Bataille de Raab

La bataille de Raab se déroule le près de Győr, en Hongrie, et oppose l'armée franco-italienne du vice-roi Eugène de Beauharnais à l'armée autrichienne de l'archiduc Jean d'Autriche. L'affrontement se solde par une victoire des Franco-Italiens.

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Bataille de Raab
La bataille de Raab, le 14 juin 1809. Graphique en couleur d'Eduard Kaiser (1820-1895).
Informations générales
Date
Lieu Raab, Hongrie
Issue Victoire franco-italienne
Belligérants
Empire français
 Royaume d'Italie
Monarchie de Habsbourg
Royaume de Hongrie[1]
Commandants
Eugène de BeauharnaisJean-Baptiste d'Autriche
Forces en présence
39 902 hommes[2],[3]35 525 hommes[2],[3]
Pertes
2 200 [2] à 4 000 tués ou blessés[4]743 tués
1 757 blessés,
2 406 prisonniers,
1 305 disparus,
3 canons
2 drapeaux[2],[5].

Cinquième Coalition

Batailles

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Coordonnées 47° 41′ 03″ nord, 17° 38′ 06″ est
Géolocalisation sur la carte : Europe
Géolocalisation sur la carte : Hongrie

Contexte

Opérations préliminaires

En 1809, la France de Napoléon est en guerre avec l'Empire d'Autriche. Les opérations se déroulent sur deux fronts, en Allemagne et en Italie, où l'armée du vice-roi Eugène de Beauharnais, le fils adoptif de Napoléon, fait face aux troupes autrichiennes de l'archiduc Jean. La défaite d'Eugène à la bataille de Sacile, le 16 avril 1809, a contraint les Franco-Italiens à repasser l'Adige. Le front s'immobilise alors pendant quelques semaines, à peine troublé par une offensive d'Eugène lors de la bataille de Caldiero. Au sud-est, les forces autrichiennes bloquent le corps du général Marmont en Dalmatie. La situation évolue cependant à l'annonce de la victoire française à Eckmühl, car l'archiduc Jean, qui a reçu l'ordre de couvrir le flanc gauche de l'armée, a entamé sa retraite en direction de l'Allemagne du sud[6].

Retraite autrichienne

Le 8 mai 1809, Eugène accroche sérieusement l'arrière-garde de l'archiduc à la bataille de la Piave. À ce moment, Jean, qui jusque-là s'est conduit de façon remarquable face aux Français, commet l'erreur de diviser ses forces. Lui-même avec le gros de l'armée se retire au nord-est et atteint Tarvisio la semaine suivante, accompagné du Feldmarschallleutnant Albert Gyulai. Non loin de là, le général Frimont et ses 13 000 hommes sont à Villach. Les 15 000 hommes du IXe Armeekorps commandé par le général Ignácz Gyulay cantonnent à Ljubljana, au sud-est de Villach. Au nord-ouest, plus éloigné, le VIIIe Armeekorps de Chasteler occupe les alentours d'Innsbruck, tandis que les 10 000 hommes de la division Jellacic sont à Salzbourg. En Dalmatie, le général-major de Stoichewich continue à fixer les troupes de Marmont. La qualité des troupes autrichiennes est toutefois assez médiocre, car comprenant une forte proportion de miliciens levés à la hâte[7].

Le 13 mai, l'armée franco-bavaroise du maréchal Lefebvre bat le corps de Chasteler à la bataille de Wörgl, près d'Innsbruck[8]. Le 17 mai, Jean reçoit l'ordre de faire mouvement vers le nord afin de couper les lignes de communications de la Grande Armée, mais l'archiduc s'attarde et perd un temps précieux[9]. Jellacic, quoique dangereusement isolé, reste à Salzbourg jusqu'au 19 mai ; lorsqu'il se décide à partir, il est trop tard. Deux divisions françaises sous les ordres du général Paul Grenier mettent les Autrichiens en pièces à la bataille de Sankt Michael, le 25 mai[10]. En apprenant le désastre, Jean qui s'est déjà replié à Graz décide de reculer plus à l'est, en Hongrie.

