Bob Maloubier

Bob Maloubier, né le à Neuilly-sur-Seine et mort le à Paris, fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, un agent secret français du Special Operations Executive britannique. À ce titre, il fut d'abord parachuté clandestinement deux fois en France occupée comme saboteur dans le réseau SALESMAN de Philippe Liewer, dans la région de Rouen au deuxième semestre 1943, puis dans le Limousin à la Libération. Puis, ayant rejoint la Force 136, il fut parachuté au Laos en août 1945.

Bob Maloubier
Nom de naissance Robert Maloubier
Naissance
Neuilly-sur-Seine, France
Décès
Paris, France
Conflits Seconde Guerre mondiale

Après la guerre, il rejoint en tant qu'officier de renseignement le SDECE, participa à la création des premières unités de nageurs de combat.

A son départ de l'armée, il travailla en Afrique pour des compagnies pétrolières. Personnage essentiel de la « Françafrique » dans les années 1960, il mit sur pied et dirigea la garde présidentielle du Gabon, et contribua à imposer Omar Bongo à la tête du régime en 1967.

Biographie

Premières années

Robert Maloubier naît le à Neuilly-sur-Seine. Il est le fils d'Eugène Maloubier, natif de Paris, engagé en 1914 et affecté à l'état-major du général Haig, commandant du Corps expéditionnaire britannique, comme interprète, et d'Henriette, une Franc-Comtoise, née en 1880. Il a un frère aîné : Jacques, né en 1920. Ses parents, professeurs aux États-Unis, quittent ce pays en 1920 et débarquent au Havre.

Bob fait ses études au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine. Sportif, il est notamment membre de l'équipe de natation du Racing Club de France[1].

1940

En mai, alors qu'il prépare son baccalauréat, les troupes allemandes déferlent sur la France ; en raison des événements « les épreuves du baccalauréat sont reportées à une date ultérieure ». En juin, il quitte Paris avant l’arrivée des envahisseurs. Décidant de rejoindre le général de Gaulle, il essaye de partir par Bordeaux, puis par Saint-Jean-de-Luz, et enfin par Marseille, mais il échoue à chaque fois. En décembre, il regagne Paris pour embrasser ses parents une dernière fois. Retour à Marseille, avec un crochet par Royat, où il rencontre le colonel Émile Bonotaux, qui, se méfiant du général de Gaulle, lui conseille d’aller en Afrique plutôt qu'en Angleterre.

1941

En janvier, il s’enrôle dans l’aviation de l’armée d’armistice, résolu, dès son premier lâcher seul aux commandes d’un avion, à mettre le cap sur Gibraltar ou Malte. Mais, comme il y a déjà trop de pilotes, il demeure rampant et est affecté à la garde de la base aérienne de Bizerte, en Tunisie.

1942

Le 8 novembre, la base est encerclée par les Allemands. Bob Maloubier et son ami Henri Silhol partent à vélo en Algérie. Ils y rejoignent des soldats britanniques débarqués depuis peu (opération Torch). Après l’assassinat de Darlan par leur ami Fernand Bonnier de La Chapelle, ils sont recrutés comme agents secrets du SOE par Jacques Vaillant de Guélis.

1943

  • Janvier. Le 10[3], il quitte Alger pour Londres, via Gibraltar.
  • Février. Il est brièvement interrogé par le MI5 à Patriotic School, puis est emmené à Orchard Court où les membres dirigeants et les officiers traitants de la section F rencontrent les agents opérationnels.
  • Mars. Il est inscrit à la session d’entraînement de mars en compagnie de Pierre Raynaud et d’Henri Silhol. Tous trois se joignent à une vingtaine de stagiaires, dont Diana Rowden, Éliane Plewman et Éric Cauchi : maniement des armes et des explosifs, liaisons radio, actions de commandos (Wanborough Manor) ; sécurité (New Forest) ; parachute (cinq sauts, dont un de nuit, à Ringway)
  • Août. Dans la nuit du 15 au 16, il est parachuté en France, à la périphérie de Louviers. Il atterrit, à minuit passé, dans un champ de blé. Au pied d’un pommier patiente un homme « jeune, plutôt petit, aux lèvres bien ourlées, au regard gris pétillant d’intelligence et d’humour ». C’est Philippe Liewer, qui sera son « boss », le chef du réseau SALESMAN. Maloubier vient remplacer Gabriel Chartrand comme saboteur du réseau. Secondé par Claude Malraux, Bob Maloubier mène alors une équipe de « terroristes » qui réalise plusieurs sabotages : un ravitailleur de sous-marins qui, depuis longtemps, force le blocus de la Royal Navy et accroît le rayon d’action des U-Boote ; une usine qui fabrique des pièces d’avions Focke-Wulf ; une centrale électrique qui alimente la région rouennaise.
  • Décembre. Dans la soirée du 20, il manque d’être arrêté par les Allemands à Elbeuf. Mais en parvenant à leur échapper, il est atteint par des balles.

