Bibliobus

Un bibliobus est un véhicule aménagé afin de prodiguer des services de bibliothèque dans les régions trop excentrées et/ou éloignés de celles-ci. De plus, le bibliobus dessert aussi les clientèles plus défavorisées ainsi que ceux qui ne peuvent se déplacer en bibliothèque. Ces services vont de l’abonnement à l’animation de groupe, en passant par la consultation et le prêt de document[1].

Ancien bibliobus de la ville de Bordeaux
Des bibliobus en Espagne.
Une bibliothèque mobile à Warrington (Angleterre) en 1859, un précurseur du bibliobus.

Description

Système importé du Royaume-Uni (1858) et des États-Unis (1905),  il est repris par l'Association des bibliothécaires français lors de l'exposition coloniale internationale de 1931, en 1933 par Victorine Vérine,à Soissons, ainsi qu’en 1934 par Henri Filipacchi et  finalement, en 1938 par Henri Vendel. Vendel, bibliothécaire à Châlons-en-Champagne, fut à l'origine des premières tournées de la bibliothèque circulante de la Marne, où elle desservira 350 communes. Cette démarche sera reprise et généralisée peu après. En France, les bibliobus ont été dès le départ le principal instrument des bibliothèques centrales de prêt (BCP), créées en 1945 puis des bibliothèques départementales de prêt (BDP).

Dans les autres pays, ils existent très majoritairement comme des substituts aux bibliothèques construites en dur et en reprennent l'essentiel des fonctions. Ce sont alors souvent des « caisses » remorquées de grande taille, pouvant même déployer des surfaces importantes par un système de désemboitage dont les tiroirs sont soutenus par des vérins. Le terme anglais de « mobile library » définit cet usage majoritaire qui connaît une variante spécifique en France (voir plus bas : bibliobus rayons pour prêt aux bibliothèques).

Néanmoins, malgré le suffixe -bus, plusieurs véhicules ou moyens de locomotion peuvent être utilisés afin de remplir le service de bibliobus, partant d'un autobus à un vélo, passant par un campeur. Le choix de véhicule dépend beaucoup plus du milieu et des services demandés que de toute autre chose[2].

Les différents types

Les bibliobus caisses sont des camionnettes, destinées au transport de caisses de livres. Ces caisses sont déposées dans différents lieux (bibliothèques, écoles, mairies, maisons de retraites, etc.). On parle alors de bibliobus de dépôt. Les bibliobus caisses ont équipé les premières BDP, à partir de 1945, avant de disparaître dans les années 1970, puis de réapparaître dans les années 2000, sous le nom de « navettes » (voir infra).

Les bibliobus rayons sont généralement des poids lourds, équipés de rayonnages, à l'imitation d'une véritable bibliothèque. Apparus au cours des années 1960 dans les bibliothèques départementales de prêt françaises et dans certaines bibliothèques municipales, ils étaient destinés à stationner sur les places des villages, des quartiers et dans les cours d'écoles, afin de permettre au public d'y emprunter des livres. On parle alors de bibliobus de prêt direct. Leur coût d'exploitation élevé, leur faible impact sur la population desservie et l'essor des bibliothèques publiques à partir des années 1980 ont conduit à leur importante régression : de nombreux bibliobus rayons ont servi de bibliobus de dépôt, avant d'être définitivement supprimés.

Les bibliobus rayons pour prêt aux bibliothèques sont une utilisation spécifique à la France par laquelle les bibliothèques de villages et des petites villes reçoivent des lots de documents selon un rythme bisannuel ou tri-annuel. Le choix dans les rayons est effectué par un ou plusieurs mandataires de la communauté locale. L'aménagement reste celui d'une bibliothèque fixe et d'ailleurs, certains véhicules alternent le prêt aux individus (voir plus haut prêt direct) et le prêt aux bibliothèques. Cet usage et cette disposition hybrides ont l'inconvénient de compliquer les opérations de manutention.

Rayonnage du bibliobus rayons de la ville de Verviers, Belgique

Les compléments et substituts aux bibliobus en France

Le principe du bibliobus déposant des caisses a été rénové et réorienté en France à partir de 1985. Le terme générique de navette a été introduit par la Bibliothèque départementale de Saône-et-Loire pour désigner l'utilisation d'un véhicule utilitaire léger qui opère un circuit pour déposer et rapporter une caisse par bibliothèque concernée.

