Trigger warning (psychologie)

Un avertissement au public (recommandé par la CELF[1]), un traumavertissement ou un trigger warning en anglais (communément réduit au sigle TW) est un avertissement, généralement écrit, qui prévient qu'un contenu (graphique ou non) pourrait redéclencher un traumatisme psychologique à une personne[2].

Pour les articles homonymes, voir Trigger warning.

Les trigger warnings sont très fréquents dans les médias féministes, LGBTQIA+, postcolonialistes, antiracistes et plus généralement progressistes.

Ce terme et ce concept sont apparus sur Internet, dans les forums, les tweets, les blogs et les safe spaces avant de se propager vers d'autres domaines, tels que les journaux et les cours universitaires de psychologie.

Un trigger warning se présente généralement sous la forme d'une mention écrite de type « Trigger warning : (sujet) » ou « TW : (sujet) », le sujet désignant le type de contenu potentiellement traumatisant, et permet à une personne de choisir de poursuivre ou non sa lecture en connaissance de cause. Par exemple : Alcoolisme, Pédophilie, Mort (d'un enfant), Inceste, Racisme (systémique), Agression sexuelle, Parents toxiques, etc.[3].

Les éléments annoncés par les trigger warnings sont désignés sous le terme de « trauma triggers » ou « triggers ».

Trauma triggers

Un trauma trigger (qui signifie « déclencheur de traumatisme »), parfois désigné sous le terme de « stimulus traumatique » ou de « facteur de stress traumatique », est une expérience qui va provoquer le déclenchement d'un souvenir traumatique. Ce trigger n'a pas besoin d'être effrayant ou traumatisant et peut rappeler indirectement ou de façon superficielle un précédent évènement traumatique.

Parmi ces déclencheurs peuvent par exemple se trouver des représentations de violences physiques, psychologiques (comme des agressions sexuelles, viols, du racisme, de l'homophobie, de la transphobie…) mais aussi de troubles des conduites alimentaires, de troubles psychologiques (dépression, suicide…).

De manière générale, tout autre sujet susceptible de mettre la personne mal à l'aise jusqu'à provoquer des crises de paniques, des flashback ou des manifestations d'un syndrome post-traumatique peut être considéré comme un déclencheur. Il peut être très fin et difficiles à anticiper[4], aggravant parfois le trouble de stress post-traumatique (TSPT).

Historique

Les trigger warnings ont d'abord été publiées sur les blogs et dans les communautés en ligne, en particulier celles qui traitent du rétablissement des troubles de l'alimentation, de l'automutilation, de la violence sexuelle et, éventuellement, du féminisme et de la communauté LGBTQIA+ dans un contexte plus large[5].

Débat sur l'utilisation

Dans les médias

Dans une interview pour The Daily Telegraph à propos des triggers warnings, le professeur Metin Basoglu, psychologue reconnu pour ses recherches sur les traumatismes, a déclaré « qu'au lieu d'encourager une culture de l'évitement, [les médias] devraient encourager leur diffusion. La plupart des victimes de traumatismes évitent les situations qui leur rappellent leur expérience. L'évitement signifie l'impuissance, l'impuissance signifie la dépression. Ce n'est pas bon[6]. »

Richard J. McNally, professeur de psychologie à l'université Harvard, a écrit dans le Pacific Standard[7] que « les triggers warnings sont conçus pour aider les victimes à éviter les rappels de leur traumatisme, empêchant ainsi un inconfort émotionnel. Pourtant, l'évitement renforce le TSPT. À l'inverse, l'exposition systématique aux déclencheurs et les souvenirs qu'ils provoquent est le moyen le plus efficace de surmonter le trouble. » L'article de McNally cite plusieurs études souffrant sur le TSPT pour appuyer ces affirmations.

Cette position est bien acceptée par certains, notamment la blogueuse Genre!qui accuse les opposants d'ignorance[8].

Mymy Haegel, dans le média en ligne Madmoizelle note que le thème des trigger warnings est abordé au cinéma, comme dans Iron Man 3, ou dans Les Mondes de Ralph[9].

