Basil Zaharoff

Basil Zaharoff (grec : Βασίλειος Ζαχάρωφ ; russe : Василий Захарофф), de son nom de naissance Vasílios Zacharías (grec : Βασίλειος Ζαχαρίας) et de son nom romanisé Zacharie Vasiliou Zacharoff[1], né le à Muğla dans l'Empire ottoman[1] et mort le à Monte-Carlo (Monaco), est un aventurier, marchand d'armes et financier grec, ottoman et français[2], directeur et président de la société Maxim-Vickers-Armstrong durant la Première Guerre mondiale.

Il a longtemps été la représentation typique du marchand d'armes et du profiteur de guerre, qui parvenait à vendre ses stocks à tous les pays en guerre de par le monde, aux forces de la Triple-Entente en même temps qu'aux forces de la Triple-Alliance entre 1914 et 1918.

Biographie

Famille et jeunesse

Basil Zaharoff est issu d'une famille de grecs de Constantinople parti en exil en Russie (où elle adoptera le nom Zaharoff) après les pogroms anti-grecs de 1821, puis retourne en Turquie dans les années 1840 et s'installe en Anatolie dans la ville de Muğla. En 1855, la famille revient à Constantinople où elle réside dans le quartier pauvre de Tatavla.

Basil Zaharoff débute comme guide touristique dans Galata, centre des affaires, mais aussi quartier de prostitution de Constantinople où il est rabatteur de clients, dès l'âge de 11 ans en 1860, pour les prostituées avec lesquelles il fait affaires[3], puis fut pyromane-pompier[3] et agent de change. Il est accusé de transmettre de l'argent contrefait aux touristes, qui n'y prêtaient pas attention jusqu'à ce qu'ils soient sur un navire, loin de Constantinople.

Difficultés avec la loi

Basil Zaharoff apparait à Londres pour la première fois lors d'une controverse qu'il a en justice à propos d'actions commerciales illégales, impliquant l'exportation de certains biens de Constantinople vers Londres. Il est relâché contre le paiement de 100 livres à la condition qu'il rembourse au plaignant le litige et reste dans la zone de juridiction de la cour. Il part immédiatement pour Chypre puis Athènes.

Arrivé à Athènes à l'âge de 24 ans, il se lie d'amitié avec le journaliste politique Stéphanos Skouloúdis. Éloquent, il réussit à convaincre Skouloudis de son innocence dans son procès à Londres. Par un coup de chance, un autre ami de Skouloudis, un capitaine suédois, quitte son poste de représentant du fabricant d'armes Thorsten Nordenfelt (en) pour un poste plus important ailleurs. Skouloudis, par son importance politique, peut recommander Basil Zaharoff pour le remplacer ; il est embauché le . Les circonstances politico-militaires dans les États des Balkans, en Turquie et en Russie lui fournissent une excellente occasion pour le jeune vendeur d'armes qu'il est. Chaque État est prêt à payer pour contrer les intentions agressives perçues ou supposées de ses voisins, même après le traité de Berlin de 1878.

Ventes d'armes

Le sous-marin ottoman Abdülhamid (1886), premier sous-marin à tirer une torpille en immersion. Deux sous-marins de cette classe, les Nordenfelt II (Abdülhamid, 1886) et Nordenfelt III (Abdülmecid, 1887) furent achetés par la marine ottomane.

Une des ventes les plus importantes de Basil Zaharoff est celle du Nordenfelt I, sous-marin à vapeur construit selon les plans du révérend anglican George William Littler Garrett (en) que les renseignements de la marine américaine considèrent comme susceptible de se déplacer en faisant des « mouvements dangereux et excentriques ». Thorsten Nordenfelt a déjà fait une démonstration de son engin à un congrès international de responsables militaires. Si les puissances majeures n'en veulent pas, les nations plus petites sont intéressées par le prestige apporté par le bâtiment.

