Fernand Bonnier de La Chapelle

Fernand Bonnier de La Chapelle, né le à Alger et mort fusillé le à Alger, est connu pour avoir assassiné le 24 décembre 1942 l'amiral François Darlan, ancien chef du gouvernement de Vichy, au pouvoir de fait en Afrique française du Nord.

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Son geste, qui lui coûta la vie, changea considérablement la donne politique en Afrique du Nord, permettant la prise de contrôle des autorités civiles et militaires par le général Giraud et à terme l'unification des organes décisionnels du Comité français de la Libération nationale sous l'autorité du général de Gaulle.

Biographie

Il commence ses études au collège des dominicains de Bellevue à Meudon et sera en terminale au lycée Stanislas, à Paris.

Étant de ceux qui n'avaient pas approuvé l'armistice, il a participé le 11 novembre 1940, à l'Arc de Triomphe, à la manifestation anti-allemande des étudiants. Il aurait ensuite rejoint la zone libre en passant clandestinement la ligne de démarcation et, étant rentré à Alger, où son père était journaliste à La Dépêche algérienne, il y fit un séjour aux chantiers de Jeunesse. Après avoir passé son baccalauréat en 1942, il y fut surpris par le débarquement allié du 8 novembre 1942, lors de l'opération Torch, et regretta que ses camarades qui avaient participé au putsch du 8 novembre, et permis ainsi le succès du débarquement, ne l'aient pas associé à leur entreprise.

L'engagement au Corps franc d'Afrique

À la suite de ce débarquement, Fernand Bonnier de La Chapelle fut l’un des premiers à s’engager au Corps franc d’Afrique en formation sous la direction initiale d'Henri d'Astier de La Vigerie, ancien chef de la résistance nord-africaine. Ce choix d’engagement impliquait nécessairement des convictions personnelles hostiles au vichysme. En effet, cette formation avait été fondée par un groupe de résistants du 8 novembre qui trouvaient insupportable le maintien au pouvoir de l’Amiral de la Flotte François Darlan compromis notoirement dans la collaboration, et qui, d’autre part, ne voulaient pas servir sous les ordres des généraux qui venaient de faire tirer sur les Alliés à Oran et au Maroc, et qui, s'agissant de l'amiral Jean-Pierre Esteva, avaient ouvert sans combat la Tunisie aux forces de l'Axe.

Lorsque Henri d’Astier fut nommé à la tête de la police comme secrétaire adjoint à l'Intérieur, par Darlan qui espérait ainsi (et à tort) se l'attacher, les membres du Corps franc d'Afrique maintinrent des relations officieuses avec ce dernier, et ce fut Bonnier qui fut désigné pour assurer cette liaison. Il rendit donc souvent visite, à cet effet, au domicile d’Henri d’Astier, où il rencontra aussi le lieutenant abbé Pierre-Marie Cordier, lui aussi résistant du 8 novembre, ami et confesseur de d’Astier. Le 22 décembre 1942, Henri d’Astier et l’abbé Cordier chargèrent Bonnier de La Chapelle d’exécuter Darlan[1][réf. à confirmer].

L'impopularité de Darlan

À cette époque, des membres du Corps franc venaient presque toutes les nuits à Alger, où ils couvraient les murs de slogans peu amènes pour Darlan, telles que « L’amiral à la flotte ! ». Darlan n’encourait pas seulement des reproches pour sa politique passée de collaboration vis-à-vis de l'Allemagne, mais aussi pour son attitude présente, puisqu’il maintenait dans le camp allié les lois d’exclusion d’inspiration hitlérienne, ainsi que les mesures de répression vichystes, telles que l’internement dans les camps de concentration du Sud de plusieurs milliers de résistants français, de républicains espagnols et de démocrates d’Europe centrale, coupables de s’être engagés en 1940 dans la Légion étrangère afin de combattre pour la France (voir Situation politique en Afrique libérée (1942-1943)).

La conspiration

C’est dans ce climat que, passant des paroles aux actes, Fernand Bonnier de La Chapelle tira à la courte paille avec trois de ses compagnons d’armes (Othon Gross, Robert Tournier et Philippe Ragueneau[2]), qui avaient participé, quelques semaines plus tôt, au putsch du 8 novembre 1942, contribuant ainsi au succès de l'opération Torch, celui d’entre eux qui se dévouerait pour débarrasser la France de Darlan, dont la présence au pouvoir rendait impossible toute union avec la France libre.

À la suite de ce tirage au sort, Bonnier se procura un vieux pistolet Ruby Llama 7,65, et, le 24 décembre 1942, jour choisi pour accomplir son geste, il rencontra d’abord l’abbé Cordier auquel il se confessa. L’abbé, après l’avoir entendu, lui donna par avance, compte tenu de la fermeté de sa décision, l’absolution. Puis Bonnier, accompagné en voiture par ses camarades, se présenta en fin de matinée au palais d’Été avec une carte d'identité au nom de Morand. Darlan étant absent, il lui fut conseillé de revenir l’après-midi[3].

L'attentat

Il revint au palais d’Été où on l’installa dans un couloir pour attendre Darlan. Après avoir patienté quelque temps, il vit enfin l’Amiral apparaître et se diriger vers son bureau, accompagné du capitaine de Frégate Jean Hourcade. Bonnier vint à sa rencontre et l’abattit de deux balles. Puis comme Hourcade s’accrochait à lui, il le blessa d’une balle pour se dégager, mais fut rapidement maîtrisé par les occupants des bureaux voisins. Interrogé le soir même par les commissaires Garidacci (chef des brigades mobiles) et Esquerré, il déclara avoir agi seul, et ne parut pas s’inquiéter de la suite des événements.