En 2005, plus d'un tiers de départements ont mis en place cette pratique avec de nombreuses variantes sur la fréquence de desserte, la taille des véhicules et le contenu transporté.

Cette pratique apparaît en général pour compléter le service d'un bibliobus et le cas minimum est un passage deux fois par an intercalé entre trois passages de bibliobus. Plus généralement, l'objectif est l'apport de documents demandés spécialement (en France, on dit « réservations ») par les bibliothèques communales avec remport des documents demandés par les autres communes. L'expression « donnant-donnant », voire « gagnant-gagnant », est parfois employée pour souligner le fait qu'un esprit de mutualisation est requis en rupture avec l'individualisme local qui ne prend pas souvent en compte l'aspect de fonctionnement en réseau que souhaite déployer la bibliothèque départementale.

Dans certains départements, la fréquence des passages est élevée et les demandes commencent à atteindre la dizaine de milliers.

Le succès du service est étroitement lié à la faculté apparue au tournant du siècle de mettre l'ensemble du catalogue départemental en consultation sur l'Internet avec la possibilité pour les responsables locaux d'inscrire en ligne leurs réservations.

Les navettes trouvent aussi une application particulière quand elles servent à apporter et reprendre des documents par lots aux bibliothèques têtes de réseau intercommunal. Dans ce cas, les navettes sont amenées à devenir un substitut à la desserte par bibliobus jugée plus coûteuse. Aujourd'hui, cinq villes françaises continuent toujours le service de bibliobus urbains, soit Grenoble (1956), Tours (1956), Saint-Brieuc (1959), Boulogne-sur-mer (1960) et Toulouse (1961)[3]. Toutefois, le service est encore méconnu du public. En effet, ceux-ci suivent le même idéal que les bibliobus en milieux ruraux, soit de combler le vide intellectuel des régions éloignées, mais avec un intérêt pour les nouveaux développements urbains. Le bibliobus urbain se transforme en centre culturel ambulant, créant ainsi une ressource pour ceux dont la bibliothèque centrale est éloignée de leur demeure ou encore pour supporter l'éducation aux adultes.

La Bibliothèque mobile de Rome fondée par Formiggini

En 1922, le philosophe et éditeur italien Angelo Fortunato Formiggini crée à Rome une Biblioteca Circolante (Bibliothèque mobile) qui compte rapidement 40 000 volumes.

Un examen rapide du catalogue confirme le caractère généraliste de cette bibliothèque[4]. On y trouve des livres pour tous les types de lecteurs. Depuis des romans contemporains jusqu'à des livres d'histoire, économie, sciences, philosophie et les auteurs classiques grecs et latins. Une partie du catalogue est liée à l'actualité de l'époque, avec beaucoup de livres sur la Grande Guerre. Mais, on trouve aussi des ouvrages comme les Mémoires de guerre de Winston Churchill ou Ma vie de Trotski. Des livres écrits par des auteurs classiques italiens et d'autres pays : Manzoni, Walter Scott, Balzac, etc. La majeure partie des romans et recueils de poèmes ont un lien avec l'actualité, avec des œuvres de Salvator Gotta, Nino Salvaneschi, Ugo Ojetti, Antonio Beltramelli, Lucio D'Ambra et d'autres contemporains italiens. Le catalogue comprend des auteurs étrangers, dans leurs éditions et langues d'origines tels que James Joyce, John Dos Passos, James M. Cain. Trois livres écrits par Gandhi, l'autobiographie de Charles Chaplin, des études ethnologiques de Giuseppe Cocchiara, deux œuvres meridionalistes de Giustino Fortunato, mettent en évidence l'ouverture d'esprit de Formiggini qui n'a pas voulu soumettre son catalogue aux seuls impératifs distractifs ou aux contraintes et obligations de son temps.

500 volumes, restes des 40 000 volumes de cette bibliothèque, avec trois catalogues imprimés de celle-ci, faits en 1924, 1933 et 1939, sont aujourd'hui conservés à la Bibliothèque Estense de Modène[5].

Les bibliobus au Canada

Ce sont dans les Maritimes et en Colombie-Britannique qu'apparaissent en 1930 les premiers projets de bibliothèques itinérantes au pays. Du côté des Maritimes, une bibliothèque itinérante dessert la région grâce à l'Université Acadia. En Colombie-Britannique, un camion-bibliothèque voyage une distance d'environ 125 kilomètres le long de la vallée du Fraser afin que la population à l'est de Vancouver ait accès à un service de bibliothèque. Le succès de ce projet permettra la réalisation d'initiatives similaires dans la province, plus précisément dans la vallée de l'Okanagan en 1935 et à Vancouver en 1936.