Basil Zaharoff vend le premier modèle aux Grecs avec la promesse de modalités de paiement souples. Il convainc alors les Turcs que le premier modèle des Grecs représente une menace et il leur en vend deux. Il persuade alors les Russes du danger significatif de la flotte turque en mer Noire et il leur en vend deux. Aucun de ces sous-marins ne fut jamais vu dans un combat. Dans un test de tir de torpille effectué par la marine turque, le navire devient si instable qu'il coule.

Mitrailleuse Maxim

La personne suivante à entrer dans l'histoire de Basil Zaharoff est le boxeur et ingénieur américain Hiram Maxim. La mitrailleuse de Maxim est une amélioration significative par rapport aux modèles de mitrailleurs à main de l'époque. La mitrailleuse de Maxim est certainement meilleure que tout ce qu'a Nordenfelt dans sa gamme à ce moment-là. On pense que Basil Zaharoff a eu une influence sur les événements qui se sont déroulés autour des démonstrations de la mitrailleuse de Maxim entre 1886 et 1888.

Les mitrailleuses de Maxim et de Nordenfelt sont présentées pour la première fois à La Spezia en Italie devant un parterre de personnalités importantes, incluant le duc de Gênes. Les représentants de Maxim ne sont pas présents.

La seconde démonstration se déroule à Vienne. Les représentants sont invités à modifier leurs armes de manière qu'elles puissent fonctionner avec la taille standard des munitions utilisées par l'infanterie autrichienne. Après plusieurs centaines de tirs, les mitrailleuses de Maxim ont commencé à marcher de manière erratique avant finalement de s'enrayer. Quand Maxim prend son arme pour voir ce qui s'est passé, il se rend compte qu'elle avait été sabotée. Mais il est déjà trop tard.

Le troisième essai a lieu également en Autriche, à Vienne et, cette fois, la mitrailleuse de Maxim marche parfaitement. Mais un inconnu réussit à convaincre les responsables militaires qu'elle nécessite une adaptation manuelle, arme par arme, et que pour cette raison la mitrailleuse de Maxim ne pourra jamais être produite en masse, empêchant ainsi la possibilité d'avoir assez d'exemplaires pour une armée moderne.

Nordenfelt et Zaharoff ont triomphé. Maxim, sûr d'avoir un bon produit, cherche un accord avec Nordenfelt, avec Zaharoff comme principal vendeur, disposant d'un taux de commission fort.

Bien que ce fait soit peu documenté, Basil Zaharoff était vu comme un maître dans la corruption et peu d'incidents sont parvenus aux oreilles du public. Cependant, certaines affaires, comme les pots-de-vin versés à l'amiral japonais Fuji suggèrent que beaucoup de choses se passent dans les couloirs. En 1890, l'association entre Maxim et Nordenfelt se termine et Zaharoff choisit de rester avec Maxim. Avec ses commissions Zaharoff achète des parts de la société jusqu'à ce qu'il puisse annoncer à Maxim qu'il n'est plus un employé, mais un actionnaire aussi important que lui.

En 1897, l'entreprise Maxim est devenue assez importante pour susciter une offre d'achat de la part de Vickers, un des géants de l'industrie de l'armement britannique. L'offre est très honnête en termes de liquidités de la part de la Vickers pour Zaharoff et Maxim. À partir de ce moment et jusqu'en 1911, alors que l'enthousiasme de Maxim décline, l'enthousiasme de Zaharoff et son portefeuille d'actions de la Vickers grandit. Avec le retrait de Maxim, Zaharoff rejoint le conseil d'administration de la Vickers.