Entretemps s'est déroulée la bataille de Tarvis, en fait un ensemble de petits combats au cours desquels les Grenzers autrichiens vont s'illustrer. À Malborghetto, 400 de ces Grenzers abrités dans une position fortifiée résistent durant deux jours contre 15 000 Français. Il n'y a que 50 survivants chez les défenseurs[11]. Au col du Predil, 250 Autrichiens et 8 canons tiennent en respect quelque 8 500 adversaires pendant trois jours. Le 18 mai, les Français donnent l'assaut, enlèvent le poste et exterminent la garnison, non sans avoir laissé 450 hommes sur le terrain[12]. À Tarvisio, c'est le vice-roi Eugène en personne qui inflige une sévère défaite à la division d'Albert Gyulai[13].

De son côté, Marmont repousse les forces de Stoichewich à l'issue de la campagne de Dalmatie. Progressant vers le nord, il arrive à Ljubljana le 3 juin. Les Autrichiens d'Ignácz Gyulay se portent à sa rencontre. À Graz, au bout de deux jours de combats, Marmont et Broussier parviennent à refouler les troupes de Gyulay. La voie est libre pour les 11 000 soldats du 11e corps, auxquels s'ajoute la division Broussier, qui, à marches forcées, va partir rejoindre Napoléon à Vienne et se battre à la bataille de Wagram[14].

Jean, tout en retraitant, a fait sa jonction avec la milice insurrectionnelle hongroise à Raab. Son plan est alors de traverser le Danube, puis faire route vers le nord-ouest par Bratislava pour s'unir avec la principale armée autrichienne commandée par son frère, l'archiduc Charles, généralissime des armées impériales. Napoléon, qui veut empêcher la réunion des deux armées, ordonne à Eugène de poursuivre et de détruire l'armée de Jean. Les troupes franco-italiennes rattrapent les Autrichiens à la mi-juin et forcent l'archiduc à livrer bataille.

Carte de la campagne de 1809 : batailles de Raab (14 juin) et de Graz (24 au 26 juin).

Ordres de bataille

Bien que les forces en présence soient à peu près équivalentes, la qualité des soldats autrichiens est toutefois très inférieure à celle des Français. Les miliciens de la Landwehr autrichienne et les troupes insurrectionnelles hongroises forment en effet la plus grande partie du corps de bataille de l'archiduc Jean. Ce dernier, conscient de cette faiblesse, décide de livrer une bataille purement défensive et ce, en position de force. L'archiduc Joseph, feld-maréchal et palatin de Hongrie, présent sur le terrain, est théoriquement responsable de l'armée de par son grade, mais c'est Jean qui exercera le commandement effectif lors de la bataille.

Armée franco-italienne

Le vice-roi Eugène de Beauharnais, commandant en chef l'armée franco-italienne. Huile sur toile de Johann Heinrich Richter, vers 1830.

Armée d'Italie : vice-roi Eugène de Beauharnais, commandant en chef — 39 902 hommes, 42 canons[15]

Armée autrichienne

L'archiduc Jean d'Autriche, commandant en chef l'armée autrichienne en Italie. Huile sur toile de Joseph Hickel, palais de Caserte.

Armée autrichienne en Italie : General der Kavallerie archiduc Jean d'Autriche et feld-maréchal archiduc Joseph d'Autriche, commandants en chef — 35 525 hommes, 30 canons[16]

Déploiement des deux armées

Le Feldmarshallleutnant Colleredo, commandant le centre autrichien lors de la bataille de Raab. Lithographie de Josef Kriehuber, 1836.

L'archiduc a installé son armée face à l'ouest, derrière le petit ruisseau Pándzsa. Le Pándzsa coule du sud au nord à travers le dispositif autrichien, pour se jeter ensuite dans la Raab. À proximité du champ de bataille, la Raab traverse la zone d'ouest en est, protégeant l'aile droite de Jean. La forteresse de Győr se dresse sur la rive sud au nord-est. Jean espère en outre que les marécages du Pándzsa, au sud, décourageront toute tentative d'enveloppement français dans cette direction. Sur la rive est du Pándzsa se trouve la solide ferme de Kis-Megyer, surplombée à l'est par la colline Szabadhegy et le hameau du même nom[17].