1944

  • Février. Dans la nuit du 4 au 5, un avion Hudson le ramène à Londres[6].
  • Mars. À Londres, Philippe Liewer lui apprend que de nombreux membres du réseau ont été arrêtés (les agents Claude Malraux et Isidore Newman, le garagiste Georges Philippon, Roger Mayer, etc). Il l’a appris parce que Catherine, la compagne de Claude, a glissé entre les mailles ; elle s’est débrouillée pour joindre Roland en Dordogne, grâce à quoi ce dernier a pu, le 12 mars, envoyer à Londres un message radio rapportant la situation dramatique du réseau. Le retour en Normandie est désormais exclu.
  • Juin. Dans la nuit du 7 au 8, Philippe Liewer « Hamlet », Violette Szabo, Bob Maloubier et Jean-Claude Guiet « Virgile », l'opérateur radio, sont parachutés dans le Limousin. Ils viennent soutenir les maquis de la région.

1945

Bob Maloubier est reversé à la Force 136 opérant en Asie du Sud-est. En août, il est parachuté au Laos et fait prisonnier par les Japonais[8] juste à la fin de la guerre.

Après la guerre

  • 1945 (suite). Comme son profil de saboteur, dynamiteur et tireur d'élite n'est plus recherché depuis la fin de la guerre, il entre dans les services de renseignement extérieur. Il y restera quinze ans.
  • 1946. Il entre à la DGER (Direction générale des études et recherches)
  • 1947. Il participe à la fondation du service action du SDECE (actuelle DGSE).
  • 1948. Le 8 juin, il témoigne au procès d’Henri Déricourt.
  • 1952. Il fonde l’unité « nageurs de combat » d'Arzew, avec Claude Riffaud, créateur du CINC d'Aspretto. À cette occasion, l'horloger suisse Blancpain conçoit à sa demande la fameuse Fifty Fathoms qui deviendra la référence horlogère dans le monde de la plongée[9].
  • 1960. Il doit quitter le SDECE en raison de son amitié avec Jo Attia, un ancien résistant devenu gangster et « roi du non-lieu », qu'il avait recruté pour exécuter des contrats au Maghreb[10].

Au Gabon, il devient forestier (il y coupe du bois et gère des domaines forestiers). Il travaille parallèlement pour Jacques Foccart (le « Monsieur Afrique » du général de Gaulle) pour qui il met sur pied la garde personnelle du président gabonais[11].

  • 1962. Il est recruté par la société pétrolière Shell.
  • 1967. En mai, il est en poste à Lagos, capitale du Nigéria, lorsque s'y déclenche la guerre du Biafra[12]

Il termine sa carrière chez Elf.

  • 2010. Sélection au festival de Cannes de Film Socialisme de Jean-Luc Godard, dans lequel Bob Maloubier interprète le rôle d'un passager du paquebot. Il témoigne dans le documentaire Histoire des services secrets français.
  • 2011. Le 19 mars, il est élu président de la Fédération Nationale Libre Résistance. Il témoigne dans la série télévisée Les Combattants de l’ombre[13].
  • 2013. Il participe à un débat télévisé sur les services secrets[14].
  • 2014. Il est décoré comme Membre de l'Ordre de l'Empire britannique (MBE) par Élisabeth II, à l'occasion de la visite d'État de la reine en France pour le 70e anniversaire du débarquement. Organisée à la résidence de l'ambassadeur du Royaume-Uni à Paris, la cérémonie se déroule le 5 juin, veille du 70e anniversaire du D-Day.
  • 2015. Il meurt à Paris le 20 avril[15]. Ses obsèques sont célébrées le 29 avril à Saint-Louis-des-Invalides.

Œuvres

  • Plongez à tombeau ouvert, Fayard, 1960 ;
  • Plonge dans l’or noir, espion !, avec la collaboration de Jean-Marie Fitière, Robert Laffont, 1986, (ISBN 2-221-04722-2) ;
  • Bazooka, la confession de Philippe Castille, préface de Jean Lartéguy, Filipacchi, 1988, (ISBN 2-85018-504-3) ;
  • Nageurs de combat, récit de diverses opérations menées par des nageurs de combat, avec Georges Fleury, La Table Ronde, 1990 ;
  • Triple Jeu, avec Jean Lartéguy, préface d’Alexandre de Marenches, Robert Laffont, 1992, (ISBN 2-221-06836-X) ;
  • Les Coups tordus de Churchill, Calmann-Lévy, 2009, (ISBN 978-2-7021-4006-2) ;
  • Agent secret de Churchill 1942-1944, préface de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2011, (ISBN 978-2-84734-795-1).
  • L'Espion aux pieds palmés, éditions du Rocher, 2013, (ISBN 978-2268075129) ;
  • Les Secrets du Jour J : Opération Fortitude, Churchill mystifie Hitler, Les Éditions la Boétie, 2014, (ISBN 978-2-36865-033-2) ;
  • La Vie secrète de Sir Dansey, maître-espion, Albin Michel, 2015, (ISBN 978-2-226-31649-3) ;
  • Orlywood, la saga de Paris Airport, préface de François Kersaudy, First, 2018, (ISBN 978-2-4120-3390-6).