La première décennie du XXe siècle est une époque de réorganisation et de modernisation pour beaucoup d'armées européennes. L'Allemagne et le Royaume-Uni mènent tous deux un effort particulier pour améliorer leurs flottes. Basil Zaharoff et la Vickers sont présents, aptes à aider chacune des deux parties. Après sa défaite désastreuse face au Japon en 1905, la Russie doit elle aussi rebâtir sa flotte. Mais la nation est touchée par un fort nationalisme qui exige l'utilisation de l'industrie nationale pour reconstruire. La réponse de Basil Zaharoff est de créer un gigantesque complexe industriel en Russie à Tsaritsyn (Volgograd). L'ouverture des archives du Tsar après la Première Guerre mondiale montre des détails significatifs dans la stratégie de l'industrie de l'armement. Une lettre de 1907 en particulier, écrite par l'usine de Paul von Gontard (une société contrôlée en secret par la Vickers en Allemagne) à un associé de la Vickers à Paris recommande que des communiqués de presse soient transmis à la presse française avec la proposition que la France améliore son armée pour faire face aux dangers de l'armée allemande. Ces articles sont lus au Reichstag et sont suivis par un vote pour l'augmentation des dépenses militaires. Tout ceci avantage Basil Zaharoff.

Première Guerre mondiale

Dans les années précédant la Première Guerre mondiale, les possessions de Basil Zaharoff s'étendent à d'autres zones pour aider son commerce d'armes. En rachetant la société financière L'Union parisienne des banques, principalement impliquée dans des transactions liée à l'industrie lourde, il peut mieux contrôler les arrangements financiers. En étant le principal actionnaire du journal Excelsior fondé par l'homme de presse Pierre Lafitte, il peut vraisemblablement s'assurer de lignes éditoriales favorables à l'industrie de l'armement. Il n'a plus besoin d'autre chose que d'honneurs. Ce qui est fait en créant une maison de retraite pour les marins français qui lui vaut de recevoir la Légion d'honneur. Il fonde ensuite une chaire d'aérodynamique à l'Université de Paris et il est promu officier. Enfin, le (le jour de l'assassinat de Jean Jaurès), Raymond Poincaré le promeut commandeur de la Légion d'honneur.

La branche anglaise de la Vickers produit à elle seule, sur la durée de la guerre, quatre navires de ligne, trois croiseurs, 53 sous-marins, trois navires auxiliaires, 62 bâtiments légers (corvettes essentiellement), 2 328 canons, 8 millions de commandes d'acier, 90 000 mines, 22 000 torpilles, 5 500 avions et 100 000 mitrailleuses. En 1915, Basil Zaharoff a des relations très proches avec Lloyd George et Aristide Briand. On raconte[Qui ?] que lors d'une visite à Aristide Briand, il aurait laissé une enveloppe contenant un million de francs pour les veuves de guerre, sur le bureau de ce dernier.

La version de la Grande Idée, défendue au Traité de Sèvres par Elefthérios Venizélos[4].

Une des tâches de Basil Zaharoff durant la Première Guerre mondiale a été de s'assurer de l'implication de la Grèce du côté des Alliés, qui aurait renforcé le front oriental. Mais ce projet est difficile à réaliser : le roi Constantin Ier est le beau frère du Kaiser Guillaume II (la famille royale de Grèce est d'origine danoise, Georges Ier étant fils de Christian IX; elle est apparentée aux Schleswig-Holstein-Sonderburg-Glücksburg). En établissant une “agence de presse” en Grèce (Agence Radio) répandant des nouvelles favorables aux Alliés, Zaharoff contribue, en quelques mois, à la destitution du roi Constantin, en , en faveur de son premier ministre, Elefthérios Venizélos.

Plusieurs chercheurs ont écrit sur lui depuis les années 1925-1930 : il a alimenté les conflits en vendant des armes à diverses nations opposées et ennemies. Paul Morand l'a dépeint comme « un splendide aventurier, roi secret de l'Europe »[5], en raison à la fois des nombreux mystères et des zones d'ombre qui entouraient plusieurs périodes de son existence, et des relations internationales qu'il avait su nouer à travers le monde. Il a fréquenté les plus hautes personnalités politiques, comme Elefthérios Venizélos ou Georges Clemenceau, à qui il offrit une Rolls-Royce et dont il recruta le fils Michel Clemenceau par l'entremise de Nicolas Pietri, son représentant en France, dans la société Vickers.