Tous ces points-clé géographiques sont occupés par les Autrichiens. L'archiduc Jean détache la cavalerie de Mécsery sur son flanc gauche derrière le Pándzsa, et transforme la ferme de Kis-Megyer en une redoutable position forte en la faisant occuper, ainsi que ses environs, par toute l'infanterie de Colloredo. Sur le flanc droit, la réserve commandée par Frimont se tient sur la colline de Szabadhegy, tandis que les 7 500 hommes de Jellacic ont pris place en avant du hameau. Les 1 500 chevaux de la brigade Bésán viennent combler l'intervalle entre Jellacic et la Raab. Enfin, Davidovitch avec ses miliciens hongrois s'empresse d'ériger quelques fortifications de campagne sur la rive nord.

De son côté, Eugène a donné au général Grouchy le commandement des trois divisions de cavalerie Montbrun, Guérin d'Etoquigny et Colbert, avec pour mission de tourner le flanc gauche autrichien. Le général Grenier est chargé d'attaquer le centre de l'archiduc avec ses deux divisions. Baraguey d'Hilliers doit opérer de même sur l'aile droite de l'ennemi avec la seule division Severoli. Grouchy, la cavalerie légère de Sahuc, les dragons de Pully ainsi que la division Pacthod et la Garde royale italienne sont tenus en réserve[18].

Déroulement de la bataille

Le général comte Emmanuel de Grouchy, commandant en chef la réserve de cavalerie à la bataille de Raab. Huile sur toile de Jean-Sébastien Rouillard, 1835, château de Versailles.

Le 14 juin 1809, comme prévu, le corps de Grenier s'ébranle en direction du centre autrichien. La division Durutte traverse le Pándzsa et parvient à enlever la ferme de Kis-Megyer, mais elle en est rapidement chassé par les Autrichiens. Un combat acharné s'engage alors entre les deux adversaires. La ferme qui en est l'objet change de mains à cinq reprises. Les quatre bataillons de grenadiers et le régiment Alvinczi no 19 de la brigade Kleinmeyer, dépêchée sur place par l'archiduc Jean en personne, bousculent les troupes de Seras et tombent ensuite sur les fantassins de Durutte aux abords de la ferme. Dans un même temps, à Szabadhegy, la division Severoli repousse l'infanterie de Jellacic et investi une partie du hameau. Jean riposte en détachant contre elle la brigade Gajoli. La contre-attaque autrichienne est un franc succès : les soldats de Grenier et de Baraguey d'Hilliers, pris de panique, craquent et repassent le Pándzsa en désordre[19].

À ce stade, le meilleur point de passage à travers le Pándzsa est balayé par les tirs de trois canons autrichiens. Sur l'initiative de Grouchy qui commande toute la cavalerie de l'aile droite, 12 pièces sont mises en batterie et pilonnent leurs homologues d'en face. L'artillerie autrichienne est rapidement réduite au silence, ce qui permet aux cavaliers de Grouchy de passer le ruisseau à gué et de se déployer sur la rive opposée. Voyant venir la charge de la cavalerie française, les hussards des forces insurrectionnelles prennent la fuite. Seuls, les hussards des régiments Ott no 7 et Archiduc Joseph no 2 font résistance, au prix de pertes sévères. Grouchy, poursuivant sur sa lancée, oblique ensuite sur le flanc gauche de l'archiduc Jean dans l'intention de le tourner[20].

L'armée autrichienne, prise de flanc, est face à une crise. Jean doit redéployer son dispositif en forme de L : conservant son aile droite le long du Pándzsa, il rabat sa ligne à hauteur de la ferme de Kis-Megyer, le long de la colline Szabadhegy. La cavalerie de Bésán jusque-là tenue en réserve vient se placer sur le flanc gauche à l'est de la colline. Eugène en profite pour ordonner un deuxième assaut avec la division Pacthod et la Garde royale italienne. L'attaque progresse lentement, mais la Garde royale enlève définitivement la ferme de Kis-Megyer. Jean, craignant d'être enveloppé par la cavalerie de Grouchy, bat en retraite vers la forteresse de Győr.