L'exécution

Le lendemain matin, le 25 décembre 1942, un capitaine juge d'instruction boucla l'instruction en moins d'une heure. Après une déclaration de Bonnier affirmant qu'il avait agi seul pour des raisons de propreté morale, ce juge estima en savoir suffisamment pour clore l'enquête, et signa une ordonnance de renvoi au tribunal militaire d'Alger.

Ce tribunal siégea le soir même et rejeta les demandes de supplément d'enquête, qui, pourtant, étaient de droit, présentées par Mes Viala et Sansonetti, les avocats de l'inculpé. Le reste de la procédure se déroula en moins d'un quart d'heure, et le tribunal, ne tenant ni compte des motivations patriotiques de Bonnier, ni de son âge, le condamna à mort.

Un recours en grâce, dont le pourvoi était suspensif, fut alors immédiatement présenté. Il aurait dû légalement être soumis au chef de l'État, le maréchal Pétain, puisque Darlan et les autres membres du Conseil impérial exerçaient leur autorité « au nom du maréchal empêché ». Cette procédure aurait conduit à attendre la fin des hostilités pour permettre à celui-ci de se prononcer.

Le général Noguès, doyen du Conseil impérial, se proclama haut-commissaire par intérim, en vertu d'une ordonnance prise par Darlan du 2 décembre 1942, mais non publiée (ce qui lui retirait toute valeur légale, même dans l'ordre juridique de Vichy), et, usurpant la fonction de chef de l'État du maréchal, dont pourtant il prétendait tenir ses pouvoirs, il rejeta immédiatement, en pleine nuit, le recours en grâce. Giraud, qui dirigeait alors la justice militaire en tant que Commandant en chef, refusa de différer l'exécution, et donna l'ordre de fusiller Bonnier dès le lendemain matin, à 7 h 30.

Or, dans la nuit, peu après la condamnation, un événement s'était pourtant produit, qui aurait pu sauver Bonnier à la dernière minute. Celui-ci, alarmé par sa condamnation, avait demandé à parler à nouveau à un policier. Ce fut le commissaire Garidacci qui vint l’entendre. Il semble que Bonnier ait alors révélé que l'abbé Cordier était au courant de son entreprise, et qu'il se soit également prévalu de la protection d'Henri d’Astier, secrétaire à l'Intérieur du Haut-Commissariat, dont il connaissait l’hostilité à Darlan. Il avait jusque-là compté sur celle-ci, en cas de succès de son acte, mais, n'étant pas au courant des démarches déjà entreprises par d'Astier et ses amis, il se sentait soudain abandonné. Garidacci conserva par-devers lui cette confession sans en parler à quiconque, au lieu de la communiquer à ses supérieurs, avec l'intention, pense-t-on, de faire chanter ultérieurement son chef Henri d'Astier  une supposition qu'aucun élément concret ne vient confirmer , si bien qu'elle ne fut découverte que quelques jours plus tard, au cours d'une fouille de son bureau, trop tard pour Bonnier[3].

Giraud fut élu le jour même par les membres vichystes du Conseil impérial, à la place de Darlan. Lorsque diverses personnes, dont Henri d’Astier, se présentèrent à Giraud, à peine élu, pour demander la grâce de Bonnier, celui-ci leur répondit qu’il était trop tard.

Bonnier de La Chapelle est exécuté à Hussein-Dey, au carré dit « des fusillés ». En se dirigeant vers le lieu d'exécution, il retira sa veste, la remit au policier Albert Antoine et lui dit « donnez-la à un pauvre ».

Postérité

Bonnier fut réhabilité par un arrêt de la chambre des révisions de la cour d’appel d’Alger, du 21 décembre 1945, qui jugea que l’exécution par ses soins de l'amiral Darlan avait été accomplie « dans l’intérêt de la libération de la France ».

Le 19 août 1953, un décret signé du président Vincent Auriol concédera à Fernand Bonnier de la Chapelle la médaille militaire à titre posthume accompagné de la croix de guerre avec palme et de la médaille de la Résistance.

Sur sa tombe, est écrit « Mort pour la France », de Gaulle déclarant qu'il avait agi au nom des intérêts de la France[4].

L'assassinat de Darlan par Bonnier de La Chapelle a donné lieu à de nombreuses théories, certaines postulant que l'ordre d'abattre l'amiral était venu du camp de l'entourage du général de Gaulle, d'autres imputant avant tout le complot aux partisans du comte de Paris. L'historien britannique Antony Beevor affirme quant à lui que Bonnier de La Chapelle avait été recruté par le SOE : le service secret du Royaume-Uni, désireux de se débarrasser de Darlan, aurait organisé l'attentat et prévu initialement d'évacuer Bonnier d'Algérie une fois l'opération accomplie[5].

Tous les ans une délégation de la Nouvelle Action royaliste va fleurir sa tombe au cimetière de Sèvres où il est enterré[6].

Notes et références

  1. Henri d'Astier de La Vigerie.
  2. Mario Faivre, Nous avons tué Darlan : Alger 1942, La Table Ronde, 1975.
  3. L'exécution de Darlan.
  4. Michèle Cointet, « La mort de l'Amiral Darlan », émission Au cœur de l'histoire sur Europe 1, 14 janvier 2013.
  5. Antony Beevor, La Seconde Guerre mondiale, Calmann-Lévy, 2012, page 476.
  6. Hommage paru dans Royaliste n° 1112, page 11, 20 décembre 2016.

Voir aussi

Bibliographie

  • Xavier Walter – Un roi pour la France : Henri comte de Paris 1908-1999 – Ed. François-Xavier de Guibert – 2002 – Une annexe recueille le témoignage de Odile Walter qui a bien connu Fernand entre 1928 et 1941.

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