnhe », sur https://jornal.aprene.org/Jorn9/ ; site officiel d'Aprene !,
  13. (oc) Domergue Sumien, « La plaça de Borbonés en Occitània », Jornalet, Barcelone, Associacion entara Difusion d'Occitània en Catalonha (ADÒC), (ISSN 2385-4510, OCLC 1090728591, lire en ligne)
  14. (oc) Laurenç Revèst, « Evocacions de la reculada dau nòrdoccitan en l’actuau Borbonés d’Òil », Jornalet, Barcelone, Associacion entara Difusion d'Occitània en Catalonha (ADÒC), (ISSN 2385-4510, OCLC 1090728591, lire en ligne)
  15. Jean-Pierre Baldit, « Les parlers de la Marche. Extension et caractéristiques », Patois et chansons de nos grands-pères marchois. Haute-Vienne, Creuse, Pays de Montluçon (dir. Jeanine Berducat, Christophe Matho, Guylaine Brun-Trigaud, Jean-Pierre Baldit, Gérard Guillaume), Paris, Éditions CPE, , p. 22-35 (ISBN 9782845038271) :
    « Le marchois : variétés internes (section) »
  16. Nicolas Quint, « Aperçu d'un parler de frontière : le marchois », Jeunes chercheurs en domaine occitan, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée (Université Paul-Valéry), , p. 126-135 (lire en ligne)
  17. (fr + oc) Jean Roux, L'auvergnat de poche, Chennevières-sur-Marne, Assimil, coll. « Assimil évasion », , 246 p. (ISBN 2-7005-0319-8) :
    « À l'ouest de l'Allier, avec Ébreuil et Gannat, ils débordent un peu sur le Bourbonnais [...] C'est par simplification que l'on utilise ce vocable [d'auvergnat], car en aucun cas l'auvergnat ne peut être considéré comme une entité linguistique autonome. »
  18. René Germain, « Les sires de Bourbon et le pouvoir : de la seigneurie à la principauté », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, Brest, vol. 23 « Les princes et le pouvoir au Moyen Âge », , p. 195-210 (lire en ligne)
  19. Jean-Louis Bourrioux, Le parler de Busset, Association dà coutà d'vé Buss
  20. Maximilien Guérin, Cécilia Guérin, « Le Croissant : une zone de transition linguistique au nord de l’aire occitane. La question de l'orthographe », Patrimòni, Alrance, no 90, , p. 25-31 (ISSN 1779-0786, lire en ligne)
  21. Maximilien Guérin, Michel Dupeux, « Comment écrire le bas-marchois ? », Mefia te ! Le journal de la Basse-Marche, no 5, (lire en ligne)
  22. Jean-Pierre Baldit, « Quelle graphie utilisée pour le marchois ? », Patois et chansons de nos grands-pères marchois. Haute-Vienne, Creuse, Pays de Montluçon (dir. Jeanine Berducat, Christophe Matho, Guylaine Brun-Trigaud, Jean-Pierre Baldit, Gérard Guillaume), Paris, Éditions CPE, , p. 84-87 (ISBN 9782845038271)
  23. Paul Duchon, Grammaire et dictionnaire du patois bourbonnais : canton de Varennes, Moulins, Crépin-Leblond, , 120 p.
  24. « Les traducteurs du Petit Prince », sur https://petit-prince-collection.com/ ; Petit Prince collection

Voir aussi

Généralités

  • Marcel Bonin, Dictionnaire général des patois bourbonnais, Moulins, impr. Pottier, 1984. (ISBN 978-2950068712)
  • Boula de Mareüil, Philippe & Gilles Adda, « Comparaison de dialectes du Croissant avec d’autres parlers d’oïl (berrichon-bourbonnais et poitevin-saintongeais) et d’oc », 2es Rencontres sur les Parlers du Croissant. ANR Croissant, Montluçon, 15-16 mars 2019, [lire en ligne]
  • Wolfgang Dahmen (1985), Étude de la situation dialectale dans le Centre de la France : un exposé basé sur l’Atlas linguistique et ethnographique du Centre, Paris, CNRS, 1985.
  • René-Claude Desrichard [Raymond Sindou (dir)], Le vocabulaire de la vie à la ferme dans l'ancien archiprêtré de Souvigny, Thèse de doctorat en linguistique, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 1989.
  • Pierrette Dubuisson, « L'Atlas linguistique du Centre », Revue de linguistique romane, no 91-92, juillet-décembre 1959.
  • Simone Escoffier, La rencontre de la langue d’oïl, de la langue d’oc et du franco-provençal entre Loire et Allier : limites phonétiques et morphologiques, coll. Publications de l’Institut de linguistique romane de Lyon, vol. 11, Paris, Les Belles Lettres, 1958.
  • Simone Escoffier, Remarques sur le lexique d’une zone marginale aux confins de la langue d’oïl, de la langue d’oc et du francoprovençal, coll. Publications de l’Institut de linguistique romane de Lyon, vol. 12, Paris, Les Belles Lettres, 1958.