Son importante fortune lui a aussi permis d'être en maintes occasions un philanthrope : c'est à son initiative et grâce à sa donation qu'a été fondé l'Institut Pasteur d'Athènes.

À la fin de la guerre, The Times estime que Basil Zaharoff a dépensé 50 millions de livres pour la cause alliée, ignorant que ce n'est rien qu'une fraction de ses bénéfices liés au conflit. Il est même élevé au rang de baron et appelé Sir Basil Zaharoff.

Commerce après guerre

Dans les années qui suivent le conflit, Basil Zaharoff s'implique dans les affaires des puissances moyennes que les vainqueurs, occupés à refaire l'Europe, ont autrement ignorées. En particulier, il s'assure que la Grèce recevra une part du partage de l'Empire ottoman. Zaharoff convainc Elefthérios Venizélos d'attaquer, et l'armée grecque est rapidement victorieuse. En novembre 1920, les monarchistes fidèles à Constantin Ier remportent les élections, et Venizélos abandonne le pouvoir. Zaharoff reste et pousse le roi à attaquer à nouveau la Turquie. Mais avec la réaction d'Atatürk, cette aventure militaire se termine par ce que les Grecs ont appelé la Grande Catastrophe. Ces engagements sont mal perçus par la presse à Londres et Paris.

Basil Zaharoff a été aussi impliqué dans deux autres affaires financières majeures. En , pressentant qu'il y a un grand avenir dans le commerce du pétrole, il participe à la création d'une société qui préfigure le géant British Petroleum.

En janvier 1922, il co-fonde avec Bernard Grasset le prix littéraire Balzac[6].

Tentative de rachat de Monaco

Son association avec Albert Ier de Monaco, puis avec Louis II, l'amena à acheter la Société des bains de mer couverte de dettes. Cette société gérait le Casino de Monte-Carlo, principale source de revenus du pays, et il réussit en quelques mois à rendre à nouveau le casino bénéficiaire. À la même époque, Zaharoff s'assura auprès de Georges Clemenceau que le Traité de Versailles garantirait la protection des droits de Monaco comme ils avaient été établis en 1641. De fait, son représentant en France, Nicolas Pietri, était proche de Clemenceau.

C'est en 1924, au lendemain de son mariage avec Maria del Pilar Antonia Angela Patrocinio Simona de Muguiro y Beruete, duchesse de Villa-Franca de los Caballeros, que Basil mûrit son grand projet : acheter « Le Rocher », non pour lui-même, mais pour Maria elle-même qui, de duchesse, deviendrait princesse. Albert Ier est mort en 1922. C'est désormais son fils Louis II qui tient les rênes de la principauté. Diplômé de Saint-Cyr, le nouveau prince a fait toute sa carrière dans l'armée française, pour laquelle il éprouve une véritable passion. Comme son père avant lui, Louis II n'en finit pas de se débattre dans les problèmes financiers. À Monaco, tout le monde sait en outre qu'il n'éprouve aucun intérêt pour les affaires du « Rocher » et qu'il regrette au plus haut point sa vie militaire.

Dans ces conditions, il pourrait être sensible à une offre de rachat venant de Zaharoff, pour peu que celui-ci y mette le prix. Or l'homme d'affaires est prêt à dépenser la plus grande part de sa fortune s'il le faut. Quant à Maria, elle a le profil idéal : elle est duchesse, a été mariée à un grand d'Espagne et est apparentée à la famille royale d'Espagne. Pour postuler à un titre princier, il s'agit d'atouts de poids.

Dans les premiers mois de l'année 1925, sûr de pouvoir obtenir ce qu'il convoite, Zaharoff rencontre discrètement Louis II à Paris pour lui proposer le marché. La désillusion est cruelle. Le « prince-soldat », comme on appelle parfois Louis II, refuse en effet catégoriquement de vendre « Le Rocher ». S'il regrette la vie militaire, il n'entend pas céder le patrimoine qu'il a hérité de sa famille, surtout à un homme comme Basil. Rien ne dit de toute façon que la France, qui exerce une sorte de protectorat sur Monaco depuis la signature du traité franco-monégasque de 1918, aurait laissé faire une telle opération.