Pour sa part, Jay Caspienne Kang, journaliste sportif connu de Grantland, accuse ces avertissements de « réduire une œuvre littéraire aux éléments les plus laids de son intrigue[10]. »

Dans l'enseignement supérieur

Les mises en garde se sont répandues dans l’enseignement supérieur aux États-Unis autour des problématiques des agressions sexuelles sur les campus[5]. Dans ce cadre, les étudiants ont commencé à demander des trigger warnings peu après 2010. C'est ainsi qu'en 2014, le gouvernement étudiant de l'université de Californie à Santa Barbara adopte une résolution en faveur de l'utilisation des trigger warnings[5]. Selon celle-ci, les professeurs devraient avertir les étudiants de la présence d'éléments susceptibles de les heurter et leur permettre de ne pas participer à un cours[11]. Angus Johnston, professeur d'histoire à l'université de New York, estime que les trigger warnings peuvent faire partie d'une « pédagogie saine », en notant que les étudiants rencontrant des éléments potentiellement déclencheurs de traumatismes dans un cours y « viennent comme des personnes entières possédant une grande variété d'expériences [vécues], et que le chemin que nous empruntons ensemble peut parfois être douloureux. Reconnaître cela ne veut pas dire qu'ils sont dorlotés. En fait, c'est tout le contraire.[12] »

Ces politiques ont provoqué un tollé, y compris au sein des universités, où les professeurs se sentent pris au dépourvu. La litanie des trigger warnings possibles a vite été considérée comme trop politiquement correcte[5]. Certains font valoir qu'une formation universitaire n'est pas censée être une distraction qu'on peut interrompre si on ne passe pas un bon moment[5]. En 2014, l'Association américaine des professeurs d'université publie un rapport critique sur les trigger warnings dans un contexte universitaire, en déclarant que « la présomption selon laquelle les élèves doivent être protégés et non pas mis à l'épreuve dans une salle de classe est à la fois infantilisante et anti-intellectuelle[13] ».

La plus grande sensibilité aux préoccupations des étudiants en matière de santé mentale et d'égalité raciale et sexuelle s'est transformée en une menace pour la liberté académique et un débat ouvert[5], d'après Florence Waters.

Un effet néfaste

En 2021, une étude comparative basée sur 17 recherches scientifiques établit que ces avertissements ne soulagent pas la détresse émotionnelle et n'ont pas pour effet de réduire les impacts négatifs des contenus concernés. En outre, les chercheurs affirment ne pas avoir trouvé une seule étude démontrant un quelconque effet bénéfique de ce genre de pratique[3]. Plus grave encore, ils concluent que les trigger warnings ont en fait accru l'anxiété des individus victimes de PTSD, les incitant à considérer l'événement traumatique comme central à leur récit de vie : « Les trigger warnings peuvent être particulièrement nocifs pour les personnes mêmes qu'ils cherchaient à protéger[14]. »

Références

  1. Commission d'enrichissement de la langue française, « avertissement au public », sur France Terme, (consulté le )
  2. (en) « Trigger warnings: What do they do? », Ouch blog, BBC, (lire en ligne, consulté le )
  3. Chronicle 2021.
  4. Staff writer, « Post traumatic stress disorders in rape survivors », sur survive.org.uk, UK, Survive,
  5. Libby Nelson, « Why trigger warnings are really so controversial, explained », sur Vox, (consulté le )
  6. (en) Florence Waters, « Trigger warnings: more harm than good? », The Telegraph, Telegraph Media Group, (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Richard J. McNally, « Hazards ahead: the problem with trigger warnings, according to the research », Pacific Standard, Sara Miller McCune, (lire en ligne)
  8. Genre!, « Trigger warnings », sur Genre !, (consulté le )
  9. Mymy Haegel | 6 novembre 2014 | 11 commentaires, « Trigger Warnings, un outil pour mieux vivre ensemble sur Internet », sur madmoiZelle.com, (consulté le )
  10. (en) Jay Caspian Kang, « Trigger warnings and the novelists mind », The New Yorker, Condé Nast, (lire en ligne)
  11. (en) Jenny Jarvie, « Trigger happy », The New Republic, Chris Hughes, (lire en ligne)
  12. (en) Angus Johnston, « Trigger warnings: a professor explains why he's pro-trigger warnings », Slate, The Slate Group, (lire en ligne)
  13. « On Trigger Warnings », American Association of University Professors,
  14. Trigger warnings may be most harmful to the very individuals they were designed to protect. (Chronicle 2021)

Sources

  • (en) Amna Khalid et Jeffrey Aaron Snyder, « The Data Is In — Trigger Warnings Don’t Work », The Chronicle of Higher Education, (lire en ligne)
  • Judith Lewis, MD Herman, Trauma and Recovery, BasicBooks, A Division of HarperCollins Publishers, (ISBN 978-0-465-08765-5)
  • (en) Ouch blog, « Trigger warnings: What do they do? », BBC news, BBC, (lire en ligne, consulté le )
  • Diana Pozo, « Trigger warnings and the porn studies classroom », Porn Studies, Taylor and Francis, vol. 2, nos 2–3, , p. 286–289 (DOI 10.1080/23268743.2015.1054683, lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

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