Reconnaissance

Décorations

Bob Maloubier a reçu les distinctions suivantes :

France
Royaume-Uni
Laos

Plaque

Voie

  • Un boulevard de la ville de Limoges (Haute-Vienne) porte le nom de Boulevard Robert Maloubier, en hommage à son action avec le maquis limousin[17]. Il a été inauguré le .

Identités

  • État civil : Robert Maloubier
  • Nom courant et nom de plume : Bob Maloubier
  • Comme agent du SOE, section F :
    • Enregistrement à Londres : 2Lt Robert Mortier (carte délivrée par le War Office, no 13191, )
    • Nom de guerre (field name) : « Clothaire »
    • Nom de code opérationnel : PORTER (en français PORTIER)
    • Faux papiers d’identité : Robert Mollier ; Robert Malvalle ; René-Maurice Hérault
    • Autre surnom : Paco

Parcours militaire :

  • SOE, section F ; grade : 2Lt (sous-lieutenant, au recrutement), lt (au premier parachutage en France occupée, ), captain.

Notes et références

  1. Bob Maloubier, Agent secret de Churchill, Tallandier, , p. 17
  2. Triple Jeu, p. 25-26
  3. La date du 10 janvier est celle indiquée par Bob Maloubier. Brooks Richards, p. 870, indique le 17 janvier.
  4. Triple Jeu, p. 26-27.
  5. Plonge dans l’or noir, espion !, p. 28.
  6. Opération KNACKER organisée par Henri Déricourt ; terrain : ACHILLE, NE d’Angers, km SE de Soucelles (49) ; appareil : Hudson ; pilotes : sqn Ldr L. F. Ratcliff, Flg Offs Woolridge et Johns, Plt Off Hall ; passager amené (1) : Gerry Morel (qui a instruction de ramener Henri Déricourt à Londres, mais qui rentrera sans lui) ; passagers ramenés (9) : Philippe Liewer, Bob Maloubier, Robert Benoist, H. Borosch, Madeleine Lavigne, Limousin, Le Barbu, l'aubergiste à Tiercé et son mari. [Source : Verity, p. 292]
  7. Plonge dans l'or noir, espion, p.30-31
  8. Bob Maloubier, interrogé le 20 octobre 2011 sur le sujet, conteste avoir été capturé par les Japonais, mais reconnaît avoir été blessé par eux
  9. « Fifty Fathoms de Blancpain : Marc A. Hayek présente en exclusivité mondiale à Cannes les 30 premiers modèles de cette nouvelle collection », sur Montres-de-luxe.com,
  10. Roger Faligot et Pascal Krop, La piscine : les services secrets français, 1944-1984, Éditions du Seuil, , p. 93
  11. Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsita, KAMERUN !, La Découverte,
  12. Les Ibo proclament leur indépendance et baptisent leur province « Biafra ». Le gouvernement nigérian met aussitôt en place un blocus. Débute une guerre civile qui va durer deux ans et demi et provoquer la mort de plus d’un million de personnes.
  13. Les Combattants de l’ombre. Des Résistants européens contre le nazisme, série documentaire télévisée en six épisodes (6x55 min.), de Bernard George (France, 2011). Bob Maloubier intervient dans les épisodes 1, 2 et 5.
  14. Chaîne Public Sénat, « Le Débat » animé par Benoît Duquesne. Sur le thème Dans le secret des services, l’émission du réunit quatre invités : Bob Maloubier ; Jacques Gautier, sénateur ; Rémi Kauffer, journaliste et écrivain ; Dominique Fonvielle, ancien agent de la DGSE ; .
  15. « L'agent secret "Bob" Maloubier est décédé », Lepoint.fr, 21 avril 2015.
  16. Il est décoré par la reine Élisabeth II en personne. Cahiers bourbonnais, no 229, 2014, p. 19.
  17. « Limoges va honorer ses libérateurs avec le pont Guingouin et le boulevard Maloubier », lepopulaire.fr, 19 août 2015.

Sources

Outre les livres de Bob Maloubier, mentionnés plus haut à la section #Œuvres et qui constituent la source principale de l'article, il y a lieu de noter les ouvrages et sites suivants.

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