Basil est consterné et furieux par le refus du prince. Usant d'une méthode à laquelle il a déjà eu recours par le passé, il engage alors une vaste campagne de presse contre Louis II et la principauté. Durant toute l'année 1925 et une grande partie de l'année 1926, il achète des articles à charge dans « L'Impartial », un hebdomadaire national qui paraît à Nice. Tout y passe, depuis l'étroitesse du corps électoral « Le corps électoral ne compte que 660 inscrits et 4 560 votants et ce minuscule groupe d'autochtones régente la principauté au nom de son insignifiance », lance ainsi le journal dans son édition du 4 avril 1925, jusqu'aux accusations de fraude fiscale en passant par le « déchaînement d'appétit d'argent » qui anime la famille princière.

Seule solution aux yeux du journal stipendié par Basil : pousser Louis à l'abdication et faire de la principauté une « ville libre sous tutelle de la France ». Louis II n'est pas en reste. Lui aussi s'est assuré des fidélités dans la presse, en l'occurrence au sein de « Tout va », le principal journal de Monaco. Tout acquis aux intérêts de la famille Grimaldi, son rédacteur en chef, Sylvain Fabi, ne fait pas dans la dentelle, multipliant les injures à caractère antisémite, dénonçant tour à tour en Basil Zaharoff un « métèque de la finance internationale », « un vautour né bulgare sous le nom de Zacharie Zacharias, juif évidemment », « un gros requin à la détestable réputation d'insatiable », dont la SMB, qu'il a « accaparée », doit être purgée dès que possible. Entre les deux camps, la lutte est à couteaux tirés.

Au début de l'été 1926, tout s'arrête. Entre-temps, un terrible événement est survenu qui a ravagé Basil Zaharoff : Maria est morte, emportée par la tuberculose. Son projet n'a désormais plus aucun sens. Meurtri, il abandonne alors toutes ses activités et se retire définitivement des affaires. Il mourra dix ans plus tard dans sa suite de l'Hôtel de Paris à Monaco, où Louis II avait accepté qu'il continuât de résider[7].

Vie privée

Marié en premières noces au début des années 1870 avec Emily Ann Burrows sous le nom de Zacharia Basilieus Gortzacoff, en tant que « général à Kiev et prince russe », il se sépare de cette épouse quelques années plus tard sans divorcer, d'où un scandale lorsqu'un journal publia ses secondes noces en 1885 avec une héritière américaine, ce qui le rend bigame. Il se tire d'affaire en prenant la fuite et en changeant de nom.

Le , à l'âge de 74 ans, Basil Zaharoff se remarie avec l'amour de sa vie, Maria del Pilar Antonia Angela Patrocinio Simona de Muguiro y Beruete, duchesse de Villa-Franca de los Caballeros (1869-1926), fille de Fermin Muguiro Azacarate, comte de Muguiro, riche homme d'affaires et sénateur du royaume d'Espagne et nièce de Segismundo Moret y Prendergast (1833-1913), ministre de l'Outre-Mer ainsi que ministre de l'économie et des Finances sous le règne d'Amédée Ier, ministre de l'Intérieur sous Alphonse XII, et par deux fois président du Conseil des ministres (président de gouvernement) et du Congrès des députés sous Alphonse XIII, veuve en premières noces de Son Excellence le prince Francisco Maria Isabel Pedro de Alcantara Sebastian Alfonso de Borbon-Braganza y Borbon, 1er duc de Marchena, Grand d'Espagne, chevalier de la Toison d'Or et de l'ordre de Charles III (1861-1923)[8]. Le mariage fut célébré dans le somptueux château de Balincourt que le roi Léopold II de Belgique avait fait restaurer, redécorer et remeubler (par Jansen) pour l'offrir à sa jeune maîtresse puis épouse morganatique la baronne de Vaughan, qui en 1915 le vendit à Zaharoff un million de francs-or.