De 1933 à 1936, l'Île-du-Prince-Édouard est desservie par une bibliothèque itinérante.

L'Ontario voit son premier projet officiel de bibliobus en milieu rural en 1940 dans le comté de Middlesex. Des services de bibliobus sont encore offerts par des bibliothèques municipales de certaines villes de la province. Les bibliobus de la bibliothèque publique d'Ottawa permet de servir la population qui n'est pas desservie par les 33 succursales du réseau[6]. La bibliothèque publique de Toronto possède deux bibliobus dont un véhicule acquis en 2017 avec une connexion Wi-Fi doté d'ordinateurs et de tablettes[7]. La bibliothèque publique d'Hamilton offre aussi un service de bibliothèque ambulante[8].

Face à une population croissante, des bibliobus seront aussi mis en service dans les milieux urbains et périurbains pour répondre à la demande. C'est en Alberta que sera lancé le premier projet en zone urbaine avec le «tramway à livres» à Edmonton en 1941 et à Calgary par la suite.

En 1968, Terre-Neuve établi six services régionaux officiels de bibliobus. La province était auparavant dotée d'une «bibliothèque flottante» instaurée en 1947 par la paroisse catholique de St-Kyran et qui sera en service durant les années 1950 et 1960[9].

Les bibliobus au Québec

Au Québec, le bibliobus caisses utilisant un véhicule utilitaire est resté la norme dans les Bibliothèques centrales de prêt, devenues centres de ressources et de services des bibliothèques publiques (CRSBP) après une tentative d'utilisation des bibliobus en milieu rural qui s'est révélé inadaptée aux conditions de circulation difficiles dues au climat froid et neigeux.

Exemple de bibliobus au Canada

Le concept de bibliobus a été implanté, au Québec, au milieu du XXe siècle[10] s’inspirant du modèle européen. Ce service de bibliothèque mobile a été inauguré à Montréal le 16 août 1966 pour desservir les quartiers éloignés des bibliothèques publiques[11]. Trois types de bibliobus ont servi durant les nombreuses années de ce service. La semi-remorque était totalement autonome avec sa propre génératrice et une collection principalement pour les jeunes[12]. La mission de ce service se décrit comme suit : « Une bibliothèque mobile aménagée dans une semi-remorque, le Bibliobus offre aux enfants un service de prêt de documents au cœur de leur quartier. Le Bibliobus parcourt cinq arrondissements, quatre jours par semaine. La tournée compte huit arrêts visités toutes les deux semaines et deux qui alternent, ce qui donne neuf arrêts[13] ».

En 2002, la ville de Montréal, alors sous l'administration Tremblay, décide de mettre terme au service de Bibliobus. L'administration présentait comme argument principal la baisse de 43% de l'achalandage pour le service, en plus d'insister sur le coût de chaque prêt en bibliobus, soit 10$ contre 2$ en bibliothèque[14]. Lorsque la ville menace en 2002 de fermer le service, les arrondissements Ahunstic-Cartierville, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Rosemont–La-Petite-Patrie et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension ont chacun investi 70 000$, prouvant ainsi que le service Bibliobus répondait à un besoin de leur population[13]. En 2013, avec une collection de 28 000 documents, Bibliobus a effectué plus de 36 460 prêts[13]. Une hausse significative de la popularité du service est constatée entre 2004 et 2013 où il y a eu 25 000 prêts[15]. Faute de budget, le service cesse ses activités à la fin de l'année 2014[15]. Pour Rosemont-La-Petite-Patrie, cela représente 86 000 dollars d'économie[15]. Afin de continuer à servir la population rosemontoise, la bibliothèque Marc-Favreau est inaugurée en 2013, peu avant la fin du service de la bibliomobile montréalaise. D'autres alternatives ont été mises en place afin d'améliorer l'accessibilité à la lecture aux montréalais, par des projets de bibliothèques mobiles axées non seulement sur les enfants, mais aussi pour les aînés, les adultes, les nouveaux-arrivants et les allophones, comme dans l'arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension où la mairesse Anie Samson considère important de continuer de rendre accessible la lecture[13]. Des animations telles que la BibliOtente de la Bibliothèque Langelier, du réseau des bibliothèques de Montréal, ou encore le programme Ma tente à lire du (réseau des bibliothèques de Laval, dans la ville de Laval,) durant lesquelles les bibliothécaires et leurs collections jeunesses s'installent dans des parcs publics, sont des exemples d'initiatives de plus petites envergures mais à but similaire, de rejoindre des jeunes lecteurs en dehors des murs de la bibliothèque[16].