Conséquences

Les pertes franco-italiennes sont estimées à 4 000 tués ou blessés par l'historien britannique Digby Smith[4], tandis que dans son Dictionnaire de la Grande Armée, Alain Pigeard ne donne que 700 tués et 1 500 blessés[2]. Les Autrichiens dénombrent 747 tués, 1 758 blessés et 2 408 prisonniers, soit 4 913 hommes, ainsi que 1 322 disparus pour un total de 6 235 hommes. L'armée autrichienne, vaincue, se retire au nord-est à Komárno, non sans avoir laissé une garnison dans Győr qui capitule face aux Franco-Italiens le 22 juin après un simulacre de résistance[21]. Smith écrit :

« L'archiduc Jean a maintenant récolté les fruits douteux de sa décision incroyablement malavisée de battre en retraite après la bataille de la Piave. Cette défaite a enlevé tout espoir à l'archiduc Jean d'amener quelque force significative en renfort contre Napoléon à Wagram les 5 et 6 juillet. »

Cette victoire franco-italienne empêchera l'archiduc Jean d'apporter un soutien décisif à son frère lors de la bataille de Wagram, alors que les forces d'Eugène de Beauharnais pourront rejoindre à temps Napoléon à Vienne et jouer à Wagram un rôle de premier plan. Napoléon qualifia cette bataille de « petite-fille de Marengo et de Friedland », batailles livrées, elles aussi, un 14 juin[22].

Notes et références

  1. (en) Ervin Liptai, Military history of Hungary, Zrínyi Publisher, (ISBN 963-32-6337-9).
  2. Pigeard 2002, p. 742 et 743.
  3. Thiers les estime,dans Histoire du Consulat et de l'Empire (1874), respectivement à 36 000 et 40 000 hommes.
  4. Smith 1998, p. 315.
  5. D'autres sources mentionnent 6 100 tués et blessés dont 3 700 prisonniers, 2 drapeaux et 2 canons.
  6. Bowden et Tarbox 1980, p. 95.
  7. Bowden et Tarbox 1980, p. 115 à 117.
  8. Smith 1998, p. 303.
  9. Bowden et Tarbox 1980, p. 96.
  10. Smith 1998, p. 312.
  11. Smith 1998, p. 304 et 305.
  12. Smith 1998, p. 306.
  13. Smith 1998, p. 304.
  14. Bowden et Tarbox 1980, p. 96 à 98.
  15. Bowden et Tarbox 1980, p. 118 à 120.
  16. Bowden et Tarbox 1980, p. 121 à 123.
  17. Bowden et Tarbox 1980, p. 96 et 97.
  18. Bowden et Tarbox 1980, p. carte de la bataille.
  19. Bowden et Tarbox 1980, p. 97.
  20. Bowden et Tarbox 1980, p. 97 et 98.
  21. Smith 1998, p. 316 et 317.
  22. Chandler 1999, p. 355.

Annexes

Bibliographie

  • Ferdi Wöber (trad. de l'allemand), La bataille de Raab, Parçay-sur-Vienne, Anovi, , 141 p. (ISBN 978-2-914818-17-9).
  • Alain Pigeard, Dictionnaire de la Grande Armée, Paris, Éditions Tallandier, coll. « Bibliothèque Napoléonienne », , 814 p. (ISBN 978-2-847-34009-9, OCLC 918099406).
  • (en) Scotty Bowden et Charlie Tarbox, Armies on the Danube 1809, Arlington, Empire Games Press, .
  • (en) Digby Smith, The Napoleonic Wars Data Book, Londres, Greenhill, , 582 p. (ISBN 978-1-853-67276-7).
  • (en) David G. Chandler, Dictionary of the Napoleonic wars, Ware, England, Wordsworth Editions, coll. « Wordsworth military library », , 569 p. (ISBN 978-1-840-22203-6).

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