Basil Zaharoff avait rencontré Maria del Pilar trois décennies auparavant, en 1889, à bord de l'Orient-Express entre Zurich et Paris alors qu'elle rencontrait des difficultés avec son mari déficient mental; elle avait dix-sept ans, lui trente-six. Il fut tout de suite sous le charme de la jeune femme, mais il était prêt à attendre. Bien que le duc fût interné dans un asile, Maria, catholique, ne voulait pas entendre parler de divorce. Ils durent attendre la mort du duc. Dix-huit mois après le mariage, Maria décéda d'une infection. Après cet évènement qui le terrassa moralement, Sir Basil liquida ses affaires et entreprit de rédiger ses Mémoires. Cette rumeur fit trembler le monde tant les États et leurs chefs compromis dans les négociations tortueuses du marchand d'armes étaient nombreux. Les Mémoires furent dérobés par un domestique qui avait espéré faire fortune en révélant les secrets des Grands de ce monde, ou bien qui travaillait pour l'un d'entre eux. La police retrouva le manuscrit et le rendit à son propriétaire en toute discrétion, moyennant finance aux policiers. Mais ces écrits dérangeants, cette ultime provocation, ce dernier pied de nez au monde trouvèrent leur fin dans les flammes, lorsque le baron Zaharoff les fit brûler, dégoûté semble-t-il de tout et de tous. Un incendie se déclara et Sir Basil, cloué dans une chaise roulante, n'eut que le temps de faire appeler les pompiers, les suppliant à leur arrivée qu'on épargnât surtout un mystérieux placard. Dans ce placard, plutôt une luxueuse petite pièce où étaient disposés des paniers douillets, des soucoupes, des assiettes de lait, il élevait secrètement des chats qu'il adorait; des chats qui, par leur finesse, leur malignité, leur souplesse, leur instinct, lui ressemblaient en quelque sorte, et évoquaient son caractère de félin prédateur.

Zacharias Basileios Zaharopoulos, alias Basil Zaharoff, meurt à Monte-Carlo, à l'Hôtel de Paris, le au matin, dans sa 87e année ; il partageait ses jours entre son château de Balincourt l'été, et Monte-Carlo l'hiver ; ses dernières années ont été douloureuses et solitaires.

On prétend[Qui ?] que les trois filles de Maria del Pilar, cousine du roi d'Espagne, étaient celles de Zaharoff, qui les fit d'ailleurs héritières de son immense fortune et du château de Balincourt, à Arronville, où il est enterré.

Trois filles, Cristina, née le 27 juillet 1889, morte à Londres en 1981, Elena, née le 30 juillet 1890, morte à vingt ans le 3 janvier 1910 et Maria de Los Angeles, née le 24 mai 1895, qui se maria à Balincourt avec le comte Jean d'Ostrorog le 15 juin 1920, du vivant de son père; cette dernière hérita du domaine de Balincourt et, très humaine, affectée par le fait que son père génétique ait bâti sa fortune en vendant des armes, eut une vie humble et généreuse, comme en compensation.

À son décès, survenu à Abano Terme en Italie le 19 juillet 1964, elle demande à être enterrée parmi les humbles, au cimetière de Theuville, petit village du Val d'Oise faisant partie du domaine, à deux kilomètres à peine du château, où sa tombe est toujours visible. Les descendants de sa fille unique Anne, elle-même décédée à 80 ans en 2004, sont les actuels possesseurs de Balincourt.