Le service de Bibliobus se retrouve aujourd'hui dans plusieurs villes du Québec comme Laval (2014), Lévis, Repentigny (2010) et Châteauguay (service "Bibliobus-Bibliothèque mobile" offert par la bibliothèque Raymond-Laberge[17])(2000)[12]. Il est également dans les projets futurs de la ville de Trois-Rivières où la bibliothèque mobile permettrait de mieux répondre aux besoins des citoyens. Mme Daigle, directrice des bibliothèques soutient que cela permettrait d'aller à la rencontre des gens, de proposer plus que de simples prêts, mais aussi des recommandations de lecture[10]. La semi-remorque pourrait aller notamment dans les fêtes de quartier, dans les parcs, camps de jour pour un service plus proche des citoyens.

Bibliobus en Estonie

Notes et références

  1. Michèle Tremblay, « Sur la route », Lurelu, vol. 37, no 2, , p. 93–94 (ISSN 0705-6567 et 1923-2330, lire en ligne, consulté le )
  2. « Un Bibliobus dans les projets », sur L'Hebdo Journal, (consulté le )
  3. Jacques Pons, « Les bibliobus urbains en France », sur bbf.enssib.fr, (consulté le )
  4. Les précisions sur la Biblioteca Circolante fondée par Formiggini sont données par Carlotta Padroni L'Editoria italiana del Novecento: Angelo Fortunato Formiggini, cultura formazione e risodi, 4. Angelo Fortunato Formiggini e l'educazione (L’Édition italienne du vingtième siècle : Angelo Fortunato Formiggini, culture formation et rire, 4. Angelo Fortunato Formiggini et l'education)
  5. Il manque cependant dans les archives de Formiggini conservées à la Bibliothèque Estense de Modène un catalogue complet de la bibliothèque. Précisions données par Vittorio Ponzani La biblioteca circolante di Angelo Fortunato Formiggini a Roma. Un esperienza a cavallo tra biblioteca e editoria. (La bibliothèque mobile de Angelo Fortunato Formiggini à Rome. Une expérience entre bibliothèque et édition.)
  6. « Le nouveau mini Bibliobus sera bientôt dans votre quartier », sur Councillor Tim Tierney, (consulté le )
  7. (en) Lisa Naccarato, « Expect Toronto's newest library bus to be packed with technology as well as books », sur cbc.ca, (consulté le )
  8. (en) « About the Bookmobile », sur HPL (consulté le )
  9. Lorna Knight, Eric Bungay, Jean Cogswell et Elise Moore, « Chapitre 18. La lecture et les groupes particuliers », dans Histoire du livre et de l’imprimé au Canada, Volume III : De 1918 à 1980, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Thématique Art et littérature », (ISBN 979-10-365-0422-8, lire en ligne), p. 517–542
  10. « Un Bibliobus dans les projets », sur L'Hebdo Journal, (consulté le )
  11. « Ville de Montréal - Réseau des bibliothèques publiques de Montréal - Bibliobus », sur ville.montreal.qc.ca (consulté le )
  12. Michèle Tremblay, « Sur la route », Lurelu, vol. 37, no 2, , p. 93–94 (ISSN 0705-6567 et 1923-2330, lire en ligne, consulté le )
  13. « Est-ce la fin du Bibliobus? », sur Le Devoir (consulté le )
  14. Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec, « Montréal tourne la page sur son Bibliobus », Corpo clip : le bulletin des bibliothécaires professionnels du Québec, , p. 12 (lire en ligne)
  15. « Fin des bibliobus à Montréal », sur TVA Nouvelles (consulté le )
  16. Michèle Tremblay, « La BibliOtente se balade », Lurelu, vol. 42, no 1, , p. 85–86 (ISSN 0705-6567 et 1923-2330, lire en ligne, consulté le )
  17. « Bibliobus-Bibliothèque mobile », sur Bibliothèque Raymond-Laberge (consulté le )

Liens externes

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