Bourbonnais d'oïl

  • Jean Bernard et Jean Chardonnet, Lexique du parler bourbonnais. Le bocage bourbonnais, Charroux, Éd. des Cahiers bourbonnais.
  • Frantz Brunet, Dictionnaire du parler bourbonnais et des régions voisines, Paris, 1964 ; rééd., De Borée, Clermont-Ferrand, 1993.
  • Paul Duchon, Grammaire et dictionnaire du patois bourbonnais (canton de Varennes), Moulins, Crépin-Leblond, 1904 (en ligne).
  • Michel Labonne, Alain Muller, Sylvie Vilatte, Mémoires du patois de Sologne bourbonnaise. Langage et société, Moulins, Société d'émulation du Bourbonnais (prix Achille-Allier, 2014).
  • Géraud Lavergne, Le parler bourbonnais aux XIIIe et XIVe siècles. Étude philologique de textes inédits, Paris, Champion - Moulins, Grégoire, 1909, 175 p.

Croissant / bourbonnais d'oc

  • (fr + oc) Collectif, Recueil de textes pour l'enseignement de l'occitan de l'Académie de Clermont-Ferrand, zone auvergnate : Puy-de-Dôme, Allier, Haute-Loire, arrondissements de Saint-Flour et Mauriac, Centre régional de documentation pédagogique de Clermont-Ferrand, coll. « Annales du Centre régional de documentation pédagogique de Clermont-Ferrand. Documents régionaux », (notice BnF no FRBNF35290763).
  • J. L. Bourioux, Le parler de Busset, association « dà coutà d'vé Buss », Busset.
  • Jean-Pierre Chambon et Philippe Olivier, « L’histoire linguistique de l’Auvergne et du Velay : notes pour une synthèse provisoire », Travaux de linguistique et de philologie 38, 2000, p. 83-153.
  • René Chicois, Le parler biachet et montluçonnais au milieu du XXe siècle, Charroux, Éd. des Cahiers bourbonnais.
  • Pierre Goudot, Microtoponymie rurale et histoire locale : dans une zone de contact français-occitan, la Combraille : les noms de parcelles au sud de Montluçon (Allier), Montluçon, Cercle archéologique de Montluçon, coll. « études archéologiques », 2004, 488 p. (ISBN 978-2-915233-01-8)
  • Henri Grobost, Rose-Marie Grobost, Maximilien Guérin, Contes et histoires en parler de Naves (Allier). Corpus textuel transcrit et traduit, Paris, L'Harmattan, collection « Les parlers du Croissant », Paris, 2020. [lire en ligne]
  • Henri Grobost (trad.), Maximilien Guérin & Nicolas Quint (éds.). 2020. Le P’tit Princ’ [Traduction en navois (Naves, Allier) du "Petit Prince" d'Antoine de Saint-Exupéry]. Neckarsteinach : Edition Tintenfaß
  • Lavalade Yves, Dictionnaire occitan / français (Limousin, Marche, Périgord, Bourbonnais) - étymologies occitanes, 2e édition, éditions Lucien Souny, La Geneytouse / Limoges, 2003, (ISBN 2-911551-32-X).
  • Louis Péroux-Beaulaton, Les parlers populaires en le Centre de la France : pays de Combrailles, voisinages du Berry, du Limousin et de l'Auvergne, sn., Montluçon [1re éd. sd., vers 1907].
  • Karl-Heinz Reichel, Études et recherches sur les parlers arverno-bourbonnais aux confins de l'Auvergne, du Bourbonnais, de la Marche et du Forez, Collection Eubransa/Travaux, Chamalières, Cercle Terre d'Auvergne, ..
  • Jules Ronjat, Grammaire historique [sic] des parlers provençaux modernes, 4 vol., 1930-1941 [rééd. 1980, Marseille, Laffitte Reprints, 2 vol.].
  • Jean Roux, L'auvergnat de poche, Chennevières-sur-Marne, Assimil, collection « Assimil Poche », 2002, 246 p. (ISBN 2-7005-0319-8)

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