Références culturelles

  • Le héros du roman de Brechko Brechkovski, Le Roi des Mitrailleuses (1929), Achille Assarof, est inspiré de Basil Zaharoff.
  • Dans L'Oreille cassée de la série des albums de Tintin, Zaharoff est représenté sous les traits du vendeur d'armes Basil Bazaroff, qui incite le San Theodoros du général Alcazar à s'armer pour prendre le contrôle d'une région riche en pétrole, avant de s'envoler pour l'État voisin pour y vendre les mêmes armes ; peu après dans le récit, la guerre éclate[9].
  • Orson Welles se serait inspiré de Basil Zaharoff pour son personnage de Monsieur Arkadin dans Dossier secret (1955)[10].
  • Romain Gary l'évoque dans Les Trésors de la mer Rouge (1971) : « Les affres politiques du monde arabe paraissent plus lointaines que Les Mille et Une Nuits. Aucune autre mer du monde n'est plus éloignée du présent et nulle part ailleurs le passé évanoui n'a une présence plus envoûtante. Il y a une génération encore, ces boutres d'où monte vers moi la prière du soir étaient chargés d'esclaves, d'enfants eunuques, de vierges nubiles et d'armes de Sir Basil Zaharoff, le plus grand marchand de mort des temps modernes, à qui je portais jadis son petit déjeuner au Négresco, à Nice, où j'étais garçon d'étage en 1936. »[11]
  • Dans le roman de Günther Schwab Les dernières cartes du Diable (1968), Basile, Inspirateur des trafiquants d'armes, des fauteurs de guerre et des Maitres de forge, est une personnification de Basil Zaharoff [réf. nécessaire].
  • Dans le roman de Wisielec Hardcore ou la Tribulation (2016), Basil Bazaroff, mathématicien fondateur d'un hedge fund qui l'a rendu richissime, personnification de la « coolitude agressive »[12] de son époque, est un avatar hipster et moderne de Basil Zaharoff.
  • Dans le roman de Jennifer Richard, Le Diable parle toutes les langues (2021), la narratrice présente sa découverte dans les archives nationales allemandes à Berlin d'une note du secrétaire du parti nazi, datée de 1932, dans laquelle il est indiqué que Basil Zaharoff finance le parti d’Hitler (tous les ouvrages sur cet homme le niaient jusqu’alors). La note précise aussi que, parmi les contributeurs, il y a le Comité des forges français (c’est-à-dire le Medef de l’époque). En ce temps-là, le patron des patrons se nomme François de Wendel[13].

Donations

Liste des services rendus à la France[14] :

  • Fondation de la chaire d'aviation à la Sorbonne : 700 000 francs (avant 1914)
  • Fondation de la chaire d'aviation en Russie pour l'amitié francorusse : 500 000 francs (avant 1914)
  • Services exceptionnels à la Marine de guerre avant 1914 : estimation à 2 000 000 francs[15]
  • Fondation des Cercles du marin à Toulon : 250 000 francs
  • Fondation de l'Hôtel du soldat à Paris : 300 000 francs
  • Don au Comité national des sports pour les jeux olympiques de 1916 : 500 000 francs
  • Fondation de l'Institut Pasteur d’Athènes

Par ailleurs, il a financé une chaire à l'Imperial College.

Distinctions

Notes et références

  1. cf. Copie du certificat de naissance établi en 1919, base Léonore.
  2. (dont la nationalité française, obtenue le 19 février 1898)
  3. Arte tv/The Lost Ones "Basil Zaharoff, le marchand de mort"
  4. D'après Πολιτικός και γεωφυσικός Χάρτης της Μεγάλης Ελλάδος με τους Καποδίστρια, Τρικούπη και Βενιζέλο του 2 Μαΐου 1919 (Carte politique et géographique de la grande Grèce avec Kapodistrias, Trikoupis et Venizelos, du 2 mai 1919, Athènes).
  5. Paul Morand, Journal d'un attaché d'ambassade, 1916-1917, éditions Gallimard, 1963, p. 91.
  6. P. Fouché, Chronologie de l'édition française de 1900 à nos jours, moteur de recherche en ligne.
  7. « Le rêve princier de Basil Zaharoff », sur Les Echos, (consulté le )
  8. Voir l'article et la photographie de Basil Zaharoff dans L'Éclaireur de Nice 24 septembre 1924.
  9. Basil Zaharoff et la guerre du Chaco : la tintinisation de la géopolitique des années 1930 Marc Angenot, Études françaises, Volume 46, Numéro 2, 2010, p. 47–63, Diffusion numérique : 29 septembre 2010
  10. C'est du moins ce que raconte Maurice Bessy dans Orson Welles, Pygmalion, 1982.
  11. in Les Trésors de la mer Rouge, Éditions Gallimard, collection Folio, 1971.
  12. in (en) FirstName LastName, Hardcore ou La tribulation : roman, Lyon, Æthalidès éditions, , 418 p. (ISBN 978-2-9556752-0-5), p. 385.
  13. « Le Diable parle toutes les langues de Jennifer Richard : a reculons dans les pas de Basil Zaharoff », Le Monde, 9 janvier 2021.
  14. D'après les notes manuscrites de Zaharoff envoyées à la Grande Chancellerie en 1918 (Archives Nationales, base Léonore).
  15. D'après Lewinsohn qui estimait déjà qu'en 1905 (et à raison), la Marine nationale bénéficia des armements Vickers.

Annexes

Bibliographie

  • (en) Richard Lewinsohn, The Man Behind the Scenes : The Career of Sir Basil Zaharoff, Londres : Victor Gollanez, 1929, tr. en français chez Payot, 1930.
  • Xavier de Hauteclocque, « Sir Basil Zaharoff. Le magnat de la mort subite » in Le Crapouillot, numéro spécial « Les maîtres du monde », mars 1932, p. 4-13.
  • (nl) Paul De Mont, « De Internationale der Wapenfabrikanten » in De Standaard, 1934
  • Robert Neumann, Sir Basil Zaharoff, le roi des armes, Éditions Bernard Grasset, 1935 [A. A. Knopf, 1935].
  • Dimitri Kitsikis, Propagande et pressions en politique internationale. La Grèce et ses revendications à la Conférence de la Paix, 1919-1920. Paris, Presses Universitaires de France, 1963, 537 pages. (Thèse en Sorbonne, documents inédits sur Zaharoff).
  • (en) Donald McCormick, Pedlar of Death : the Life and Times of Sir Basil Zaharoff, (1965) New York, Holt, Rinehart and Winston, (ISBN 1-112-53688-4).
  • Dominique Venner, « Le plus grand marchand d'armes de l'Histoire : Sir Basil Zaharoff » in Historia no 368 - juillet 1977.
  • (en) Anthony Allfrey, Man of Arms : The Life and Legend of Sir Basil Zaharoff, Londres, Weidenfeld & Nicolson, , 300 p. (ISBN 978-0-297-79532-2).
  • Jean-Marie Moine, Basil Zaharoff, Le plus grand marchand d'armes de l'Histoire, Presses Universitaires de France - 2006/2, Tome XXXVI, p. 139-152 (ISBN 213055453-9).
  • Jean-Marie Moine, Basil Zaharoff (1849-1936), le « marchand de canons », Ethnologie française 2006/1 (Vol. 36), p. 139 à 152]
  • (en) George Tallas & Anthony Stephen, Peddler of Wars, Sir Basil Zaharoff story, Bloomington, 2007 (Consulter sur Google Books).
  • Tristan Gaston-Breton, « Basil Zaharoff », Les Échos, (lire en ligne).
  • Dimitris Stefanàkis, Film noir roman, Paris, V. Hamy, , 352 p. (ISBN 978-2-87858-680-0, lire en ligne)
  • Philippe Di Folco, Les secrets de la mafia, Paris, Vuibert, , 271 p. (ISBN 978-2-311-00749-7), « L'impossible mister Zedzed »
  • Tristan Gaston-Breton, Basil Zaharoff. L'Incroyable Histoire du plus grand marchand d'armes du monde, Tallandier, , 288 p. (lire en ligne)

Liens externes

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